AccueilDe l’intérêt général à l’utilité sociale?

Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

De l’intérêt général à l’utilité sociale?

La reconfiguration de l'action publique entre Etat, associations et participation citoyenne

*  *  *

Publié le jeudi 01 juillet 2004

Résumé

Peut-on encore parler d'"intérêt général" ? N'assiste-t-on pas à un basculement vers une notion, plus large d'"utilité sociale", notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept d’intérêt général? Peut-on voir dans cette notion l’émergence d’un nouvel espace transcendant l’opposition traditionnelle, mais de moins en moins claire, entre public et privé?

Annonce


La reconfiguration de l'action publique entre Etat, associations et participation citoyenne


Journée d’études organisée sous l'égide de l’EHESS, du LASMAS et du GREE, prévue pour le 11 janvier 2005

On s'accorde généralement sur la reconnaissance de trois éléments de définition du service public. Ces trois critères sont respectivement: organique - dirigé par une personne publique, fonctionnel - la satisfaction de l’intérêt général - et matériel existence d’un régime dérogatoire de droit public.

L’intérêt général est depuis toujours au cœur de la pensée politique et juridique française. Il apparaît comme le fondement de l’action publique dont il détermine les finalités et fonde la légitimité. Dans sa définition traditionnelle, l’intérêt général est présenté comme l’expression d’une volonté générale supérieure aux intérêts particuliers. Il revient d’ailleurs à la loi d'en donner une définition, définition qui sera la trame sur laquelle l’Etat et ses services vont édicter des normes réglementaires, prendre des décisions et gérer les services publics. De ce fait, la notion d’intérêt général est le principe régulant l’intervention des pouvoirs publics, mais aussi comme une notion de référence dans la définition d’autres notions clefs comme celles de "service public" ou de "domaine public".

La remise en cause de la notion d’"intérêt général" oriente le débat vers une approche plus pragmatique du rôle de l’Etat et des moyens à prendre pour rendre son action plus efficace et plus légitime en essayant de trouver un équilibre entre l'efficacité supposée du marché et les impératifs liés à l’intérêt général. La notion d’intérêt général, compte tenu des évolutions économiques et sociales en cours, se doit de concilier les nouvelles demandes des citoyens aux intérêts économiques et marchands actuels. Ainsi, des objectifs tels que la régularité, la qualité ou le prix des services fournis viennent compléter et renforcer les trois principes fondamentaux du service public, à savoir: l’égalité, la continuité et la mutabilité.

Peut-on alors encore parler d'"intérêt général" ? N'assiste-t-on pas à un basculement vers une notion, plus large d'"utilité sociale", notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept d’intérêt général? Peut-on voir dans cette notion l’émergence d’un nouvel espace transcendant l’opposition traditionnelle, mais de moins en moins claire, entre public et privé?

L’utilité sociale appartient en effet à ces notions équivoques qui résistent à toute tentative de définition universelle. Ce concept polémique introduit-il une nouvelle forme de régulation de l’action publique, régulation fondée sur l’impératif de délibération, n'octroyant la légitimité qu'aux seules décisions obtenues sur un consensus et non sur un accord majoritaire? Quels en sont alors les effets sur notre conception historique de l’action publique? Si depuis les premières lois de décentralisations les associations sont les partenaires privilégiés des pouvoirs publics dans certaines de leurs missions et compétences, notamment via la délégation, la visibilité de ces structures reste faible. L’une des raisons à ce manque de lisibilité de la forme associative relève de toute évidence de l'utilisation de nombreuses terminologies peu définies et de différents concepts peu théorisés pour qualifier le fait associatif. En atteste la thématique de la légitimité associative, matérialisée ces dernières années dans les débats publics en termes d’évaluation de leur utilité sociale. Surtout, la question, de la finalité de l’évaluation de l’utilité sociale des associations - c’est-à-dire comme outil de régulation, mécanisme de légitimation et/ou instrument de coordination, est marquée par de forts enjeux. La valorisation de l’utilité sociale et des externalités positives des activités associatives semble devenir une exigence pour fonder leur légitimité vis à vis de leurs partenaires (en particulier étatiques) et de l’opinion publique. Cette valorisation apparaît dans les débats publics comme un moyen complémentaire de préciser les contours du domaine d’intervention de l’économie sociale et solidaire. Quel processus d’institutionnalisation convient-il de mettre en place pour définir, reconnaître et contrôler l’utilité sociale ? De façon plus ou moins explicite, l’objectif des acteurs associatifs d’être porteurs d’autres modèles de développement économique et social dépend en partie de leur capacité à faire évoluer les représentations de l’économie au-delà des principes exclusivement marchands tout en se distinguant du secteur public.

Ces questions révèlent combien l’élaboration de critères et méthodes d’évaluation devient progressivement un élément essentiel du débat public sur l’économie sociale et solidaire. C’est pourquoi nous insisterons sur le caractère de construit social de la notion d’utilité sociale, tout comme le font de nombreux auteurs.

1. Reconfiguration du champ de l’action publique: de la tutelle de l’Etat aux partenariats avec le secteur associatif?

L'existence de fonctions spécifiques dévolues aux pouvoirs publics est au fondement de la régulation classique de l'action publique, bien au delà des simples missions régaliennes au fondement de l'Etat : s'il y a des besoins relevant de l'intérêt général, l'Etat doit y répondre en mobilisant des corps institutionnels et en les gérant. La légitimité de l’intervention étatique a intégralement reposé sur ce concept de l'"intérêt général" et sur le fait que les pouvoirs publics étaient les uniques acteurs légitimes à intervenir dans un certain nombre de champs d'activité. Or, c'est ce concept qui est remis en question par de nouveaux modes de régulation, une remise en question qui se lit sur plusieurs plans (tant en termes contextuels qu'analytiques) : infra nationaux (le développement du milieu associatif, porté par l'idée que l'Etat n'est pas nécessairement le seul acteur légitime) et supra nationaux (l'influence des modèles économiques et politiques anglo-saxons, le poids croissant des instances européennes - Commission Européenne et mondiales OCDE sur la situation nationale). Ces nouveaux modes de régulations amènent de nouveaux modes de mobilisation des acteurs publics et privés, sans nécessairement qu'il en résulte de nouveaux modèles, de nouveaux cadres fixes et normés, l'hétérogénéité étant le plus souvent de mise.

L’appareil étatique semble peiner face à certaines de ses "responsabilités" et compétences institutionnelles. Il existerait, en substance, une inadéquation entre les attentes demandes des "gouvernés" et les réponses des "gouvernants", inadéquation qui donnerait sens au déclin de l'institution politique en général. Simultanément à ce "déclin" de l'Etat se développe l’idée du bien fondé de la défense de libertés individuelles qui, par définition, ne seraient pas extensibles à l’ensemble des citoyens, et segmenteraient l'espace public dans l'espace et le temps. Cette évolution plaide en faveur d'une reconfiguration de l’espace politique où la "société civile" même si le concept reste volontiers mobilisé dans le flou prendrait de plus en plus de place et gagnerait en activités ce que l'Etat lui concéderait de ses champs légitimes d'action ainsi que les champs nouveaux, reconnus d'"utilité sociale".

Conjuguée à la perte des repères liés à ce qui a longtemps été considéré comme les principaux intégrateurs (famille, emploi), la volonté d’affirmer des libertés individualisées et d’assumer les responsabilités jusque là laissées aux mains des seules institutions publiques donnerait sens à l’émergence d’une figure de l’association médiatrice et socialisatrice. Une association supposée naître de la libre volonté des individus citoyens de se regrouper selon leurs affinités et de s’affirmer dans une multiplicité de nouveaux collectifs comme acteurs au sein de la société. Pourtant, le transfert de compétences de la sphère publique à la sphère privé reste avant tout la conséquence organique des lois comme les lois sur la décentralisation , qui ont favorisé le développement de relations contractuelles entre associations et pouvoirs publics sous la forme de partenariats et de conventions d’objectifs. L'Etat ne disparaît pas des champs concernés puisque c'est lui qui organise et encadre les organisations constituées en leur assignant un cadre juridique, en arbitrant et en définissant le champ de leur légitimité d'exercice.
En quoi cette transformation des doctrines et des institutions politiques influe-t-elle sur la régulation de l'action publique ? Quels en sont les acteurs institutionnels publics et privés ? Quels rôles l'Etat et la "société civile" ont-ils dans les nouvelles configurations ? Comment se joue la répartition ? Aussi, peut-on se demander si les mesures prises dans le cadre de la décentralisation, des politiques de la ville, d’insertion et de lutte contre les exclusions ne préfigurent pas de "nouveaux" acteurs et de "nouvelles" règles du jeu de l’action publique? N'est on pas, en somme, en train d'assister à un glissement de compétences de l'Etat vers le tissu associatif (avant le secteur marchand)? Doit-on alors parler d'une "disparition" de l'intérêt général au profit de la seule utilité sociale? Ce mouvement est-il seulement nouveau, récent ? Quels sont les nouveaux instruments juridiques de contractualisation entre pouvoirs publics et associations?

· 2. Reconfiguration des formes de participation des acteurs: Du fonctionnaire au travailleur associatif?

Mots-clés: association, service public, modes de financement, rapports privé-public, économie plurielle, tiers secteur, économie sociale et solidaire, action publique, acteurs publics, régulation publique, coordination…

D’après les estimations les plus récentes, le secteur associatif emploierait 1 650 000 salariés, soit 5% de l’emploi salarié total en France, ce qui représenterait approximativement 145 000 associations employeurs. Selon ces sources, il y aurait donc davantage de salariés employés dans une association que de personnels de la Fonction publique territoriale (sans compter que souvent l’un recoupe l’autre). Cette fonction employeur des associations est désormais régulièrement soulignée et étudiée dans de nombreuses publications qu’elles soient académiques ou issues d’appels à projets soutenus par les pouvoirs publics. A ce titre, on ne peut plus dire que le développement de l’emploi associatif est un phénomène conjoncturel soumis aux aléas de telle ou telle politique, mais relève bel et bien d’un processus continu qui modifie profondément les fondements de la relation de travail: le lien social, dans des associations employant du personnel salarié converties dès lors en véritables «entreprises associatives» prend une forme composite qui oscille perpétuellement entre le don et le contrat. Ce constat élaboré à partir de données statistiques n’est d’ailleurs pas sans évoquer les entretiens menés auprès de bénévoles Nord-américains par Maud SIMONET-CUSSET qui révèlent une ambivalence sémantique dans l’usage des termes "work" (renvoyant à l’expression de "volunteer work") et "labor" (renvoyant plutôt à la notion d’emploi salarié).
La multiplication des dispositifs d’emplois aidés (Contrat emploi solidarité, Contrat Initiative emploi, Adulte relais, Contrat emploi jeune, contrat d’insertion dans la vie sociale…etc) conjuguée à l’invention de statuts intermédiaires entre le bénévolat et le salariat (contrat de volontariat) ainsi qu’à la légalisation de la rémunération des administrateurs d’association contribuent à rendre équivoque des formes de participation collective jadis irréductibles. Médiateurs, animateurs, éducateurs sportifs ou agents de développement local incarnent ainsi un mode hybride de «professionnalisation», souvent hors de toute carrière organisée et de toute spécialisation sanctionnée par l’acquisition d’un titre, dans lequel s’entremêlent engagement personnel et éthique professionnelle. Que leur activité soit d’initier des publics à la connaissance des œuvres d’art, d’accompagner les habitants d’un quartier populaire dans leurs démarches administratives ou de contribuer au développement économique local par l’aide à la création d’entreprise, tous ces acteurs entendent participer à la production de services d’utilité sociale. Faut-il voir dans ce processus les symptômes d’une fin des fonctionnaires ou d’une fin du fonctionnariat?
On s’intéressera donc à ces cas hybrides où des salariés de droit privé entendent contribuer à l’action publique en revendiquant une fonction d’«utilité sociale» sans pour autant disposer des protections dérivées de l’appartenance à un corps professionnel de la fonction publique. On cherchera donc, à partir de données d’enquêtes réalisées auprès de ces acteurs, à circonscrire les formes de leur intégration professionnelle, à définir les stratégies élaborées pour faire reconnaître leur travail comme une profession légitime et affirmer leur identité professionnelle ou encore à explorer leurs trajectoires sur le marché du travail. L’explosion de ces formes composites d’activité, oscillant entre le travail personnel et l’emploi salarié, pose problème: Faut-il voir le signe patent d’un effritement de la société salariale source de précarité chronique ou au contraire l’amorce d’une société par projets, fondée sur l’accès de tous à la mobilité professionnelle,conformément au modèle du travail artistique?

· Mots-clés: activité, travail, emploi, bénévolat, dispositifs d’emploi aidé, profession, carrière, marché du travail, éthique professionnelle, légitimité professionnelle, identité professionnelle

Il est obligatoire de s'inscrire au préalable pour participer à cette journée d'études ; le bulletin d'inscription est disponible au téléchargement au lien indiqué.

Catégories

Lieux

  • Paris, France

Dates

  • mardi 11 janvier 2005

Contacts

  • Aurélie Peyrin
    courriel : aurelie [dot] peyrin [at] univ-amu [dot] fr
  • Hélène Trouvé
    courriel : helene [dot] trouve [at] cnav [dot] fr
  • Xavier ENGELS
    courriel : xavier [dot] engels [at] agencerecherche [dot] fr
  • Matthieu Hély
    courriel : matthieu [dot] hely [at] u-paris10 [dot] fr

Source de l'information

  • HELY #
    courriel : hely [at] iresco [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« De l’intérêt général à l’utilité sociale? », Journée d'étude, Calenda, Publié le jeudi 01 juillet 2004, https://doi.org/10.58079/97q

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search