AccueilLe canton dans la France contemporaine : nature, structure, fonctions, avenir

Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

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Publié le mardi 26 octobre 2004

Résumé

L’étude des espaces territoriaux, de leur nature, histoire, constitution, dynamique, déclin et disparition a déjà fait l’objet de quelques interrogations mais comme l’écrit l’offre d’ACI « Espaces et territoires » lancée par le ministère de la Recherche en 2004, « Les sciences humaines et sociales ont longtemps davantage considéré l’espace comme un arrière-plan ou une étendue-support des activités humaines que comme une composante multidimensionnelle de la société. ».

Annonce

L’étude des espaces territoriaux, de leur nature, histoire, constitution, dynamique, déclin et disparition a déjà fait l’objet de quelques interrogations mais comme l’écrit l’offre d’ACI « Espaces et territoires » lancée par le ministère de la Recherche en 2004, « Les sciences humaines et sociales ont longtemps davantage considéré l’espace comme un arrière-plan ou une étendue-support des activités humaines que comme une composante multidimensionnelle de la société. ». La même offre évoque « le désenclavement sans précédent de la planète par l’intensification de la circulation des hommes, des objets, des idées et des cultures ; le bouleversement des territoires par l’urbanisation généralisée, l’ouverture des frontières et l’explosion des réseaux de toutes sortes ; la remise en cause de l’État-nation, à la fois par le bas (décentralisation, régionalisme, gouvernement urbain) et par le haut (construction européenne, mondialisation) ; la complexification des identités individuelles et collectives, devenues à la fois plurielles et mobiles ».

Ces interrogations nous semblent fort pertinentes et nous voudrions tenter d’appliquer des questions de ce type à un espace défini de manière institutionnelle, créé par le grand remodelage né de la Révolution française, subsistant encore aujourd'hui, le canton. Espace et territoire qui n’a pas fait l’objet de beaucoup de curiosité, voire lui-même objet de quelque mépris, coincé entre la commune et ses maires et le département et ses préfets, dépourvu d’administration propre, et pourtant siège d’activités multiples, importantes, clairement identifiées, et liées à lui de manière organique, ce territoire à l’échelle humaine mérite qu’on se penche sur lui en envisageant tant son histoire dans la longue durée que sa situation présente et son avenir potentiel.

Nous souhaiterions explorer, au minimum, les champs suivants :

1°) Comment est né le canton ? Lors du Big Bang révolutionnaire, lorsque le découpage territorial de l’Ancien Régime est rayé d’un trait de plume et qu’on lui substitue la pyramide qui a en bonne partie perduré, pourquoi n’a-t-on pas privilégié un espace de bonnes dimensions et l’a-t-on sacrifié au profit de 38 000 communes parfois minuscules ? Cette décision a dû être regrettée puisque le Directoire a tenté de réviser cette position par la mise en place des municipalités de canton. Tentative très brève et avortée. Là encore, pourquoi ?

2°) Le canton étant désormais (à partir de 1800) ce qu’il est resté, pourquoi n’a-t-on jamais envisagé sérieusement de lui donner une administration propre au cours de ces deux siècles ? Et pourtant, il a été le siège de multiples autorités et fonctions qui s’exerçaient dans son cadre :

– Les brigades de gendarmerie. Correspondent-elles à certains moments exactement au découpage cantonal et si oui à quelle(s) époque(s) ? L’activité de la gendarmerie d’avant 1939 est-elle justement parfaitement adaptée à la dimension d’un tel territoire ? Et ensuite, et aujourd'hui, cette implantation est-elle dépassée ?

– Les justices de paix. Le juge de paix exerce dans le canton une autorité due à ses fonctions judiciaires, mais aussi au rôle politique majeur qu’il joue implicitement voire explicitement. On sait à quel point sa nomination, sa surveillance, sa révocation sont un enjeu lors des grandes épurations qui scandent le XIXe siècle. Le juge et ses suppléants, magistrats non professionnels, définissent-ils, et comment, un espace de pouvoir bien identifiable ?

– Et encore : que peut-on dire du délégué cantonal chargé de la surveillance des écoles, du curé-doyen, des multiples fonctionnaires exerçant leur mission dans le cadre cantonal, percepteurs, agents de l’enregistrement (y a-t-il coïncidence des bureaux et des cantons ?), postiers, agents voyers, etc. Le territoire cantonal a-t-il pour eux une existence autre que purement formelle ? Autrement dit : le découpage administratif napoléonien a-t-il créé ex nihilo un territoire dont l’échelle s’est ensuite révélée pertinente pour le fonctionnement d’une société spécifique, d’un « modèle français » ?

– L’armée est certainement une des administrations dont les liens avec le canton sont très évidents : tirage au sort, conseils de révision s’exercent dans un espace bien défini ici. Cela détermine-t-il une dynamique propre identifiable par les citoyens, futurs et anciens soldats ?

– Grâce justement aux conseils de révision, le canton doit bien constituer un élément essentiel pour le préfet pour connaître son département. Les tournées de révision du représentant de l’État dans le département sont des tournées cantonales. Le canton joue-t-il un rôle explicite ou implicite dans la représentation qu’il se fait de son département ?

3°) Le rôle politique du canton semble bien avoir été majeur. Il est bien sûr le lieu d’élection du conseiller général, membre de l’assemblée départementale délibérante, mais aussi notable local caractérisé, parfois parlementaire, ou candidat à ces fonctions, interface entre ses électeurs et l’administration préfectorale mais aussi la justice, l’armée, les finances, mais encore agent de surveillance des opinions politiques locales, surtout sous la Troisième République et peut-être avant, « honorable correspondant » du préfet et du sous-préfet, filtre indispensable pour apprécier les nouveaux candidats aux fonctions électives. Dans une France majoritairement rurale jusque dans les années 30, ce rôle semble adapté à la dimension précise du canton. Il faut le vérifier. On pourrait d’ailleurs étendre ces interrogations au conseil d’arrondissement, lieu de débats politiques locaux presque aussi vifs, de Napoléon III à Daladier.

Mais peut-on aussi voir dans le canton un élément dynamique de constitution des majorités lors des élections législatives ou autres, un territoire à organiser pour une bonne campagne, une propagande efficace ?

4°) Un canton regroupe quelques communes, au plus une dizaine. Dans cet ensemble, le chef-lieu de canton possède-t-il un statut particulier ? Les gouvernements semblent l’avoir pensé parfois puisque par exemple, quel que soit l’effectif de sa population, le chef-lieu a souvent accompagné les villes plus importantes quant au mode de désignation de son maire (exemple de la loi de 1876). Plus généralement, le chef-lieu est-il différent des autres bourgs, sa population, la composition socio-économique de celle-ci, la diversité des fonctions, l’habitat définissent-ils un espace particulier tranchant sur le « rural profond » ? Le chef-lieu a été à différentes époques le lieu exclusif de certaines élections (1848), du tirage au sort, du certificat d’études primaires, etc. Comment le voyaient les autres communes, leurs maires en particulier ?

Plus globalement, n’y a-t-il pas eu institutionnalisation, de par l’existence du canton et de son chef-lieu, d’un réseau « urbain » diffus (avec des « villes » modestes) mais bien réel, création d’un ensemble structuré de communes qui ne sont ni purement rurales, ni des « petites villes de province » de type sous-préfecture, réseau aujourd'hui encore aisément repérable, deux siècles après sa création, souvent par la présence d’un collège, d’un bureau de poste non menacé, d’une perception ou d’une recette des impôts, de divers commerces allant du supermarché au garage et à la librairie, absents des communes proprement rurales, réseau qui pourrait être caractéristique du paysage national ?

5°) Dans une France où les communications ont longtemps été assez lentes, l’espace cantonal est-il taillé à la « bonne » échelle ? Que dire de ses routes, de ses chemins ? La population cantonale forme-t-elle une unité dynamique ? Se marie-t-on dans le canton plus qu’avec des personnes de cantons différents, c'est-à-dire l’endogamie est-elle cantonale plus que communale ? Les déplacements de personnes dans le canton, quotidiens ou non, ont-ils une existence propre ? On notera que tout ce que l’on a dit jusqu'ici s’applique d’abord au canton rural. Mais les cantons urbains ont-ils eu à certaines époques une réalité aussi marquée ou sont-ils demeurés ad perpetuum de simples circonscriptions électorales ?

6°) Quel est le discours juridique, administratif et politique sur le canton ? En existe-t-il un ? Dans le très vieux et très récurrent débat sur la décentralisation, joue-t-il un rôle ? Ce discours évolue-t-il en deux siècles ?

7°) Quel est l’état actuel du canton, quel est son avenir ? En a-t-il seulement un ? A l’heure de l’Europe et des régions, son avenir est-il lié au maintien du département, lui-même contesté ? Même dans le cadre du département, ne peut-on élire autrement les conseillers généraux ? Est-il appelé à disparaître devant la montée des « pays » de nature jugée plus historique ou plus organique ? Peut-il jouer un rôle dans l’aménagement du territoire ou dans l’évolution de la nature des communes en France ?

8°) L’espace cantonal a-t-il des équivalents hors de France ? En Belgique, en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne, ou est-ce bien une spécificité française ?

Nous voudrions poser ces questions à des intervenants qui pourront être des historiens de la période contemporaine, comme les organisateurs, mais aussi des géographes, des sociologues, des juristes (spécialistes de l’histoire du droit administratif ou du droit administratif tout court), des politistes, des aménageurs, des acteurs (maires, conseillers généraux, autres élus locaux, fonctionnaires, etc.), sans privilégier aucune période mais en ouvrant le débat à l’ensemble de l’époque 1789-2005.

Les réponses sont attendues pour le 31 janvier 2005 dernier délai sous la forme d’une proposition d’une page comportant quelques éléments d’identification de l’auteur (nom, fonctions, institutions de rattachement, éventuellement publications).

R.S.V.P. SOIT par courrier papier sous le timbre « M. J.F. Tanguy, colloque « Le canton », Département d’histoire, Université de Haute-Bretagne Rennes 2, Place du Recteur Henri Le Moal, CS 24 307, 35043 Rennes cedex,

SOIT directement par courriel : jftanguy@wanadoo.fr

Le colloque est organisé avec l’aide du CRHISCO, dans les locaux de l’université de Rennes 2 Haute-Bretagne. Il est envisagé pour les 21, 22, 23 septembre 2006[1]. Les actes seront publiés.

Comité d’organisation : J.F. Tanguy, maître de conférences d’histoire contemporaine, Université de Rennes 2 Haute-Bretagne, CRHISCO (Centre de Recherches Historiques sur les Cultures de l’Ouest – FRE CNRS 2786). Yann Lagadec (docteur en histoire, PRAG, Université de Rennes 2), Jean Le Bihan (doctorant, ATER, Université de Rennes 2).

Comité scientifique : Serge Bianchi (professeur d’histoire moderne, Rennes 2) – Guy Baudelle.(professeur de géographie, Rennes 2) – Jean-Claude Farcy (CNRS, Dijon) – Jean-Paul Jourdan (professeur d’histoire contemporaine, Bordeaux 3) – Jean-Noël Luc (professeur d’histoire contemporaine, Paris IV) – Jacques-Guy Petit (professeur d’histoire contemporaine, Angers) – Jacqueline Sainclivier (professeure d’histoire contemporaine, Rennes 2).



[1] Initialement prévu en 2005, des considérations techniques nous amènent à le repousser.

Catégories

Lieux

  • Rennes, France

Dates

  • lundi 31 janvier 2005

Contacts

  • Jean-François TANGUY
    courriel : jftanguy [at] wanadoo [dot] fr

Source de l'information

  • Jean-François TANGUY
    courriel : jftanguy [at] wanadoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le canton dans la France contemporaine : nature, structure, fonctions, avenir », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 26 octobre 2004, https://doi.org/10.58079/9f0

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