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Exil et relégation

Les tribulations du sage et du saint dans l’Antiquité romaine et chrétienne (IIe avt-VIe s. ap. J.-C.)

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Publié le mardi 01 mars 2005

Résumé

L’exil et ses différentes modalités occupent une place considérable dans l’arsenal des peines prévues par l’Etat romain païen puis chrétien. Destiné à contraindre le ou les condamnés à demeurer dans des lieux étranges, étrangers et hostiles, il repose sur une représentation géographique implicite qui entretient avec la prétention impériale à gouverner la terre habitée un rapport suggestif. En outre, le déracinement infligé motive de la part d’exilés célèbres le souci de témoigner, en raison même de leur expérience de privation vécue au nom de la sagesse ou de la foi. Ainsi l’exil contribue-t-il à préciser les aspirations à penser l’universel durant l’époque ancienne et nous convie-t-il en retour à interroger nos conceptions modernes d’un tel enjeu.

Annonce

Exil et relégation, les tribulations du sage et du saint dans l’Antiquité romaine et chrétienne (IIe avt-VIe s. ap. J.-C.)

Colloque organisé par le Centre Jean-Charles Picard. Groupe de recherches sur le christianisme et son environnement dans l’Antiquité et le Haut-Moyen Âge
les 17 et 18 juin 2005
Université de Paris XII Val-de-Marne

Présentation

L’exil et ses différentes modalités occupent une place considérable dans l’arsenal des peines prévues par l’Etat romain païen puis chrétien. Destiné à contraindre le ou les condamnés à demeurer dans des lieux étranges, étrangers et hostiles, il repose sur une représentation géographique implicite qui entretient avec la prétention impériale à gouverner la terre habitée un rapport suggestif. En outre, le déracinement infligé motive de la part d’exilés célèbres le souci de témoigner, en raison même de leur expérience de privation vécue au nom de la sagesse ou de la foi. Ainsi l’exil contribue-t-il à préciser les aspirations à penser l’universel durant l’époque ancienne et nous convie-t-il en retour à interroger nos conceptions modernes d’un tel enjeu.

I) Enjeux de la question

Le plus souvent abordé en fonction d’une approche formelle, littéraire ou encore biographique, l’exil, défini de façon générique comme une peine effective de bannissement ou d’internement à l’époque considérée, révèle, à l’échelle de l’Empire, la dynamique d’importants enjeux spatiaux, sociologiques, idéologiques, médiologiques et anthropologiques. Un tel constat invite à renouveler l’étude d’un phénomène étonnamment instructif, puisque il permet de cerner la façon dont un État qui prétend à l’universel signifie ses limites territoriales et humaines. Mais il motive aussi, de la part du condamné, lorsque celui-ci appartient à l’élite intellectuelle, spirituelle ou ecclésiastique, la formation d’une pensée originale capable de mobiliser des groupes sociaux importants en vue de la résistance. Mieux, en fonction même du sort de l’exclu, parfois réhabilité post mortem, se manifeste progressivement la puissance de convictions qui associent bientôt la communication du sacré et le contact avec le corps transporté de celui qui a souffert. Ainsi l’exil participe-t-il d’une production sémiotique décisive : celle du transfert rendu possible de la charge sacrale de restes humains, selon un ordre cérémoniel qui requalifie le ou les centres depuis la périphérie.

II) Thèmes de recherches plus volontiers étudiés

1. L’espace répulsif : géographie de l'exil :

Une typologie de la procédure et des sanctions (relegatio et deportatio, parfois bien difficile à déterminer exactement), du crimen qui en est la cause (maiestas, hérésie) et des lieux d'exil (localisation et propriété), à la fois descriptive et juridique, constitue le point de départ nécessaire de l'enquête. Entre les débuts de l’Empire et la fin de l'Antiquité tardive, on observe en effet un mouvement progressif d'éloignement des exilés qui, autrefois envoyés dans des citées fédérées situées aux portes mêmes de Rome, sont expédiés désormais dans les provinces puis aux limites extrêmes du monde contrôlé. Certains espaces paraissent ainsi particulièrement susceptibles de devenir des lieux d'exil : îles, oasis, postes de frontière, zones insalubres. Pour rejoindre la ville ou la zone assignée, le condamné, souvent sous étroite surveillance, doit accomplir un voyage de plus en plus périlleux, dont il n'est pas certain de voir le terme. Le trajet de l'exil, le long des routes terrestres et maritimes est par conséquent soigneusement tracé pour assurer une arrivée à destination – ou une disparition – dans les meilleurs délais, de façon à ne pas encourir l'ire redoublée du pouvoir. Cela n'empêche pas que parfois le condamné parvienne à se soustraire à son escorte, ou encore que le proscrit se retrouve, à intervalles réguliers, en terre de connaissance, auprès de fidèles ou dans des propriétés foncières familiales. Ce processus d'éloignement traverse également l'histoire personnelle de certains exilés, relégués dans un premier temps en un endroit, puis jugés trop actifs et contraints à plus d’isolement encore. Ainsi les peines infligées à Jean Chrysostome pour le reléguer de Cucuse à Pityonte démontrent-elles la volonté de le priver irrémédiablement de ses soutiens constantinopolitains et antiochiens.

2. L'espace vécu, l'espace représenté, l’espace inversé

Sur le lieu de son exil, le condamné paraît avoir été soumis à des degrés de contrainte variables selon la nature de la condamnation ou les aménagements de la peine obtenus. Dans le cas d’un bannissement, il peut disposer de la faculté de se déplacer librement dans tous les territoires dont l'accès ne lui a pas été interdit. En revanche, si un domicile lui est assigné, ainsi d’un sanctuaire où il est soumis au strict contrôle de hiérarques appartenant à l’Église officielle, s’il se trouve dans un environnement parfois hostile, sous la menace des populations locales, il affronte des conditions souvent très rigoureuses.

Dès lors, privé d'une part au moins de sa liberté, le condamné n'a d'autre solution que de s'approprier à la fois son nouvel état et l'endroit où on l'a repoussé. On assiste donc à la construction et à l’adaptation d'une certaine figure de l'exilé, dont le comportement reproduit celui, exemplaire, des grands hommes ou des confesseurs victimes de la même injustice. A la privation de liberté s'oppose la liberté de parole. Le lieu d'exil se transforme alors en lieu poétique, philosophique ou théologique où, par la pratique de l'écriture, voire des sacrements, s'élabore une « inversion des signes » : la périphérie redevient centre, le lieu de la mort pressentie celui où gagner l'immortalité ou la sainteté. En outre par une stratégie élaborée de communication qui repose sur des échanges épistolaires, sur le développement d'une oeuvre apologétique et polémique, ou encore sur des visites faites à l'exilé, on aboutit parfois à la consolidation de groupes capables de se constituer en contre-communautés mettant en péril la cohésion sociétale de l’Empire.

3. L’espace réordonné et enrichi : retour de l'exilé.

Les transformations des rapports de force politique – ne serait-ce que par la succession à l’Empire – ou religieux – que l’on pense aux revirements durant les crises arienne ou monophysite – peuvent susciter la réintégration d'exilés. Par la décision – nécessaire - du nouveau souverain, le condamné vivant peut retrouver la liberté entière de ses mouvements, tandis que bientôt le trépassé fait l’objet de mesure de restitution à sa communauté. Or, ce retour implique l’organisation, en sens inverse, mais le plus souvent en fonction d’étapes distinctes, d'un nouveau voyage, et suscite également la mise en scène un cérémonial d'accueil voire d’un véritable adventus ou la réinterprétation officielle des événements, ainsi que la restauration du condamné dans son premier état – en fonction de procédures juridiques et ecclésiologiques parfois complexes. Cette situation est également susceptible de susciter de nouveaux conflits d’intérêts avec le personnel politique ou religieux installé entre temps. Surtout elle engage à une revendication identitaire en vue de refonder la sacralité de l’espace ainsi que du temps communautaires (avec la réintroduction du nom des exilés dans les diptyques par exemple), au point de renforcer la constitution « d’un sens religieux commun ».

Catégories

Lieux

  • Créteil, France

Dates

  • vendredi 17 juin 2005

Contacts

  • centre Jean Charles Picard
    courriel : colloqueexil [at] free [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • centre Jean Charles Picard
    courriel : colloqueexil [at] free [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Exil et relégation », Colloque, Calenda, Publié le mardi 01 mars 2005, https://doi.org/10.58079/9nz

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