Accueil Idéologie et stratégies argumentatives dans les récits imprimés de grande consommation. XIXe - XXe siècle

Accueil Idéologie et stratégies argumentatives dans les récits imprimés de grande consommation. XIXe - XXe siècle

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Publié le mardi 08 mars 2005

Résumé

Cycle de rencontres internationales organisé par le centre de recherches sur les Littératures pouplaires et les Cultures Médiatiques de Limoges.

Annonce

Depuis la querelle fondatrice du roman-feuilleton dans les années 1840 et tout au long de l’expansion de la culture médiatique, la gratuité insane des récits dédiés au divertissement du grand public a constamment été dénoncée par les élites de tous bords. Stigmatisés comme « poison pour les âmes » ou « opium du peuple », détournant tour à tour du salut, de la conscience civique ou de la conscience de classe, les romans populaires, les publications sérielles « de hall de gare », les périodiques jouant du sensationnel, les romans-photos, les digestes, les comics… , ont été durablement suspectés d’imposer subrepticement un prêt à penser / prêt à rêver. Les récit imprimés de grande consommation, qu’ils soient explicitement fictionnels ou s’inscrivent dans un entre-deux problématique entre fabulation et référentialité documentaire ­– comme le fait divers, le reportage, ou le discours d’information scénarisé – ont pu dès lors être désignés, et parfois étudiés, comme un instrument de dressage culturel, au service d’une domination idéologique dont les « industries culturelles » constitueraient des vecteurs aussi efficaces qu’aimables. Puisqu’ils recyclent le « discours social » et ipso facto le confortent et l’enrichissent, les récits de grande diffusion ont pu donc être crédités d’une indéniable dimension argumentative, qui imprégnerait les imaginaires individuels et modèlerait l’imaginaire collectif en enserrant le lecteur dans les rets de la sérialité doxique et des stéréotypes. Des travaux divers permettent d’étayer cette analyse, sur le récit sentimental (Michèle Coquillat, Anne-Marie Dardigna), sur le roman d’espionnage (Erik Neveu, Paul Bleton), sur les comics (Umberto Eco sur Superman), sur les récits de crime à la Belle Epoque (Dominique Kalifa), ou encore sur les grands récits médiatiques contemporains tels que les analyse l’Observatoire du Récit Médiatique de Louvain.

Prenant acte de ce potentiel argumentatif, divers réseaux militants ont par ailleurs de longue date tenté de mobiliser le pouvoir captateur et la force persuasive du récit pour les mettre au service de leurs entreprise d’éducation populaire et/ou de leurs stratégies d’édification : dès le cœur du XIXème siècle, les catholiques ont ainsi engagé une contre-offensive résolue contre la « littérature industrielle » en lui opposant des fictions bien-pensantes visant un large public fraîchement alphabétisé, tandis que Hetzel diffusait la bonne nouvelle progressiste et scientiste dans son Magasin d’éducation et de récréation. Comme l’a montré Jean-Claude Vareille, l’école de la Troisième République, pour construire l’unité nationale et former le citoyen, a également eu recours dans ses manuels – que l’on songe au Tour de la France par deux enfants –, à des ressorts romanesques et à des dispositifs rhétoriques comparables à ceux du roman populaire de l’époque. Si l’on peut porter aujourd’hui sur ces textes prescriptifs et normatifs un regard critique et/ou ironique, leur floraison n’en témoigne pas moins des homologies entre l’idéal-type du récit exemplaire – tel qu’a pu le théoriser Susan Suleiman – et le modèle poétique paralittéraire – proposé naguère par Daniel Couégnas : redondance, pansémie, primat accordé aux fonctions phatique et conative, axiologie dualiste et univoque, propension à la stylisation des personnages et à la stéréotypie…[1]

En bref, beaucoup d’indices concordent pour attester que les récits imprimés de grande consommation, qu’ils relèvent apparemment du seul paradigme de la lecture de loisir et de détente/évasion ou qu’ils affichent plus ou moins ouvertement leur visée didactique, intègrent à leur économie narrative une forte dimension argumentative, qui mérite d’être étudiée de manière approfondie.

Le centre de recherches sur les Littératures populaires et les Cultures Médiatiques de Limoges, partie prenante de l’EA 1087 « Espaces humains et interactions culturelles », se propose en conséquence d’organiser autour de ce chantier un cycle de rencontres internationales en 2006-2007.

L’objectif de ces trois temps de travail collectif, qui se tiendront en f évrier (2 et 3 février 2006) et novembre 2006 (17-18 ou 24-25 novembre) puis octobre 2007, est d’étudier de manière pluridisciplinaire la visée idéologique et la dimension argumentative des récits imprimés de grande consommation caractéristiques de la culture médiatique moderne et contemporaine.

Sans exclure d’autres perspectives, on pourra en particulier explorer

– les modalités énonciatives, rhétoriques et pragmatiques et les « paliers » (Ruth Amossy) de ce dire narratif-argumentatif.

– la propension de certains genres ou sous-genres à porter l’accent sur cette dimension argumentative

– l’activation de cette même dimension par certains contextes socio-historiques (Construction conflictuelle de la démocratie moderne au XIXe ; expansion coloniale et désillusions post-coloniales ; Guerre froide ; processus de mondialisation …)

– la façon dont ces manipulations idéologiques de l'écrit ont pu donner lieu, aux différentes périodes évoquées, à critique et polémique.

– la déclinaison différente de cette composante argumentative du récit selon la médiativité du support (fascicule, périodique, livre …), textuel ou icono-textuel.

– les modulations de l’argumentation, directe ou « oblique » , induites par la circulation transmédiatique des récits ( même si par nécessité pragmatique, pour ne pas trop embrasser, l’investigation restera centrée sur les récits imprimés).

– les phénomènes de captation, détournement, « récupération », à d’autres fins idéologiques ou esthétiques (et donc argumentatives) des productions populaires et médiatiques.

– les grandes scansions du processus culturel de longue haleine qui semble pousser la littérature moderne à occulter progressivement la part délibérative et persuasive de son discours au profit d’une narration généralisée du monde.

– La manière dont les lecteurs-récepteurs appréhendent cette dimension argumentative et s’y ajustent, entre consentement et sécession.

On pourra qui plus est s’interroger sur la manière dont les cadres culturels et les présupposés de la réception actuelle (donc moins facilement discernables) interfèrent avec le déchiffrement des stratégies d’une époque plus lointaine.

Littéraires, historiens, linguistes, politistes, sociologues, spécialistes des médias et de la communication … tous les chercheurs sans exclusives sont conviés à participer à ce projet.

Ayant mesuré les limites de la « forme-colloque », l’équipe du CRLPCM souhaite en effet expérimenter une autre formule de travail. Chaque rencontre se déroulera à Limoges sur trois demi-journées, qui seront organisées autour de quelques interventions de chercheurs invités pour leur compétence reconnue. Ces contributions, qui donneront lieu à des discussions collectives approfondies, seront délibérément peu nombreuses ( entre 6 et 8 à chaque rencontre du cycle).

Chaque rencontre fera l’objet d’un compte-rendu récapitulatif et prospectif, qui sera acheminé par liste de diffusion à tous les chercheurs, présents ou non à Limoges, qui se déclareront intéressés par l’entreprise. Par le même moyen d’une liste de diffusion gérée par le CRLPCM, des textes pourront aussi circuler tout au long du cycle, préparant ainsi les futurs débats de visu ou prolongeant les échanges précédents.

Un volume de la collection Médiatextes des Pulim a vocation à recueillir certaines de ces contributions, en privilégiant la concision et la cohésion de l’ouvrage. Tous les autres textes produits (exposés, comptes-rendus, éléments de discussion …) sont susceptibles d’être publiés par la revue électronique à arbitrage scientifique Belphégor, soutenue par la Coordination internationale des chercheurs en littératures populaires et culture médiatique.

Equipe organisatrice du Centre de recherches sur les Littératures Populaires et les Cultures Médiatiques : Jacques Migozzi, Myriam Boucharenc, Ellen Constans, Loïc Artiaga, Natacha Levet, Marc Guillaumie.

Pour tous renseignements et inscriptions sur la liste de diffusion :

jacques.migozzi@unilim.fr

loic.artiaga@unilim.fr

ou

Jacques Migozzi, Faculté des Lettres et Sciences humaines, 39 E Rue Camille Guérin , 87 036 Limoges Cedex



[1] Références des ouvrages cités supra entre parenthèses :

Paul BLETON, Les Anges de Machiavel. Essai sur le roman d’espionnage, Québec : Nuit Blanche Éditeur, Collection Études paralittéraires, 1994.

Anne-Marie DARDIGNA, Les Châteaux d’Eros ou les infortunes du sexe des femmes, Paris : Maspero, 1980

Daniel COUEGNAS, Introduction à la Paralittérature, Paris : Seuil, Poétique, 1992.

Michelle COQUILLAT, Romans d’amour, Paris : Editions Odile Jacob, 1988.

Umberto ECO, De Superman au Surhomme, Paris : Grasset, 1993.

Dominique KALIFA, L'Encre et le Sang - Récits de crimes et société à la Belle Epoque, Fayard, 1995.

Érik NEVEU, L’Idéologie dans le roman d’espionnage, Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences de l’Homme, 1985.

Susan SULEIMAN, « Le récit exemplaire », Poétique n° 32, Paris : Seuil, novembre 1977.

Jean-Claude VAREILLE, « Pédagogie, éthique et rhétorique », Tapis-Franc - Revue du roman populaire, n° 4, automne 1991.

Catégories

Lieux

  • Limoges, France

Dates

  • mardi 28 février 2006

Contacts

  • Loïc Artiaga
    courriel : loic [dot] artiaga [at] unilim [dot] fr
  • Jacques Migozzi
    courriel : jacques [dot] migozzi [at] unilim [dot] fr

Source de l'information

  • Loïc Artiaga
    courriel : loic [dot] artiaga [at] unilim [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Idéologie et stratégies argumentatives dans les récits imprimés de grande consommation. XIXe - XXe siècle », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 08 mars 2005, https://doi.org/10.58079/9or

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