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Identifier, s'identifier. Faire avec, faire contre

Colloque international organisé par le CRAPUL

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Publié le mardi 24 janvier 2006

Résumé

Annonce

Colloque international «Identifier, s’identifier. Faire avec, faire contre»


30 novembre – 1er décembre 2006, Université de Lausanne

Organisation : Colloque international organisé par le CRAPUL (Centre de recherche sur l’action politique de l’Université de Lausanne)
Responsables scientifiques : Muriel Surdez (DSS – Département des sciences de la société, Université de Fribourg / CRAPUL), Michael Voegtli (IEPI – Institut d’études politiques et internationales, Université de Lausanne / CRAPUL) et Bernard Voutat (IEPI – Institut d’études politiques et internationales, Université de Lausanne / CRAPUL).

Appel à communiquer


Dans le cadre de ses activités de recherche, le Centre de Recherche sur l’Action Politique de l’Université de Lausanne (CRAPUL) explore depuis près d’une année la thématique de l’identité sociale. La polysémie de cette notion a été abondamment soulignée et critiquée. Cependant, en dépit des nombreux travaux dont elle a été l’objet ces vingt dernières années au sein de toutes les sciences sociales, la thématique de l’identité sociale n’en continue pas moins de susciter une réflexion qui s’inscrit de manière transversale dans les différentes thématiques de travail du CRAPUL : sociologie des mobilisations, rapports à l’univers politique et socialisation, action politique et institutions, construction des problèmes publics.
L’intitulé sous lequel cette thématique sera abordée – «identifier, s’identifier» – indique qu’il est pris acte d’une rupture désormais assez largement admise dans les sciences sociales avec les conceptions substantialistes de l’identité. Alors que ces conceptions conduisent à considérer les identités sociales comme des essences, c’est-à-dire des réalités durables, stables sinon immuables, empiriquement fondées dans l’objectivité même des critères ou propriétés servant à les définir, il s’agit tout au contraire de les penser à partir des processus – individuels et collectifs – de construction sociale et symbolique dont elles sont l’objet, l’enjeu et le produit. En d’autres termes, si on ne peut parler dans l’absolu des identités sociales, il faut alors étudier les logiques qui président à leur production et aux usages qu’en font les acteurs sociaux, individus et groupes.

Cette perspective «constructiviste» s’interroge donc moins sur les identités comme telles que sur les dynamiques d’identification par lesquelles elles se constituent, se hiérarchisent, s’entrecroisent et se transforment. Elle invite à considérer la complexité, l’ambivalence et la fluidité des phénomènes identitaires et, par là même, à en évaluer l’impact différencié sur la vie sociale et politique. La notion d’identité, en effet, se situe dans l’entre-deux: dans la confrontation de l’individuel et du collectif, de la similitude et de la différence, de l’interne et de l’externe. Ce faisant, elle conduit à penser le lien social, les modalités d’intégration des individus dans la société, ainsi que les logiques de pouvoir et de domination qui leur sont inséparablement associées.

«Identifier – s’identifier» constituent deux dimensions des dynamiques considérées. La première, identifier, renvoie à la formation des principes de classement du monde social à travers lesquels s’objectivent les catégories d’identification des individus et des groupes. L’analyse se centre ici sur le travail effectué par l’ordre juridique, l’Etat et son administration, la statistique, les sciences sociales elles-mêmes, les médias ou encore le champ politique pour définir les individus par référence à leur(s) groupe(s) d’appartenance. Identifier signifie ici définir, étiqueter, classer, ranger, catégoriser, assigner. Autant de notions désignant l’identité pour autrui résultant des processus d’attribution d’une appartenance individuelle à un ensemble défini en fonction de certaines propriétés distinctives (âge, sexe, nationalité, profession, etc.).

La seconde dimension, s’identifier, renvoie à la perception individuelle et collective des appartenances et identités héritées, ainsi qu’aux logiques conduisant à leur intériorisation ou incorporation par les individus et les groupes. Elle désigne l’identité pour soi, celle qui est subjectivement vécue comme une identité. S’identifier signifie ici gérer, s’approprier, assumer, revendiquer ou rejeter les actes d’attribution identitaire, c’est-à-dire construire et sélectionner l’appartenance par référence à un groupe, une catégorie ou une propriété distinctive.

Ces deux dimensions sont intrinsèquement liées. D’une part, l’identification par attribution reste tributaire des conditions sociales d’acceptation ou de rejet des identités ainsi définies. D’autre part, l’intériorisation des assignations identitaires résulte de leur degré plus ou moins élevé de légitimité ou de leur prégnance dans l’espace public.
Faire avec / faire contre constituent, dans cette optique, deux versants opposés des processus de construction des identités sociales, qui se caractérisent par des transactions et des rapports de force entre des agents producteurs des catégories de classement attributives d’une identité d’un côté et, de l’autre, des agents plus ou moins directement visés par ces catégories et diversement enclins à les incorporer comme telles. Aussi convient-il d’intégrer dans l’analyse des identités sociales le fait que celles-ci sont produites et vécues selon des modalités plus ou moins fermées ou rigides: un même principe de classement peut être intériorisé selon des attendus parfois différents d’un acteur à un autre. De même, il s’impose de penser les décalages toujours possibles entre l’identité pour autrui, virtuelle, et l’identité pour soi, réellement intériorisée. Ainsi en va-t-il, notamment, de la gestion des identités stigmatisées, appelant, de la part de l’acteur, tout un travail orienté vers la réduction de la tension résultant d’une attribution identitaire discriminante.

C’est sans doute au croisement de ces différentes logiques que se lit le mieux l’impact politique des questions identitaires, qui ont en commun de mettre en jeu, de façon plus ou moins conflictuelle, la valeur des individus et des groupes dans le monde social et par conséquent les rapports de force symboliques qui le structurent. Cet impact politique se mesure tout d’abord à la contribution – sans doute essentielle – de l’Etat, des institutions et du droit à l’élaboration des identités sociales et à la résolution (inégale, provisoire, parfois contingente) des contradictions résultant de la pluralité des appartenances. Il se lit également dans les processus de mobilisation, notamment dans la construction des causes. Tantôt parce que s’y manifeste explicitement l’affirmation de principes identitaires. Tantôt parce que, de manière indirecte, les causes renvoient à des intérêts, à des groupes et donc à des principes de classement. Tantôt encore parce que l’action collective en faveur d’une cause suppose tout un travail de rassemblement et de mise en cohérence autour de la cause d’individus plus ou moins hétérogènes selon les cas, voire diversement intéressés à celle-ci.

Pour aborder ces différentes dimensions des processus d’identification, qu’ils soient internes et/ou externes, le colloque se concentrera sur les identifications dites «difficiles». Par leur saillance, elles constituent des terrains empiriques pour montrer les enjeux d’(auto–)identification et pour étudier les contextes dans lesquels elles s’actualisent ; elles permettent de tester des hypothèses théoriques sur les modalités des mobilisations identitaires, dans la mesure où elles invitent à réfléchir sur leur pendant que seraient des identifications plus «faciles» ou «plus facilement mobilisables». L’objectif est moins de s’intéresser aux «identités difficiles» pour elles-mêmes, en tant que catégories pratiques immédiatement effectives, mais bien davantage de considérer le processus de construction sociale de celles-ci. Elles peuvent être le produit d’identifications stigmatisantes (homosexualité, chômage, appartenance nationale, etc.), renvoyer à un statut social décalé ou marginalisé (handicap, etc.), voire simplement dominé (l’appartenance aux milieux «populaires»). Le colloque entend développer cette thématique selon trois axes de recherche, dans lesquels s’inscriront les communications.

1) Faire avec – faire contre : le travail symbolique de construction des identités sociales

Dans ce premier axe, on s’intéressera à la manière dont s’effectue la construction sociale et symbolique de l’identité sociale, tant au niveau individuel que collectif. Il s’agira de voir les mécanismes d’identification externe et interne, et plus largement les luttes de définition qui se jouent dans ce processus d’identification. En d’autres termes, on sera attentif à la fois aux processus d’identification, de catégorisation, de labellisation des acteurs individuels et/ou collectifs, mais aussi au travail politique effectué par les identifiés, catégorisés, labellisés, que ce soit pour reprendre à leur compte ces identifications ou au contraire pour les remettre en cause. On s’interrogera sur le travail de gestion effectué par l’acteur – individuel ou collectif – lorsqu’il y a décalage entre identité pour autrui et identité pour soi. Saisir ces décalages ou désajustements implique d’examiner le contexte de production des identifications et les conditions de possibilité pour les acteurs – individuels et collectifs – de proposer des identifications concurrentes.

On portera en particulier l’attention sur la manière dont peuvent être appréhendées les logiques d’identification lors de césures induisant la mise au jour d’une «identité difficile». Plus concrètement comment les groupes, leurs représentants et leurs membres, tentent de retourner à leur avantage le «stigmate» que peut représenter la mobilisation autour d’intérêts et de revendications identitaires dénigrées ou «minoritaires» ? Y a-t-il des périodes plus favorables que d’autres pour la reconnaissance sociale de ce type de mobilisation ? Pour les acteurs sociaux, les étapes à travers lesquelles s’opère l’identification sont importantes à repérer. Elles sont à mettre en relation avec la trajectoire antérieure et les milieux de socialisation et de sociabilité qui permettent d’éclairer ce qui fait que, par exemple, un retraité, un chômeur, un handicapé se mobilise ou non en tant que tel.

2) Faire avec pour faire contre : les luttes internes à la lutte

Si les groupes tendent à se présenter comme des entités unifiées, ils se composent d’identités multiples, qu’ils peuvent gommer ou mettre en avant. Parallèlement, les individus qui adhèrent au groupe peuvent s’y identifier selon plusieurs modalités. Dans ce second axe de recherche, on étudiera donc particulièrement quels peuvent être, à l’intérieur des groupes, les effets de la coexistence d’acteurs aux propriétés sociales distinctes : acteurs inégalement situés dans l’espace social, acteurs de provenance géographique distincte, entrepreneurs de cause et militants moins dotés de ressources, hommes et femmes, professionnels et profanes, etc.
L’enjeu est de voir à l’intérieur de différentes formes de mobilisation quels sont les mécanismes qui font tenir ensemble le collectif, de même que les luttes internes qui le traversent et le transforment. Dans ce domaine, si les effets d’identification externe sont à prendre en compte, il s’agit davantage d’observer à l’interne comment peuvent se cristalliser des formes d’être ensemble, d’en dégager les logiques de domination et de hiérarchisation des positions. On peut de cette manière s’interroger sur les formes de sociabilité et de socialisation à l’intérieur des groupements. On peut en outre travailler la question des affects et des émotions, dimension peu présente dans l’analyse de l’action collective. On peut encore insister, de manière diachronique, sur le rôle des incitations à la militance, en étudiant l’engagement, son maintien ou son retrait, ceci afin de repérer les rétributions plurielles du militantisme qui sont susceptibles d’expliquer en partie ce qui fait tenir le collectif ensemble. Par ailleurs, on peut approfondir l’hypothèse souvent tenue pour implicite que les identités qualifiées de difficiles sont plus délicates à réunir sous un même « toit » collectif que d’autres types d’identités, qui se fonderaient sur des caractéristiques plus homogènes.

Il s’agira donc ici d’étudier de manière croisée les effets du collectif sur les militants et les effets que peuvent avoir des militants aux propriétés sociales distinctes sur l’(auto)-identification d’un collectif. Cet axe de recherche appellera en outre une réflexion sur les méthodes permettant d’étudier les luttes internes au mouvement : prosopographie, sociographie, observation directe, travail sur archives, études quantitatives et/ou basées sur l’analyse de carrières militantes, des trajectoires, etc.

3) Faire avec – faire contre les médias : les accommodements face à la visibilité médiatique

Ce troisième axe vise à saisir les rapports des groupes avec les médias. On y examinera plus précisément comment les groupes 1) s’y prennent pour accéder à l’espace médiatique et y présenter leur «identité» ; 2) réagissent et sont transformés par les identifications effectuées par les médias. L’impact des médias sur les mouvements sociaux est fréquemment appréhendé en termes du rôle d’amplificateur ou de frein que joue la couverture médiatique face à telle ou telle mobilisation, notamment à travers les études quantitatives du cadrage médiatique de ces actions collectives. Cette perspective privilégie les moments où les groupes apparaissent dans la visibilité médiatique. Avec une approche plus interactionniste et dynamique, il est intéressant d’étudier les négociations qui s’établissent entre les membres des groupes et les journalistes des différents types de médias sur une certaine durée, ainsi que les négociations qui ont lieu au sein du groupe pour déterminer l’attitude à adopter vis-à-vis des médias.

Sur le versant interne aux groupes, les ressources dont ils disposent pour acquérir la reconnaissance journalistique sont différenciées. Ainsi, les groupes à « identité difficile » ne disposent pas forcément des connexions nécessaires, mais ils peuvent susciter l’émotion sous certaines conditions qu’il importe de repérer. Comment gèrent-ils ces aléas ? Développent-ils des actions médiatiques au détriment d’actions orientées vers la rétribution directe des membres du groupe ? Si les groupes sont contraints de professionnaliser leur communication, quels indicateurs empiriques permettent de rendre compte de ce processus et de sa contribution à l’unification/mobilisation du groupe (par exemple rédaction des publications et des prises de position confiée à des porte-parole plus ou moins proches du groupe) ?

A la frontière interne et externe des groupes, on peut se demander quels collectifs parviennent à transformer les labels et étiquetages médiatiques dans un sens correspondant à leurs revendications et si l’accès aux médias implique une uniformisation des présentations identitaires de l’ensemble des groupes, avec des difficultés supplémentaires pour se distinguer. Pour éviter un média-centrisme trop appuyé, il reste à considérer les canaux de mobilisation utilisés par les groupes qui n’ont pas besoin ou qui refusent de jouer le jeu médiatique. Plus largement, il s’agirait de montrer que les schèmes généraux de perception et de lecture que les groupes et les individus font de l’ensemble des produits médiatiques et culturels construisent les manières dont ils se mobilisent et réceptionnent les représentations que les médias donnent d’eux.

Les propositions de communication (1 à 2 pages, intégrant problématique, terrain, méthodologie…) doivent être adressées par fichier électronique en document attaché RTF à Muriel Surdez (muriel.surdez@unifr.ch), Michael Voegtli (michael.voegtli@unil.ch) et Bernard Voutat (bernard.voutat@unil.ch).

Calendrier :
Clôture des dépôts de proposition de communication : 31 mars 2006
Sélection des propositions par le comité scientifique : 31 mai 2006
Envoi des communications écrites : 30 septembre 2006

Langues de travail : français et anglais.

Nota : les communications de doctorant-e-s sont fortement encouragées.



Catégories

Lieux

  • Lausanne, Confédération Suisse

Dates

  • vendredi 31 mars 2006

Fichiers attachés

Contacts

  • Christophe Platel
    courriel : Christophe [dot] Platel [at] unil [dot] ch
  • Muriel Surdez (responsable scientifique) ~
    courriel : Muriel [dot] Surdez [at] unifr [dot] ch
  • Michael Voegtli (responsable scientifique) ~
    courriel : Michael [dot] Voegtli [at] unil [dot] ch
  • Bernard Voutat (responsable scientifique) ~
    courriel : Bernard [dot] Voutat [at] unil [dot] ch

Source de l'information

  • Christophe Platel
    courriel : Christophe [dot] Platel [at] unil [dot] ch

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Identifier, s'identifier. Faire avec, faire contre », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 24 janvier 2006, https://doi.org/10.58079/ad3

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