AccueilLes contraintes de la transmission dans l'Europe moderne. Enjeux symboliques et patrimoniaux

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Publié le lundi 20 novembre 2006

Résumé

La table ronde qui aura lieu à Nanterre les 4 et 5 décembre 2006 constitue le deuxième volet d’une réflexion entamée en 2005, avec le colloque “ Les mobilités sociales en Europe ” (université Paris X-Nanterre, 29 septembre 2005). Dans cette seconde rencontre, l’accent sera mis sur les phénomènes juridiques, sociaux, économiques qui modèlent les processus de transmission d’une génération à une autre, en distinguant et en articulant tout à la fois les choix des ascendants et les modalités de réception par les enfants.

Annonce

La table ronde qui aura lieu à Nanterre les 4 et 5 décembre 2006 constitue le deuxième volet d’une réflexion entamée en 2005, avec  le colloque “ Les mobilités sociales en Europe ” (université Paris X-Nanterre, 29 septembre 2005). Dans cette seconde rencontre, l’accent sera mis sur les phénomènes juridiques, sociaux, économiques qui modèlent les processus de transmission d’une génération à une autre, en distinguant et en articulant tout à la fois les choix des ascendants et les modalités de réception par les enfants.

Les contraintes sont d’abord d’ordre juridique : dans chaque pays ou province, le droit et les coutumes sur la transmission des biens entre les générations reflètent, et tendent à perpétuer, des structures familiales spécifiques, où les rôles des hommes et des femmes, des aînés et des cadets sont différents. Ces contraintes existent, mais peuvent être contournées. Les règles de la transmission ab intestat reflètent un modèle familial auquel peuvent s’opposer de manière radicale les pratiques testamentaires. Ainsi, à Venise, au XVIe siècle, les règles de la succession ab intestat, dictées, au XIIIe siècle, par les exigences des lignages patriciens, sont contredites par les testaments des marchands et des artisans, qui privilégient le couple conjugal. Même dans les partages nobles, les cadets ne peuvent pas être complètement déshérités. En régime de partage égalitaire, comme à Paris, les héritages parentaux doivent être théoriquement partagés équitablement entre tous les enfants. Mais, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les marchands parisiens peuvent respecter l’esprit de la coutume ou bien choisir de faire un ou deux héritiers en marginalisant les autres enfants. Au XVIIe siècle, ils n’hésitent pas à placer nombre de leurs enfants dans des couvents. Au XVIIIe siècle, le célibat laïc est une solution de plus en plus prisée, les cadets vivant de leurs rentes ou des gages de leur office sans avoir le droit de se marier ; ces choix parentaux ont le mérite d’éviter la dispersion de l’héritage tout en limitant le montant du capital détenu par l’héritier ou les héritiers. Dans les campagnes du Québec ou de France, certains enfants déshérités restent aussi vivre près des héritiers voire chez eux. Mais les contraintes peuvent aussi être contournées par les enfants ainsi marginalisés, qui se font relever de leurs vœux ou se marient clandestinement.

Les contraintes sont ensuite d’ordre social, chaque milieu et profession se doit de transmettre des capitaux spécifiques. En transmettant son nom et son titre, un noble offre un capital symbolique, qui situe d’emblée ses héritiers dans un réseau social et culturel. Un marchand transmet une fortune, une réputation et un réseau de clientèle, mais aussi un savoir-faire et une culture du négoce, indispensables pour que l’héritage reçu puisse fructifier. Un artisan transmet essentiellement des compétences techniques, accompagnées, ou pas, de biens matériels. La transmission des savoir-faire peut d’ailleurs être séparée de la transmission héréditaire des biens : les pratiques d’apprentissage et de circulation des enfants d’une famille à l’autre constituent des formes spécifiques de transmission, dont il faut tenir compte. Dans tous les cas, et dans tous les milieux, la transmission suit des chemins plus complexes que le modèle longtemps tenu comme dominant, d’une transmission préférentielle et recherchée du métier du père au fils. Les épouses jouent un rôle déterminant, par les capitaux, matériels, culturels et symboliques, qu’elles apportent en dot au mariage.  Les modalités de transmission d’un métier, ou d’un capital marchand, ne peuvent être comprises qu’en prenant aussi en compte la transmission par voie féminine et, si les titres de noblesse ne se transmettent pas par voie féminine, d’autres privilèges, tel le droit de bourgeoisie, peuvent aussi être transmis par les femmes à leurs maris. Au XVIIIe siècle, les dots des femmes juives piémontaises, loin d’être une sorte d’indemnisation des filles pour leur exclusion de l’héritage, sont le “ chaînon fort du système de transmission de la propriété, le pivot autour duquel tourn(ait) une économie familiale reposant presque entièrement sur les activités commerciales ” (Allegra 1996).

Les contraintes limitent les marges d’action des parents, ou des autres membres de la famille, chargés de “ transmettre ”, mais aussi des enfants. Ceux qui ont hérité et ont pu s’établir et se marier mais en dehors de la maison familiale, sont souvent présentés comme des exclus, par les historiens du monde rural en particulier. Mais lse enfants qui ont succédé à leurs parents sont parfois lourdement endettés envers les autres héritiers dont ils ont dû racheter la part. Les héritiers de l’entreprise parentale ont parfois le sentiment douloureux de ne pas avoir eu la liberté de choisir leur profession, leur vie, alors que les autres enfants ont eu cette possibilité. La souffrance sociale liée à la transmission de l’entreprise ou de la maison peut ainsi être interrogée pour tous les acteurs, pas seulement pour les exclus.

En situant cette table ronde dans la continuité de la précédente rencontre sur les mobilités sociales, nous nous proposons également de réfléchir au problème de la transmission dans des situations de mobilité. Les hommes et les femmes qui se déplacent de manière définitive ou provisoire, tant dans l’espace géographique que dans l’espace social, sont porteurs d’expériences particulières liées à la condition même de la mobilité. Comment se positionne-t-on par rapport aux origines et à l’avenir (la descendance) lorsqu’on s’est soi-même écarté du “ lieu ” de naissance ? Combien et comment, en somme, les parcours individuels, irréductibles à un mouvement simple et univoque du lieu d’origine au lieu de destination, avec l’ensemble d’expériences, représentations, projets, transformation qu’ils engendrent, influencent-ils la perception et le contenu de la mémoire et des savoirs à transmettre ? Mémoires et savoirs individuels changent en fait de signification en fonction des configurations dans lesquelles ils s’inscrivent, mais c’est l’ensemble des parcours individuels et familiaux qu’il faut donc interroger pour comprendre le sens des choix faits dans le domaine de la transmission intergénérationnelle, et cela indépendamment de l’existence de phénomènes de mobilité. Nous pouvons penser ici au cas des étrangers qui, pour pouvoir léguer leurs biens, doivent demander à êtres naturalisés : comme l’a récemment montré P. Sahlins pour la France, cette procédure entraîne aussi des enjeux symboliques et culturels sur la conception de l’appartenance nationale (avant la lettre) qui pèse sur l’autoreprésentation individuelle et familiale, et qui impose également des réflexions sur les stratégies les plus aptes à conserver les patrimoines surtout pour les personnes dont la mobilité et le rayonnement de l’activité économique sont les plus importants (les marchands, par exemple).

Anna Bellavitis (CHISCO, Université Paris X-Nanterre)
Laurence Croq (CHISCO, Université Paris X-Nanterre)
Monica Martinat (LARHRA, UMR 5190, Université Lyon II)

Introduction de Monica Martinat (LARHRA, Université de Lyon2).

Interventions de Anna Bellavitis (CHISCO, Université Paris X-Nanterre), Renata Ago (Université de Rome 1, La Sapienza), Corine Maitte (IDHE, Université Paris X-Nanterre), Nicolas Lyon-Caen (Ecole des Chartes),Angela Groppi (Université de Rome 1,  La  Sapienza), Luciano Allegra (Université de Turin), Georges Augustins (Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative-Université Paris X-Nanterre), Elie Haddad (Université d’Orléans), Robert Descimon et Simone Geoffroy-Poisson (Centre de Recherches Historiques, EHESS), Serge  Chassagne (LARHRA, Université Lumière Lyon II), Evelyne Oliel-Grausz (Université Paris I), Marie-Carmen Smyrnelis (Centre de Recherches Historiques, EHESS).

Conclusion par Laurence  Croq (CHISCO, Université Paris X-Nanterre)

Catégories

Lieux

  • Nanterre, France

Dates

  • lundi 04 décembre 2006

Contacts

  • monica martinat
    courriel : monica [dot] martinat [at] univ-lyon2 [dot] fr

Source de l'information

  • monica martinat
    courriel : monica [dot] martinat [at] univ-lyon2 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les contraintes de la transmission dans l'Europe moderne. Enjeux symboliques et patrimoniaux », Colloque, Calenda, Publié le lundi 20 novembre 2006, https://doi.org/10.58079/b2p

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