AccueilMémoires de la guerre civile espagnole : transmission, réappropriations et usages

AccueilMémoires de la guerre civile espagnole : transmission, réappropriations et usages

*  *  *

Publié le lundi 25 août 2008

Résumé

Il apparaît fondamental de s’interroger sur les modalités de constitution, la nature et la fonction de la mémoire de la guerre civile tant en Espagne qu’en Europe et en Amérique latine. Pour appréhender ces questions, nous proposons d’engager une réflexion dans le cadre d’un colloque international intitulé « Mémoires de la guerre civile : transmission, réappropriations et usages. Europe - Amérique latine ».

Annonce

Alors que disparaissent les derniers survivants de la guerre civile espagnole, la controverse sur ce conflit n’a jamais été aussi âpre en Espagne. Depuis la fin des années 1990, le débat sur la nécessité de récupérer la « mémoire historique » de la guerre civile fait rage et génère de nombreuses polémiques, qui touchent tant les historiens que les hommes politiques. A l’occasion du 70e anniversaire du début du conflit (18 juillet 1936), les ouvrages sur la question se sont multipliés de façon exponentielle. De plus en plus nombreuses, des associations, telles que l’Associación para la Recuperación de la Memoria Histórica, parcourent le territoire espagnol à la recherche de fosses communes où sont enterrées les victimes du franquisme. La restitution au gouvernement autonome de la Catalogne des fonds de la Generalitat, conservés jusqu’alors aux Archives de la guerre civile à Salamanque, a engendré des controverses qui ravivent des discours et des comportements que l’on croyait révolus. Les autorités de l’Etat sont prises à partie, soit pour leur refus de condamner le 18 de julio, soit pour leur législation jugée inadaptée aux demandes des derniers survivants et de leurs descendants (Ley para la Memoria Histórica). La question de la mémoire historique est, on le voit, devenue un phénomène social d’ampleur considérable, dans lequel s’opposent –  entre autres – ceux qui considèrent que la transition s’est traduite par un pacte du silence sur les crimes du franquisme et ceux qui estiment que toute modification de la législation risquerait de réouvrir les plaies de la guerre civile. Il existe ainsi chez une partie de la population espagnole une exigence de mémoire, qui vise avant tout à réhabiliter les personnes incarcérées et exécutées durant la guerre civile – et le franquisme – par les militaires rebelles. Une exigence qui s’inscrit aussi dans un cadre beaucoup plus large, qui touche l’ensemble de l’Europe (notamment des pays comme la France) et n’est pas sans lien avec la gestion du passé telle qu’elle a pu intervenir au Chili ou en Argentine. Un mouvement est à l’œuvre, fondé par des individus convaincus que l’histoire est à réécrire ou à compléter, persuadés qu’une partie de la mémoire du pays – et donc de la vérité – a été confisquée.

Pourtant, il y a dans cette approche de l’histoire espagnole une certaine contradiction : rétablir la mémoire historique n’équivaut pas à instituer une vérité historique. La mémoire fonctionne par sélection, elle nous modèle et nous la façonnons à notre tour. Les générations précédentes ne nous ont pas transmis un « bloc » mémoriel inaltérable, un temps fossilisé. Toute transmission du passé est ouverte à la reformulation et à la réécriture[1]. La mémoire ainsi conçue est profondément malléable, plastique et si les historiens s’y intéressent, c’est essentiellement pour comprendre ce que les représentations qui la structurent nous apprennent sur le passé. La mémoire collective permet, comme le rappelle Pierre Nora, de comprendre la gestion du passé, la manière dont est utilisée et reconstruite l’histoire[2]. Dès lors, elle contribue également à mieux appréhender le devenir que se proposent les communautés politiques.

En ce sens, la question de la mémoire de la guerre civile telle qu’elle se pose actuellement en Espagne conduit à s’intéresser à ce qui se produit hors des frontières du pays, dans ces nations d’Europe ou d’Amérique latine où le conflit espagnol a eu des répercussions à divers degrés, tant sur le plan politique que social et culturel. De la France au Mexique, en passant par l’Argentine, la guerre civile demeure, pour une partie de la population, un événement majeur et, en tant que tel, un élément autour duquel se structure une certaine mémoire collective. Nombreux ont été les individus fuyant la guerre civile à s’installer dans ces pays. Disparus pour la plupart, ils ont cependant transmis une mémoire de la guerre, un legs à leurs descendants et à l’ensemble de la société, une « conscience d’appartenir à une chaîne de générations successives dont le groupe ou l’individu se sent peu ou prou l’héritier »[3]. A travers le témoignage, la publication d’ouvrages et la création de lieux de mémoire (associations…), ils ont généré une certaine représentation de la guerre ainsi qu’une mémoire encore présente dans les pays d’accueil. Cette mémoire des réfugiés, alliée à l’impact politique et social du conflit dans les années trente[4], explique en partie le fait que la guerre civile soit devenue dans de nombreux pays un mythe, qui structure encore l’imaginaire d’une partie de la population et conserve sa puissance mobilisatrice, même si elle alimente à présent des engagements sans rapport direct avec le conflit. L’utilisation lors de manifestations d’expressions telles que « No Pasarán » ou les références à des personnages comme la Pasionaria en sont la preuve indubitable. La mémoire de la guerre civile demeure vivace hors de l’Espagne, sous des formes parfois inattendues.

Partant de ces différents arguments, il est apparu fondamental de s’interroger sur les modalités de constitution, la nature et la fonction de la mémoire de la guerre civile tant en Espagne qu’en Europe et en Amérique latine. Pour appréhender ces questions, nous proposons d’engager une réflexion dans le cadre d’un colloque international intitulé « Mémoires de la guerre civile : transmission, réappropriations et usages. Europe – Amérique latine ». Organisé à la Maison de l’Amérique latine (Paris) les 1er, 2 et 3 avril 2009 (70e anniversaire de la fin de la guerre civile), il se structurera autour des axes suivants :

  • Elaboration, transmission et réappropriations de la mémoire de la Guerre civile, tant en Espagne qu’en dehors de l’Espagne.
  • Place de la guerre civile espagnole dans la mémoire collective et institutionnelle des nations ayant accueilli des réfugiés.
  • Vecteurs de cette mémoire.
  • Usages partisans et effets de mythification de la guerre propres à certaines interprétations du conflit.
  • Participations et rôles des survivants de la guerre et de leurs descendants dans l’élaboration de cette mémoire.

Les propositions devront parvenir avant le 30 septembre 2008 à mona.huerta@univ-paris3.fr. Les articles acceptés par le comité scientifique devront être remis avant le 30 janvier 2009 à l’adresse suivante : mona.huerta@univ-paris3.fr

Organisateurs :

  •  Olivier Compagnon (Iheal-Credal) : olivier.compagnon@univ-paris3.fr
  •  Severiano Rojo Hernandez (Universidad de Brest) : severiano.rojo-hernandez@univ-brest.fr
  • Mona Huerta (Credal-Cnrs) : mona.huerta@univ-paris3.fr

Contacts

  • Mona Huerta Credal - Cnrs 28 rue Saint-Guillaume 75007 Paris mona.huerta@univ-paris3.fr,
  • Severiano Rojo Hernandez (Universidad de Brest) : severiano.rojo-hernandez@univ-brest.fr

[1] Cf. Robert Harvey, E. Ann Kaplan, François Noudelmann, Politique et filiation, Paris, Editions Kimé, 2004.

[2] Pierre Nora, « La notion de “lieu de mémoire” est-elle exportable ? », in Lieux de mémoire et identités nationales, Pim Den Boer et Willem Frijhoff (Dir.), Amsterdam, Amsterdam University Press, 1993.

[3] Joël Candau, Mémoire et identité, Paris, PUF, 1998, p. 132.

[4] Cf. par exemple, pour le cas argentin, Monica Quijada, Aires de República, aires de cruzada : la guerra civil española en Argentina, Barcelone, Sendai, 1991.

Lieux

  • Maison de l’Amérique latine, IHEAL
    Paris, France

Dates

  • mardi 30 septembre 2008

Mots-clés

  • mémoire, guerre civile espagnole

Contacts

  • Severiano Rojo Hernandez
    courriel : severiano [dot] rojohernandez [at] univ-amu [dot] fr
  • Mona Huerta
    courriel : mona [dot] huerta [at] univ-paris3 [dot] fr

Source de l'information

  • Severiano Rojo Hernandez
    courriel : severiano [dot] rojohernandez [at] univ-amu [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Mémoires de la guerre civile espagnole : transmission, réappropriations et usages », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 25 août 2008, https://doi.org/10.58079/cxd

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search