AccueilMarchés régulés : corporations et cartels

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Publié le mardi 28 octobre 2008

Résumé

La journée annuelle organisée par la Société suisse d'histoire économique et sociale veut thématiser les formes définies d'un marché régulé : les corporations et les cartels. Elle doit les mettre en relation avec les changements économiques et sociaux et vise les aborder dans une perspective comparative sur les plans sectoriels, nationaux et internationaux.

Annonce

Les marchés coordonnent des activités d’échanges entre des personnes et des organisations qui offrent et demandent des prestations (marchandises, services). Ces activités d’échanges sont toujours déterminées par des prix sur la base d’un accord trouvé entre les acheteurs et les vendeurs pour aboutir à une rémunération. Ce processus de formation de prix est cependant influencé par des règles formelles et informelles (normes sociales, usages, lois, accords contractuels) qui changent au cours du temps : à des périodes qui connaissent de très fortes régulations des activités économiques suivent des périodes au cours desquelles ces règles sont supprimées et les marchés libérés. Les différents domaines économiques sont en outre soumis à des règles variables qui dépendent chaque fois des besoins de régulation et de leurs possibilités qui sont perçus par les participants ou par ceux qui sont concernés, règles qui s’imposent contre la résistance d’autres groupes d’intérêts.

Le Moyen Age et l’Epoque moderne étaient plutôt sceptiques face à des marchés libérés. La responsabilité de cet état de fait venait de l’idée normative qui tirait son origine de l’Antiquité  et qui fut réactivée, l’ « Economique ». Dans la perspective de faire un gain, cette idée opposait l’administration de la maison, idée juste et qui relève de l’utilisation des biens, à la chrémastistique, soit l’art d’acquérir des richesses, qui était mal considérée. D’un point de vue de la philosophie aristotélo-chrétienne, le but de l’économie était d’obtenir une ‘alimentation équitable’. Le fait d’être actif économiquement devait avant tout servir à la couverture des besoins fondamentaux du ménage. La journée annuelle donnera ainsi à la question de l’éthique en économie une place importante. Le déplacement de la notion d’« Economique » entendue comme la théorie de la conduite du ménage vers l’ « Economie » au sens moderne du terme avec une estime pour le marché est lié au processus historique fondamental de transformation des sphères culturelles et mentales qui ouvre la voie à l’économie capitaliste.

La régulation des marchés a pris une forme concrète avec les corporations qui réservaient l’accès au marché à leurs membres, limitaient le nombre de maîtres, convenaient des prix, des salaires, des heures de travail, de la taille des entreprises, des heures de vente et contrôlaient aussi la concurrence par le biais de mesures restrictives. Ce système se développa aussi dans quelques régions rurales hors des murs de la ville. Les corporations se trouvèrent en conflit permanent avec les autorités – particulièrement dans les villes patriciennes – qui s’efforçaient d’ouvrir les marchés dans l’intérêt des consommateurs et dans ‘l’intérêt général’ de la ville.

Les corporations au contraire appuyèrent les associations de compagnons afin aussi de gagner, par le biais de la régulation, le pouvoir du marché. En voulant optimaliser les conditions d’emploi et de travail de leurs membres, ces associations jouaient à l’époque la fonction de ‘syndicats’. Les contentieux pratiques que de telles associations eurent entre elles et, au sein des gouvernements des villes ou des autorités territoriales, avec les forces qui étaient orientées vers le marché devront être abordés lors de la journée annuelle.

Les interventions régulatrices de l’Etat dans l’économie, connues sous le mot-clé de ‘bonne politique’, soit le caméralisme et le mercantilisme, représentent des phénomènes de transition, qui d’un côté isolèrent l’Etat, considéré comme un ‘seul ménage’, contre l’extérieur et d’un autre visèrent à la maximisation du profit et, de ce fait, coupèrent l’herbe sous les pieds à la vieille idée de la couverture des besoins.

Une des premières mesures de la Révolution française fut de supprimer les corporations et d’interdire les coalitions, ce qui touchait aussi les associations de compagnons. Elle marquait une rupture. Le nouvel idéal de la libre économie fut formulé dans le sens d’Adam Smith qui tablait sur la concurrence non régulée et la victoire des prestataires performants pour amener ‘la richesse des nations’.

Dans le cadre de notre journée annuelle, nous aimerions mettre l’accent sur deux formes de régulation : d’une part sur les corporations qui viennent d’être mentionnées et qui au Moyen Age et à l’Epoque moderne ont réglé l’accès aux marchés et d’autre part sur les cartels qui apparaissent dans les économies de marché des 19e et 20e siècles et qui, par la fixation de normes de vente (poids, prix ou conditions etc.), cherchèrent à restreindre la concurrence à l’intérieur d’une branche industrielle. 

Il est frappant de constater que les cartels n’ont pas été conçus comme des mesures contraires à l’économie de marché mais comme faisant partie de la liberté économique et contractuelle. Ce constat ne s’applique pas seulement aux pays qui se sont tournés vers le protectionnisme, comme la France et l’Allemagne, mais aussi aux Etats européens libéraux, qui comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas se sont formellement engagés dans la liberté du commerce. Cette position face aux cartels, qui va de l’indifférence au soutien, est aussi perceptible en Suisse. Devant l’absence de dispositions juridiques sur les cartels, les possibilités d’accords qui pouvaient réduire la concurrence étaient laissées à la discrétion des partenaires contractuels. Pour quelles raisons des cartels vinrent à être conclus ? Quels impacts ont-ils eu (par exemple sur la croissance d’une branche ou sur le développement et la capacité innovatrice des entreprises impliquées) ? Pourquoi ont-ils été abrogés ? Quel rôle a joué, dans ce cadre, le succès économique ou l’échec, le progrès technique ou le changement de représentations sur le fonctionnement de l’économie de marché ? L’extension croissante et l’interdépendance de l’économie mondiale à laquelle les entreprises suisses ont participé avec succès mais qui a aussi pu mettre l’existence d’autres en danger ont exercé certainement une grande influence. Quelles relations ont existé entre les mesures protectionnistes dirigées contre l’extérieur et la cartellisation à l’interne ? Et comment les diverses limitations de marché tolérées par les cantons ont-elles influencé la formation et la stabilité des cartels ?

Il y eut aussi des cas où l’Etat est intervenu dans la régulation et appuya expressément la formation de cartels avec des arguments tels que la sécurité de l’approvisionnement ou la sauvegarde des places de travail. Comment se comportèrent les syndicats face à la formation de ces cartels ? Quelles influences l’évolution conjoncturelle – et particulièrement la grande dépression des années trente – a-t-elle eu sur la formation de cartels ou la pénurie en matières premières et en produits alimentaires durant la Première Guerre mondiale ? La résistance aux cartels vint avant tout des milieux de l’industrie d’exportation parce que leur effet sur les niveaux de prix mettait en danger la capacité concurrentielle des marchandises suisses sur les marchés étrangers.

Un nouveau phénomène apparut à la fin du 19e siècle et surtout durant l’entre-deux-guerres avec l’apparition des cartels internationaux qui réglèrent la production et les exportations de matières premières et de produits de masse standardisés. Dans ces branches économiques, les entreprises suisses furent plus tôt l’exception. Quel sens les cartels internationaux ont-ils eu pour les entreprises suisses et quelles relations ont-ils eu avec les cartels nationaux ?
Au cours de la période de libéralisation des marchés après la Seconde Guerre mondiale, les cartels furent l’objet de discussions politiques, d’analyses empiriques et finalement de dispositions juridiques qui réduisirent cependant à peine leurs marges de manœuvre. Une interdiction de principe n’eut pas lieu avant la deuxième révision de la loi sur les cartels dans les années 1990. Mais plus que la loi, ce sont surtout les influences de différents phénomènes qui eurent les répercussions les plus fortes, notamment la pression des USA sur les Etats européens en ce qui concerne le nouvel ordre concurrentiel, la suppression des obstacles commerciaux internationaux dans le cadre du GATT, le processus d’intégration européenne ainsi que les nouvelles formes de distribution et de communication.

Les personnes qui désirent présenter une communication (20 minutes) sont priées d’envoyer une esquisse d’une ou deux pages jusqu’au 15 décembre 2008 aux adresses ci-dessous. Les chercheur-se-s étranger-ère-s sont aussi invités-es à proposer des communications. Les contributions seront publiées dans le volume annuel de la Société (articles de 40'000 signes au maximum, sans les notes, graphiques et illustrations). Délai d’envoi des textes : 31 août 2009.

  • Margrit Müller (Universität Zürich) margrit.mueller@access.uzh.ch
  • Heinrich-Richard Schmidt (Universität Bern) schmidt@hist.unibe.ch
  • Laurent Tissot (Université de Neuchâtel) Laurent.Tissot@unine.ch
Le colloque aura lieu le 25 avril 2009.

Lieux

  • Université de Berne, Unitobler, Länggassstr. 49a | CH-3000 Bern 9
    Berne, Confédération Suisse

Dates

  • lundi 15 décembre 2008

Mots-clés

  • marchés, cartels, corporations

Contacts

  • Laurent Tissot
    courriel : laurent [dot] tissot [at] unine [dot] ch

Source de l'information

  • Laurent Tissot
    courriel : laurent [dot] tissot [at] unine [dot] ch

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Marchés régulés : corporations et cartels », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 28 octobre 2008, https://doi.org/10.58079/d86

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