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Configurer/reconfigurer les territoires des villes des Suds

Session doctorale, rencontres jeunes chercheurs, Oran 4-7 avril 2009

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Publié le lundi 09 février 2009

Résumé

Les équipes qui composent le groupement de projet « Faire la ville en périphérie(s) ? Territoires et territorialités dans les grandes villes du Maghreb », à savoir EMAM (Équipe monde arabe et Méditerranée de l’UMR 6173 CITERES de l’Université François-Rabelais de Tours ; GESTER de l’Université Paul-Valéry Montpellier III ; FAVIDYM de l’Université des sciences et technologies d’Oran ; le Département de sociologie d’Alger ; le GERMOSS de l’Université de Sousse et le CERAU de l’INAU de Rabat) organisent, du 4 au 7 avril 2009, une session doctorale sur le thème « Configurer/reconfigurer les territoires des villes des Suds ». Cette session doctorale s’inscrit dans le cadre du programme d’appui à la « Coopération pour la recherche en sciences humaines et sociales entre le Maghreb et la France », initié par le Ministère (français) des Affaires étrangères grâce à un financement du Fonds de solidarité prioritaire.

Annonce

Les équipes qui composent le groupement de projet “ Faire la ville en périphérie(s) ? Territoires et territorialités dans les grandes villes du Maghreb ”, à savoir EMAM (Equipe Monde Arabe et Méditerranée de l’UMR 6173 CITERES de l’Université François-Rabelais de Tours ; GESTER de l’Université Paul-Valéry Montpellier III ; FAVIDYM de l’Université des Sciences et Technologies d’Oran ; le Département de Sociologie d’Alger ; le GERMOSS de l’Université de Sousse et le CERAU de l’INAU de Rabat) organisent, du 4 au 7 avril 2009, une session doctorale sur le thème “ Configurer/Reconfigurer les territoires des villes des Suds ”.
Cette session doctorale s’inscrit dans le cadre du programme d’appui à la “ Coopération pour la Recherche en Sciences Humaines et Sociales entre le Maghreb et la France ”, initié par le Ministère (français) des Affaires Etrangères grâce à un financement du Fonds de Solidarité Prioritaire.

Les doctorant(e)s souhaitant participer à cette session doctorale doivent envoyer un résumé en français (3 pages maximum) indiquant les principales orientations de leur recherche, leur problématique et les principaux résultats obtenus. Ce document doit également préciser à quel thème de la session ils souhaitent être rattaché(e)s et justifier en quelques lignes leurs réponses (le texte de l’appel à participation figure ci-après). Ce résumé doit être accompagné d’un court curriculum vitae (comportant notamment leurs coordonnées, leur université de rattachement, le nom de leur directeur de recherche, leur discipline d’appartenance, une adresse électronique fonctionnelle).

Les candidatures doivent être adressées à

  • Pierre Signoles : psignoles@wanadoo.fr et à
  • Anna Madoeuf : sanmad@free.fr

au plus tard le 25 février 2009.

La session doctorale est ouverte aux jeunes chercheurs travaillant sur l’urbain avec comme terrain de référence un pays quelconque des “ Suds ”. Elle n’est donc pas réservée à ceux dont les sujets de thèse portent sur le Maghreb ou le Monde arabe. Une attention particulière sera accordée aux propositions portant sur une ou des grandes villes.
Par contre, seules seront prises en considération les candidatures des doctorants inscrits au moins en 2ème année de thèse (et au-delà).

Les frais de séjour seront pris en charge par les organisateurs de la manifestation. Les frais de voyage seront également payés ou remboursés par ces mêmes organisateurs, mais uniquement dans le cas de déplacements dont le point d’origine sera établi en France ou dans l’un ou l’autre des pays du Maghreb (Algérie, Tunisie, Maroc).

La langue d’usage est le français.

APPEL A COMMUNICATIONS

Les villes des pays des “ Suds ” (pays économiquement les moins avancés ; en développement ; pays émergents), et particulièrement les plus grandes d’entre elles, constituent à l’évidence des lieux privilégiés d’observation et d’analyse des processus à l’œuvre dans les constructions territoriales ou, lorsque celles-ci sont préexistantes, à l’analyse de ceux qui contribuent aux reconfigurations territoriales. En effet, depuis le milieu des années 1980 et surtout à partir de la décennie 1990, le contexte, les formes et les enjeux de l’urbanisation dans ces pays ont profondément changé.
Ces transformations – bouleversements ? – se réalisent dans le contexte d’une “ globalisation ” qui affecte, même si inégalement, l’ensemble des territoires nationaux des pays considérés et ceux de leur villes. Néanmoins, les modalités et les effets des interactions entre globalisation et transformations sociales et urbaines ne sont pas aussi aisément lisibles qu’on l’écrit souvent. Pour autant, l’étalement urbain, la ville éclatée, la crise de la centralité, la remise en cause des normes, des instruments de l’aménagement et des modes de gestion urbaine en sont certainement les manifestations les plus visibles. Elles induisent d’ailleurs une réaffirmation exacerbée, par les politiques, de la nécessité d’une ville “ intégratrice ”, susceptible de donner une nouvelle cohérence aux “ fragments ” produits “ spontanément ” ou par les interventions lourdes de multiples acteurs publics et privés, nationaux ou internationaux. On observe notamment une surcharge des discours officiels – qui peut aller jusqu’à la saturation – en termes d’“ unicité ” de la ville, de “ tout urbain ”, de “ mise à niveau ” de l’ensemble de la ville, etc.

Partant de ce constat, trois thèmes seront privilégiés :
- celui des mobilités résidentielles, des pratiques de mobilités et des constructions territoriales qui leur sont liées ;
- celui des “ mobilisations ” en réaction à l’action publique ;
- et, enfin, celui de l’“ invention de la ville ”.

1/ - Mobilités résidentielles et reconfigurations territoriales

Les chercheurs sur l’urbain considèrent aujourd’hui que l’une des caractéristiques centrales des citadins et de leur manière de vivre l’urbain est la mobilité, celle-ci étant entendue non comme un simple déplacement dans l’espace, mais comme un fait social total (J. Brun, 1993 ; F. Dureau et al., 2000). Cette mobilité, à toutes les échelles, est corrélative des histoires familiales, des stratégies individuelles ou collectives, des changements professionnels, qui exigent de la part des individus une remise en question et un ajustement de leurs pratiques dans l’espace privé et public. Mais les mobilités résidentielles sont aussi dépendantes des champs politique, économique et idéologique, qui leur donnent très souvent “ sens ” ; ainsi, le rôle de l’Etat, les modèles véhiculés par les promoteurs immobiliers, les modes de fonctionnement du marché du logement sont-ils à prendre en compte (Dureau et al., 2000).

Il n’est pas envisagé, dans le cadre de la rencontre “ Jeunes chercheurs ”, de faire porter la réflexion sur les mobilités en elles-mêmes, mais plutôt sur les recompositions territoriales qui en découlent. Cette articulation entre mobilités et territoire(s) permet de comprendre les modes de développement et de recomposition des espaces urbains et, ainsi, de déterminer les morphologies socio-spatiales qui se redessinent.
Il s’agira donc de réfléchir aux trois orientations suivantes, sans oblitérer les éventuelles passerelles qui pourront être établies entre elles :

a –Mobilités et fragmentation.

Quelles sont les nouvelles formes de ségrégation et d’agrégation, de marginalité ou d’intégration qu’induisent les mobilités résidentielles ? De quelles manières et dans quelle mesure les mobilités résidentielles participent-elles à la fragmentation urbaine et à l’émergence de nouvelles polarités, marquant ainsi l’identité sociale et spatiale de nouveaux territoires urbains, mais reformulant aussi, aujourd’hui, la problématique de la centralité versus périphérie (Navez-Bouchanine F., 1998 et 2002)? Comment peut-on analyser les “ retours en ville ” (Bidou-Zachariasen C., 2003) et leurs effets sur les recompositions sociales et les pratiques sociales et spatiales se déclinant dans les centres-villes ? Et encore, en quels termes appréhender les départs des classes moyennes et aisées vers les nouveaux quartiers périphériques que l’on observe dans de nombreuses grandes villes (Jaillet M.-C., 2004 ; Florin B. et alii, 2007) ? Enfin, à ces processus d’exclusion volontaire de la ville se juxtaposent des formes de déplacement et de relogement qui, en particulier lorsqu’elles sont contraintes, peuvent être synonymes d’exclusion ; celle-ci ne contredit pas pour autant les stratégies et pratiques d’ancrage et d’insertion mises en œuvre par les nouveaux venus qui construisent l’espace – au sens matériel et symbolique. Il est alors possible de s’interroger sur les compétences citadines en acte dans ces nouvelles configurations territoriales (Berry-Chikhaoui I. et Deboulet A., 2000).

b – La dimension symbolique de la mobilité.

Les mobilités dessinent des itinéraires et des lieux d’ancrage où se projettent des usages et des représentations et où se construisent des identités collectives. Comment, en retour, ces nouvelles configurations territoriales, et les représentations qu’elles supposent, influent-elles sur les stratégies résidentielles ? Comment les représentations citadines, actives dans la mise en œuvre des stratégies résidentielles, s’articulent-elles aux images et aux discours véhiculés sur la ville et ses fragments, par exemple ceux des promoteurs immobiliers ou ceux du voisinage ? Dans quelle mesure les modèles d’habitat et d’habiter extérieurs jouent-ils aussi un rôle et, si c’est le cas, par quels biais circulent-ils d’un pays à l’autre, d’un espace à l’autre, d’une catégorie sociale à l’autre ? Dans quelle mesure, encore, ces modèles sont-ils porteurs de nouvelles représentations de la ville, de nouvelles façons de circuler et de pratiquer la ville, et, plus largement, de formes de citadinité inédites dans les pays des Suds (Lussault M. et Signoles P., 1996 ; Capron G. et al., 2005 ; Dorier-Apprill E. et Gervais-Lambony P., 2007) ?

c – Politiques publiques et mobilités.

Les stratégies résidentielles des ménages tiennent compte du champ des contraintes qu’imposent les politiques publiques et les marchés foncier et immobilier. Ce sont ici davantage les dimensions politiques et économiques de l’habitat qu’il s’agira d’étudier. Quels sont, par exemple, les effets locaux du désengagement des pouvoirs publics dans le domaine de la production du logement social, auquel se substituent, au mieux, des politiques de régulation sociale ? Dans le parc social, aux questions concernant les situations de captivité résidentielle, de mobilités subies ou, au contraire, le glissement vers “ le haut ” du statut social des résidents, s’ajoutent celles relatives à la situation excentrée de certaines cités, à la dégradation de leur cadre bâti et plus largement de leur cadre de vie qu’il faut prendre en compte. Par ailleurs, certains espaces centraux des grandes villes des Suds sont l’objet de politiques de requalification urbaine qui les rendent attractifs et accessibles à de nouvelles catégories de population, tandis que d’autres doivent en partir ; à l’inverse, d’autres quartiers des centres-villes ou des vieilles villes sont laissés à l’écart des politiques publiques : ce qui sous-tend ces politiques urbaines renvoie, notamment pour les villes-capitales ou les métropoles, à une projection de la ville (en termes d’image, de prestige, mais aussi en termes économiques ou touristiques). Mais ces politiques, auxquelles participe le secteur privé, ont aussi une incidence sur la composition sociale des espaces centraux et, par là-même, sur “ qui ” peut y rester, qui peut s’y installer ou qui doit déménager... Il s’agira ici de saisir leurs effets sur les déplacements résidentiels ou sur les situations de stabilité et de captivité résidentielles. Enfin, à l’échelle urbaine, quels sont les effets de la cession de pans entiers de ville à des investisseurs privés qui suscitent de nouvelles aspirations résidentielles et impliquent de nouvelles mobilités ? C’est ici le nouveau mode de relations entre les acteurs – Etat, investisseurs du secteur privé et habitants - qu’il faudra interroger.

2/ - Les mobilisations en réaction à l’action publique.

Assurément, les mobilisations sont au cœur d’une réflexion sur les modes d’articulation entre les institutions et les “ acteurs ordinaires ” que sont les simples citadins. On peut dire qu’au même titre que l’action publique qui sert à articuler l’Etat à la société, , l’action collective et les autres formes de mobilisations locales contribuent à la régulation sociale et politique en métissant les pratiques autochtones de pouvoir avec les techniques de gouvernement des acteurs institutionnels. Il existe en effet une dynamique d’ajustement des mobilisations locales en fonction du contexte social et politique et, en ce qui concerne l’accès aux biens publics, du cadre de références fixé par les maîtres d’ouvrage. A ce sujet, on ne peut que souligner les évolutions que connaissent les villes des Suds depuis les années 1990. Si le clientélisme et ses variantes constituent toujours un cadre de références majeur, cela n’empêche que les institutions internationales et, quand ils existent, leurs relais locaux, à savoir les ONG, développent un autre référentiel empruntant à la fois au libéralisme, aux Droits de l’Homme, à l’idéologie participationniste et à la culture anglo-saxonne du management. Partant de ce constat, plusieurs questions peuvent servir de point de départ à une réflexion sur les mobilisations locales.

a - On peut d’abord s’interroger sur l’évolution des répertoires de l’action collective.

Il se peut en effet que les nouveaux principes d’action tels que la “ bonne gouvernance ”, le “ droit à la ville ” et la “ participation des habitants ”, diffusés par les institutions internationales, constituent des ressources, matérielles ou symboliques, pour les acteurs ordinaires que sont les usagers des services publics et, plus largement, les simples citadins. A partir d’une analyse fine des répertoires de l’action collective et, plus largement, des compétences citadines en actes, doit-on conclure à une transformation radicale ou à un simple élargissement des possibilités d’action des citadins ordinaires, notamment dans les quartiers populaires ?

b - Une deuxième série de questionnements peut concerner l’intermédiation sociale et sa structuration.

En effet, les politiques en question favorisent l’émergence de nouveaux médiateurs. Généralement issus du monde associatif, ces derniers disposent d’un capital culturel conséquent. Diplômés pour la plupart, ils ont participé aux formations dispensées par les institutions de développement (ONG par exemple) en parallèle aux interventions publiques. Dans quelle mesure ces nouveaux médiateurs peuvent-ils être assimilés à des experts locaux ? Quel est leur rôle dans l’encadrement des mobilisations locales et dans la négociation avec les acteurs institutionnels ? Doivent-ils être considérés comme des “ passeurs ” qui se chargeraient notamment d’adapter les formes locales d’action collective en fonction des injonctions à participer ?
Parallèlement, il est fort probable que les “ médiations notabiliaires ” décrites au Maroc par A. Abouhani et par A. Iraki continuent de jouer un rôle majeur dans la régulation sociale et politique locale, de même d’ailleurs que les réseaux de clientèle et autres “ réseaux informels ”. Il s’agira donc de s’interroger sur l’actualité de ces formes particulières d’intermédiation largement fondées sur les relations personnelles, ainsi que sur leur rapport avec les nouveaux médiateurs. Il se peut en effet que ces derniers, qui possèdent, en plus de la légitimité des experts, tous les attributs des notables, à commencer par la “ multipositionnalité ”, se posent en concurrents potentiels des intermédiaires existants, voire en contrepouvoirs dans l’arène politique locale. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

c - Un troisième questionnement a trait plus spécifiquement au fonctionnement des arènes politiques locales.

On peut se demander si les politiques participatives sont un vecteur de démocratisation des politiques publiques et des processus décisionnels qui leur sont liés. Pour cela, il faut analyser avec finesse le fonctionnement des scènes de négociation et autres interfaces mises en place par les acteurs institutionnels en charge de la fabrication et de la gestion des espaces urbains. Les travaux réalisés en France par les politologues et par les sociologues montrent que les politiques participatives contribuent, entre autres, à l’apprivoisement des minorités actives. Qu’en est-il dans les villes des Suds ? Ne faut-il pas également considérer les effets indirects, liés à l’instrumentalisation de la rhétorique des Droits de l’Homme et de la participation populaire qui a permis en effet aux habitants des bidonvilles de se poser comme des interlocuteurs légitimes lors des négociations avec les pouvoirs publics ? C’est en tout cas l’hypothèse que l’on peut faire à la lecture de travaux récents, tels ceux dans le Monde arabe de F. Navez-Bouchanine de Lamia Zaki ou d’Habiba Essahel. Enfin, que dire des mouvements sociaux et de leur évolution dans des contextes sociaux, économiques et politiques qui se sont considérablement transformés du fait de la mondialisation, des nouvelles technologies de l’information, de l’influence croissante des bailleurs de fonds internationaux et, dans certains cas, de l’ouverture démocratique ? Si, par exemple, l’islamisme est bien souvent évoqué à propos du Maghreb et des autres pays du Monde arabe, qu’apprend l’analyse fine des mobilisations locales au sujet des mouvements sociaux en milieu urbain ?

3/ - L’“ invention ” de la ville.

“ C’est selon l’humeur de celui qui la regarde
que Zemrude prend sa forme ”.
(Italo Calvino, Les villes invisibles)

“ Inventer ” : (selon Le Robert)
1 – Créer ou découvrir quelque chose de nouveau
2 – Trouver, imaginer pour un usage particulier
3 – Imaginer de façon arbitraire, sans respecter la vérité, la réalité

Selon Lévi-Strauss, les Hommes ont inventé et ajouté un règne supplémentaire au monde, celui de l’urbain, la ville étant “ la chose humaine par excellence ”. De fait, la ville est plastique : tant ses formes et paysages que ses qualifications et usages se déclinent selon une gamme simultanément interprétative et inventive. Les modalités d’“ invention ” de la ville par ses divers acteurs, “ petits ” et “ grands ”, peuvent s’observer de manière privilégiée notamment dans l’avènement de coïncidences non fortuites combinant des temps et des lieux, dans la mise en scène d’espaces symboliques, ou encore, de façon moins spectaculaire mais plus réactive, dans la crudité du quotidien urbain ou dans l’exploitation d’espaces et de moments interstitiels.

a - L'espace et le temps, concordances et coïncidences

Sur ce point, l’on peut se référer à un type de littérature qui, bien que “ a-scientifique ”, transcrit néanmoins les enjeux, les tensions et les non dits qui agitent les sociétés. À titre d’exemple, dans son roman Les délires de la ville (1990), l'écrivain égyptien Gamal Ghitany parodie une cité-Etat située au confluent de différents mondes. Au travers du conflit opposant la municipalité et l'université, lesquelles se disputent la primauté de l'histoire et de la mémoire dans - et par conséquent de - cette cité, l'enjeu est l'appropriation d'objets spatiaux symboliques, de territoires permettant d'accaparer ou de construire les discours et récits les plus crédibles, ou les plus consensuels. Ces supports sont, ou deviennent, des instruments : ils fondent et légitiment l'action et le pouvoir des acteurs institutionnels.

Les sociétés cherchent à se munir de repères et d'univers de références, à fonder des représentations et des savoirs communs ; pour cette analyse l’on privilégiera les deux vecteurs que sont le temps et l'espace. La jonction de lieux et de dates, ou l'institution de leurs correspondances et concordances, au travers par exemple de la dimension événementielle au sens large : des célébrations, commémorations, inaugurations ou mémoriaux permettent de saisir les articulations entre souvenir et avenir. Comment des lieux et des moments incarnent la triade temporelle passé/présent/futur ? Comment se réalise cet ajustement nécessaire à l'équilibre, sinon à l'harmonie, d'une société ? Comment les acteurs qui s'instituent les maîtres d'œuvre de ces processus identifient ou excluent, (re)concilient la pluralité des héritages de leurs sociétés et, par ailleurs, comment inscrivent-ils ce patrimoine dans une problématique ou un langage universels ?

Comment s’opère la mise en phase réciproque ou l’adéquation entre une société et un objet patrimonial, opération qui contribue à l’insertion dans un univers “ patrimonialisé ” ? Comment sont parfois intégrés, à un moment donné au sein de la Cité, des espaces marginaux, périphériques ou stigmatisés ? (Agier, 1999 ; Davis, 2006).

Certains aspects de la question de l'institutionnalisation du patrimoine, ou de l’intégration à la ville de lieux de fabrication contemporaine qui ne l’étaient pas, peuvent aussi se décrypter comme un investissement de l'État dans le registre de la tradition ou de l'héritage, et où son implication peut se faire par le biais d'une imbrication des référents religieux et nationaux. La qualification ou la requalification de l'espace constitue une entrée majeure de ce thème consacré à “ l’invention de la ville ” qui s'attache également à la mobilisation des mythes dans un double sens : en mobilisant le passé, à l’aune de la (re)écriture de l'histoire (origine, fondation, genèse ou “ âge d'or ”), qui émerge en particulier dans les récits de villes et à la mise en scène de lieux correspondants, devenus édifiants ; par la fabrication de nouveaux référents (tels des objets ou projets urbains, monuments, refondations, villes nouvelles…), lesquels instituent et légitiment l’espace du présent en l’orientant vers le futur à travers l’image, le discours et le marketing urbain.

b - L'avènement d'espaces symboliques, lieux de consensus et de citadinité

L'investissement des centres anciens par les pouvoirs est exemplaire des recompositions que l'on souhaite mettre en lumière et articuler à d'autres échelles. On est frappé de la prééminence des références empruntées au registre de l'image des centres historiques, espaces fondateurs et originels, dans les représentations globales des villes, voire même dans celles des nations. La lecture de l'évolution de l'image des quartiers anciens, placés à la croisée des temps, entre un passé mythifié, un présent enjeu et un avenir-projet, nous renseigne sur les désirs d'approprier, de modeler, parfois même de gommer ces espaces sensibles.
À l'heure des mégapoles, les centres anciens reprennent du sens, sont réinvestis, et ce de plus en plus dans les villes du Sud du monde (Bidou-Zachariasien, 2003); ce sont des espaces de choix pour imprimer l'idéologie du “ patriotisme citadin ” (M. Roncayolo, 1990) avec ses symboles et manifestations. Partout, les centres anciens érigés en emblèmes, reprennent forme et place ; ces espaces, un temps en marge, reviennent sur le devant de la scène urbaine, dans le champ des représentations au moins. Quels sont ces lieux, places où se met en scène de manière apparemment “ consensuelle ” l’appartenance urbaine ?
Les espaces nationaux sont ponctués de “ lieux de mémoire ” (P. Nora, 1984), ceux-ci sont identifiés, spécifiés, mais tous n'ont pas le même statut ; certains sont instaurés comme “ marqueurs centraux ” (U. Hannerz, 1990) ; plus largement, ils participent de “ l'imaginaire national ” (B. Anderson, 1983). Alors, comment se fondent ces désignations, quels projets servent-elles et quels sens confèrent-elles aux lieux ainsi distingués ?

c - Marges de l’ordinaire et temporalités du quotidien : interstices, action, contestation

Aussi, la ville se pense et s’invente par des processus idéomoteurs (par lesquels les représentations se prolongent en mouvement), dans diverses dimensions, au jour le jour et par périodes, par séquences, par sections et globalement. Elle se crée aussi par ses légendes, ses mythes, ses rumeurs, ses mots et ses non dits. En considérant et en consignant temps et rythmes de la ville, en démultipliant le champ des possibles, on peut voir celle-ci autrement que comme une “ flaque ” dont on mesure la surface, dont on évoque l’opacité et dont on sonde la profondeur mais dont on ignore les remous (troubles, désordres, effervescences, tensions).
Aux côtés des espaces formels, existent des espaces résiduels, interstitiels, où s’expriment des mobilisations à visées multiples, contestatrices ou non. On peut penser dans ce cadre à ce qui s’exprime autrement, autrement par rapport aux normes dominantes, à nombre de manifestations que l’on peut qualifier de scansions et d’aspérités. On peut penser également aux subtilités du quotidien citadin, et à son invention (M. de Certeau, 1990).

Lieux

  • Oran (Algérie)
    Oran, Algérie

Dates

  • mercredi 25 février 2009

Mots-clés

  • ville, Sud, territoire, périphérie, mobilités, action publique, représentations, pratiques de l'espace, urbanisation, projet urbain

Contacts

  • Anna Madoeuf
    courriel : anna [dot] madoeuf [at] univ-tours [dot] fr

Source de l'information

  • Anna Madoeuf
    courriel : anna [dot] madoeuf [at] univ-tours [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Configurer/reconfigurer les territoires des villes des Suds », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 09 février 2009, https://doi.org/10.58079/dnm

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