HomeQuestions sensibles, le sensible en question
Conference, symposiumSociology
Subjects
Published on Monday, October 04, 2004
Abstract
Announcement
Après avoir exploré les régimes d’engagement de la personne dans l’espace public (Engagement public et exposition de la personne, Editions de l’Aube, 1997) et les modalités de ce qui relie les êtres dans les situations dites de déliaison (Ce qui nous relie, Editions de l’Aube, 2000), le CRESAL propose de tenir un colloque en 2004 autour de la thématique du sensible. Par sensible, nous entendons moins nous en tenir à une approche strictement phénoménologique dans laquelle la sensibilité est attachée, par principe, à ce qui fait expérience, mais bien plutôt interroger, en sociologues, la dimension partagée, voire partageable, de cette dimension de l’expérience collective.
En disant « questions sensibles », nous entendons tout d’abord prendre la mesure de ce fait que, dans le langage commun, nombre de problèmes publics sont qualifiés de sensibles : quartiers sensibles, sujets sensibles, territoires sensibles, situations sensibles... Régulièrement rapporté à des défaillances ou des dysfonctionnements de l’action publique, cet emploi du qualificatif de sensible confère à l’objet ou au domaine considéré une qualité de fragilité, de vulnérabilité, qui en appelle à une prise en considération, voire à une prise de soin. Le recours à ce champ sémantique du sensible pour qualifier certains secteurs de la chose publique ouvre sur une première série de questions : qu’en est-il des savoirs mobilisés, qui attestent de la sensibilité d’une question, dès lors que l’emploi du terme suggère à tout le moins un écart par rapport au registre de la connaissance assurée d’elle-même ? Le fait que le même qualificatif de sensible puisse se déployer sur une pluralité de domaines distincts, tendrait-il à délimiter dans l’espace collectif un territoire du sensible , fait de la réunion de toutes ces occurrences partielles et ancrées ? Est-ce que, par là, c’est la société elle-même qui, dans sa dimension publique, se représenterait comme sensible ?
Plus concrètement, une deuxième façon de considérer ces questions sensibles, consisterait à observer et à analyser comment elles en sont venues à être ainsi qualifiées. Pour l’approche sociologique, en effet, la qualité de sensible n’est pas attachée à une dimension intrinsèque de l’objet ou du domaine considéré ; elle résulte d’un travail social d’attestation publique de cette qualité, de présentation des preuves, de partage des convictions quant à la sensibilité en cause. L’enquête est ici orientée vers les processus de sensibilisation , vers les actions de sensibiliser, vers les dispositifs qui contribuent à doter telle ou telle situation de cette qualité de sensible. Quelles sont les spécificités des dites opérations ? En quoi se distinguent-elles de celles qui visent à faire prendre conscience ? Comment cette façon de formater la réalité des êtres et des choses opère-t-elle sur un public qui, à son tour, est sensibilisé à une cause, à un risque, à une question ? En quoi l’établissement du sensible y apparaît comme l’enjeu d’un travail de délimitation, de reconnaissance et de promotion de sensibilités partielles, plurielles, voire contradictoires, mises à l’épreuve dans leur combinatoire collective ?
Au-delà de la diversité contextuelle ou événementielle qui donne aux situations dites sensibles un format public particulier, l’activité de sensibiliser tend, pour le public, à établir en arrière-fond la sensibilité de la relation aux êtres et aux choses. Le monde commun comme monde sensible devient un enjeu à constituer, qui engage à un travail de mutualisation du perceptible (L. Quéré), de communication entre des sensibilités différentes voire contradictoires. La mise en débat public d’ un ordre du sensible relève de cette activité de jonction, point à point, entre la possibilité de décrire un état des choses et l’attestation de sa reconnaissance partagée. Cette montée en politique de la dimension du sensible ne laisse pas indemne la question de la prise en charge du lien collectif, déjà abordée dans les deux précédents colloques. Comment ne pas reconnaître en effet, dans le travail de cette relation collective à l’expérience du sensible, le lieu d’opérativité d’un munus , au sens donné par R. Esposito à cette expression ? Qu’en est-il, dans ces formatages du sensible partagé, de ce qui peut faire communauté ? de ce qui peut permettre la (re)fondation d’une expérience publique ? Nous sommes ici, à la suite de J. Rancière, d’U. Beck, de M. Callon, à interroger les fondements du politique en amont de l’acte démocratique habermasien, à pointer vers ce que J. Dewey désigne comme les racines premières du public.
L’ambition théorique du colloque peut se décliner selon deux axes thématiques. Avec le premier axe, l’expérience et son prolongement , nous entendons faire droit non seulement à la dimension expérimentale (voire expérimentatrice) de la relation au sensible (par exemple quand elle se donne dans une élaboration esthétique), mais aussi aux ressorts expressifs grâce auxquels, ce qui est éprouvé hic et nunc par une individualité singulière peut être reconnu et partagé par d’autres. Selon quelles logiques, par quels procédés, par quel travail, telle expérience singulière peut-elle être reliée à d’autres expériences, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par une montée en généralité et une mise en catégorie d’équivalence ? Comment l’expérience peut-elle, par le travail de sensibilisation dont elle est l’objet, apparaître dans une dimension publique, partageable, comme exemplaire d’un fond commun sur lequel se détachent les histoires particulières ? Quelle place politique donner par exemple aux expériences-limites, quand l’expérience y vient mettre à mal les modalités de son élargissement et de son partage ?
Avec le deuxième axe, les cadres et leurs débordements , nous entendons certes prendre la mesure de ce qui, tant dans l’expérience individuelle que collective, tient à la prégnance des cadres établis (sensoriels, culturels, langagiers...) pour inscrire les événements sensibles dans des environnements reconnus ; mais nous voudrions aussi documenter les situations dans lesquelles une paralysie des ressorts des cadres d’action ouvre les collectifs engagés à de nouvelles formes de sensibilité. Par quel travail de documentation s’atteste cette défaillance, et comment la mise en forme des données sensibles informe-t-elle déjà une reformulation des bases de l’agir et du monde commun ? Quelle place accorder aux activités frontières, qui participent tout autant aux cadres établis, qu’aux formes de mobilisation pratique pour leurs débordements ? Qu’en est-il de l’expérimentation politique qui interroge le cadrage du sensible, et comment sont fondées à leur tour les modalités de sensibilisation à des causes ?
Plusieurs entrées, données ici à titre indicatif, pourront être explorées :
- Relations au territoire et territorialité du sensible
- Dispositifs de sensibilisation et expérimentation politique
- Connaissance sensible et socialisation des savoirs
- Partage du sensible et constructions identitaires
- Temporalité et historicité des cadres du sensible
Le colloque se déroulera sur 6 demi-journées du mercredi 20 octobre après-midi au samedi 23 octobre matin. Le programme inclura une trentaine de communications en séance plénière. Comme pour les précédents colloques du CRESAL, les communications donneront lieu à un travail éditorial, qui débouchera sur la publication d’un ouvrage.
Renseignements : CRESAL 04 77 42 19 86 - [Z.Thomasset@univ-st-etienne.fr->Z.Thomasset@univ-st-etienne.fr].
Subjects
- Sociology (Main category)
- Society > Geography
- Society > Political studies > Wars, conflicts, violence
Places
- Saint-Étienne, France
Date(s)
- Wednesday, October 20, 2004
- Thursday, October 21, 2004
- Friday, October 22, 2004
- Saturday, October 23, 2004
Reference Urls
Information source
- Liens socio
courriel : Pierre [dot] Merckle [at] ens-lsh [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Questions sensibles, le sensible en question », Conference, symposium, Calenda, Published on Monday, October 04, 2004, https://doi.org/10.58079/ec2