AccueilLe travail artistique au croisement des méthodes

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Publié le vendredi 28 octobre 2005

Résumé

Séminaire annuel, Paris, prochaine séance mercredi 9 novembre 2005, 16h-19h

Annonce

Souvent placé sous les registres de la vocation, de l’expression personnelle, du don ou de la liberté individuelle, le travail artistique peut apparaître à première vue difficile à saisir, voire impossible à analyser selon les termes classiques des sciences sociales. Les travaux fondateurs de Pierre Bourdieu, Raymonde Moulin ou Howard Becker ont cependant convaincu les sociologues de l’art du caractère social des pratiques professionnelles artistiques. Réseaux sociaux, mondes de l’art, champ artistique, stratégies d’acteurs ou médiation sont autant de concepts mobilisés pour décrire le champ littéraire, le marché de la peinture ou les mondes professionnels de la musique. Ces dernières années, les travaux sociologiques se sont ainsi multiplié, rendant compte avec finesse de mondes artistiques multiples - danse, littérature, cinéma, musique, peinture ou théâtre - et affinant ces premiers concepts transversaux. En relation avec ces développements empiriques et théoriques, les méthodes se diversifient. Aux enquêtes plus classiques menées par questionnaire, par analyse de données statistiques ou par entretiens s’ajoutent aujourd’hui d’autres modalités d’étude du fait artistique. Les études ethnographiques se développent, s’approchant au plus près des conditions de réalisation de l’œuvre musicale, des pratiques professionnelles des artistes ou de leurs réseaux de coopération. Des dispositifs d’expérimentation se mettent en place pour étudier les modalités de production des œuvres d’art. L’usage raisonné d’archives fonde des travaux croisant sociologie et histoire. La mise en œuvre de nouvelles technologies - vidéo, enregistrements sonores ou internet - permet encore d’accéder à de nouvelles réalités sociales.

Ces dernières années ont vu émerger des tentatives plus systématiques de construction d’une réflexion épistémologique sur l’usage des méthodes en sociologie des arts, à l’image emblématique des sessions organisées sur ce thème par le comité de recherche « Sociologie des arts » de l’A.I.S.L.F. lors du dernier Congrès de Tours organisé en 2004 ou du numéro spécial de la revue Sociologie de l’art qui y sera consacré en 2006. Nous voudrions nourrir, prolonger, et approfondir cette récente mobilisation intellectuelle. Dans cette perspective, nous avons choisi un objet empirique, le travail artistique, qui voit se croiser un nombre toujours plus grand de recherches faisant appel à différents courants théoriques, approches méthodologiques et emprunts disciplinaires - histoire, ethnologie, économie, musicologie ou philosophie par exemple. Au terme méthode, nous donnons une définition extensive incluant les différents moments de la recherche, de la définition de l’objet d’étude à l’écriture de résultats publiés dans un ouvrage ou une revue scientifique.

Quelques grandes interrogations épistémologiques orienteront ainsi la mise en œuvre des séances à venir. La forte implication subjective à l’œuvre dans tout travail artistique suppose-t-elle la mise en œuvre d’une démarche d’enquête spécifique ? A l’usage d’une technique d’enquête donnée voit-on correspondre des objectifs épistémologiques précis ? Comment envisager le choix d’une technique d’enquête au regard de ses supposés apports ou limites épistémologiques ? Selon quelles modalités, encore, analyser et définir l’articulation de deux ou plusieurs de ces techniques au cours d’une recherche, l’ethnographie étant ici utilisée comme socle d’analyse ? Comment analyser un matériau construit de manière éclatée du fait de la diversité des lieux et des moments d’exercice de l’activité artistique ? Quelle relation de complémentarité l’enquêteur peut-il établir entre un matériau ethnographique et des « données » produites par d’autres moyens - analyse des œuvres produites, des discours recueillis par entretien ou des réponses données à un questionnaire ? Quelle est la « nature » des savoirs ainsi produits ? Peut-on énoncer les limites d’une approche strictement ethnographique ? Telles sont quelques-unes des interrogations générales que nous aimerions soulever au cours de ce séminaire.

Les séances s’organiseront alors selon trois thématiques principales : les questionnements transverses ; le croisement d’approches disciplinaires ; la mise en place de dispositifs d’observation. Chaque séance assurera la rencontre de deux chercheur-es adoptant des techniques d’enquête différentes - dont l’ethnographie pour l’un-e des deux - afin d’approcher un monde de l’art - la danse, le théâtre, la musique, la peinture, le cinéma ou la télévision - parfois identique, parfois différent. Fondées sur des travaux empiriques reconnus pour leur rigueur et leur originalité, les réflexions méthodologiques ainsi présentées seront autant d’occasions de susciter, de débattre, de formaliser différents enjeux épistémologiques.

« Le travail artistique au croisement des méthodes »

Programme

Séance 1 « Vocation et travail artistique » (5 octobre 2005)

Le travail artistique contemporain s’inscrit sous le registre de la « vocation », du don ou du talent. Inspirée par des forces mystérieuses, créatrice de magies sonores, visuelles ou littéraires, l’artiste évoluerait dans un « monde à part ». Comment le chercheur peut-il alors accéder aussi bien aux discours enchantés portés par (et sur) l’artiste, à ses sentiments et imaginaires premiers qu’aux processus sociaux qui les sous-tendent, aux tensions et compromis qui les entourent, aux contextes sociaux qui participent à les produire ?

Intervenantes

« L’élite artiste : objet, méthodes, problématiques », Nathalie Heinich, Centre de recherche sur les arts et le langage, EHESS - CNRS.

« Génie et perception des virtuoses : ethnographie de l’élite du monde des musiciens classiques », Izabela Wagner, GETI , Université Paris 8, EHESS.

Discussion : Delphine Naudier, CSU-CNRS.

Animation : Marie Buscatto

Séance 2 « Travail du corps et activité artistique » (9 novembre 2005)

Comment l’activité artistique implique-t-elle le corps de l’artiste ? Cette implication nécessite-t-elle un engagement réciproque de la part de l’observateur ? Si le travail du corps et sur le corps apparaît comme un outil principal pour l’interprète de danse, le chercheur peut s’interroger sur l’usage de son propre corps lors de l’observation, voire sur la nécessité de lui-même pratiquer cette activité pour en saisir les enjeux. Dès lors, comment rendre compte d’expériences perçues corporellement à travers le travail de répétition, de formation et de scène ? Comment objectiver son observation lorsqu’elle est conduite par sa propre subjectivité ?

Intervenant-es

« Parler de l’expérience corporelle dans une enquête par observation participante », Pierre-Emmanuel Sorignet, Université Toulouse 2, ENS.

« Objectiver les pratiques de danse : la nécessaire rupture avec la subjectivité », Sylvia Faure, GRS, Université Lumière Lyon 2.

Discussion : Liliana Segnini, Université de l’Etat de Campinas, Brésil.

Animation : Hyacinthe Ravet

Séance 3 « La définition des frontières de l’activité artistique » (7 décembre 2005)

Les analyses socio-historiques de l’émergence de différentes activités professionnelles aujourd’hui définies comme artistiques - peinture, musique ou littérature - montrent l’évolution de ses contours sociaux dans le temps, de l’artisan à l’artiste, de l’activité dilettante à l’activité professionnelle, de l’activité marginale au statut prestigieux. Quand certaines activités professionnelles se voient « clairement » associer le dénominatif d’artistique, d’autres font l’objet de luttes symboliques, économiques et sociales pour accéder à cette même position. Comment alors peut-on repérer, analyser et expliquer ces moments de définition et de redéfinition d’une activité professionnelle en activité artistique ?

Intervenants

« Les professions techniques ou artistiques : l’exemple des monteurs de films », Philippe Le Guern, Laboratoire G. Friedmann, Université Paris I - CNRS.

« Les limites d’un groupe incertain », Serge Proust, CRESAL, Université de Saint-Etienne.

Discussion : Alain Quemin, I.U.F., LATTS, Université de Marne la Vallée - CNRS

Animation : Marie Buscatto

Séance 4 « Genre et travail artistique » (11 janvier 2006)

Les recherches, encore rares, sur la place des femmes dans les mondes de l’art ont montré leur difficile accès à la professionnalisation, aux postes et activités les plus prestigieux ou encore à certaines pratiques artistiques - instruments, écritures ou styles picturaux dits masculins par exemple. Comment accéder à ces processus parfois visibles, souvent invisibles de fermeture/ouverture, de ségrégation ou de hiérarchisation dans les mondes de l’art ? Quelles méthodes d’investigation peuvent en rendre compte ?

Intervenantes

« Division sexuelle du travail musical et processus de féminisation à la lumière des observations et des récits biographiques », Hyacinthe Ravet, Observatoire Musical Français, Université Paris Sorbonne-Paris IV.

« Ethnographies et ‘arrangement des sexes’ dans le monde du jazz français », Marie Buscatto, Laboratoire G. Friedmann, Université Paris I - CNRS.

Discussion : Catherine Marry, LASMAS-CNRS

Animation : Philippe Le Guern

Séance 5 « Sociologie et musicologie : le travail musical » (1er février 2006)

La création de chansons sera au cœur de cette séance sous l’œil d’une musicologue et d’une sociologue qui toutes deux observent le travail mené par les différents acteurs en présence (en studio d’enregistrement, en répétition, en concert). A quelles règles écrites ou non écrites se confrontent les uns et les autres lors du processus créatif ? Quelle importance prend alors le support (CD, DVD, site Internet...) ? Dans et pour quels espaces se créent les chansons ? Chacune des intervenantes montrera combien musicologie et sociologie éclairent de manière complémentaire la genèse d’une œuvre, son existence sonore et sociale.

Intervenantes

« Observer et analyser une pratique de création de chansons. La confrontation aux règles écrites et non écrites », Catherine Rudent, Observatoire Musical Français, Université Paris Sorbonne-Paris IV.

« Supports, espaces et création. Le cas de la chanson francophone contemporaine », Cécile Prévost-Thomas, Université Paris X-Nanterre.

Discussion : Gérôme Guibert, docteur en sociologie

Animation : Hyacinthe Ravet

Séance 6 « Sociologie et économie » (8 mars 2006)

L’art est très influencé par les marchés sur lesquels il s’échange et par la production des conventions qui règlent la définition de la valeur et la rémunération du travail artistique. Il est donc intéressant de s’interroger sur les modèles économiques d’analyse de ce travail : sont-ils comparables aux modèles sociologiques ? Les théories économiques de la vocation ou du succès artistique sont-elles vérifiées par les observations de terrain consacrées à la vie d’artiste ? L’approche ethnographique est-elle compatible avec l’ambition modélisante de l’économie ?

Intervenant-es

« Les défis méthodologiques de l’économie de la culture », Dominique Sagot-Duvauroux, Université d’Angers, Matisse-Paris 1.

Hervé Glevarec, Clerse-CNRS (titre à préciser).

Discussion : en cours de programmation

Animation : Philippe Le Guern

Séance 7 « Sociologie et ethnologie : les cas du cinéma et de la télévision » (29 mars 2006)

La méthode ethnographique est née, a grandi et a acquis ses lettres de noblesse au sein de la discipline ethnologique, mais est aussi devenu une technique mobilisée par d’autres disciplines - sociologie certes, mais aussi gestion, psychologie ou économie. A travers le développement de l’« enquête de terrain », l’ethnographie devient centrale dans la mise en œuvre même de la recherche ethnologique. Comment penser l’usage de cette méthode lorsqu’elle « voyage » dans le monde de la sociologie ? Cette question sera située au cœur de la rencontre organisée entre l’anthropologue Emmanuel Grimaud et la sociologue Sabine Chalvon.

Intervenant-es

« La main du réalisateur avant la prise de vue. Approche ethnographique d’un plateau de tournage et de ses modes de coordination », Emmanuel Grimaud, LESC, EHESS-CNRS.

« Production audiovisuelle, approches ethnographiques : enjeux et limites », Sabine Chalvon, Centre d’Etude des Mouvements Sociaux, EHESS-CNRS.

Discussion : Jean-Pierre Hassoun, GTMS/LSS, EHESS-CNRS.

Animation : Marie Buscatto

Séance 8 « Des dispositifs innovants de constitution des données » (3 mai 2006)

Comment observer une pratique de composition dans tous les micro-aspects du processus ? Comment saisir les interactions entre un public, un spectacle et des comédiens en représentation ? Les chercheurs présents lors de cette séance ont chacun construit un dispositif d’observation mis en place, pour les uns a posteriori, pour une autre in situ, qui fait appel notamment à des technologies telles que la vidéo et/ou la numérisation de données. Qu’apportent ces dispositifs à l’observateur ? Que permettent-ils de saisir au plus près ?

Intervenants

« Constitution technique du travail artistique et construction de son observatoire : le cas de la pratique compositionnelle de Philippe Leroux », Nicolas Donin et Jacques Theureau, IRCAM - CNRS.

« L’observation filmée de festivals de théâtre », Sylvie Rouxel, CNAM.

Discussion : Daniel Bizeul, IUT d’Angers, GETI, Université Paris 8.

Animation : Hyacinthe Ravet

Séance 9 « Construire des données publiques sur les professions artistiques », (6 juin 2006)

L’étude des professions artistiques, des pratiques culturelles et des publics de la culture repose principalement, en France, sur l’analyse de données statistiques et socio-économiques : les résultats obtenus ont ainsi permis de mieux saisir les enjeux des politiques culturelles ou des mutations professionnelles... Par comparaison, l’enquête de type ethnographique fait figure d’exception : dans quelle mesure l’analyse des professions culturelles impose-t-elle un renouvellement des catégories mobilisées ? Quel peut être l’apport de l’ethnographie à la réflexion sur la transformation des modes de production de la culture ?

Intervenants

Un-e chercheur-e du DEPS.

Philippe Teillet, I.E.P. de Grenoble, Observatoire des politiques culturelles de Grenoble.

Discussion : Philippe Coulangeon, O.S.C., Sciences Po Paris - CNRS.

Animation : Philippe Le Guern

  • Séminaire organisé avec le soutien financier du ministère de la Recherche dans le cadre de l'Action Concertée Incitative « Jeunes chercheur-es 2004 ». Organisé par le Laboratoire Georges Friedmann, Paris I - CNRS
  • Marie BUSCATTO (Laboratoire Georges Friedmann, Paris I)
    Philippe LE GUERN (Laboratoire Georges Friedmann, Paris I)
    Hyacinthe RAVET (Observatoire Musical Français, Paris IV)
  • Parrainé par le GDR-CNRS Opus
  • Horaires : mercredi 16h -19h, salle 117, université Paris 1 Panthéon - Sorbonne - Maison des Sciences économiques - 106-112 boulevard de l'Hôpital - 75013 Paris

Lieux

  • Maison des Sciences économiques - 106-112 boulevard de l'Hôpital
    Paris, France

Dates

  • mercredi 09 novembre 2005
  • mercredi 05 octobre 2005
  • mercredi 07 décembre 2005
  • mercredi 11 janvier 2006
  • mercredi 01 février 2006
  • mercredi 08 mars 2006
  • mercredi 29 mars 2006
  • mercredi 03 mai 2006
  • mardi 06 juin 2006

Mots-clés

  • art

Source de l'information

  • Liens socio
    courriel : Pierre [dot] Merckle [at] ens-lsh [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le travail artistique au croisement des méthodes », Séminaire, Calenda, Publié le vendredi 28 octobre 2005, https://doi.org/10.58079/eg3

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