AccueilManger, parler, penser - et l'écrire

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Publié le lundi 09 novembre 2009

Résumé

La nourriture semble se prêter avant tout à une réflexion sur les rapports entre pratiques alimentaires et pratiques culturelles : en quel sens les mœurs alimentaires peuvent-elles refléter la particularité d’une culture, quel est le rapport entre les évolutions de la cuisine et l’évolution culturelle ? Or, si le manger acquiert sa valeur culturelle à travers des pratiques concrètes que fonde et/ou que relaie une parole parfois implicite, souvent perdue, très tôt en dérivent des textes fixés qui postulent et explicitent la signification de la nourriture : textes verbaux —théologiques, philosophiques, littéraires—, textes non-verbaux, picturaux notamment, et bien plus tard cinématographiques. C’est de cette façon que se noue une gerbe de trois termes, manger, parler, penser —que vient lier une même pratique, l’écriture, l’écriture-peinture-dessin-gravure, etc., la graphikè à vrai dire en toute sa diversité.

Annonce

Colloque international 10-12 juin 2010 à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis

Depuis un temps immémorial, le pain est plus que du pain. Partagé, il devient signe d’hospitalité ; consacré, il se fait signe du corps divin ; en simplifiant, on pourrait affirmer qu’à partir du fruit de l’arbre du bien et du mal ou du repas totémique, tout aliment se fait signe, que toute nourriture devient fondatrice de culture.

La nourriture semble se prêter avant tout à une réflexion sur les rapports entre pratiques alimentaires et pratiques culturelles : en quel sens les mœurs alimentaires peuvent-elles refléter la particularité d’une culture, quel est le rapport entre les évolutions de la cuisine et l’évolution culturelle ? Or, si le manger acquiert sa valeur culturelle à travers des pratiques concrètes que fonde et/ou que relaie une parole parfois implicite, souvent perdue, très tôt en dérivent des textes fixés qui postulent et explicitent la signification de la nourriture : textes verbaux —théologiques, philosophiques, littéraires—, textes non-verbaux, picturaux notamment, et bien plus tard cinématographiques.

C’est de cette façon que se noue une gerbe de trois termes, manger, parler, penser —que vient lier une même pratique, l’écriture, l’écriture-peinture-dessin-gravure, etc., la graphikè à vrai dire en toute sa diversité. Cinq dominantes seront proposées pour répertorier les initiatives.

I. MYTHISTORIQUE, phusis et logos

Il s’agirait de repérer, à travers l’histoire, variantes et invariants : les permanences et les disparitions, les transformations et les résurgences des motivations et fonctions de la nourriture-signe comme du signe-nourriture. On y rencontrera aussi bien une évaluation du manger par les philosophes que le genre littéraire du Symposion ou Banquet, la pensée spéculative de la nourriture et sa pensée figurative, qu’une réflexion sur le pantagruélisme à travers les âges, une approche anthropologique des rituels qu’une stylistique des clichés culinaires.

A titre d’exemple : Rabelais adopte, dans une acception tout à fait laïque, l’imagerie du livre mangé hérité de la théologie médiévale ; comme Montaigne ensuite, il s’en sert comme critique des pédants (qui se gorgent de livres sans les digérer) et comme levier d’une re-naturalisation de la littérature, où s’affirme, dans ces livres bons à boire et à manger, une vitalité, une « naturalité », s’opposant à une vision de la littérature comme imitatio, donc comme système clos, dans lequel les livres ne se référeraient pas à la réalité mais plutôt à d’autres livres.

II. DIALECTIQUE ou les interactions dynamiques

Le point de vue sera ici celui d’un jeu d’interférences et d’interactions entre créateur et consommateur, entre attente et plaisir, entre intérieur et extérieur, entre produit et apprêt, entre phusis et tekhnè, toutes dialectiques où se construisent les identités.

Mais aussi entre transcendant et immanent : à titre d’exemple, parmi ces figures qui frappent par leur longévité, les mets eucharistiques, survivant dans une société laïque malgré ou peut-être grâce à l’usage souvent profanatoire qu’en fait la littérature moderne, posent le problème du rapport exact qu’entretient le signe matériel avec une valeur spirituelle. Quand le pain et le vin sont-ils conçus comme de « simples » symboles, quand et comment au contraire sont-ils représentés, « écrits » comme de vraies incarnations du corps divin, selon l’acception catholique, même et surtout quand l’explicite le nie ou l’oublie ?

III. SEMIOTIQUE ou la nourriture comme texte

Texte, co-texte, pré-texte, contexte, intertextualité seront les catégories interrogées, notamment en ce qu’elles sont propres à éclairer la compréhension des synesthésies du manger. Devraient également être développées la narratologie du repas, de la présentation dramatisée des aliments à l’institutionnalisation des séquences et à leur transgression : combinaisons possibles, souhaitables, innovantes, exclusions absolues, relatives, contournées ou frontalement remises en cause, en synchronie ou dans la diachronie.

A titre d’exemple, l’imbrication des systèmes ainsi définis s’intègre dans une sémiotique discursive dont on peut étudier les actants et acteurs dans des textes de comédies (notamment la comédie grecque ancienne et moyenne), où se déploie la chaîne “gourmet-goinfre-gourmand-glouton”.

IV. POETIQUE, à la table des arts

L’insistance portera sur la mise en scène des repas, sur la théâtralité de la cuisine, on n’ignorera pas les valeurs de la métaphore et de la métonymie culinaires.

On se souviendra, par exemple, qu’au dix-neuvième siècle le motif du livre-nourriture est repris par de nombreux auteurs: livre-poison dans Emma Bovary, livres comme mets indigestes pour Bouvard et Pécuchet, livres comme mets faisandés chez Huysmans : toute une réflexion sur les qualités bénéfique ou maléfique de la nourriture littéraire, sur la correspondance entre goût culinaire et goût esthétique, entre le travail du cuisinier et celui de l’écrivain.

V. DIDACTIQUE ou la volonté de faire-faire

On envisagera enfin aussi bien l’enseignement des chefs, des plus discrets aux plus prolixes, des plus anciens aux plus récents, l’écriture gastronomique —son discours de la distinction, son goût du normatif—, son rapport à la poésie (d’Archestrate de Gela, c. –350, à Joseph Berchoux, l’introducteur du mot “gastronomie” en français, dans son poème de 1801) ou encore à la médecine.

Pour ce dernier, par exemple, on pourra insister sur l’expansion du thème de la bibliophagie qui, autour de 1800, pénètre dans ce domaine et celui de la pédagogie, et, donc, la médecine quand l’émergence d’une nouvelle maladie se met à préoccuper pédagogues et médecins. C’est la « passion de la lecture », réputée cause de folie et même de mort, dont sont affectés surtout les femmes et les enfants, qui ne sont pas encore capables de bien distinguer entre la fiction des signes et la réalité. Alors, on invente des véritables cures, de « régimes de signes » censées habituer les malades à une absorption moins avide et plus raisonnée des mots.

Dans une perspective immédiatement contemporaine, on s'attachera enfin à des discours oscillant entre les bornes du péremptoire, du critique et du sceptique (l'écriture scientifique autour du manger, sous ses aspects diététiques, techno-alimentaire, etc.) ainsi qu'à son expression journalistique et plus largement médiatique.

Les propositions de communication (de 350 mots environ) ainsi qu'une brève notice bio-bibliographique doivent parvenir avant le 15 janvier 2010 par courrier électronique à Michel Costantini (mic.costantini@wanadoo.fr) ou Arnaud Laimé (arnaudlaime@yahoo.fr).

 

CALENDRIER

- date limite de réception des propositions : 31 décembre 2009

- date de réponse du comité scientifique : avant le 31 janvier 2010

- dates du colloque : 10-12 juin 2010

COMITE D’ORGANISATION

COMITE SCIENTIFIQUE

  • Pier Luigi Basso, Università degli Studi di Scienze Gastronomiche, Pollenzo-Bra (Piemonte)
  • Denis Bertrand, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
  • Jean-Jacques Boutaud, Université de Bourgogne
  • Andrea Catellani, Université catholique de Louvain
  • Michel Costantini, Université Paris 8
  • Christian Doumet, Université Paris 8
  • Françoise Graziani, Université Paris 8
  • Jean-Nicolas Illouz, Université Paris 8
  • Arnaud Laimé, Université Paris 8
  • Jacques Neefs, Université Paris 8
  • Christine Ott, Philipps-Universität Marburg (Hesse)
  • Jackie Pigeaud, Université de Nantes
  • Luciana Romeri, Université de Caen

Lieux

  • Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
    Saint-Denis, France (93)

Dates

  • jeudi 31 décembre 2009

Mots-clés

  • nourriture, littérature, sémiotique du texte et de l'image, histoire des idées, histoire de l'art, anthropologie

Contacts

  • Arnaud Laimé
    courriel : arnaudlaime [at] yahoo [dot] fr
  • Michel Costantini
    courriel : mic [dot] costantini [at] orange [dot] fr

Source de l'information

  • Arnaud Laimé
    courriel : arnaudlaime [at] yahoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Manger, parler, penser - et l'écrire », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 09 novembre 2009, https://doi.org/10.58079/fdu

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