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La macroéconomie par le bas

Macro-economics from Below

Les enjeux sociopolitiques des représentations économiques en Afrique

The Socio-Political Issues of Economical Representations in Africa

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Publié le mardi 28 septembre 2010

Résumé

L’objectif de ce numéro de Politique africaine, dirigé par Béatrice Hibou, est de comprendre la signification politique et sociale des pratiques économiques et financières contemporaines en Afrique, en allant au-delà de la critique du caractère économiciste et idéologique du néolibéralisme. Il s’agit de mettre en évidence et d’interpréter la configuration économique actuelle (qu’on la nomme néolibéralisme ou autrement) comme le déplacement des techniques de gouvernement, une transformation du politique, une restructuration des rapports de pouvoir à l’intérieur des sociétés en ne prenant pas seulement en compte la dimension politique et éthique du néolibéralisme, mais aussi son économie politique dans ses pratiques les plus concrètes et dans ses relations aux savoirs mobilisés.

Annonce

Proposition de numéro Politique africaine sous la direction de Béatrice Hibou

A partir des années 1980, parler économie en Afrique c’était parler ajustement structurel, endettement et crise. Les analyses et les critiques de cette économie politique ont donné lieu à d’innombrables publications, souvent idéologiques et normatives, parfois pertinentes mais désormais obsolètes. Car ce discours et les pratiques concrètes qui ont été prises en son nom ont depuis lors évolué. Aujourd’hui, on assiste, à un double discours : celui sur la pauvreté et l’inégalité n’a pas disparu, de même que celui sur la corruption, mais une nouvelle rhétorique se répand, celle de la post-crise, du post-endettement, du retour de la croissance et d’une respectabilité macroéconomique, commerciale et financière retrouvée du continent. Ce nouveau contexte fait également écho au débat sur le tournant néolibéral en Afrique et sur les transformations des pratiques politiques qui lui seraient liées. Il faut évidemment se distancier de ces récits, quels qu’ils soient. Comment qualifier la situation économique africaine dans son historicité et dans son rapport au politique ? Qu’est ce que le néolibéralisme africain ? Tout comme les analyses précédentes en termes de crise, de dysfonctionnements et d’anomalies africaines devaient être évitées en raison de leur caractère normatif et essentialiste, il importe aujourd’hui d’analyser les fonctionnements économiques non dans leur conformité aux dogmes mais tels qu’ils sont, dans leur multiplicité, leurs incohérences, leur variabilité et leur fluidité en dehors des appréciations normatives (« l’Afrique qui gagne », « l’Afrique corrompue »…) et des pseudo catégories (le post-ajustement, le post-crise, le post-endettement…) pour mieux faire apparaître l’émergence de nouveaux grands récits.

L’objectif de ce numéro est précisément de comprendre la signification politique et sociale des pratiques économiques et financières afin d’interroger les transformations en cours en les prenant au sérieux, c’est-à-dire en considérant très concrètement leurs effets sur les comportements des acteurs, sur leur compréhension de la réalité et sur les imaginaires mobilisés. La critique du caractère économiciste et idéologique du néolibéralisme est certainement fondamentale, mais il importe aussi aujourd’hui de réintroduire l’économique dans l’analyse des transformations des rapports de pouvoir en se rappelant de ce que disait Foucault du néolibéralisme, à savoir que c’est un gouvernement qui a « pour forme majeure de savoir, l’économie politique ». Autrement dit, il s’agit de mettre en évidence et d’interpréter la configuration économique actuelle (qu’on la nomme néolibéralisme ou autrement) comme le déplacement des techniques de gouvernement, une transformation du politique, une restructuration des rapports de pouvoir à l’intérieur des sociétés en ne prenant pas seulement en compte la dimension politique et éthique du néolibéralisme, mais aussi son économie politique dans ses pratiques les plus concrètes et dans ses relations aux savoirs mobilisés.

Ce champ d’investigation est bien évidemment immense et un numéro de revue ne peut embrasser tout ce questionnement. Aussi, ce numéro propose de l’aborder à partir de la question spécifique de la macroéconomie et de la finance dans les enjeux politiques et sociaux en Afrique dans une démarche qui allie économie politique wébérienne (entendue comme sociologie historique de l’économique, dans la lignée des travaux que j’ai précédemment menés sur la « privatisation de l’Etat » ou sur l’économie politique de la domination), anthropologie économique (dans la tradition des travaux menés par Jane Guyer sur la signification des notions mobilisées dans les débats publics) et analyse foucaldienne des rapports entre savoir et pouvoir dans une tradition française (et non pas américaine) qui met l’accent sur les pratiques et le détail des articulations entre l’un et l’autre (et non sur les seuls discours).

Plus précisément, la question socio-politique de la macroéconomie doit être ici comprise dans sa triple dimension :

1. l’appropriation des notions macroéconomiques et des débats sur la macroéconomie par les différents acteurs dans leur vie économique et sociale quotidienne, dans leurs pratiques professionnelles, dans  leurs jeux politiques, dans les rapports de force qu’ils doivent affronter et qu’ils contribuent à former ;

2. la mobilisation de la macroéconomie dans le répertoire des représentations et des imaginaires qu’ont les différents acteurs de l’Etat, de l’action étatique et de la nation, et leur compréhension différenciée des notions mobilisées à l’instar de l’inflation, de la croissance, du déficit, de la fiscalité ou de la finance qui forment des éléments importants de la « communauté imaginée » ;

3. le rôle et la place de la macroéconomie (en tant que représentation) dans les processus d’assujettissement et de subjectivation d’acteurs et de groupes sociaux à l’heure de la construction d’une « Afrique qui renaît ».

Comment les uns et les autres mobilisent-ils les arguments macroéconomiques dans leurs conflits ou dans les compromis qu’ils tentent d’élaborer dans leur vie quotidienne ? Quelles représentations macroéconomiques et financières de l’Afrique émergent une fois enregistré le passage à cette nouvelle ère qualifiée rapidement de « post-crise » et de « post-endettement » et à partir de quelles expériences, de quelles perceptions, de quelles interprétations ? Comment se construisent les nouvelles images de l’Afrique et quel rôle y joue la macroéconomie ? Les auteurs de ce numéro tenteront de répondre à ces questions à partir d’une démarche empiriste, c’est-à-dire en analysant moins les discours généraux et les orientations globales des notions mobilisées qu’en entrant dans le détail des techniques et des pratiques que l’exercice de la macroéconomie exige concrètement, en cherchant à saisir les expériences à partir de terrains particuliers et en proposant une élaboration à partir de ces expériences concrètes.

En premier lieu, et c’est sans doute l’apport le plus important de ce travail, ces réflexions devront avoir pour objectif de mieux comprendre l’exercice du pouvoir et de la domination et la façon dont l’interaction avec l’Etat se forme pour la population  africaine, à la croisée de la multiplicité des « réformes » mises en œuvre, du processus de bureaucratisation par les normes, les règles et les standards, de l’informalité de la vie quotidienne et des pratiques économiques populaires. Dans un domaine souvent perçu en termes d’imposition de normes extérieures, les contributions mobiliseront davantage les concepts d’interpénétration, d’interface (Guyer) ou d’extraversion (Bayart), de compréhensions différenciées en fonction des combinaisons possibles au sein des répertoires disponibles pour suggérer la diversité des rationalités économiques en jeu. Par ailleurs, ce numéro entend restituer la matérialité de la vie économique dans sa multiplicité au-delà de ce que peuvent dire les seuls débats théoriques sur la « bonne » macroéconomie à suivre. Enfin, les analyses proposées devraient contribuer à la réflexion sur la signification de l’économie, sur l’économie comme construction sociale et politique, historiquement formée.

Calendrier

  • 15 décembre 2010 : date limite d'envoi des propositions d'article

  • 1er juin 2011 : remise des articles
  • décembre 2011 : parution du numéro

Adresse de l'envoi : politique-africaine@sciencespobordeaux.fr

Catégories


Dates

  • mercredi 15 décembre 2010

Mots-clés

  • macro-économie, modes de gouvernement, Afrique

Contacts

  • Marie-Emmanuelle Pommerolle et Laurent Fourchard ~
    courriel : politique-africaine [at] sciencespobordeaux [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Marie-Emmanuelle Pommerolle
    courriel : mepommerolle [at] free [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La macroéconomie par le bas », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 28 septembre 2010, https://doi.org/10.58079/gxd

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