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Penser les masculinités

Re-thinking masculinity

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Publié le vendredi 28 janvier 2011

Résumé

Les Cahiers d'études africaines préparent un numéro sur le thème « Penser les masculinités ». Les propositions d’articles (titre et résumé) sont à envoyer à Anne Doquet (annedoquet@yahoo.fr) et à Christophe Broqua (broquachristophe@yahoo.fr) avant le 1er juin 2011.

Annonce

Penser les masculinités

Où sont les hommes en Afrique ? Partout, assurément, comme en rend largement compte la littérature en sciences sociales consacrée au continent. Rarement, pourtant, les hommes sont étudiés en tant que tels. Pendant longtemps, le point de vue observé et restitué par les chercheurs, bien que se donnant implicitement comme valable pour tous, était un point de vue principalement masculin. Le développement des études féministes puis des études de genre, à partir des années 1970, a permis de mettre au jour cette déformation androcentrique du regard et de la corriger à travers la multiplication des recherches sur les femmes. Ce faisant, il a en partie maintenu dans l’ombre ce qui est longtemps resté un angle mort de la recherche en sciences sociales en Afrique : l’analyse des constructions de la masculinité.

Dans ce numéro, nous souhaiterions à la fois rassembler des études initialement conçues sous cet angle et inviter à s’interroger sur la masculinité ceux qui, se consacrant à des objets divers, enquêtent notamment auprès d’hommes. Précisons d’emblée qu’il n’y a pas lieu d’isoler la masculinité ni de la traiter sur un mode essentialiste comme une catégorie homogène : masculinité et féminité ne sont jamais définies séparément et la construction du genre est profondément relationnelle. Les normes de la masculinité diffèrent de plus selon les contextes, mais également à l’intérieur de chaque contexte, à travers les négociations plus ou moins visibles engagées par les individus ou les groupes autour de leurs définitions. Au delà des formes hégémoniques, le masculin se dessine au travers d’une pluralité de normes ou de valeurs qui coexistent ou s’affrontent.

Le principal objectif de ce numéro est de mettre en lumière les processus de fabrication des masculinités en Afrique dans leurs dimensions contemporaines ou historiques. Depuis le début des années 1990, de nouvelles approches du genre comme performance invitent non seulement à envisager le masculin et le féminin comme des constructions sociales mais aussi à considérer qu’ils sont l’objet d’une mise en scène perpétuelle, savamment exécutée par chaque individu en grande partie à son insu. Produite et reproduite indéfiniment par des performances invisibles qui la font apparaître comme allant de soi, la masculinité trouve sans cesse à s’exprimer tout en se dérobant le plus souvent aux regards. Aux côtés de ses manifestations « spectaculaires », dont l’excès ou le défaut supposés de virilité attirent l’attention, nous souhaiterions que les formes ordinaires de production et de reproduction de la masculinité soient ici rendues intelligibles.

Par exemple, l’analyse de la dominance masculine des institutions ou des espaces publics est rarement explicitée dans les travaux sur le politique ou sur le religieux, alors que les productions de la masculinité peuvent être redevables des logiques de ces espaces. Le cas de l’Afrique du Sud, dont les profondes transformations politiques et sociales survenues au cours des deux dernières décennies ont provoqué un certain bouleversement des normes de la masculinité, illustre bien l’intérêt et même la nécessité d’intégrer cette dimension à la réflexion sur les changements politiques ou religieux. Il serait particulièrement intéressant d’interroger les liens entre l’évolution de ces normes et les contextes de globalisation ou de nationalisme culturels. De manière plus spécifique, la réorientation progressive en direction des hommes des politiques liées à la problématique « genre et développement », longtemps tournées vers les femmes, mériterait d’être analysée.

En même temps que les discours ou les actions qu’elle génère, la distribution réputée inégalitaire du pouvoir dans le cadre des rapports de genre doit être repensée à partir d’une définition plurielle du masculin. Afin de dépasser l’opposition souvent faite entre domination masculine et pouvoir informel des femmes, il importe de s’interroger sur la répartition hiérarchisée du pouvoir parmi les hommes. En effet, l’observation détaillée des expériences et des relations sociales montre que les hommes ne forment pas une seule et même catégorie au pouvoir par définition supérieur. Selon leurs propriétés ou appartenances, qu’elles soient géographiques, ethniques, de classe, d’âge, etc., le rapport des hommes aux normes de genre et leurs positions vis-à-vis des femmes varient fortement. Le masculin n’apparaît plus dès lors comme dominant par essence, mais comme une catégorie dont la définition repose sur une imbrication de rapports de pouvoir où se trouvent impliqués bien d’autres facteurs que le genre.

Indissociable du genre, la sexualité constitue un espace où s’expriment et se négocient les rapports de pouvoir, notamment entre hommes et femmes. Longtemps occultée par les sciences sociales africanistes, cette thématique s’est progressivement imposée, mais il n’a pas suffisamment été montré ce que la production du genre, et tout particulièrement de la masculinité, doit à la sexualité. Par exemple, au cours des dernières années, de nombreux travaux ont décrit les logiques de la « sexualité transactionnelle » (sexualité rétribuée distincte de la « prostitution ») dans divers pays d’Afrique. Cet effort pourrait être poursuivi en montrant l’implication de ces logiques sur la construction des identités masculines, en restant attentif à la diversité des situations, les hommes n’étant pas nécessairement en position dominante lorsqu’ils rétribuent les femmes et étant eux-mêmes sans doute plus souvent bénéficiaires de rétributions dans le cadre de la sexualité (conjugale ou non) que cela n’est décrit dans la littérature.

Autre exemple : dans bien des pays africains, l’émergence récente du thème de l’homosexualité dans le débat public n’aura pas manqué de produire la « resignification » de pratiques jusqu’alors confinées au silence du domaine privé et de redéfinir la place d’identités sexuelles qui ont existé et existent encore dans divers pays africains comme alternatives aux rôles de genre strictement féminin et masculin. Des analyses de l’impact de ces controverses et des luttes antagoniques qu’elles supposent pourraient utilement éclairer l’évolution récente des catégories de la masculinité. 

Les propositions d’articles (titre et résumé d'une page) sont à envoyer à Anne Doquet (annedoquet@yahoo.fr) et à Christophe Broqua (broquachristophe@yahoo.fr)

avant le 1er juin 2011.

Re-thinking Masculinity 

 Where are the men in Africa?  Everywhere, certainly, as we can see from the social sciences literature devoted to the continent.  And yet men are rarely studied.  For years, the mainly masculine viewpoint prevailed among researchers, implicitly implying that it could be extended to everyone.  Then, as women’s studies, and later gender studies, developed after the 1970s, the androcentric bias was updated and corrected by the large amount of research on women.  However, this only served to conceal what has long been a blind spot in African social sciences, namely the lack of research into constructions of masculinity.

In this special issue, we would like to bring together studies originally conceived from that angle, and raise the issue of masculinity with researchers investigating men while working on a range of subjects.  We should stress that the aim is not to isolate masculinity or treat it as a uniform, essentialist category, since masculinity and femininity are never defined separately and gender construction is deeply relational.  Furthermore, masculinity norms differ according to the context as well as within each context, depending on negotiations about those definitions between individuals or groups, perceptible or not.  In addition to its hegemonic forms, masculinity is shaped through a multitude of co-existing or clashing norms and values.

The main objective of this special edition is to highlight the process whereby masculinities are fabricated in Africa, from a contemporary or historic stance.  Since the early 1990s, new approaches to gender as a performance no longer view the male and female as social constructs, but believe that gender is constantly being staged and skilfully executed by each individual, albeit largely unconsciously.  Masculinity is produced and reproduced indefinitely by invisible performances that make it appear natural, expressing everything while shying away from examination.  In addition to the “spectacular” manifestations that attract attention because of the supposed excess or lack of virility, we would like to shed light on the ordinary forms of production and reproduction of masculinity.

For instance, analysis of the male domination of institutions and public space is rarely explained in works on politics or religiosity, although productions of masculinity may be owe a great deal to the logic of those spaces.  The case of South Africa, where the profound political and social transformations of the past two decades have disrupted masculine norms, illustrates why it is interesting, and indeed necessary, to integrate that aspect into any reflection on political or religious change.  It would be especially interesting to look at the relationship between changes in these norms and the context of globalization or cultural nationalism.  More specifically, the reasons why “gender and development” type policies which have long targeted women, are gradually being redirected towards men, deserves attention.

As well as the discussions or actions it generates, the reputedly unequal distribution of power in gender relations should be re-thought on the basis of a plural definition of masculinity.  In order to go beyond the contrast often made between male domination and the informal power of women, it is necessary to query the hierarchical distribution of power among men.  Indeed, detailed observation of experiences and social relations shows that men do not form a single category in power that is superior by definition.  Men’s relationship to gender norms and their situation in relation to women vary considerably according to their own characteristics or categories, be they geographic, ethnic, class, age, and so on.  Then the male no longer appears dominant in essence, but becomes a category defined by overlapping power relationships involving far more factors than gender.

Sexuality, which cannot be disassociated from gender, is a space where power relations (notably those between men and women) are expressed and negotiated.  Although Africanist social sciences have long neglected the subject, it has gradually established itself but what gender production, and especially masculinity, owes to sexuality has not been sufficiently demonstrated.  For instance, during the past few years, many studies have described the logic behind “transactional sex” (as opposed to prostitution) in various African countries.  Such research could go further and show how this reasoning depends on the construction of masculine identities while remaining attentive to the diversity of situations, since men are not necessarily in a dominant position when they pay women and they themselves are often remunerated for sex (conjugal or otherwise) more often than the literature would have it.

Another example is the recent emergence of a public debate on homosexuality in many African countries, which has raised the significance of practices that had been confined to the silence of the private domain, and redefined the position of sexual identities that have existed and still exist in many African countries as alternatives to the strictly male/female gender roles.  Impact studies on these controversies and the antagonistic struggles they imply, could usefully shed light on the recent changes in categories of masculinity.

Propositions for written articles (one page) should be sent to Anne Doquet (annedoquet@yahoo.fr) and to Christophe Broqua (broquachristophe@yahoo.fr)

before 1st June 2011. 

Cahiers d’Études africaines publishes contributions in both English and French.

Catégories


Dates

  • mercredi 01 juin 2011

Mots-clés

  • masculinité, genre, Afrique

Contacts

  • Christophe Broqua
    courriel : christophe [dot] broqua [at] cnrs [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Christophe Broqua
    courriel : christophe [dot] broqua [at] cnrs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Penser les masculinités », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 28 janvier 2011, https://doi.org/10.58079/hpf

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