AccueilMorales révolutionnaires, révolutions morales : prophètes et apologistes au temps des révolutions

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Morales révolutionnaires, révolutions morales : prophètes et apologistes au temps des révolutions

Revolutionary morals and moral revolutions: prophets and apologists in the time of revolutions

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Publié le lundi 16 mai 2011

Résumé

Les fondements de la morale (Dieu, famille, propriété, travail) sont redéfinis voire remis en question au XIXe siècle. Il s'agit de réapprécier la moralisation de la société par la « souveraineté de quelques-uns », les « révélateurs » – pour reprendre une notion chère au philosophe saint-simonien et socialiste Pierre Leroux – en période révolutionnaire, en concurrence ou non avec l’État, ainsi que de s'interroger sur la pertinence et la particularité d’une « séquence morale » révolutionnaire. Outre l’accent mis sur les acteurs, les médias, les représentations des morales plus ou moins sécularisées, il s’agirait ainsi d’étudier l’articulation et la porosité entre morale générale et morales particulières lors des grandes césures révolutionnaires du XIXe siècle (1830, 1848, 1870), avec en arrière-plan la Révolution française, tandis que le monde des lettres et des sciences se professionnalisent.

Annonce

Journée d’études. Cycle Morales du XIXe siècle du Centre de Recherche en Histoire du XIXe siècle. Maison de la Recherche, salle D035, samedi 28 mai 2011, 9h-16h

Présentation

Chaque révolution semble annoncer une période de régénération morale pour nombre d’acteurs. Ainsi des philosophes, des historiens, des hommes politiques conservateurs (Joseph de Maistre), libéraux (Alphonse de Lamartine) et socialistes  (Pierre Leroux) se font les interprètes de l’événement et, pour certains, mettent en lumière la faillite de l’entreprise révolutionnaire française du fait de son immoralité ou de ses difficultés à mettre en pratique une nouvelle religion (du progrès, de l’humanité).

La Révolution française, tout en accentuant la laïcisation de la société française, entraîne ainsi une réflexion sur la violence dans le progrès historique, dans le sens de l’histoire. De même elle représente, dans ses premières manifestations, une période, souvent éphémère, de liberté totale d’expression. Nombre d’acteurs profitent alors des progrès techniques dans les moyens de communication, parallèlement à une alphabétisation plus ou moins croissante selon l’espace concerné, pour diffuser leurs interrogations sur la signification de la Révolution. Comme l’écrit Michel de Certeau, à propos de l’étatisation et de la laïcisation à l’œuvre aux XVIIe et XVIIIe siècles, « chaque fois que les références normatives d’une société fléchissent », « la moralité reflue vers l’acte individuel » (L’Ecriture de l’histoire (1975), Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2007, p. 189). La parlementarisation de la culture et l’affirmation de l’Etat de droit et du régime représentatif au XIXe siècle offrent une brèche où s’engouffrent élites culturelles et politiques, qui se présentent comme des intermédiaires entre Etat et société, entre pouvoir et individus, mêlant vision aristocratique et vision démocratique de la société.

Ces morales s’affranchissent ou non des Eglises et de l’Etat (libéralisme étatique de François Guizot, libéralisme individualiste de Benjamin Constant, libéralisme chrétien de Lamennais ; socialisme étatique de Louis Blanc, socialisme individualiste de Pierre-Joseph Proudhon, socialisme chrétien du saint-simonien Buchez). De La Démocratie pacifique. Organe fouriériste ( 1844-1851) de Victor Considérant aux catholiques libéraux, comme Paul Féval, et légitimistes, comme Alfred Nettement, les fondements de la morale (Dieu, Famille, Propriété, Travail) sont redéfinis voire remis en question.

La révolution de Février 1848 inaugure une ère de liberté totale d’expression. Tous les opposants des Orléans, légitimistes comme républicains, dénoncent de nouveau le matérialisme et la corruption morale de la Monarchie de Juillet et dessinent, à travers leurs nombreux écrits, le modèle socio-politique à fonder ou à refonder. Un âge de régénération morale doit succéder à un gouvernement immoral. Que ce soit par la trinité unitaire de la devise républicaine de la Révolution française, « Liberté, Egalité, Fraternité », défendue par Pierre Leroux, ou chez les écrivains libéraux (Alexis de Tocqueville) et socialistes (Félix Pyat) privilégiant la liberté ou l’égalité, tous interprètes du sens de l’histoire et plus particulièrement de la Révolution française, les débats sur la régénération morale et politique sont intenses, notamment du fait d’une liberté d’expression totale, même si éphémère.

Pour des romanciers, des poètes, des dramaturges, des artistes c’est à l’Art qu’incombe la tâche de régénérer la société. L’art, comme l’histoire et la philosophie, est devenu un outil essentiel, avant tout chez ses théoriciens (art social de Thoré, réalisme de Champfleury, romantisme social de George Sand et d’Eugène Sue) mais aussi chez les défenseurs d’un ministère politique des lettres, synonyme de ministère moral et pacifique (chez des membres de la Société des Gens de lettres comme Alexandre Dumas, Victor Hugo) ou chez les fouriéristes et les saint-simoniens, de moralisation. Une éthique de l’action, de la responsabilité, émerge chez ces divers acteurs. Face à la sécularisation de la société française et un ‘ éclatement de Dieu’, différentes écoles doctrinales et des écrivains se partagent le « ministère spirituel ». La possibilité d’un pouvoir spirituel laïc apparaît en Europe à partir du moment où la science positive s’est imposée comme mode de connaissance et source de certitude. Ainsi l’artiste croit à  une structure symbolique du monde et surtout à un dieu organisateur du monde sensible en symboles dont il possède la clé. L’auteur du Sacre de l’écrivain (1973) , Paul Bénichou, identifie deux périodes où il y a eu tentative d’un pouvoir spirituel laïque, 1760-1789 et 1820-1850

Une philosophie morale et de l’histoire, largement empreinte des Lumières européennes, imprègne alors le message délivré par les clercs des anciennes et nouvelles religions. Individualités, groupes professionnels (historiens, philosophes universitaires), politiques (ministres, commissaires de la République), économiques, institutions publiques et privées rivalisent de prosélytisme et s’opposent dans la définition de la morale. Cependant, à l’image de nombreux écrivains libéraux, ces secondes Lumières se distinguent de leurs prédécesseurs en insistant sur leur rôle de reconstructeurs et non de destructeurs. A l’heure où les sciences humaines se professionnalisent, ainsi que le monde des lettres, partagés par des courants idéologiques divers, prophètes des temps nouveaux et apologistes de l’ordre ancien, remettent à l’honneur les thèmes de décadence et d’âge d’or, qu’ils soient libéraux, socialistes, romantiques, réalistes, catholiques orthodoxes et hétérodoxes. Porte-paroles de la régénération morale, ces acteurs s’inscrivent aussi dans des stratégies de promotion individuelle, professionnelle, collective, ce qui pose la question du lien entre morales particulières et morale générale. Les morales sont d’abord, au-delà du sentiment diffus de préceptes à suivre, définies par des acteurs, individuels et collectifs, et se diffusent à travers une multiplicité de lieux, publics (gouvernement, assemblées, chambres, rue, cafés, universités, Académie des sciences morales et politiques) et privés (sociétés savantes comme la Société des gens de lettres,  la Société des auteurs dramatiques) et de supports (imprimés, visuels)

 Axes principaux d’études

 Il pourrait être intéressant de ré apprécier la moralisation de la société par la « souveraineté de quelques-uns », les « révélateurs » -- pour reprendre une notion chère au philosophe saint-simonien et socialiste Pierre Leroux – en période révolutionnaire, et ainsi d’étudier les intermédiaires entre Dieu et le peuple, entre pouvoir et individus, incarnés tour à tour ou à la fois par les philosophes, les poètes, les savants, en concurrence ou non avec l’Etat – la littérature (ici dans son sens large) est une affaire d’Etat au XIXe siècle, par sa force de contrôle et de légitimation, par son rôle formateur et par son poids économique (via les commandes et les rémunérations diverses – et ainsi au prisme de/des morale/s, les enjeux de pouvoir entre acteurs individuels et acteurs collectifs pendant et sur une révolution.

Qui sont donc ces « public moralists[1] », ces « clercs » du XIX e siècle, chez qui une éthique de l’engagement se dessine, en période révolutionnaire ? Quels sont les milieux (professionnels, politiques, économiques, sociaux, culturels) d’où ils émergent ? Quels sont leurs supports privilégiés ? Comment morale générale et morales particulières s’articulent-elles et se nourrissent-elles ?

 De même il serait aussi possible de s’interroger sur la pertinence et la particularité d’une « séquence morale » révolutionnaire -- que pourrait masquer une inflation (quantitative) des discours moraux liée à un contexte de libéralisation de la liberté d’expression, parallèlement aux progrès techniques que connaissent les  moyens de communication. La révolution, en tant qu’événement, est un temps de remise en question de la morale établie et de cristallisation et de concurrence de discours moraux. Des morales anciennes (judéo-chrétiennes), nouvelles (comtisme, éclectisme) , marginales (fouriéristes, saint-simoniens) se trouvent alors en concurrence, lorsque les cadres politiques se redéfinissent plus ou moins radicalement. Les notions de « moralité » et d’ « immoralité » et ce qu’elles recoupent fluctuent au gré des acteurs, individuels et collectifs. A cette remise en cause et cette insistance sur la nécessité d’une régénération morale et politique doivent succéder la restauration de l’« ordre moral ».

Outre l’accent mis sur les acteurs, les médias, les représentations des morales plus ou moins sécularisées, il s’agirait ainsi d’étudier l’articulation et la porosité entre morale générale et morales particulières lors des grandes césures révolutionnaires du XIXe siècle (1830, 1848, 1870) et avec en arrière-plan la Révolution française, tandis que le monde des lettres et des sciences se professionnalisent (reconnaissance du principe de propriété littéraire en 1793, création de la Société des gens de lettres en 1838, création de chaires d’histoire à partir de 1818, de l’agrégation d’histoire en 1830).

Il s’agirait ainsi de poursuivre la réflexion sur les liens entre morale et pouvoir, de ré interroger ceux entre césure révolutionnaire et temps du discours  moral :

  1. temps court : fracture révolutionnaire
  2. temps long : quelle est la place de la violence révolutionnaire dans la philosophie morale, les sciences historiques, dans la « République des lettres » (au sens large) ? Quelle est la révolution modèle (1789/1688 et 1649 en Grande-Bretagne, 1776 en Amérique et 1830, 1848 et 1870 en France et en Europe) ?
  3. émergence et construction de morales révolutionnaires, c’est-à-dire propres à la publicité lors des premières manifestations révolutionnaires et/ou remise en cause des morales établies 

Programme

Morales révolutionnaires, révolutions Morales : prophètes et apologistes au temps des révolutions
Samedi 28 Mai 2011 9h00-16h00 Maison de la recherche, salle d035, 28, rue Serpente, 75006 Paris

Matinée

9h00 : Accueil des participants

9h15-9h30 : Présentation de la journée d’étude

Révolution et Restauration : les enjeux moraux

Présidence : Philippe Boutry (Université Paris 1-Sorbonne, CRHXIXe siècle)

9h30-9h50 : Jean-Clément MARTIN (Université Paris 1-Sorbonne, IHRF), « Une lecture morale de la Révolution est-elle possible ? »

9h50-10h10 : Corinne LEGOY (Université d’Orléans, CRHXIXe siècle), « Reconstruire par-delà la déchirure révolutionnaire : sens et morales de l’éloge sous la Restauration ».

10h10-10h30 : Discussion-Pause

Prophètes et apologistes au temps de la monarchie censitaire et de la république

Présidence : Jacques-Olivier Boudon (Université Paris IV-Sorbonne, CRHXIXe siècle)

10h30-10h50 : Jérôme GRONDEUX (Université Paris IV-Sorbonne, CRHXIXe siècle), « La morale politique : Lamennais, Victor Cousin et les doctrinaires ».

10h50-11h10 : Delphine DIAZ (Université Paris 1-Sorbonne, CRHXIXe siècle), « Une morale collective de l’engagement révolutionnaire en exil. Les réfugiés polonais en France, de la Monarchie de Juillet à la Deuxième République »

11h10-11h30 : Discussion

11h30-14h00 : Déjeuner

Après-midi

La Deuxième République. Régénération, prophétisme et fantômes révolutionnaires

Présidence : Vincent Robert (Université Paris 1-Sorbonne, CRHXIXe siècle)

14h00-14h20 : Sébastien HALLADE (Université Paris IV-Sorbonne, CRHXIXe siècle), « Les écrivains journalistes à la conquête de la Deuxième République : naissance d’une morale alternative ? »

14h20-14h40 : Laura O’BRIEN (Trinity College Dublin, CRHXIXe siècle), « La moralité des mouchards : Chenu, De La Hodde. Une guerre des pamphlets (1849-1850) ».

14h40-15h00 : Discussion-Pause

Morales révolutionnaires et contre-révolutionnaires à la fn du XIXe siècle

Présidence : Dominique Kalifa  (Université Paris 1-Sorbonne, CRHXIXe siècle)

15h00-15h20 : Laure GODINEAU (Université Paris 13 Nord-CRESC), «« Il est temps d’en fnir avec le vieux monde...» La Commune de Paris de 1871 et le discours de la régénération morale et sociale »».

15h20-15h40 : Corinne DORIA  (Université de Milan, CRHXIXe siècle), « Les moralistes après la Révolution. Politiques et Moralistes du XIXe siècle d’Emile Faguet (années 1890) ».

15h40-16h00 : Discussion

Contact : Sébastien Hallade (sebastien.hallade@wanadoo.fr ).

Notes

[1] Titre d’un ouvrage de Stefan Collini, intitulé Public Moralists. Political Thought and Intellectual Life in Great Britain, 1850-1930 (Oxford University Press, 1993, 392 p.) et qui met en lumière le rôle publique d’”intellectuels” britanniques, de John Stuart Mill à Keynes.

Lieux

  • 28 rue Serpente (Maison de la Recherche de Paris IV, salle D035)
    Paris, France

Dates

  • samedi 28 mai 2011

Mots-clés

  • morale, révolution, XIXe siècle, Dieu, propriété, famille, révélateurs, 1789, 1830, 1848, 1870, prophètes

Contacts

  • Sébastien Hallade
    courriel : sebastien [dot] hallade [at] wanadoo [dot] fr

Source de l'information

  • Sébastien Hallade
    courriel : sebastien [dot] hallade [at] wanadoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Morales révolutionnaires, révolutions morales : prophètes et apologistes au temps des révolutions », Journée d'étude, Calenda, Publié le lundi 16 mai 2011, https://doi.org/10.58079/igq

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