AccueilL'aire du jeu. Des enfants qui jouent : espaces et représentations

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L'aire du jeu. Des enfants qui jouent : espaces et représentations

Play area. Children who play : spaces and representations

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Publié le lundi 06 juin 2011

Résumé

Réunissant des personnalités d’horizons divers, ce colloque se donne une ambition à la fois rétrospective et contemporaine. Il souhaiterait examiner la place spécifique qu’a occupée le jeu d’enfant dans l’histoire de l’art à travers quelques exemples significatifs. Il voudrait parallèlement définir ce jeu en termes d’espace et mobiliser à cet effet tant la réflexion théorique des historiens et des anthropologues que les créateurs actuels qui se sont spécialement penchés sur la question de l’aire du jeu dans la société contemporaine.

Annonce

Dans l’histoire de l’art, la figure de l’enfant est traditionnellement couplée à la représentation du jeu. Du Brueghel des Jeux d’enfants aux photographies d’Helen Levitt sur la rue new-yorkaise, en passant par le Chardin de L’Enfant au toton et le Vuillard des Jardins publics, l’iconographie de l’enfance et celle du jeu entretiennent des liens si étroits qu’il est difficile d’interroger l’une sans considérer l’autre. On sait, après Johan Huizinga, que le jeu a la propriété de constituer son propre espace : « Le jeu n’est pas la vie “courante” ou “proprement dite”. Il offre un prétexte à s’évader de celle-ci pour entrer dans une sphère provisoire d’activité à tendance propre », lit-on dans "Homo ludens". Maints exemples, dans l’histoire de la peinture, font surgir un espace ludique de l’enfance à l’intérieur de l’espace total de la composition, généralement comme une aire localisée – fonctionnant souvent en contrepoint symbolique et moral de l’univers adulte –, plus rarement comme espace principal du tableau. Alors que la société moderne tendait à impartir une place fixe à l’espace enfantin du jeu (les « aires de jeux »), des artistes, photographes et cinéastes contemporains ont a contrario souligné l’aptitude du jeu enfantin à investir tout type d’espace, intérieur ou extérieur, privé ou public, avec une faculté d’adaptation et un capacité spectaculaire à « fictionner » les lieux. L’aire du jeu déborde toujours les aires de jeux, même lorsque la première compose avec les secondes. Est-il besoin de souligner que le jeu des enfants entre, à cet égard, en résonance avec les œuvres d’art actuelles qui appréhendent la ville entière comme un terrain d’aventure ?
Réunissant des personnalités d’horizons divers, ce colloque se donne une ambition à la fois rétrospective et contemporaine. Il souhaiterait examiner la place spécifique qu’a occupée le jeu d’enfant dans l’histoire de l’art à travers quelques exemples significatifs. Il voudrait parallèlement définir ce jeu en termes d’espace et mobiliser à cet effet tant la réflexion théorique des historiens et des anthropologues que les créateurs actuels qui se sont spécialement penchés sur la question de l’aire du jeu dans la société contemporaine. 

Jeudi 23 juin / Jeux d'enfants, espace de l'œuvre

9h30 Introduction par Emmanuel Pernoud

  • 9h45 Nadeije Laneyrie-Dagen, professeur à l’École normale supérieure. Aire des joueurs, aire des joueuses : les espaces genrés du jeu dans les peintures anciennes, à partir de l’exemple des Jeux d’enfants de Breughel.

Dans les Jeux d’enfants de Breughel, on a depuis longtemps dressé l’inventaire des activités des enfants. Peut-être s’est-on moins intéressé à l’espace même du tableau, et à la place relative des enfants dans cet espace. Partant de cette peinture célèbre, et considérant d’autres tableaux anciens mais concernant une période plus large (XVIe–XVIIe siècles), nous réfléchirons à la mise en espace des activités ludiques en fonction du sexe : l’espace de la joueuse et l’espace du joueur. La différenciation des jeux des unes et des autres est évidente ; jouer à la dînette suppose plus volontiers qu’on reste à la maison, tandis que faire rouler un cerceau implique un vaste espace extérieur. Au-delà de cette différence évidente, on examinera le placement, centre et périphérie, premier et second plan, des petites filles qui jouent et des garçons qui jouent.

  • 10h30 Étienne Jollet, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ici, là-bas, ailleurs : les enfants dans les fêtes galantes d’Antoine Watteau.  ­

Les fêtes galantes d’Antoine Watteau sont connues pour la complexité et la finesse de l’évocation des rapports amoureux qu’elles proposent ; or ceux-ci ne prennent véritablement sens que dans la relation avec les motifs non directement liés à cette thématique et qui en constituent autant de contrepoints : parmi ceux-ci, les enfants en train de jouer. Tout d’abord, le jeu des enfants fonctionne comme parergon, héritier de la tradition de la peinture de genre hollandaise du siècle précédent, sur un registre à l’origine comique de rapports pleins et immédiats à la vie. Mais Watteau prend suffisamment au sérieux les jeux de l’ignorance et de l’innocence qu’incarnent les enfants pour les placer en miroir vis-à-vis des jeux amoureux pratiqués par les adultes. Cependant, la position des enfants à l’écart du groupe principal en fait dans certains cas des figures privilégiées de ce qui est peut-être la question majeure posée par Watteau, celle de la tension entre l’être social et l’être sensible au sein de chaque individu : quand l’enfant « ne joue pas le jeu », plus encore que chez l’adulte, la solitude première et dernière de l’être humain paraît.

11h15 Pause

  • 11h30 Emmanuel Pernoud, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le jardin redessiné : jeux d’enfants chez les nabis.

Dans les Mémoires du baron Haussmann, on lit que les squares furent créés afin que « les classes ouvrières pussent employer sainement une portion des heures de repos interrompant leur travail, et toutes les familles, riches et pauvres, trouver des emplacements salubres et sûrs pour les ébats de leurs enfants ». Squares et jardins publics spatialisent le temps de loisir par une géographie segmentée, celle des grilles et des arceaux, des pelouses et des allées. Nombreuses sont les œuvres de la fin du XIXe siècle qui avalisent ce jardin prescriptif, dédié à la santé et à la sociabilité. Avec les nabis, la peinture s’écarte de ce modèle de référence. À la source de ce changement se trouve le jeu d’enfant. Les nabis peignent moins des enfants au jardin qu’ils ne montrent le jardin transformé par le jeu des enfants.

12h15 Discussion

  • 14h30 Jean-François Chevrier, professeur à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Helen Levitt, Charles Burnett. La dédramatisation par le burlesque.

Chez la photographe Helen Levitt (1913-2009) comme chez le cinéaste Charles Burnett (né en 1944), le jeu des enfants est un thème, mais surtout le vecteur d’une dédramatisation, dans les deux sens du terme. Chez l’un comme chez l’autre, le théâtre de la rue rencontre une mobilité burlesque qui contredit l’organisation et le pathos de l’action dramatique.   

  • 15h15 Sandra Alvarez de Toledo, éditrice. Fernand Deligny : le jeu de l’erre.

Fernand Deligny (1913-1996) a vécu pendant trente ans dans les Cévennes avec des enfants autistes, de la fin des années 1960 jusquʼà sa mort. Sa recherche a pris deux formes : lʼécriture – dans quelle langue parler (de) ceux qui ne parlent pas – et lʼorganisation dʼespaces de vie. Ces « aires de séjour » sont cartographiées par les éducateurs pour produire lʼimage dʼun territoire «  hors langage » ; y sont transcrits les déplacements et gestes des enfants, leurs « lignes dʼerre », leurs repères, leurs écarts, leur pratique de lʼespace. Leurs jeux ? Ces enfants jouent-ils ? Joue-t-on hors du langage et hors du temps, sans « autre » ? Des images, photographies, cartes, films, portent la trace d’une recherche anthropologique et poétique qui a inventé un espace ritualisé à l’extrême, pensé du « point de voir » (infinitif) des enfants sans langage. 

  • 16h00 Alain Bergala, enseignant de cinéma à l’université Sorbonne nouvelle Paris 3 et à la Femis, commissaire d’expositions. L’acte de création au cinéma et le jeu de l’enfant.

Le cinéma est sans doute l’art dans lequel l’acte de création a le plus de traits en commun avec l’activité du jeu dans l’enfance. C’est qu’il est obligé de composer lui aussi avec la réalité du monde. La création cinématographique, comme le jeu de l’enfant, relève de la capacité de créer un espace intermédiaire qui relève à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, un espace de liberté entre imaginaire et réalité. L’objet, dans le jeu comme au cinéma, est à la fois trouvé et créé. Le cinéaste, comme l’enfant, découpe dans le monde des aires d’espace-temps en utilisant des objets et des corps disponibles dans la réalité. Beaucoup de grands films fondent leur poétique sur cette communauté entre le jeu et la création cinéma. On visitera une scène ou deux de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard et de Badlands de Terrence Malick.

16h45 Discussion

Vendredi 24 juin / Jouer au temps présent, critique et perspectives

  • 9h30 Introduction par Danielle Orhan

    9h45 Danielle Orhan, docteur en histoire de l’art et éditrice. Enfants rois sans royaume. Lettristes et situationnistes.

Figure de l’ombre, l’enfant n’apparaît que rarement dans les textes lettristes et situationnistes. Pourtant, il incarne potentiellement cette « royauté » qu’il s’agit pour les protagonistes de ces mouvements d’octroyer à tous, et dont l’attribut réside dans le jeu, certes occupation du temps, mais aussi facteur de transformation des villes en terrains d’aventure. Lettristes et situationnistes auront été ces « enfants terribles », endossant avec le plus grand sérieux le rôle de chevaliers imaginaires, rêve qu’ils ont voulu projeter dans l’espace des villes. Mais ils auront aussi été ces « enfants perdus », égarés dans les méandres de l’adulte mélancolie.

  • 10h30 Thierry Wendling, anthropologue, chargé de recherche au CNRS. De la provocation à la réalisation, et réciproquement, ou comment les enfants filment leurs parties de sonnette.

L’espace de la rue constitue depuis presque toujours un terrain de jeu potentiel où les enfants expérimentent certaines limites, certains risques ou interdits. Or ces expérimentations se doublent aujourd’hui par la réalisation de petits films que des enfants diffusent eux-mêmes sur Internet. En considérant ainsi des « parties de sonnette » et d'autres pratiques ludiques nous verrons comment des enfants associent le jeu et sa représentation
à l’âge du multimédia.

11h15 Pause

  • 11h30 Claire Simon, cinéaste. Présentation et projection de Récréations (1991-1992).

Il existe une sorte de pays, très petit, si petit qu’il ressemble un peu à une scène de théâtre. Il est habité deux ou trois fois par jour par son peuple. Les habitants sont petits de taille. S’ils vivent selon des lois, en tout cas, ils n'arrêtent pas de les remettre en cause, et de se battre violemment à ce propos. Ce pays s’appelle “La Cour” et son peuple “Les Enfants”. Lorsque “Les Enfants” vont dans “La Cour” ils découvrent, éprouvent la “force des sentiments ou la servitude humaine”, on appelle cela, la récréation.

12h30 Discussion

  • 14h30 Vincent Romagny, commissaire d’expositions et critique d’art. L’aire de jeu comme modèle de l’œuvre d’art ?

Quel lien peut-on faire entre l’œuvre d'art et l'aire de jeux ? Si certains artistes refusent le recours au modèle de l'aire de jeux (Robert Morris, Bodyspacemotionthings, Tate, 1971), en dépit de ressemblances formelles et des réactions des spectateurs, il arrive à d'autres de répondre à des commandes d'aires de jeux même si leurs préoccupations artistiques paraissent s'en éloigner voire en interdire l’approche (Fabrice Gygi, Pierre Joseph...). Au travers d'un certain nombre d'œuvres, on tâchera de vérifier si le jeu est bien leur finalité, quand bien même elles évoqueraient les aires de jeux.

  • 15h15 Adrien Vescovi, artiste plasticien. Ce que l'on a l'intention de faire : construire par le jeu.

16h00 Discussion

16h45 Cocktail

Catégories

Lieux

  • 2 rue Vivienne (INHA – Salle Perrot, 2e étage)
    Paris, France

Dates

  • jeudi 23 juin 2011
  • vendredi 24 juin 2011

Mots-clés

  • aire, jeu

Contacts

  • Emmanuel Pernoud
    courriel : Emmanuel [dot] Pernoud [at] univ-paris1 [dot] fr
  • Danielle Orhan
    courriel : danielleorhan [at] hotmail [dot] com

Source de l'information

  • Danielle Orhan
    courriel : danielleorhan [at] hotmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L'aire du jeu. Des enfants qui jouent : espaces et représentations », Colloque, Calenda, Publié le lundi 06 juin 2011, https://doi.org/10.58079/ilb

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