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Espace public et sans domicile fixe. La recherche s'expose

Public Space and Homelessness. Exposing Research

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Publié le mercredi 31 août 2011

Résumé

Le colloque-exposition « Espace public et sans domicile fixe. La recherche s’expose » s’intéresse au phénomène social du sans-abrisme, à partir d’un point de vue original (ce qui se traduit par l’articulation sans précédent d’un colloque et d’une exposition), puisqu’il s’agit de penser le phénomène comme un problème public et indissociablement comme un enjeu de recherche. Cette double manifestation a pour objectif de faire le point sur l’histoire et les actualités de la recherche autour du sans-abrisme, dans ses différentes articulations avec l’action publique et dans un contexte de fragile urbanité.

Annonce

L’objet du colloque « Espace public et sans domicile fixe. La recherche s’expose[1] » s’inscrit dans la poursuite d’échanges scientifiques au niveau national et international[2]. Il poursuit trois objectifs principaux :

  1. proposer une réflexion sur les démarches de recherche (processus d’enquête et résultats) articulant le phénomène du sans-abrisme et sa dimension publique.
  2. renouveler la question du rapport entre recherche et action citoyenne et politique en développant les échanges interdisciplinaires par l’ouverture de cette manifestation à tous ceux qui contribuent à renforcer et à déployer cette problématique sous différentes formes des savoirs : sciences sociales ; savoirs professionnels de l’action sanitaire, sociale et juridique ; design, architecture, arts ; médias.
  3. favoriser la tenue d’une recherche cumulative en consolidant les liens entre chercheurs et jeunes chercheurs et en articulant les différentes aires de la recherche (locale, nationale, internationale). 

L’espace public est l’horizon d’attente de ce colloque :

Les situations de sans-abrisme se sont installées durablement et banalisées dans les sociétés riches urbanisées. Elles font l’objet de recherches en sciences sociales, lesquelles ne sont pas dissociables des rapports qu’elles entretiennent avec la sphère politique et des conditions de sa réception et de son impact publics.

Parallèlement, la présence dans les villes des personnes sans domicile est l’une des composantes de l’expérience même du citadin ordinaire. De ce fait, c’est le partage de l’espace public, au double sens de séparation et de bien commun, qui se trouve mis en crise. On sait que dans sa matérialité physique, l’espace public ouvre un espace concret de pratiques, d’usages, instaurant des formes de co-présence et d’indifférence polie, ou d’ « inattention civile »[3] rattachée à la « réserve du citadin »[4]. Mais il donne à voir également le « spectacle de la déréliction » qui ruine les formes de civilités et d’urbanité héritées des siècles passés[5]. Ces situations-limites de co-présence qui impliquent des ajustements multiples, des rapports discrets ou plus ostentatoires à l’altérité, en appellent aux dimensions symbolique, imaginaire et morale de la vie collective. Entre visibilité et invisibilité, l’espace urbain est sous tensions quotidiennes, tant dans les contraintes des cohabitations que dans les violences des aménagements urbains au seuil des immeubles, maisons et bâtiments publics.

L’espace public s’apparente dès lors à une plaque sensible où se révèle la pluralité des mondes, des appartenances et des appropriations, provoquant des conflits d’usages élevés au rang de controverses au sein de la sphère publique de la communication, par exemple à propos de la mendicité ou de la présence dans les grands centres urbains des jeunes avec leurs chiens. L’espace public est de fait appréhendé dans le colloque comme un espace d’accessibilité au politique ; d’une part en tant que la « refondation[6] » des politiques publiques en direction des sans domicile fixe est d’actualité, et d’autre part  en tant que l’espace du débat dans la Cité est investi par les chercheurs.

La notion d’exposition vient ainsi articuler espace public et recherche. Tout d’abord, il s’agit d’exposer la recherche, dans le prolongement du colloque, en donnant à voir et percevoir le différentes dimensions de « l’enquête de terrain »[7] depuis la fin des années 80, puis en mettant en lumière des manières de faire de la recherche et de produire des questions, des objets, des savoirs, de s’inscrire dans des réseaux, ou encore des programmes nationaux et internationaux de recherches. Quelles sont les conditions du travail ethnographique ? Quelles sont les postures de recherche, les exigences et les limites des terrains d’enquête, les dispositifs de réception des travaux ? Quelles  divergences ou convergences de vue se manifestent dans le cadre même de l’enquête ? Et au sein de la communauté scientifique ?

Il s’agit ensuite, en éclairant les fondements scientifiques et épistémiques ainsi que  les points d’ancrage et les héritages des différentes approches et constructions d’objets, d’en discuter les conséquences pratiques en termes de connaissances et d’actions. La mise en perspective des différents points de vue ouvre aux questions de la réception publique des résultats et de leur traduction en actions par différents acteurs directement en prise avec ce problème public : les intervenants des champs social, médical et de la justice, les médiateurs artistiques ou journalistiques, les professionnels de l’urbain. Les actualités politiques internationales de « la sortie de la rue », du Housing first (« chez soi d’abord ») qui succèdent et s’articulent aux politiques de l’urgence sociale, rencontrent aujourd’hui la nécessité de discuter des fondements manifestes des travaux de recherche présents et des programmes à venir.

Sans prétendre épuiser les questionnements posés par la thématique du colloque, trois axes de réflexion sont privilégiés.

Axe 1 : Généalogie et actualités de la recherche

Enjeu : faire le point sur les travaux réalisés autour du sans-abrisme depuis une vingtaine d’années, et en tracer la généalogie au regard des questions présentes dans l’espace public (mise en place de nouvelles politiques publiques, instruction des demandes sociales et institutionnelles, engagements éthiques, politiques et sociaux des citoyens).

Le problème public du sans-abrisme se joue à l’articulation de la question sociale et de la question urbaine, sur trois plans problématiques essentiels : l’habitabilité de la ville, la citoyenneté de ses habitants/résidents les plus précaires et leur mobilité géographique autant que sociale[8]. Quelles sont les questions éthiques et politiques que posent les situations-limites d’insécurité, de précarité et de pauvreté durable ? Quelles sont les conséquences individuelles et collectives des réussites ou des échecs des actions conduites au sein des différentes structures institutionnelles ou communautaires ? Face aux injonctions à l’autonomie et à la sortie de l’hébergement, quelles capabilités promouvoir ? Plus largement, comment rendre compte des dimensions plurielles de l’action tant du coté des politiques publiques que des destinataires ? 

L’actualité de ces questions peut être saisie sous l’angle de la nouveauté, de l’historicité ou de la généalogie. On s’intéressera donc d’une part aux nouvelles politiques publiques, aux aménagements de l’urgence sociale, aux effets des nouvelles catégories de l’action sociale (par exemple le « prêt à sortir »), ou encore aux conséquences de l’application des dernières lois (par exemple en France, les lois du droit au logement opposable) et des droits afférents. D’autre part, on interrogera les conditions d’émergence et de développement des problèmes rencontrés depuis leur avènement. Enfin, on portera attention, dans une perspective généalogique, aux modalités par lesquelles les questions présentes s’actualisent à partir du legs du passé.

Axe 2 : Formats de la connaissance : processus et représentations croisés

Enjeu : explorer la diversité des espaces-temps de la recherche en sciences sociales puis traiter du rapport entre les connaissances scientifiques et celles produites dans d’autres contextes (arts, architecture, design, photographie, documentaire).

Les objets de recherche constitués en sciences sociales autour du sans abrisme se distribuent de façon plurielle, selon les terrains, les contextes, les situations observées, les modes d’observation, les recueils de données, le temps de la recherche et les lieux investigués, les acteurs rencontrés…. En s’inscrivant d’emblée dans une épistémologie située de la connaissance, on s’attachera à déplier les espace-temps de la recherche, à ouvrir les coulisses de l’enquête sociologique et ethnographique, à rendre visible le travail du chercheur, sans  effacer les aspérités, les rugosités, les doutes, les mouvements d’aller et retour, les partis-pris également qui font la densité et la qualité de l’enquête de terrain.

Il s’agira ensuite de clarifier les fondements scientifiques des différentes approches, tout en marquant les points de convergences et de divergences. A quels courants de pensée sont redevables les analyses et interprétations ? Au-delà des filiations et des attachements théoriques divers, peut-on élucider les théories de moyennes portées issues des données d’enquête de terrain et des modes d’investigation ?  

Enfin, on interrogera le dialogue entre différents « formats » de connaissances en explorant la manière dont les chercheurs en sciences humaines abordent les autres savoirs produits dans d’autres champs : journalistique, artistique, professionnel de l’action sociale, médicale, psychiatrique, juridique ? Réciproquement, comment ces disciplines se nourrissent-elles des travaux scientifiques ? 

Axe 3 : Enjeux politiques de la recherche : entre acteurs et chercheurs

Enjeu : repenser le rapport entre la recherche et l’action à partir de l’analyse de la mobilisation des chercheurs dans les demandes d’expertise, dans les luttes collectives pour l’obtention des droits SDF ou auprès des acteurs concernés, des personnes sans-abri à tous ceux et celles qui contribuent à leurs prises en charge.

Par les articulations qu’elles permettent entre observations et réflexions théoriques, les analyses scientifiques font l’objet de transports vers l’espace public politique de l’expertise, de la mobilisation politique ou de l’action[9].

En France, la question du rapport entre recherche et expertise est liée au développement d’observatoires (Observatoire du Samu social de Paris, Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion, Fondation abbé Pierre, etc.) produisant annuellement des rapports d’expertise ou des états des lieux, et occupant une place médiatique importante. Comment les chercheurs sont-ils sollicités dans ces demandes d’expertise ? A partir de quels savoir-faire scientifiques : recueil de données, analyse, mise en œuvre de protocoles comparatifs ? Qu’en est-il dans d’autres pays ? La question de l’expertise pourra également être interrogée à partir de l’analyse des demandes d’évaluation ou d’ingénierie sociale (et de leurs représentations sociales institutionnalisées) émanant du champ de l’intervention sociale et sanitaire.

Nombre de chercheurs ont suivi et accompagné les formes de « mobilisations SDF », notamment dans le cadre de la lutte collective pour l’obtention des droits (en particulier du droit au logement). Quelles analyses peut-on faire aujourd’hui des actions de lutte, de résistance et de mobilisation des personnes concernées ? Comment les chercheurs se sont-ils engagés auprès des intéressés ?

Lorsque la recherche s’articule plus directement à l’action, nombre de questions s’ouvrent. D’où provient la demande de recherche ? Comment se manifeste-t-elle ? Par la voix de quels acteurs ? Pour quelles finalités ? Comment les chercheurs se trouvent-ils engagés, impliqués dans de nouvelles formes d’actions liées à l’enquête de terrain ? Cela renouvelle-t-il les modalités de la recherche-action ? Comment se redéfinit le lien entre recherche et action ?

Enfin,  on voudrait également aborder le rapport de la recherche aux enquêtés, que ce soit sous l’angle de leur implication dans les processus de recherche ou de leur co-production des récits de vie, ou encore par exemple au moment de la restitution des travaux. Dans les mises en œuvre des politiques publiques, la question même de la participation des personnes est aujourd’hui inscrite dans les textes de loi[10]. Par ailleurs, on observe que d’ « anciens SDF » deviennent des intervenants sociaux. Quelle est la valeur (la validité) de ces expériences de rue lorsqu’on les considère non pas dans leur singularité biographique mais au regard de la place qu’elles occupent au sein des dispositifs de service ou de production de connaissances ? 

Les propositions de communications devront être soumises pour le 30 octobre au plus tard.

Les propositions indiqueront l’axe retenu et ne devront pas excéder 3000 signes.

Après acceptation des propositions par le comité scientifique, l’envoi de textes dans leur intégralité est fixé au 15 janvier 2012.

Pour avoir plus d'information sur la manifestation et les modalités de soumission d'une proposition de communication, vous pouvez consulter notre site web à l'adresse suivante :

http://colloque_expo.sciencesconf.org/

[1] La catégorie juridico-administrative de sans domicile fixe est volontairement utilisée dans le titre de notre colloque-exposition, afin de prendre acte de la banalisation de son inscription dans l’espace public et médiatique. A  propos de l’institutionnalisation des catégories, voir Mary Douglas, Comment pensent les institutions, La Découverte, 2004. Le néologisme de sans-abrisme est quant à lui forgé, faute de mieux, sur le modèle du mot anglais, Homelessness. Il désigne, le phénomène dans sa dimension macro-économique et le processus sociologique de construction d’un problème social devenu un problème public, à l’articulation de la question urbaine et de la question sociale.

[2] Rappelons le dernier colloque international en France, novembre 2003, qui a donné lieu à une publication :  SDF, visibles, proches, citoyens, PUF, 2005 et le dernier colloque à Montréal organisé par le CRI (Shirley Roy et Roch Hurtubise) Repenser l’itinérance. Défis théoriques et méthodologiques. Rethinking Homelessness. Theoretical and Methodological Challenges, octobre 2010.

[3] Goffman E., (1973), La mise en scène de la vie quotidienne. Les relations en public, Paris, Minuit.

[4] Simmel G., (2007), Les grandes villes et la vie de l’esprit, Paris, L’Herne.

[5] Bordreuil S., (1995) « Le spectacle de la déréliction », Prendre place. Espace public et culture dramatique,  (Joseph I. coord.), éditions recherche, Plan Urbain, pp. 137-150.

[6] C’est le terme employé en France par les acteurs politiques, engagés dans les politiques du « logement d’abord ».

[7] Althabe G. et Selim M., (1998), Démarches ethnologiques au présent, L’Harmattan ; Cefaï D., (2003), L’enquête de terrain, Paris, La Découverte, M.A.U.S.S ; Fassin D. et Bensa  A. (dir.) (2008), Les politiques de l’enquête, Epreuves ethnographiques, bibliothèque de l’IRIS, Paris, La Découverte. Nos préoccupations de terrain et de posture de recherche rencontrent sur ce point, mais sans clore le débat, celles énoncées dans le dernier ouvrage dirigé par Patrick Bruneteaux et Daniel Terrolle, (2010), L’arrière-cour de la mondialisation. Ethnographie des paupérisés, Editions du croquant.

[8] Pichon P., Fragile urbanité. Une socio-anthropologie des lieux et des liens, HDR, Université Jean Monnet, Saint-Etienne, octobre 2007.

[9] Etudiant le parcours de recherche de Maurice Halbwachs, Michel Amiot note que « Maurice Halbwachs manifesterait un souci étranger aux universitaires de l’époque d’unir l’observation des phénomènes quotidiens à la réflexion théorique et d’aboutir éventuellement à l’action politique » Topalov C., Lepetit B., (2001), La ville des sciences sociales, Paris, Belin, p.29 et suiv..

[10] Au Québec, dans la mise en œuvre de la politique du chez soi, un conseil d’ex-pairs, -personnes qui ont vécu l’expérience de la rue- oriente les décisions prises.   

Lieux

  • 3 rue Javelin Plagnon (Cité du design)
    Saint-Étienne, France

Dates

  • dimanche 30 octobre 2011

Mots-clés

  • espace public, sans domicile fixe, sociologie, ethnologie, méthodes et résultats, enquête de terrain, design, architecture, travail social

Contacts

  • Elodie Jouve
    courriel : colloque_expo [at] sciencesconf [dot] org

URLS de référence

Source de l'information

  • Pascale Pichon
    courriel : pascale [dot] pichon [at] univ-st-etienne [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Espace public et sans domicile fixe. La recherche s'expose », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 31 août 2011, https://doi.org/10.58079/ixl

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