Argumentaire
Ce panel propose de réfléchir sur les dynamiques de la régulation sociale et de l’action collective en Afrique. Un des effets de la globalisation a été l'affaiblissement de la souveraineté des États-nations et de la régulation sociale partout dans le monde. Il a ouvert la voie à une multiplication des sphères d'actions illégales et non légales voire criminelles. En Afrique cependant, ce processus a suivi une tendance particulière en raison du contexte historique propre à ce continent. En effet, depuis les indépendances, les sociétés africaines ont été engagées dans un processus progressif d’informalisation. Ce processus est variable selon le niveau de décomposition de l’Etat, de la désintégration des structures économiques, et des structures sociales. Il tend à produire et à multiplier les activités qui transgressent – et/ou qui échappent aux formes instituées par – les lois, les coutumes, les institutions, les modèles culturels et les normes sociales reconnues.
Aujourd'hui, les aspects légaux et illégaux des activités sont étroitement entremêlés tandis que la régulation des Etats africains confine à l'anomie. Bien que l'affaiblissement général des lois offre des possibilités de changements dans l'organisation quotidienne de la vie et de l'action collective, la construction normative de celle-ci est sous-tendue par des tensions entre « normes officielles » et « normes pratiques » (Chauveau, Le Pape, Olivier de Sardan, 2001), entre « règles normatives » et « règles effectives » (Reynaud, 1997), entre « règles normatives » et « normes pragmatiques » (Bailey 1971).
Ainsi qu’en témoignent nombre de travaux pionniers sur le pluralisme juridique, le phénomène de la pluralité des normes, du fonctionnement social de la loi ou encore de la norme comme processus social n’est pas nouveau (entre autres, Comaroff & Roberts 1977 ; Moore 1978 ; Kintz 1987 ; Assier-Andrieu 1987, 2001 ; Griffiths 1986, 1992 ; Hesseling et Le Roy, 1990 ; Le Roy 1995 ; Chauveau, Le Pape et Olivier de Sardan, 2001). La construction sociale des écarts entre normes et pratiques apparaît comme une constante sociologique. Et c’est un des objectifs de ce panel que d’en analyser la nature et les modalités.
Cependant, en Afrique comme ailleurs, l’affaiblissement de la régulation légale jette une lumière crue sur les processus d’émancipation et de multiplication de régulations sociales partielles et partiales se situant parfois aux marges de la légalité. Si l’on s’en tient strictement au point de vue de leur rapport à la loi, ces activités peuvent être non légales, (elles ne se conforment pas à la réglementation) ou illégales, (elles ont un objet contraire à la loi). Ces activités, telles que la contrebande, la contrefaçon, le trafic de drogue, la spéculation foncière, la prostitution, la contrefaçon, etc., tendent de plus en plus à fonctionner comme champ social autorégulé, produisant leurs propres normes, à la fois socialement reconnues et pratiques, leur permettant de fonctionner dans la durée et de se reproduire comme champ social. Si les plus visibles de ces activités sont souvent économiques (économie informelle), toutes les autres sphères de la vie et des pratiques sociales sont aussi affectées (corruption, patronage, adultère, clientélisme, escroquerie). Ainsi, la crise sociétale globale produit des formes de dégradation du lien social qui bascule parfois dans des formes de « déviance » : économie souterraine ou parallèle, trafic de drogues, prostitution, crimes en bandes organisées et autres activités criminelles (de Villers, 2002). En milieu rural comme en milieu urbain, les pratiques sociales explorent les marges de la normativité, créant ainsi des systèmes d’action aux limites floues. Tous les espaces — sociaux, économiques, religieux ou politiques — sont concernés ; tous sont travaillés par de vives tensions entre normes et pratiques. Aussi sera-t-il également question dans ce panel de jeter un regard neuf sur le « sur-pluralisme » des normes en Afrique (Chauveau, Le Pape, Sardan, 2000) qui ne touche pas seulement la distinction entre les normes officielles et les normes pratiques, mais aussi les multiples « normes informelles » qui régulent au quotidien les comportements, mais qui vraisemblablement permettent (et sont nécessaires à) la survie. En effet, nombre d’activités pratiquées par les gens pour réduire l’insécurité de la vie quotidienne ou simplement pour survivre, tendent à augmenter l’écart entre les normes officielles et les normes pratiques.
Conditions de soumission
Les contributions attendues dans ce panel s’appuieront sur des cas concrets de complexité normative outrepassant de différentes façons les cadres légitimes de l'action. Elles tenteront notamment de répondre aux questions suivantes :
- Comment les normes pratiques régissant les activités illégales, immorales ou souterraines (la contrebande, l'adultère, la contrefaçon, la corruption, fraude, etc.) se rapportent-elles à la régulation de contrôle censées les sanctionner ?
- Comment les règles normatives, les règles effectives et les pratiques interagissent-elles concrètement ?
- Quels sont les justifications éthiques et les principes invoqués pour justifier l'écart entre les règles normatives et les pratiques efficaces ?
- Dans des situations concrètes où des répertoires normatifs différents entrent en concurrence pour réguler l’action, comment s’établit la prééminence ?
- Comment être sûr qu’une transgression apparente n'est pas une pratique conforme à un répertoire normatif différent ou à une zone d’incertitude bien dissimulée?
Date limite de soumission : le 16 janvier 2013
Ce Panel 048, sur la construction sociale des normes pratiques sera bilingue, français et anglais.
Il se place dans une perspective interdisciplinaire et les contributions des différentes sciences sociales (science politique, sociologie, histoire, anthropologie, droit) seront les bienvenues.
Pour envoyer votre proposition de communication en français ou en anglais, cliquez sur le lien ci-dessous, puis cliquez sur le lien « propose a paper » en bas de page, à gauche.
http://www.nomadit.co.uk/ecas/ecas2013/panels.php5?PanelID=1993
Le colloque aura lieu à Lisbonne du 26 au 28 juin 2013.
Responsables scientifiques
- Jacky Bouju (CEMAf-Aix Marseille Université)
- Sylvie Ayimpam (CEMAf)
Argument
The pioneer work of Danièle Kintz in 1987 has opened the way to the fine analysis of the gap between normative rules and practical norms. Today, this issue has become an interesting field of research for social sciences. Indeed, the widespread weakening of African States regulations and the "informalization" of societies and economies have led to norms' transgressions and building of illegal spheres of action. In rural and urban areas, social practices explored the margins of normativity, creating relatively closed areas of uncertainty where limits are blurred. Therefore, activities (social, economical, political, religious) transgressing established laws and norms are proliferating. All of them are undermined by tensions between normative and practical rules.
Submission guidelines
The contributions awaited in this panel are expected to bring some insights into the normative complexity of activities that overstep in different ways the legitimate frames of action:
- How practical norms regulating illegal or underground activities (adultery, smuggle, counterfeit, bribery, cheat, bootleg, log rolling, etc.) are interconnected with official norms supposed to sanction them?
- How normative rules, effective rules and practice interfere?
- What principle is called upon?
- What are the ethical justifications given to the gap between effective rules and practices?
- How supremacy between different and contradictory sets of norms is established?
- How to be sure if a visible transgression of norms is not the effective practice of a hidden set of rules?
This field of research is promising for it investigates important actual issues concerning the social regulation of collective action.
To send your paper proposal in English or in French to this panel 048, please follow the link below and click on the « propose a paper » link bottom of the page.
http://www.nomadit.co.uk/ecas/ecas2013/panels.php5?PanelID=1993
Deadline : 16 January 2013
The Conférence will take place in Lisbonne, on 26-28th June 2013.
CEA is a university-based multidisciplinary research center of the University Institute of Lisbon (ISCTE-IUL) that promotes investigation, documentation and information on Africa.
Convenors
- Jacky Bouju (CEMAf-Aix Marseille Université)
- Sylvie Ayimpam (CEMAf- Aix Marseille Université)