AccueilL’écriture de l’histoire au Moyen Âge (XIe-XVe siècle)

AccueilL’écriture de l’histoire au Moyen Âge (XIe-XVe siècle)

L’écriture de l’histoire au Moyen Âge (XIe-XVe siècle)

The writing of history in the Middle Ages (11th-15th centuries)

Entre contraintes génériques et contraintes documentaires

Between generic constraints and documentary constraints

*  *  *

Publié le mercredi 16 janvier 2013

Résumé

Comment l’écriture de l’histoire organise-t-elle son matériau, entre les contraintes liées au genre littéraire qu’impose le travail d’écriture ou de réécriture et la nécessité de recourir aux documents, indispensables à la dimension référentielle du discours ? La question se pose avec une particulière acuité pour l’historiographie médiévale parce que la notion de sources, qui suppose l’utilisation de documents d’archives employés comme preuves, avec mise à distance ne s’impose guère qu’au XVIIIe siècle. Au Moyen Âge l’apport documentaire est donc la plupart du temps soit étroitement intégré à la narration, soit exposé à l’état brut dans des écrits où la narrativité n’est présente que de manière minimale ou fragmentaire. Nous proposons d’ordonner la réflexion autour de trois notions clefs : remploi, référence et autorité. Remploi, car il s’agit d’étudier les modalités de la présence des documents, ou d’une réalité documentaire, dans le récit. Référence, car cette insertion vient dans certains cas au moins renforcer la fonction référentielle du langage. Autorité enfin, car cet usage d’hypotextes autorise le scripteur.

Annonce

Argumentaire

Ce colloque, qui se tiendra les 21 et 22 novembre 2013 à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, a été conçu comme l’aboutissement de trois journées d’études organisées le 5 mai 2009, le 27 mai 2010 et le 30 mai 2011 dans le cadre de l’axe « historiographie et philologie » du laboratoire ESR. Elles ont rassemblé littéraires et historiens autour de la question suivante : comment l’écriture de l’histoire organise-t-elle son matériau, entre les contraintes liées au genre littéraire qu’impose le travail d’écriture ou de réécriture et la nécessité de recourir aux documents, indispensables à la dimension référentielle du discours ?

Entre narration et documents

La question se pose avec une particulière acuité pour l’historiographie médiévale parce que la notion de sources, qui suppose l’utilisation de documents d’archives employés comme preuves, avec mise à distance, ne commence à être mise en œuvre qu’au début du XVIIe siècle et ne s’impose guère qu’au XVIIIe siècle. En revanche les modèles génériques (l’hagiographie, l’épopée) sont bien présents depuis l’antiquité et très utilisés dans l’écriture de l’histoire. Au Moyen Age l’apport documentaire est donc la plupart du temps soit étroitement intégré à la narration, qui construit le sens historique en recourant à des modèles sous forme de remploi ou d’assimilation de récits plus anciens empruntés à des textes antérieurs, soit exposé à l’état brut dans des écrits où la narrativité n’est présente que de manière minimale ou fragmentaire.

Les communications présentées au cours des journées d’études et les débats auxquels elles ont donné lieu ont ainsi bien montré les difficultés suscitées par la prise en compte simultanée des deux contraintes, documentaire et narrativo-générique. On n’en a pas moins vu émerger quelques pistes fécondes autour de dossiers significatifs. Ainsi au tournant des XIe et XIIe siècles les cartulaires-chroniques du Mont Cassin, tout en utilisant des récits comme des documents d’archives, s’efforcent déjà d’organiser dans l’espace du folio et du recueil manuscrits les rapports entre narration et documentation pour raconter le mieux possible l’histoire du monastère, tandis que la « Chronique romane de Montpellier » offre l’exemple intéressant d’un discours narratif émergeant peu à peu, du XIIIe au XIVe siècle, de notations annalistiques très brèves fonctionnant au départ comme de simples marqueurs mémoriels. Les Grandes Chroniques de France élaborées à Saint-Denis montrent pour leur part comment un choix soigneux a été fait par les collecteurs des textes-sources latins antérieurs sur la base de choix génériques qui sont aussi des choix idéologiques, en relation avec l’image du roi (plus cléricale qu’épique) qui cherche à s’imposer aux XIIe et XIIIe siècles sous l’influence de la réforme grégorienne. Cette reprise orientée de narrations latines antérieures utilisées comme documents se retrouve dans l’historiographie anglo-normande avec la mise à distance du genre hagiographique par Wace et sa laïcisation par Benoît, au service d’un autre modèle royal, celui des souverains Plantagenêt.

Qu’apporte la narration, et qu’est-ce qu’un document ?

L’enjeu est donc maintenant de préciser et d’approfondir ces pistes, voire d’en ouvrir d’autres qui leur sont apparentées et qui sont apparues au cours des discussions. Ainsi la reprise de récits antérieurs comme support documentaire montre bien que la notion de document est complexe : elle ne dépend pas tant de l’intention de ceux qui fabriquent un texte que de ceux qui l’interprètent et choisissent de l’utiliser, souvent en l’adaptant à leur propre projet. La réception contemporaine et contrastée de textes comme l’Estoire de la guerre sainte attribuée à Ambroise, à mi-chemin entre document historique et texte poétique, en témoigne éloquemment. Il faudrait donc revenir sur cette notion en cherchant à analyser sa présence et son fonctionnement dans le détail des écrits médiévaux qui, à un titre ou à un autre, se réclament d’une démarche historiographique. L’utilisation qui est faite de l’espace du manuscrit pourrait être prise en compte, ainsi que les moyens mis maintenant à notre disposition par l’outil informatique pour faire apparaître clairement ces stratégies. D’autre part l’importance généralement accordée à la narration et aux traditions génériques qui l’informent invite à s’interroger sur le ou les pouvoir(s) de la mise en récit. Lorsqu’au beau milieu d’un traité théorique sur la musique on voit apparaître dès la fin du XIIe siècle quelques développements narratifs sur des musiciens précis, ou lorsque des chansonniers font précéder la transcription de poèmes des troubadours d’une compilation raisonnée de leurs vidas, une démarche historiographique de type biographique est en cours et elle semble avoir pour but d’« autoriser » les protagonistes des récits ainsi constitués. Nous avons là les débuts de l’histoire littéraire ou de l’histoire de la musique. On pourrait donc s’interroger sur la fonction héroïsante (ou autorisante) de la narration historique, jugée d’autant plus convaincante qu’elle s’appuie sur des récits présentés comme des documents (du factuel, donc), mais qui découle peut-être des modèles génériques les plus souvent utilisés dans l’écriture historiographique (hagiographie ou épopée).

Nos questions tournent en définitive autour de trois notions clefs : remploi, référence et autorité. Remploi, car il s’agit d’étudier les modalités de la présence des documents, ou d’une réalité documentaire, dans le récit. Référence, car cette insertion vient dans certains cas au moins renforcer la fonction référentielle du langage. Autorité enfin, car cet usage d’hypotextes autorise le scripteur. Réfléchir sur ces trois notions pourra être l’occasion de revenir sur l’assertion de Bernard Guenée selon laquelle « au Moyen Age, l’utilisation des documents d’archives […] avait été contenue dans de telles limites que […] les grands ouvrages ambitieux devaient s’appuyer bien moins sur les chartes que sur les livres », et aussi de rediscuter sa fameuse phrase relative à l’autorité : « Les historiens du Moyen Age ne critiquaient pas des témoignages, ils pesaient des témoins. »

Conditions de soumission

Vous pouvez adresser vos propositions de communications, en précisant votre nom, votre affiliation, le titre proposé pour votre communication, ainsi qu’un résumé d’une demi-page environ, à :

 jusqu’au 31 mars 2013

Comité scientifique

  • Etienne Anheim (Histoire médiévale, UVSQ / ESR)
  • Pierre Chastang (Histoire médiévale, UVSQ / ESR)
  • Catherine Croizy-Naquet (Littérature médiévale, Université de Paris 3)
  • Laurent Feller (Histoire médiévale, Université de Paris 1)
  • Francine Mora (Littérature médiévale, UVSQ / ESR)
  • Michel Zink (Littérature médiévale, Collège de France)

Lieux

  • Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines - 47 bd Vauban
    Guyancourt, France (78)

Dates

  • dimanche 31 mars 2013

Mots-clés

  • historiographie, Moyen Âge, documents, genres littéraires, remploi, référence, autorité

Contacts

  • Etienne Anheim
    courriel : etienne [dot] anheim [at] ehess [dot] fr
  • Pierre Chastang
    courriel : chastangpierre [at] gmail [dot] com
  • Francine Mora
    courriel : Francine [dot] Mora [at] poetiques [dot] uvsq [dot] fr

Source de l'information

  • Pierre Chastang
    courriel : chastangpierre [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’écriture de l’histoire au Moyen Âge (XIe-XVe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 16 janvier 2013, https://doi.org/10.58079/mm8

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search