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Développement durable et « acceptabilité sociale »

Sustainable development and "social acceptability"

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Publié le jeudi 24 octobre 2013

Résumé

Nous souhaitons dans cet atelier nous intéresser à la dimension performative du développement durable, qui s’appuie sur un consensus moral préalable, une représentation partagée permettant aux acteurs d’agir ensemble. Ce caractère performatif s’exerce notamment à l’aide d’indicateurs et par l’attribution de rôles aux différents acteurs qui y participent, donnant une place essentielle à l’expertise et à la recherche. Les indicateurs sont en effet des instruments de mesure et des médiateurs facilitant les apprentissages organisationnels, la co-construction et l’innovation institutionnelle. L’expertise et la recherche tiennent quant-à-elles, un rôle essentiel dans la performativité du développement durable, au moins pour deux raisons. D’une part, elles interviennent en amont dans l’actualisation des formes de cette notion problématique et des dispositifs qui l’effectuent. D’autre part, elles s’inscrivent dans une démarche d’aide à la décision qui vise à favoriser l’intégration de ce nouveau référentiel de l’action publique par la population.

Annonce

Présentation

Nous souhaitons dans cet atelier nous intéresser à la dimension performative du développement durable, qui s’appuie sur un consensus moral préalable, une représentation partagée permettant aux acteurs d’agir ensemble[1]. Ce caractère performatif s’exerce notamment à l’aide d’indicateurs et par l’attribution de rôles aux différents acteurs qui y participent, donnant une place essentielle à l’expertise et à la recherche. Les indicateurs sont en effet des instruments de mesure et des médiateurs facilitant les apprentissages organisationnels, la co-construction et l’innovation institutionnelle[2]. L’expertise et la recherche tiennent quant-à-elles, un rôle essentiel dans la performativité du développement durable, au moins pour deux raisons. D’une part, elles interviennent en amont dans l’actualisation des formes de cette notion problématique et des dispositifs qui l’effectuent. D’autre part, elles s’inscrivent dans une démarche d’aide à la décision qui vise à favoriser l’intégration de ce nouveau référentiel de l’action publique par la population[3].

Cependant, la mise en œuvre du développement durable à l’aide de dispositifs sociotechniques centrés sur une “participation raisonnable”[4] de l’habitant-usager relève aussi d’une “coercition mutuelle”[5] qui atteint aujourd’hui ses limites, dont la plus connue est le fameux “effet rebond”. L’amélioration continue des performances techniques des bâtiments voit en effet les ménages augmenter leur consommation corrélativement aux économies réalisées. Cette situation est aujourd’hui dénoncée comme étant le produit d’un effet pervers comportemental, contradictoire avec le modèle de sobriété prôné par le développement durable.

Face à ces blocages, la psychologie sociale, l’économie comportementale, les sciences de la communication, les neurosciences ou la science politique sont sollicités pour répondre à cet “impératif écologique [qui] exige d’une part, des innovations technologiques et, d’autre part, des changements de comportement individuel et collectif (…) hypothétiques”[6].

La notion d’acceptabilité sociale, directement issue de la gestion des risques et du calcul rationnel a progressivement été reprise par les institutions alors qu’elle soulève de nombreuses questions :

  • La notion d’acceptabilité peut-elle répondre aux obstacles rencontrés par le développement durable, sans questionner son caractère hégémonique et impératif ?
  • Dans quelle mesure, un “paternalisme libertaire”[7] confortant la rationalité latente des individus pour orienter leur choix en direction de cet “impératif”, ne renforce-t-il pas les contradictions de cet oxymore qu’est le développement durable ?
  • Comment la recherche urbaine peut-elle s’extraire d’une approche normative de l’acceptabilité en termes de standards et de bonnes pratiques, alors même que les formes concrètes du développement durable sont constamment co-construites avec des acteurs publics et privés en demande de modèles transférables ?
  • Dans quelle mesure, interroger la notion d’acceptabilité et ses usages, peut-il nous permettre d’une part, de donner sens aux difficultés concrètes que rencontre le développement durable et d’autre part, de mieux comprendre la nature des relations entre la recherche et le champ du développement durable ?
  • Enfin, ce travail sur le rôle de l’acceptabilité peut-il nous permettre de trouver des points d’appui pour construire la critique vis-à-vis du développement durable ?

Cet atelier commun au réseau AC/DD et au GIS ReHaL souhaite apporter lors de sa deuxième année d’existence, une contribution à ce débat, à travers trois séances. La première prolonge celle de l’an passé consacrée aux comportements, pour s’intéresser au rôle de l’innovation dans l’acceptabilité du développement durable. La seconde pose la question de la place et de la construction de l’intérêt général par le développement durable. La troisième sera consacrée à la conception architecturale et urbaine de la ville durable. La derniere, adoptera une approche la seconde à son appropriation et la dernière adoptera un angle plus politiste pour interroger la transformation des politiques urbaines au prisme du développement durable.


[1] Villalba B. (2009), Appropriations du développement durable. Emergences, diffusions, traductions ; Lille, Septentrion, p. 365

[2] Rey-Valette Hélène et al. (2010), « Quelques postulats relatifs aux indicateurs de développement durable : l'exemple de l'aquaculture », Natures Sciences Sociétés, 2010/3 Vol. 18, p. 253-265.

[3] Colloque « Incitations comportementales et environnement », Centre d’analyse stratégique, 9 mars 2011. Etude de Sébastien Terra et Aurore Fleuret (2009), L’acceptabilité sociale des éoliennes : des riverains prêts à payer pour conserver leurs éoliennes - Enquête sur quatre sites éoliens français ; MEEDDAT / CGDD / SEEIDD.

[4] Barbier Rémi (2002), « La fabrique de l'usager. Le cas de la collecte sélective des déchets », Flux, 2002,  n°48-49, p.35-46, p. 37

[5] Douglas Mary (1992), De la souillure. Études sur la notion de pollution et de tabou, Paris, La Découverte. Cité par Rémi Barbier.

[6] Centre d’analyse stratégique (2011), “Nudges verts” : de nouvelles incitations pour des comportements écologiques ;  Note de presse.

[7] Thaler Richard H., Sunstein Cass R. (2003), « Libertarian paternalism is not an oxymoron », The University of Chicago Law Review, vol. 70(4).

Programme 2013 / 2014

Première séance – 18 Novembre 2013

Innovation et développement durable : entre injonctions et pratiques

Responsable de la séance : Aurélie Tricoire

Matinée : 10h30 – 13h

  • Marie Piganiol (Doctorante, CSO (Centre de Sociologie des Organisations), CNRS-Sciences Po Paris) : « Les bureaux d'études dans l'économie de la conception des logements écologiques ».
  • Catherine Grandclément (Chercheur, ICAME / GRETS, EDF R&D) : « Innover, marchandiser, écologiser : le projet de reformatage du consommateur d'électricité dans les 'smart grids' ».

Après-midi : 14h – 16h30

  • Alexandre Mallard (Chercheur, CSI, École des Mines de Paris) : « Labellisation environnementale et innovation dans le bâtiment ».
  • Arnaud Diemer (Maître de conférence, Université Blaise Pascal Clermont Ferrand II – ESPE Clermont- Auvergne) : « Technologie, idéologie et développement durable : quelques enseignements ».

Discutant : Gilles Debizet (Maître de conférence, Université de Grenoble, UMR Pacte).

La journée vise à réfléchir à la nature des liens réels et/ou supposés entre innovation et développement durable. Souvent présenté comme une nécessité pour pérenniser nos sociétés industrielles, le développement durable devient une véritable injonction, dont le principal moteur serait l’innovation. Innover serait le moyen de se développer durablement, et ce quelles que soient, d’une part, les finalités et objectifs concrètement identifiés comme relevant d’un développement durable et, d’autre part, la nature des innovations proposées.

Les pratiques et les discours, ainsi que les dispositifs sociaux et techniques qui les relaient, présentent ainsi les liens entre développement durable et innovation sous un angle positif et vertueux. Mais qu’en est-il réellement ? Quelles controverses les innovations promues dans le cadre conceptuel du développement durable soulèvent-elles ? Quel visage les innovations ainsi promues donnent-elles au développement durable ? Peut-on mettre en évidence une relation réellement performative entre innovation et développement durable ? Quel est le rôle des différents acteurs –pouvoirs publics, groupements citoyens, acteurs économiques, individus- impliqués dans la définition de ces cadres d’action ? Cette double injonction au développement durable et à l’innovation reconfigure-t-elle les relations entre acteurs, et/ou modifie-t-elle les rapports qu’ils ont avec les dispositifs socio-techniques qui les entourent ? 

Deuxième séance – Mardi 8 avril 2014

Concevoir des projets pour faire accepter le développement durable ?

Responsables de la séance : Jérôme Boissonade et Thierry Paquot

Matinée : 10h – 13h

  • Xavier Bonnaud (architecte - agence MESOSTUDIO - docteur en urbanisme, professeur à l'école d'architecture de Paris-la-Villette) : « L'architecture créatrice de nouveaux savoirs environnementaux ».
  • Frédéric Bonnet (architecte, agence Obras) Titre de l’intervention : à définir.

Discutant: Thierry Paquot (philosophe, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris - Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne)

Après-midi : 14h – 17h

  • Patrick Bouchain (architecte) « Révéler le possible ignoré ».
  • Table ronde : Marie-Hélène Contal, Françoise Fromonot, Yvette Masson, Thierry Paquot, Jana Revedin et Chris Younès.

Cette séance vise à explorer le rôle de la conception dans l’acceptabilité sociale de l’espace urbain et architectural et plus spécifiquement la part que joue aujourd’hui le développement durable comme moyen et comme finalité dans cette relation entre conception et acceptabilité spatiale. Dans  leur présentation de la séance intitulée “Concepteurs de durabilité : des quartiers pour éco-habitants idéaux ?”[1], Pierre-Arnaud Barthel et François Valégéas montraient comment les concepteurs institutionnels  pensent et programment la vie quotidienne au sein des éco-quartiers. Un chef de projet nantais disait de façon éclairante : « On impose des modes de vie, on est assez stalinien. C’est un pari car on ne fait pas un écoquartier sans changer les pratiques. ».

Nous nous intéresserons d’une part aux liens entre projet urbain et projet social à travers la projection des usages que réalisent les acteurs de la conception (architectes, maitres d’œuvre, bureaux d’études techniques, etc.). D’autre part, nous tenterons de saisir le rôle exact des acteurs qui, sans participer directement à la conception, participent à contextualiser, encadrer ou inspirer le travail des concepteurs (revues spécialisées, assistants à la maîtrise d’ouvrage, etc.).

Dans un premier temps, l’enjeu est bien de rentrer « dans la cuisine » de la fabrication de ces espaces “durables” pour saisir les processus de projection à l’œuvre en termes d’anticipation des usages attendus ou crains, et en termes d’apprentissage et d’éducation aux usages projetés et espérés.

Dans un deuxième temps, il s’agira de comprendre comment les modèles et les récits portés par les autres acteurs urbains et architecturaux en termes de ville durable ou d’architecture “écologique” se traduisent dans les projets ? Comment les architectes et les urbanistes s’approprient ces modèles et ces récits pour faire de l’urbanisme ou de l’architecture “durable”.

Dans un troisième temps, nous tenterons de saisir comment les projets “durables” portés par les acteurs et les concepteurs et ayant pour ambition de changer la ville, transforment les pratiques vers plus de durabilité, afin de questionner ces processus de conception en termes d’acceptabilité, de gouvernementalisation ou d’émancipation.

(Cette séance prévue fin 2012 a finalement due être annulée en raison de plusieurs désistements.)

Troisième séance – 5 juin 2014

Acteurs et régimes de production de l’acceptabilité sociale : légitimation et politiques urbaines de développement durable

Responsable de la séance : Vincent Béal

Matinée : 10h30 – 13h

Introduction générale : Vincent Béal (SAGE/Univ. Strasbourg), « Développement durable et politiques urbaines : une entrée par les processus de légitimation »

Rendre acceptable le développement durable : dynamiques de légitimation

  • Samuel Mössner (Department of Geography – University of Freiburg) : « Urban sustainability as consensual practice: Post-politics in Freiburg, Germany »
  • Touati Anastasia (LATTS/PUCA) : « La densification urbaine à l'ère du développement durable : entre progressisme environnemental et renouveau des coalitions de croissance »

Discutant : Gilles Pinson (Centre Emile Durkheim – Sciences-Po Bordeaux)

Après-midi : 14h – 16h30

Acceptabilité et logiques du consensus autour du développement durable

  • Reigner Hélène (IFSTTAR – INRETS) : « Au-delà et en-deçà du débat politique : les mécanismes de production du consensus en matière de mobilité durable »
  • Hajek Isabelle (SAGE – Université de Strasbourg) : « Durabilité, acceptabilité et mobilisations sociales: quoi de neuf dans la gestion des déchets? »

Discutant : Renaud Epstein (DCS – Université de Nantes)

L’objectif de cette séance est d’appréhender le rôle du développement durable dans les processus de légitimation des politiques urbaines. Dans les travaux de politiques urbaines et plus généralement dans ceux de science politique, la question de l’acceptabilité sociale n’a pas fait l’objet d’un traitement poussée dans la science politique française. Si l’on peut trouver des traces de cette notion dans les travaux sur le risque ou sur la participation, l’acceptabilité sociale semble davantage considérée comme une catégorie construite par les commanditaires de la recherche que par les chercheurs eux-mêmes. Pourtant, cette notion renvoie à plusieurs questionnements classiques qui alimentent la sociologie de l’action publique : légitimation, politisation/dépolitisation, consensus, etc. L’objectif de cette journée sera de discuter la transformation de ces dynamiques dans les politiques urbaines de développement durable.  Plusieurs questions seront abordées : comment rendre le développement durable gouvernable ? Quel rôle joue cette notion dans la gouvernance des villes ? Quelles ressources en termes de légitimation produit-elle ? Quels sont les acteurs, les régimes et les modes de régulation à l’œuvre ? Comment s’opère la gestion des conflits autour de ces politiques urbaines ? Si notre intérêt portera sur les modalités de construction de l’acceptabilité des politiques de développement durable, la problématique centrale de cette journée sera de comprendre en quoi ces politiques – ou plus généralement la référence au développement durable – constituent des outils centraux dans la gouvernance des villes et dans les processus de légitimation des politiques urbaines.


Lieux

  • Ecole d’architecture Paris-Val de Seine, Salle 718 (7ème étage face aux ascenseurs) - 3/15 Quai Panhard et Levassor
    Paris, France (75013)

Dates

  • lundi 18 novembre 2013
  • mardi 08 avril 2014
  • jeudi 05 juin 2014

Mots-clés

  • développement durable, acceptabilite sociale, écologie, environnement, urbanisme, recherche

Contacts

  • Jérôme Boissonade
    courriel : jboisson [at] msh-paris [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Jérôme Boissonade
    courriel : jboisson [at] msh-paris [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Développement durable et « acceptabilité sociale » », Cycle de conférences, Calenda, Publié le jeudi 24 octobre 2013, https://doi.org/10.58079/oi2

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