AccueilEsthétique de la ruine, poïétique de la destruction

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Esthétique de la ruine, poïétique de la destruction

The aesthetics of ruin, the poietic of destruction

La ruine faite œuvre ou l’œuvre en ruine

The ruin as the work or the work in ruins

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Publié le mercredi 07 mai 2014

Résumé

Ce colloque se propose d'interroger le modèle d'œuvre sollicité par les représentations modernes et contemporaines de ruines. La ruine est devenue un élément essentiel du paysage théorique et artistique contemporain, indissociable de la déconstruction de l’œuvre, de la prise en compte des processus entropiques (Georg Simmel, Robert Smithson), des ruptures historiques (W. G. Sebald) ou encore d'une esthétique du désastre et des vestiges (Blanchot, Beckett)… sollicitant les apports respectifs de la philosophie, de l’histoire de l’art et des pratiques artistiques, y compris le cinéma, la vidéo et la photographie, nous interrogerons dans sa diversité et ses contradictions ce « modèle ruiniste » contemporain, en deux journées : l'une consacrée aux théories modernes de la de ruine en art, l'autre aux pratiques artistiques contemporaines.

Annonce

Programme

Mercredi 14 mai

Matinée

9h30 : Présentation de la journée par Olivier Schefer

  • 9h40 : Modernité et Antiquité : le temps des ruines, Agnès Lontrade, maître de conférences en esthétique à Paris 1
  • 10h20 : Temps des ruines, Ruines du temps, Gilles Tiberghien, maître de conférences en esthétique à Paris 1

11h00 : pause

  • 11h10 : Robert Smithson et ses fantômes, Olivier Schefer, maître de conférences hdr en esthétique à Paris 1

11h50 : discussions

12h30 : pause déjeuner

Après-midi

  • 14h00 : Ruine, désastre et oubli chez Maurice Blanchot, Anael Marion, doctorant à Paris 7
  • 14h40 : Après le game over. Les Ruines virtuelles des jeux vidéo (deTetris à Metal Gear Solid), Karim Charredib, docteur associé en esthétique à Paris 1
  • 15h20 : Esthétique touristique et ruines industrielles vues du ciel : l’exemple de Gunkanjima, Anna Guilló, maître de conférences en arts plastique à Paris 1

16h00 : discussions

16h40 : clôture de la première journée

Jeudi 15 mai 2014

Matinée

9h30 : Présentation de la journée par Miguel Egaña

  • 9h40 : Journaux et fictions de la catastrophe : Pepys, Defoe, Sebald, Muriel Pic, maître de conférences à l’Université de Neuchâtel (Suisse)
  • 10h20 : Le plaisir des ruines chez Ed Ruscha, Larisa Dryansky, maître de conférences en Histoire de l’art à Paris IV

11h00: pause

  • 11h10 : Comment habiter un  poncif artistique (les Ruines de Detroit), Céline Bonnel, doctorante en esthétique à Paris 1
  • 11h50 : Le 11 septembre et sa kitschification accélérée, Neli Dobreva, ingénieur en sciences humaines à la Maison des Sciences de l’homme.

12h 30: discussions

13h : pause déjeuner

Après-midi

  • 14h30 : Cyprien Gaillard : principe de barbarie, Miguel Egaña, professeur en arts plastiques à Paris 1
  • 15h10 : La destruction dans le processus de constitution de l'image : documentation céline duval, Anne Dietrich, doctorante en arts plastiques à Paris1
  • 15h50 : Peinture en ruines/ruines de la peinture (dialogue avec Philippe Cognée), Didier Semin, professeur d’histoire de l’art à l’ENSBA/ Philippe Cognée, artiste, professeur à l’ENSBA

16h30 : discussions

17h30 : clôture du colloque

Organisation

 

Colloque organisé par Miguel Egaña et Olivier Schefer

UMR ACTE / CNRS

Université Paris I Panthéon Sorbonne (Ufr 04)

Argumentaire

Dans la grande fosse des formes, gisent les ruines auxquelles on tient encore, en partie. Elles fournissent matière à l’abstraction. Un chantier d’inauthentiques éléments pour la formation d’impurs cristaux. Voilà où nous en sommes.

Paul Klee, Journal [1915], Paris, Grasset, 2004 (1959), p. 329.

Ce colloque se propose de réfléchir aux divers modèles ou contre modèles artistiques fournis par l’esthétique des ruines depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Inscrivant notre démarche dans la perspective moderne et contemporaine d’une crise de la représentation et de la forme initiée par le romantisme[1] et d’un (auto) «vandalisme» artistique[2], nous tenterons d’interroger le nouveau concept d’œuvre convoqué par la ruine. Car si la ruine appartient de plein droit à une esthétique classique, elle contribue en même temps au culte moderne des monuments anciens (Aloïs Riegl, Le Culte moderne des monuments, Paris, Seuil, 2013) et à l’instauration d’une esthétique moderne et contemporaine dont nous examinerons quelques-uns des traits les plus saillants : déconstruction de l’œuvre finie, fragmentation romantique, prise en compte des processus entropiques (Georg Simmel), des ruptures historiques (W. G. Sebald), formes de la disparition et de l’absence (Starobinski), esthétique du désastre et des vestiges (Blanchot, Beckett)…

En sollicitant les apports respectifs de la philosophie, de l’histoire de l’art et des pratiques artistiques, y compris la littérature, le cinéma et la photographie, il s’agira donc d’interroger dans sa diversité et ses contradictions le «modèle ruiniste» moderne et contemporain. Ce colloque comportera deux volets principaux : I) théories des ruines artistiques ; II) poïétique de la destruction et pratiques ruinistes contemporaines.

I.     Théories des ruines artistiques

Il y a tant de poésie et pourtant rien n’est plus rare qu’un poème ! Cela fait cette masse d’esquisses, d’études, de fragments, de tendances, de ruines et de matériaux poétiques.

Friedrich Schlegel, n° 4 des Fragments critiques

Un premier champ d’études sera consacré à l’examen philosophique et historique du concept de ruine artistique : dans quel contexte et selon quelles procédures la ruine peut-elle faire œuvre? La ruine représentée, peinte ou sculptée, est-elle fragment d’œuvre – œuvre en miettes, reste, parergon – ou œuvre à part entière, tel le fragment hérisson défendu par Friedrich Schlegel (fragment 206 de l’Athenaeum) ? Parmi les nombreuses questions soulevées par le type ruiniste – oscillant entre déconstruction, brisure et reconfiguration – nous suivrons comme un fil rouge la problématique temporelle et historique. Car la ruine, comme l’a montré Michel Makarius (Ruines, Paris, Flammarion, 2004, 2011), croise l’histoire de l’art sous ses différentes formes, soit qu’elle serve de décor à la narration, d’emblème iconographique religieux ou de symbole fantastique. Le genre ruiniste traverse l’histoire de la peinture, de l’architecture et de l’art des jardins, depuis la Renaissance au Romantisme en passant par le Classicisme et le Néo-classicisme. Il soulève un ensemble de problématiques temporelles majeures qui ressurgissent de façon particulièrement aiguë et problématique dans l’art moderne et contemporain. Quelle philosophie du temps, de l’histoire, voire de la représentation du pouvoir, l’esthétique des ruines met-elle en œuvre ? En quoi le rapport mélancolique ou critique au temps, la crise des idéologies et des traditions déterminent-ils l’approche moderne des ruines ?

Les aspects suivants pourront être examinés : la mélancolie de l’artiste face à la grandeur révolue (Füssli, Le Désespoir de l’artiste devant la grandeur des ruines antiques), les formes de la survivance et de l’archaïsme constitutives de la modernité (Charles Baudelaire, Walter Benjamin, Georges Didi-Huberman), le déclin conçu comme sublimation historique du présent (la loi des ruines d’Albert Speer, le cinéma catastrophe), ou encore l’attention contemporaine portée aux ruines « à l’envers » antiromantiques, à l’instar des « nouveaux monuments » entropiques post-industriels définis par Robert Smithson.

II.  Poïétique de la destruction, pratiques contemporaines

« Cramer les voitures avec les jeunes des cités et choisir la plus jolie pour la mettre au musée de la ville la plus proche »

Claude Lévêque, Quel est le rôle de l’artiste aujourd’hui ? Tokyobook 2, 2001

Si l’on se place dans cette perspective d’une remise en cause de l’œuvre finie et ontologiquement pérenne, il apparaît que la ruine, aussi bien dans sa réalité que dans ses représentations, préfigure l’œuvre moderne et contemporaine dans certains de ses aspects les plus radicaux parmi lesquels : la valorisation du processus, de l’inachèvement, des procès de dégradation et de destruction, allant jusqu’à l’anéantissement (Objet à détruire, Man Ray, Hommage à New York, Tinguely…), la fascination pour le déchet, le débris, la délégation de la création et du « faire » humain à l’autre, à la nature, aux éléments (Arte Povera, Smithson), ou encore le basculement sémiotique de la définition de l’œuvre non plus comme « objet » (transcendant ou symbolique) mais comme trace, signe, indice…

La question, éminemment actuelle, de la possibilité ou non d’une « ruine moderne » se situe au croisement des considérations suivantes : il y a donc, d’un point de vue interne au champ artistique, la présence d’un « modèle ruiniste » qui vient hanter l’œuvre contemporaine dans sa constitution même, la définissant sur un mode oxymorique comme «ruine présente ». Mais on trouve aussi, d’un point de vue externe, la confrontation des artistes à deux aspects contradictoires de la « barbarie du présent », cette « barbarie » – prise au sens que lui donne Benjamin dans Expérience et pauvreté – s’avérant grande productrice de ruines : a) ces artistes prennent en compte les différentes déclinaisons contemporaines des ruines : celles produites par l’histoire (guerres, terrorisme), celles dues à l’«horreur économique» (entropie libérale, capitaliste), celles suscitées par les catastrophes naturelles ou non (Fukushima, etc.), b) mais aussi la patrimonialisation généralisée du réel : multiplication des sites, des musées, des « lieux de mémoire », etc., qui contribuent à institutionnaliser la ruine à partir des décombres qui nous environnent.

Les artistes contemporains, interpellés à la fois par la violence destructrice du présent et par l’encombrant poids du passé, doivent ainsi trouver leur voie entre la réactualisation esthétique du « modèle ruiniste », toujours prêt à ressurgir pour artialiser le désastre et la mise en œuvre d’une esthétique délibérément « barbare » (négative, autodestructrice, autovandale), en réponse à ces crises qui scandent le monde contemporain.

[1] Olivier Schefer (dir.), Théories et poétique du fragment, La Lettre volée, revue L’Étrangère, n° 35-36 (à paraître, avril 2014).

[2] Miguel Egaña (dir.), Du vandalisme, La Lettre volée, 2004.

Lieux

  • Paris I, centre St Charles - 47/53 rue des Bergers
    Paris, France (75015)

Dates

  • mercredi 14 mai 2014
  • jeudi 15 mai 2014

Mots-clés

  • ruines, fragments, destruction, œuvre, entropie, désastre

Contacts

  • Olivier Schefer
    courriel : Olivier [dot] Schefer [at] univ-paris1 [dot] fr

Source de l'information

  • Olivier Schefer
    courriel : Olivier [dot] Schefer [at] univ-paris1 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Esthétique de la ruine, poïétique de la destruction », Colloque, Calenda, Publié le mercredi 07 mai 2014, https://doi.org/10.58079/q0y

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