AccueilAgricultures familiales, territoires et perspectives de développement dans les Suds

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Publié le vendredi 04 juillet 2014

Résumé

Depuis trente ans, le modèle de développement libéral qui s’est imposé dans les pays des Suds a entraîné de profondes recompositions socio-territoriales en milieu rural et agricole. Partout, l’essor d’un secteur agro-industriel orienté vers l’exportation s’est traduit par une pression accrue sur les ressources hydriques et foncières, alors même que les activités extractives et l’expansion urbaine ont augmenté la concurrence sur l’usage de l’eau et du sol et aggravé les dégradations environnementales. Ces dynamiques ont eu des effets particulièrement négatifs sur les agriculteurs familiaux qui, par ailleurs, ont été affaiblis par l’ouverture des marchés nationaux aux importations. La crise alimentaire de 2008, les émeutes de la faim auxquelles elle a donné lieu et, plus récemment, les “révoltes arabes”, qui comptent parmi leurs causes profondes le renchérissement des produits alimentaires de base, ont contribué au retour de l’agriculture dans l’agenda des politiques publiques et ont suscité une attention renouvelée à la diversité des formes sociales de l’activité agricole dans les pays des Suds.

Annonce

Argumentaire

Depuis trente ans, le modèle de développement libéral qui s’est imposé dans les pays des Suds a entraîné de profondes recompositions socio-territoriales en milieu rural et agricole. Partout, l’essor d’un secteur agro-industriel orienté vers l’exportation s’est traduit par une pression accrue sur les ressources hydriques et foncières, alors même que les activités extractives et l’expansion urbaine ont augmenté la concurrence sur l’usage de l’eau et du sol, et aggravé les dégradations environnementales. Ces dynamiques ont eu des effets particulièrement négatifs sur les agriculteurs familiaux qui, par ailleurs, ont été affaiblis par l’ouverture des marchés nationaux aux importations.

La crise alimentaire de 2008, les émeutes de la faim auxquelles elle a donné lieu et, plus récemment, les "révoltes arabes", qui comptent parmi leurs causes profondes le renchérissement des produits alimentaires de base, ont contribué au retour de l’agriculture dans l’agenda des politiques publiques et ont suscité une attention renouvelée à la diversité des formes sociales de l’activité agricole dans les pays des Suds.

De même, la montée en puissance des demandes sociales en matière d’emploi, de cadre de vie, mais aussi de qualité des produits, a favorisé l’émergence de pratiques agricoles innovantes valorisant notamment les ressources patrimoniales de l’espace rural ainsi que les formes familiales de l’activité agricole. Dans ces conditions, la mobilisation croissante des agriculteurs familiaux pour la mise en œuvre de projets de protection environnementale ou pour la réactivation de filières marchandes à l’échelle locale semble susceptible de favoriser de nouvelles dynamiques territoriales porteuses de développement. C’est ce que soulignait déjà en 2009 le rapport IAASTD qui insistait en particulier sur le potentiel d’une agriculture familiale diversifiée et orientée vers la satisfaction des besoins locaux, tant en matière de préservation des sols et de restauration de leur fertilité, que de maintien des emplois ruraux et de protection l’environnement[1].

Après avoir été marginalisée par les politiques libérales de “modernisation agricole” qui ont marqué les dernières décennies, l’agriculture familiale des pays des Suds se voit désormais réhabilitée dans le discours des acteurs publics, comme en témoigne notamment la décision des Nations Unies de proclamer 2014 “Année internationale de l’agriculture familiale”. Un large consensus sur les vertus de cette forme sociale de l’activité agricole semble donc se redessiner, mais dans quelles conditions les agricultures familiales des pays des Suds peuvent-elles réellement contribuer à la consolidation de filières agricoles marchandes, notamment aux échelles locale et régionale, et constituer la base de nouvelles dynamiques porteuses d’un développement durable des territoires ?

C’est en ayant pour objectif de répondre à cette question centrale que l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC), l’UMR PRODIG et le Collège International des Sciences du Territoire (CIST) co-organisent un colloque intitulé “Agricultures familiales, territoires et perspectives de développement dans les Suds” qui se tiendra à Tunis du 11 au 13 décembre 2014. Ouverte aux chercheurs des différentes sciences sociales, et avec pour ambition de traiter de pays et de régions diverses, cette manifestation scientifique s’articulera autour de 4 axes de réflexion.

Axe 1 – Agricultures familiales et politiques publiques

Presque partout dans les pays des Suds, les politiques de libéralisation et d’ajustement structurel ont entraîné une profonde réorganisation des conditions de l’activité agricole (diminution, voire disparition des subventions à la production, réorganisation des systèmes de crédit, libéralisation des prix et des circuits de commercialisation, privatisation des terres). La mise en œuvre de ces politiques s’est également accompagnée d’un affaiblissement des structures d’appui et d’encadrement de l‘agriculture. Le désengagement de l’Etat et la promotion des mécanismes du marché pour l’accès aux ressources en eau et en terre, mais aussi au conseil technique, ont fortement pénalisé la petite agriculture. De même, la réallocation des ressources financières vers le secteur des grandes exploitations et de l’agriculture irriguée exportatrice a fortement réduit les investissements en faveur de la petite agriculture. Dans ces conditions, quelles réorientations des politiques publiques seraient nécessaires pour valoriser les potentiels productifs et les fonctions à la fois sociales et environnementales de l’agriculture familiale ? Quels domaines d’intervention doivent être privilégiés (infrastructures, accès aux semences et aux intrants, commercialisation, crédit et assurance, transformation des produits, création de labels de qualité, recherche) pour répondre aux besoins des agricultures familiales ? Quelles devraient être les implications des organisations professionnelles agricoles dans l’élaboration de politiques de soutien aux agricultures familiales ?

Axe 2 – Les agriculteurs familiaux au cœur de conflits territoriaux

Les conflits dans les campagnes des pays des Suds sont aussi nombreux que violents. Dans un contexte de libéralisation des économies, leur augmentation témoigne de la grande vulnérabilité des agriculteurs familiaux, du pouvoir grandissant des acteurs privés et de la bienveillance de certains Etats à l’égard des capitaux étrangers. Ainsi, l’appropriation de terres par les sociétés agro-industrielles, les projets d’aménagement pour le contrôle de ressources hydriques et l’accroissement des activités extractives entraînent de profondes recompositions territoriales. Dans le même temps, les revendications des petits agriculteurs et des paysans sans terre connaissent un regain d’intensité, comme en témoignent les actions d’occupation de terre dans de nombreux pays, y compris dans les pays du “printemps arabe”. Quelles sont les conséquences de ces conflits territoriaux pour l’agriculture familiale et la disponibilité de denrées alimentaires dans les régions concernées? Quels effets sur l’accès aux ressources naturelles ? Quelles répercussions économiques pour les populations? Enfin, que dire de l’action des organisations de la société civile, mais également des ONG, pour empêcher l’augmentation des conflits territoriaux dans les campagnes des pays des Suds et pour garantir les droits des agriculteurs familiaux ?

Axe 3 – Mobilisation des agriculteurs familiaux, réappropriation des territoires et construction de la démocratie

En conséquence de ces nombreux conflits, on assiste depuis plusieurs années à la multiplication des mouvements de contestation du modèle de développement libéral, en témoigne la formation d’associations paysannes qui, dans bien des cas, s’affirment comme de puissantes organisations politiques. Leurs revendications s’inscrivent dans la continuité d’une lutte historique pour la réappropriation de la terre spoliée durant l’époque coloniale, alors que la plupart des tentatives de réforme agraire n’ont eu que peu d’effets. Ces mouvements populaires se focalisent également sur la protection des ressources naturelles et sur le “droit à la ville” des agriculteurs qui font le souhait de politiques efficaces pour leur intégration marchande. Ces mobilisations démontrent ainsi que les agriculteurs familiaux se positionnent comme des acteurs de premier plan des processus de construction démocratique et de mise en valeur des territoires dans les pays des Suds. Quelles formes prennent alors ces mouvements populaires et l’action collective des agriculteurs et des agricultrices ? Quels sont leurs effets concrets en matière de réappropriation territoriale, de gouvernance locale et d’avancée sociale ? Quelles en sont les limites ? Enfin, que dire du rôle singulier des femmes dans la mise en marche de ces mouvements revendicatifs ?

Axe 4 – Diversification économique des agriculteurs familiaux et développement des territoires ruraux

Bien souvent, la diversification des économies rurales dans les pays des Suds favorise le maintien des systèmes familiaux de l’agriculture. Les revenus provenant des migrations internationales, par exemple, participent grandement des mutations des systèmes de production. Dans plusieurs contextes, l’argent provenant de l’étranger permet aux petits exploitants d’acquérir du matériel moderne et de développer des cultures commerciales très rentables. Pour d’autres familles, les salaires locaux, mêmes modestes, contribuent au maintien d’une agriculture de subsistance et à la sécurité alimentaire domestique. En dehors des emplois urbains, qu’ils soient locaux ou à l’étranger, la diversification économique des campagnes par le développement de petites industries ou d’activités touristiques est un atout pour les agriculteurs familiaux. Si pour accéder au capital les agriculteurs familiaux doivent diversifier leurs activités, il importe par conséquent de créer les conditions les plus justes d’un point de vue social pour favoriser cette pluriactivité. Le développement de clusters dans les campagnes des pays des Suds peut-il être une solution juste et efficace ? Les activités touristiques qui se déploient de manière croissante en milieu rural ont-elles des effets positifs sur l’agriculture familiale ? L’implantation de petites industries agro-alimentaires peut-elle dynamiser les exploitations ? Dans quelle mesure l’émergence de “bassins de vie” autour de villes moyennes peut-elle être favorable au maintien de l’agriculture familiale aux côtés d’autres activités économiques ? De même, l’émergence de nouvelles formes de diversification des activités économiques des exploitations familiales, sur la base d’une valorisation patrimoniale et paysagère des ressources et orientée vers la satisfaction de nouvelles demandes en matière de tourisme et de qualité des produits, est-elle susceptible de favoriser de nouvelles dynamiques de développement à l’échelle locale ?

[1] IAASTD [International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Development], 2009, Agriculture at crossroads, Synthesis Report, Island Press, Washington, 95 p.

Modalités de soumission

Les auteurs devront soumettre un résumé de 300 à 400 mots, en français ou en anglais, à l’adresse suivante : colloque.agri.fam.suds@gmail.com (avec copie à nasser.rebai@gmail.com et alia_gana@yahoo.fr).

Avant le 27 juillet 2014

Après avis du comité scientifique, les auteurs recevront une réponse des organisateurs le 15 septembre 2014. Les textes définitifs seront attendus pour le 30 novembre 2014. A la suite du colloque, les textes retenus par le comité scientifique feront l’objet d’une publication collective.

Comité d’organisation

  • Nasser Rebaï – UMR PRODIG
  • Alia Gana – CNRS, USR IRMC
  • Evelyne Mesclier – IRD, UMR PRODIG
  • Marion Gentilhomme – CIST
  • Christiane Saddem – IRMC
  • Hayet Naccache – IRMC

Comité scientifique

  • Jean-Louis Chaléard – Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  • Hubert Cochet – AgroParisTech
  • Mohamed Elloumi – INRAT (Tunis)
  • Alia Gana – CNRS, USR IRMC
  • Hélène Guetat-Bernard – ENFA (Toulouse)
  • Géraud Magrin – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Evelyne Mesclier – IRD, UMR PRODIG
  • Nasser Rebaï – UMR PRODIG
  • Shelley Feldman – Cornell University
  • Nazareth Wanderley – Universidade Federal de Pernambuco

Organisé par l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain (IRMC)l’UMR PRODIG et le Collège International des Sciences du Territoire (CIST) avec le soutien de l’Institut Français de Tunisie

Lieux

  • Tunis, Tunisie

Dates

  • dimanche 27 juillet 2014

Mots-clés

  • agriculture, famille, développement, suds

Source de l'information

  • hayet naccache
    courriel : hayet [dot] naccache [at] irmcmaghreb [dot] org

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Agricultures familiales, territoires et perspectives de développement dans les Suds », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 04 juillet 2014, https://doi.org/10.58079/qha

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