InicioLa citoyenneté républicaine à l'épreuve des peurs

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La citoyenneté républicaine à l'épreuve des peurs

Republican citizenship and the challenge of fear

Discours, pratiques et réceptions (de la Révolution à nos jours)

Discourse, practices and receptions (from the Revolution to the present day)

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Publicado el jueves 31 de julio de 2014

Resumen

Ce colloque se propose d’aborder la question de la citoyenneté républicaine à l’épreuve des peurs. Il réunira des historiens mais également des spécialistes d’autres disciplines (science politique, sociologie, droit, etc.). Si l’objet d’étude porte sur le cas français, les analyses comparatives voire transnationales seront les bienvenues.

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Argumentaire

Depuis quelques mois, le traitement médiatique et politique de ce qui est devenu la « question rom » a actualisé d’anciens mécanismes identificatoires et normatifs en présence de marginaux dont la singularité émane plus de constructions idéologiques que de réalités sociales. Au-delà d’envolées xénophobes et de cristallisations nationalistes bien réelles, la stigmatisation d’individus sur qui l’on a finalement transféré plusieurs peurs dont celle d’une contagion de la pauvreté, semble avoir fait office de catharsis pour des Français défiants à l’égard d’un État renonçant à sa mission de providence. Ce flot de peurs épidermiques et fantasmées, refuge face à des lendemains incertains, est certes alimenté par les effets néfastes d’une paupérisation prégnante de la population, mais est aussi instrumentalisé à des fins idéologiques en vue de la mise en œuvre de politiques publiques discriminantes, spécialement les politiques migratoires. Ceci renvoie à la question contemporaine des bornes de notre citoyenneté, qui n’est pas pour autant nouvelle comme le montre Sophie Wahnich dans L’impossible citoyen ? L’étranger dans le discours de la Révolution française (Albin Michel, 1997) où elle interroge la place faite à l’étranger dans une Révolution qui se targuait de promouvoir, en paroles et en actes, une universalité des droits. Or, à considérer les pratiques et les politiques républicaines postérieures à l’an I, l’universalisme républicain s’est heurté à des dynamiques d’exclusion nées de la crainte d’une décadence de la société et de la peur du nombre. Sous la Troisième République, dans une société coloniale, le rejet fut aussi justifié par une lecture racialiste, voire raciale de l’altérité politique. À l’image d’autres formes de systèmes politiques (monarchiste, dictatorial), la peur opère donc également en République. Elle agit sur son droit, pèse sur sa « gouvernance » et met ainsi ses valeurs fondatrices ou référentielles à l’épreuve. Sa simple évocation a contribué et contribue encore à fabriquer du lien social défensif en même temps qu’un système d’exclusion souvent discuté : des protestations et des contestations ont en effet émergé, plusieurs contre-modèles dénonçant même l’écart entre l’unanimisme affirmé par le discours républicain et la réalité des politiques menées.

Qu’elles soient sociales (peur du « peuple », peur des marginaux), politiques (peur des « rouges », peur du retour des « blancs ») ou d’essence religieuse (les métamorphoses du millénarisme), la multiplicité et la plasticité des peurs ont fait l’objet de nombreux travaux, à commencer par l’étude fondatrice de Jean Delumeau, La Peur en Occident (Fayard, 1978). S’interrogeant sur les liens complexes qui unissaient « les peurs et la culture dirigeante » du XIVe au XVIIIe siècle, Delumeau a établi que le discours sur la peur procédait essentiellement d’un discours de peur, une thèse qui paraît encore opératoire par la suite. Depuis la fin des années 1970, notre connaissance de la peur s’est consolidée grâce, notamment, aux entreprises dirigées par Jacques Berchtold et Michel Porret (La Peur au XVIIIe siècle, Droz, 1994)et Frédéric Chauvaud (L’Ennemie intime, PUR, 2011). Notre intention est de réinvestir ce terrain d’enquête sous l’angle peu abordé du rapport entre la peur et la citoyenneté. De nos jours, l’idée controversée d’une « crise de la citoyenneté » (formule en elle-même révélatrice ou porteuse de peurs) conforte l’intérêt d’une telle approche historique. Plus qu’un « état émotionnel », un sentiment ou un affect, le postulat principal est de considérer la peur comme une idée politique, ainsi que le suggère le politologue américain Corey Robin (La peur, histoire d'une idée politique, Armand Colin, 2006), d’évaluer les enjeux des multiples discours de peur et d’éclairer notre compréhension des fondements du modèle républicain français (sa singularité devra être confirmée) et de son fonctionnement. Toutefois, on prendra également en considération les temps où les républicains ne sont pas aux affaires, telles la monarchie censitaire ou la « République des ducs », propices à l’enrichissement de leur pensée sociopolitique. Quel rôle les peurs ont-elles joué dans l’élaboration et la construction de la « citoyenneté républicaine » ? En quoi ont-elles constitué un obstacle, une remise en cause ou, au contraire, un moteur à l’édification des valeurs républicaines françaises ? Comment sont-elles produites, contrôlées ou instrumentalisées ?

Mieux cerner la nature des peurs, la manière dont elles sont construites, nommées et codifiées par le droit et dans la pratique ; rechercher en elles les traces permettant d’expliquer les singularités, les fondements et le fonctionnement du modèle républicain français : tels sont donc quelques-uns des objectifs que nous souhaitons poursuivre avec cette manifestation scientifique destinée à réunir des historiens mais aussi des représentants d’autres sciences sociales. À cet effet, il s’agira de mesurer les liaisons et les tensions entre différents modes discursifs sur la peur (le manifeste politique, la littérature spécialisée, le matériau à usage pédagogique, l’article de presse, le roman), des systèmes normatifs (la loi mais aussi un ensemble de pratiques contraires à celle-ci, souvent révélatrices des mentalités : pratiques infra-judiciaires, policières), et des logiques identificatoires ou de coopération communautaire (qu’elles soient de dimension locale, nationale ou même internationale compte tenu du phénomène de la « mondialisation des peurs »). En écho à l’œuvre de Norbert Elias, on pourrait également se demander s’il existe une forme de « civilisation » des manifestations de la peur. De nos jours, si l’utilisation du tocsin face à une menace potentielle est tombée en désuétude, d’autres modes d’expression de la peur sont toujours repérables : diffusion des rumeurs, lynchages, pogroms, mobilisations collectives défensives et/ou punitives. Un regard mériterait d’être porté sur les discours qui ont contribué à une « pacification » des manifestations de la peur et/ou à leur délégitimation, et aux cadres sociaux d’une mémoire de la peur.

L’État républicain se trouve pris en tenaille entre son devoir de protection des libertés publiques et individuelles des citoyens, et son devoir de « sécurisation » et de défense de l’ordre républicain. L’articulation entre la liberté et la sécurité relève en effet d’une dialectique complexe qui constitue l’une des tensions fondamentales du républicanisme depuis la fin du XVIIIe siècle. Ceci amène à réfléchir à la pénalisation de certains comportements et à la justification de lois ou d’atteintes à des libertés du fait de peurs exprimées par les citoyens. Ces peurs sont plus ou moins bien définies. Elles sont susceptibles d’engendrer, selon l’expression du sociologue et politologue Didier Bigot, un « capital d’inquiétude » et, par extension, de justifier une « gouvernementalité par l’inquiétude » ; une gouvernementalité qui, en définitive, énonce et hiérarchise les menaces. Par conséquent, le droit républicain s’est construit et a évolué au grès d’anxiétés sociales qui ont parfois conduit à une stigmatisation de la figure de « l’ennemi » (l’étranger, le jeune délinquant, la prostituée, le domestique, le vagabond, le mendiant…) et à son exclusion politique, sociale et même culturelle. L’enjeu est alors de concilier la liberté et la sécurité, le droit et les devoirs, la prévention et la répression au regard des valeurs humanistes et républicaines ; d’apporter des réponses législatives, judiciaires et sociales efficaces et conformes aux principes d’une République démocratique ; d’assurer, au total, les bases d’un « vivre ensemble » en adéquation avec l’éthique républicaine. Au final, ce colloque invite à réfléchir à une histoire de la « citoyenneté républicaine » au regard des discours de peur (politique, normatif, littéraire), de leurs évolutions et de leurs impacts idéologiques de la « Grande peur » de 1789, si chère à Georges Lefebvre et à ses continuateurs, jusqu’à nos jours.

 

Trois axes de réflexion sont proposés :

  • La place et la fonction des peurs dans l’élaboration, la préservation ou la remise en cause du modèle républicain français ; les peurs au miroir des cultures politiques républicaines, et la politisation des peurs : les peurs ont-elles une couleur politique ? Peut-on parler d’une « culture citoyenne de la peur » ?
  • Peurs et contrôle social : il s’agit d’envisager les peurs comme des justifications au contrôle social lorsqu’il vise à instaurer des conduites ; mais aussi d’appréhender le contrôle social comme un outil d’atténuation des peurs. Dans ce dernier cas, les systèmes de protection mis en place (le droit pénal et la surveillance policière par exemple) ne conduisent-ils pas à la construction d’autres formes de peur ? À cet égard il serait intéressant de scruter le déplacement de la nature des peurs et ses conséquences sur la conception et la pratique de la citoyenneté.
  • La réception des représentations, des politiques et des pratiques de peur : quelles sont les formes de résistance qui émergent ? Quels contre-modèles sont produits ? Doit-on établir une corrélation entre l’immixtion de peurs dans le champ politique et le recours à un « homme providentiel » ? Ceci amène inévitablement à interroger l’influence des peurs sur les comportements civiques et les choix politiques des citoyens-électeurs.

Conditions de soumission

Envoi des propositions de communication : textes (1500 signes) et coordonnées à transmettre à Lisa Bogani (lisa.bogani@club-internet.fr) et Julien Bouchet (sapereaude@hotmail.fr)

jusqu’au 15 octobre 2014.

Notification d’acceptation : 15 novembre 2014

Colloque : jeudi 12 et vendredi 13 février 2015

Comité d’organisation

  • Lisa Bogani, doctorante en histoire contemporaine
  • Julien Bouchet, docteur en histoire contemporaine
  • Philippe Bourdin, professeur d’histoire moderne
  • Jean-Claude Caron, professeur d’histoire contemporaine, IUF

Comité scientifique

  • Philippe Bourdin, professeur d’histoire moderne à l’Université Blaise-Pascal
  • Jean-Claude Caron, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Blaise-Pascal, I.U.F.
  • Julien Bouchet, docteur de l’Université Blaise-Pascal
  • Lisa Bogani, doctorante en histoire contemporaine à l’Université Blaise-Pascal

Lugares

  • Maison des Sciences de l'Homme - Rue Ledru
    Clermont-Ferrand, Francia (63)

Fecha(s)

  • miércoles 15 de octubre de 2014

Palabras claves

  • peur, citoyenneté, république, démocratie

Contactos

  • Lisa Bogani
    courriel : lisa [dot] bogani [at] club-internet [dot] fr

URLs de referencia

Fuente de la información

  • Lisa Bogani
    courriel : lisa [dot] bogani [at] club-internet [dot] fr

Licencia

CC0-1.0 Este anuncio está sujeto a la licencia Creative Commons CC0 1.0 Universal.

Para citar este anuncio

« La citoyenneté républicaine à l'épreuve des peurs », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el jueves 31 de julio de 2014, https://doi.org/10.58079/qlz

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