AccueilLa crise de la zone Euro : quels enseignements pour l'Europe sociale ?

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La crise de la zone Euro : quels enseignements pour l'Europe sociale ?

Crisis in the Euro zone: what lessons for a social Europe?

Revue française des affaires sociales (RFAS) n°3-2015

Revue française des affaires sociales (RFAS) journal issue no.3-2015

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Publié le lundi 08 septembre 2014

Résumé

La revue française des affaires sociales (RFAS) lance un appel à contributions pour son numéro 3-2015 sur « la crise de la zone Euro : quels enseignements pour l'Europe sociale » . Il vise à susciter des contributions pour répondre à trois questions : Comment la crise de la zone euro et ses suites amènent-elles à reconsidérer les limites et les obstacles à l'Europe sociale ? Comment analyser la nouvelle gouvernance et les politiques sociales mises en oeuvre pour faire face à la crise ? Comment analyser les réponses des institutions européennes à la crise de la zone Euro ? Des perspectives altenatives sont-elles ouvertes ?

Annonce

Argumentaire

Les recherches sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’Europe sociale » ont longtemps eu pour principal objet d’évaluer le contenu de l’acquis communautaire en matière sociale, ses finalités, son champ et ses méthodes. Compte tenu de ses limites, elles se sont attachées à analyser les obstacles à l’émergence d’une dimension sociale pleinement développée dans le cadre du processus plus large d’intégration européenne.

La crise contemporaine de la zone euro conduit, à maints égards, à reconsidérer ces enjeux. En substance, cette crise et les réponses qui lui ont été apportées invitent à réfléchir aux enseignements à en tirer pour la « question sociale » formulée à l’échelle tant nationale que, désormais, européenne.

Ce contexte incite aujourd’hui à réexaminer les analyses précédentes et à réfléchir aux enseignements qu’on peut tirer de ces évolutions. Ce dossier vise donc à susciter des contributions pour répondre à trois questions :

  • Comment la crise de la zone euro et ses suites amènent-elles à reconsidérer les limites et les obstacles à l’Europe sociale ?
  • Comment analyser la « nouvelle gouvernance » et les politiques sociales mises en œuvre pour faire face à la crise ?
  • Comment analyser les réponses des institutions européennes à la crise de la zone euro ? Des perspectives alternatives sont-elles ouvertes ?

THÈME 1: relire les impasses de l’Europe sociale au regard de la crise ?

Pour comprendre comment l’intégration européenne a modifié l’élaboration des politiques sociales nationales dans les Etats membres, plusieurs approches ont été développées :

  • Certaines recherches ont exploré les relations problématiques entre le projet supranational et l’ancrage historique de l’Etat social à l’échelle nationale. Les différenciations entre systèmes de protection sociale marqués par « l’empreinte de leurs origines » y sont soulignées, ainsi que la dimension culturelle de ces différenciations. A contrario, l’absence d’une culture politique partagée à l’échelle de l’Union européenne (UE), d’une langue commune et d’un espace public a profondément marqué le devenir et les limites de l’Europe sociale ainsi que les difficultés de sa légitimation. L’évolution actuelle et les bouleversements de la crise ont-ils renforcé cette dimension ?
  • D’autres analyses traitant de la diversité des arrangements des systèmes de protection sociale et d’emploi, dans la tradition d’Esping-Andersen, confrontent la notion de « modèle social européen » à l’hétérogénéité des Etats-membres. Or l’UE, en s’élargissant, est devenue de plus en plus hétérogène (ce qui fait en particulier ressortir la diversité des traditions juridiques nationales, malgré la suprématie du droit de l’Union). La concurrence entre États membres s’est renforcée. Malgré un besoin accru, la régulation à l’échelle de l’Union dans le champ des politiques sociales est ainsi devenue plus problématique. Par delà les régimes, certains auteurs mettent néanmoins en avant les tendances communes des réformes. Peut-on dire que la crise aurait renforcé précisément la convergence de ces réformes ?
  • D’autres travaux se sont centrés sur l’asymétrie entre  d’une part, les politiques, à l’échelon européen, « d’intégration négative » qui font prévaloir les quatre libertés et les règles de la concurrence  et, d’autre part, les compétences dévolues aux États, responsables d’actions censées corriger cette « intégration négative » en protégeant les droits sociaux fondamentaux et en promouvant des politiques sociales et redistributives. Le rôle décisif joué à cet égard par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE est souligné. Le principe de subsidiarité inscrit dans les traités, qui vise à protéger les compétences nationales dans le champ de la protection sociale, peut être utilisé par le juge communautaire pour promouvoir graduellement la prédominance du droit de la concurrence dans le domaine.
  • La nature des arrangements institutionnels qui, dès l’origine, ont prévalu dans la constitution de l’Union Économique et Monétaire (UEM), comme leur impact sur les politiques économiques et sociales nationales, ont constitué un quatrième objet de recherches. Le mandat de la Banque Centrale Européenne (BCE) et sa mise en œuvre, la coordination des politiques économiques réduite au pacte de stabilité budgétaire, les réformes « structurelles » visant à promouvoir la croissance par la dérégulation des marchés, ont contribué aux déséquilibres macroéconomiques et à la montée des inégalités entre États membres et en leur sein. Les marchés nationaux du travail se sont vu conférer une fonction d’amortisseur des déséquilibres macroéconomiques par la flexibilisation des salaires et du droit du travail. Des analyses complémentaires ont mis en évidence la forte contrainte pesant sur les États sociaux nationaux en raison de la concurrence socio-fiscale croissante, dans l’UE comme à l’échelle internationale. Quels sont les mécanismes sous-jacents ? Peut-on évaluer l’ampleur de ce qu’il est convenu d’appeler le « dumping fiscal et social » ? Que peut-on dire de ses conséquences ?
  • Enfin, le fédéralisme interétatique « préservant le marché », propre à l’UE, est lié à des enjeux importants. Jusqu’à présent, pour construire une communauté de solidarité, les États fédéraux nationaux ont eu recours à des voies restées impraticables dans le cadre de l’UE. Pour l’essentiel, l’UE a exercé son pouvoir de régulation :
    • par le droit avec la création d’un socle de normes sociales minimales dans les quelques domaines de compétences partagées avec les Etats membres,
    • par les fonds structurels (limités),
    • par les méthodes ouvertes de coordination (MOC) destinées à diffuser les « bonnes pratiques » dans le champ des politiques de l’emploi, de l’inclusion sociale et des retraites.

En quoi la crise sociale dans la zone euro est-elle précisément un produit de son fonctionnement fédéral ?

Différentes lectures de la crise de la zone euro sont possibles. Conduisent-elles à réactualiser, amender ou reconsidérer ces différentes approches et leurs possibles articulations ?

THÈME 2 : la nouvelle gouvernance de la zone euro, ses fondements et ses effets sociaux

La crise de la zone euro a conduit à une nouvelle gouvernance et à une nouvelle organisation de l’UEM : acteurs, domaines et instruments d’intervention ont été directement ou indirectement modifiés. La distinction entre gouvernance et gouvernement, désormais consacrée par les sciences sociales, a-t-elle également été affectée ? Plusieurs travaux tendaient depuis longtemps à affirmer que, d’un certain point de vue, l’UE disposait déjà d’un gouvernement de fait. Après six ans de crise, qu’en est-il ?

Paradoxalement, l’ombre portée de l’ordolibéralisme allemand, pourtant mal connu et peu compris hors de l’Allemagne même, marque la « nouvelle gouvernance ». Les réponses intergouvernementales à la crise, l’élargissement du champ de la surveillance confiée à la Commission, ont eu un fort impact sur ces transformations. La mise en œuvre des recommandations spécifiques par pays de la Commission et plus encore, celles de la troïka BCE-FMI-Commission pour les pays soumis à un memorandum of understanding, a fait l’objet d’un contrôle renforcé. Le modèle « d’Europe sociale » auquel se réfère un tel dispositif est avant tout conçu du point de vue de la coordination des politiques économiques d’austérité. De fait, les recommandations par pays s’étendent ainsi désormais aux modalités et aux résultats des négociations salariales, au droit du travail et aux systèmes de protection sociale. Or, malgré la fragilité juridique des réformes et les recours auxquels elles ont donné lieu, soulignés dans de nombreux travaux, cette évolution du partage des « compétences sociales » a fait jusqu’ici l’objet de publications peu nombreuses.

Ces réformes restent donc à étudier notamment du point de vue de leur relation avec la hiérarchie des normes, avec le contenu et les finalités des politiques, ou avec l’élaboration de nouveaux instruments des politiques sociales. On accueillera aussi avec intérêt des travaux sur l’impact de ces réformes sur la dynamique des Etats sociaux nationaux, particulièrement de ceux qui ont été soumis aux plans d’ajustement de la troïka. Plus globalement, quelle évaluation peut-on faire des effets de ces mesures d’austérité sur la redistribution des revenus et des patrimoines ? Peut-on, enfin, en tirer des enseignements concernant le devenir du « modèle social européen » ?

THÈME 3 : les réponses des institutions européennes à la crise sociale, et leurs alternatives

Dans un contexte où la proportion de citoyens en faveur de l’intégration européenne n’a cessé de décroître, particulièrement dans les pays où la crise sociale est la plus grave, la réponse de la Commission Européenne et, au-delà d’elle-même, des institutions européennes (le Conseil notamment) s’articule autour de trois axes :

  • Une « surveillance » plus stricte des politiques sociales et des politiques d’emploi nationales,
  • Des initiatives ponctuelles et conjoncturelles destinées à montrer une face « réceptive » de l’Union européenne,
  • L’affichage d’une « stratégie d’investissement social », un moment présentée comme l’initiative majeure de la Commission (février 2013).

Dans cette perspective, se sont développées en Europe, à différents niveaux, des orientations, plus ou moins activement mises en œuvre, qui ne manquent pas de susciter des questions de recherche :

  • La substitution d’une nouvelle stratégie (« d’investissement social ») à la précédente, axée sur la « flexicurité », qui vise notamment au redéploiement des dépenses publiques « passives » pour doter les bénéficiaires des ressources leur permettant de s’adapter aux exigences des marchés.

Des évaluations empiriques des politiques correspondantes seraient utiles. On peut aussi aujourd’hui s’interroger concrètement sur la réévaluation des finalités, des instruments et des domaines sociaux clé dont cette orientation est porteuse.

    • L’amorce de la mise en place d’un « cadre macroéconomique » renouvelé, dont le devenir de l’Etat social dans l’UEM dépend de manière décisive.

Pour éviter en effet une restriction des marges de manœuvre des Etats redistributifs, induite par la mobilité accrue des facteurs de production, une coordination des politiques budgétaires et fiscales paraît indispensable. Pour sortir de la logique actuelle conduisant à une dévaluation socio-fiscale, on se demandera comment, et dans quelle configuration institutionnelle (zone euro ? coopération renforcée ?) achever la reconstruction de ce cadre macroéconomique.

  • La mise entre parenthèses du projet d’extension des compétences sociales européennes pour compenser le recul de la capacité des Etats nationaux à agir.

On s’interrogera sur le bilan de la « MOC » (méthode ouverte de coordination) qui a été l’un des instruments principaux de ce projet après le sommet de Lisbonne. Mais au-delà, le projet lui-même est-il devenu caduc ? Dans ce cas, quelles modalités et quel champ de convergence seraient désormais envisageables ?

  • Après l’abandon de « l’agenda social », la mise en place de coordinations englobantes mais peu contraignantes, dans le cadre d’un projet « Europe 2020 » qui élargit les objectifs sociaux à de « nouveaux risques », parfois identifiés au travers de nouveaux indicateurs (prise en charge de la petite enfance, réduction de la pauvreté infantile, lutte contre l’échec scolaire…).

Quelles propositions peuvent être formulées pour rendre certains objectifs sociaux plus contraignants (hypothèses d’une assurance chômage, travaux déjà anciens sur le revenu universel, salaire minimum, etc.) pour marier les dimensions écologique et sociale du développement de l’UE à long terme, pour créer de nouvelles mutualisations des risques sociaux – éventuellement à l’échelle de l’Union –, pour préserver la place donnée par le traité sur le fonctionnement de l’Union aux « services d’intérêt économique général », et enfin, pour poursuivre une « politique de cohésion » dans un contexte de conditionnalité accrue ?

La gestion de la crise de la zone euro soulève aussi plusieurs questions qui peuvent être étudiées dans le prolongement du précédent dossier de la RFAS (1-2012) sur « Droit européen et droit sociaux ». Ainsi :

  • Dans quelle mesure la référence à la Charte des droits fondamentaux et la « clause sociale transversale » (nouvel article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union) peuvent-elles être mobilisées pour contrecarrer les atteintes aux droits sociaux et du travail ?
  • Où en est arrivé le processus d’adhésion de l’Union à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe ?
  • L’édifice juridique de l’Union et la jurisprudence de la Cour de Justice peuvent-ils évoluer afin de rééquilibrer droit du marché intérieur européen et principes du droit social national ?  Selon quelles modalités un tel processus peut-il être engagé ? Comment un tel processus pourra-t-il tenir compte à la fois de l’homogénéisation juridique et d’une marge de variation nationale, comme il est prévu dans le droit international (et en particulier, celui de la Déclaration universelle des droits de l’homme) ?

On pourra aborder enfin la question de(s) culture(s) nationale(s), qui demeure centrale notamment en matière de protection sociale. Dans ce domaine :

  • Les recherches engagées pour objectiver l’évolution d’une certaine « européanisation » des sociétés montrent-elles, au-delà de réactions aux normes imposées top-down  par les institutions et les gouvernements, que se manifeste une européanisation des mécanismes classiques de socialisation, de mobilité, voire d’identification ?
  • Est-il dès lors envisageable de favoriser l’émergence d’un sentiment d’appartenance à une communauté de destins solidaires ?
  • Comment promouvoir un espace public et linguistique européen démocratisé, donnant corps au sentiment de « vivre ensemble » ?

Conditions de soumission

 Cet appel à contributions s’adresse aux chercheurs en science politique, droit, économie, sociologie et histoire ainsi qu’aux acteurs du champ de la protection sociale.

Les articles doivent être rédigés en français ou en anglais. Les articles acceptés par le comité de lecture seront traduits par la revue pour publication en français. La version d’origine en anglais sera disponible en ligne.

Les auteurs souhaitant proposer un article en réponse à cet appel à contributions devront l’adresser, accompagné d’un résumé et d’une présentation de l’auteur à l’adresse suivante : rfas-drees@sante.gouv.fr 

au plus tard le 15 mars 2015. 

Les consignes aux auteurs (incluant les normes rédactionnelles) sont disponibles sur : http://www.drees.sante.gouv.fr/recommandations-aux-auteurs-rfas,10913.html

Des informations complémentaires sur le contenu de cet appel à contributions peuvent être obtenues auprès de Jean Claude Barbier et Arnaud Lechevalier qui coordonnent le numéro, aux adresses suivantes :

Coordinateurs scientifiques

  • Jean-Claude Barbier, sociologue, directeur de recherche au CNRS, Université Paris 1
  • Arnaud Lechevalier, maître de conférences en sciences économiques, Université Paris 1 

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • dimanche 15 mars 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • Europe sociale, Euro, crise

Contacts

  • françoise leclerc
    courriel : rfas-dress [at] sante [dot] gouv [dot] fr

Source de l'information

  • françoise leclerc
    courriel : rfas-dress [at] sante [dot] gouv [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La crise de la zone Euro : quels enseignements pour l'Europe sociale ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 08 septembre 2014, https://doi.org/10.58079/qm8

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