AccueilQue disent les images des métiers ? Éléments d’iconographie des groupes professionnels

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Publié le mercredi 17 septembre 2014

Résumé

L’histoire des groupes professionnels est jalonnée d’images matérielles, planes ou en relief, fixes ou animées, qui témoignent de la manière dont ils se voient eux-mêmes, dont ils souhaiteraient être vus, ou dont ils sont vus par les autres. Le matériau est certes surabondant, il peut paraître écrasant, mais il est en fait rarement abordé sous cet angle : Que disent les images des groupes professionnels ? Dans quels contextes et avec quelles intentions sont-elles produites ? Que révèlent-elles de la place occupée par les métiers dans le monde social dont ils font partie, de leur position dans la division du travail et dans les échelles de revenu, de pouvoir ou de prestige ? Comment montrent-elles les activités de travail et les pratiques professionnelles ?

Annonce

Argumentaire

Dans une première approche, on peut imaginer deux grands versants dans cet immense espace iconographique.

D’un côté, viennent les diverses formes de présentation de soi réalisées ou commanditées soit par des professionnels seuls, soit par des groupements de gens de métier. Cette mise en scène de soi donne à voir le professionnel comme personnage du « drame social du travail », selon la formule de Hughes, engagé dans son rôle, avec sa tenue, sa gestuelle, ses outils-accessoires, ses attributs, tout le « théâtre de machines » qui fait le décorum des métiers, mais aussi avec d’autres personnages, professionnels aussi, initiés aux secrets et habitués au spectacle, ou profanes. Cette image peut obéir à des intentions diverses. Tantôt elle a une fonction technique. Support de savoir, elle fixe des gestes, des façons de faire, dans le but d’en transmettre la connaissance ou d’en conserver la mémoire. Dans d’autres cas, elle résulte d’un désir de valorisation individuelle ou collective (ces deux aspects ne s’opposent pas, car la représentation de l’individu a souvent pour fonction de mettre en scène de façon métonymique l’ensemble de ceux qui exercent le même métier). Le portrait est alors idéalisé pour faire ressortir la piété des membres de la confrérie, la puissance de la corporation, la dignité du groupe, ou simplement pour inspirer confiance et se montrer aux clients potentiels sous un jour attirant.

Plus vaste encore, plus divers, est le monde des images produites par d’autres, et dont les professionnels sont l’objet représenté plutôt que le sujet de l’acte de représenter. Les formes plastiques peuvent être identiques, mais la variété des intentions s’élargit. La fonction pédagogique demeure et voit son spectre s’étendre : ce n’est pas uniquement aux apprentis, ni aux artisans et ouvriers du métier que s’adressent les planches de l’Encyclopédie, mais aux savants et aux curieux, à l’ensemble des «honnêtes hommes » désireux de s’instruire un peu. Mais bien d’autres points de vue peuvent entrer en jeu, illustrant la diversité des regards qui sont portés sur les métiers. Les images des « cris de Paris » reflètent la peur et le mépris que les petits métiers étrangers à l’ordre corporatif inspirent aux bourgeois et aristocrates (Milliot, 1995). Les cartes postales des métiers d’autrefois, veine éditoriale si amplement exploitée, respirent la nostalgie d’un passé idéalisé. L’invention du cinéma a contribué à la multiplication des images du travail, et surtout à la diversification des formes et des points de vue : films scientifiques enregistrant les gestes et les techniques ; courts métrages d’actualités faisant souvent l’apologie de la modernité et de la société industrielle ; films pédagogiques ou d’orientation ; cinéma militant ; films de fiction ; documentaires de création ; séries télé ; webdoc…

Baxandall (1985) disait, à propos de la peinture de la Renaissance, qu’elle est le produit d’une relation sociale, mais le constat peut se généraliser à l’ensemble des œuvres iconiques qui concernent des individus au travail. Le travail est un objet iconique clivant, il appelle à la solidarité, à la compassion, souvent à la lutte, il inspire des craintes ou de la condescendance. D’une certaine façon, les métiers sont déjà, toujours, une représentation du travail, une figuration sociale incarnant sous une forme perceptible et compréhensible cette notion abstraite qu’est le travail.

Ainsi se résume la question qui est au cœur de cet appel à articles : Quelle est la relation sociale que représentent les images des métiers ? Question centrale qui en appelle immédiatement trois autres : Comment est mis en scène le travail et le métier ? Quelle relation ces images cherchent-elles à établir entre l’observateur et l’objet de l’image ? Quel reflet donnent-elles de la relation de l’auteur ou commanditaire à son objet ?

Ce dossier se veut une première exploration de cette thématique à la fois très large et centrale pour l’objet de la revue, et sur laquelle Images du travail, travail des images reviendra en d’autres occasions. Il s’agit pour ce numéro inaugural de mettre l’accent sur les aspects transversaux et la diversité des points de vue disciplinaires, en partant de l’hypothèse que, loin de s’opposer, les représentations des professions anciennes et actuelles se complètent et s’enrichissent mutuellement. Elles aident à chercher des permanences, tracer des évolutions, situer des ruptures. Elles permettent de réunir des matériaux pour déchiffrer ce qu’on pourrait appeler l’idiome figuratif des groupes professionnels : un langage visuel propre au monde des métiers, qui dit quelque chose sur leur évolution, les enjeux auxquels ils sont confrontés, les grands tournants de leur histoire.

Le dossier thématique est ouvert aux propositions venant des diverses disciplines des sciences humaines (sociologie, ethnologie, histoire, science politique, droit, économie..). Elles pourront porter sur des métiers ou professions actuels ou passés, et prendre appui sur des sources iconographiques diverses, animées ou fixes (photos, vidéo, gravures, dessins, sculptures, images de synthèse, bande dessinée..). Les sources pourront être les fresques égyptiennes, les tombeaux romains, les vitraux des cathédrales, aussi bien que les séries télévisées contemporaines ou les pages d’internet, pourvu qu’il s’agisse de représentations graphiques qui témoignent de manières de voir et de concevoir les métiers et professions. On pourra par exemple essayer de montrer de quelle manière l’iconographie rend compte de la féminisation de nombreuses professions traditionnellement monopolisées par les hommes, ou du rôle tenu par certaines professions dans les programmes politiques et dans les images de propagande, ou encore traquer dans la représentation des financiers le changement de perception qui a suivi le déclenchement de la crise actuelle et le discrédit qui les frappe désormais…

Les images doivent concerner un ou plusieurs métiers ou professions clairement identifiés, sachant que la notion de métier est prise ici dans un sens large, renvoyant à des activités professionnelles règlementées ou non, licites ou illicites, hautement qualifiées ou n’exigeant que des connaissances sommaires, prestigieuses ou humbles ; le critère essentiel étant celui de l’existence en tant qu’être collectif possédant un nom reconnu par ses membres et par leur environnement social, et défini par le fait que ses membres occupent une place identique dans la division du travail.

Modalités de soumission

Les propositions doivent satisfaire aux critères suivants : l’article reposera sur l’analyse d’un corpus d’images (uniquement des productions iconographiques, à l’exclusion des images mentales ou littéraires). Ces images, ou au moins une partie d’entre elles, figureront dans la proposition et seront reproduites dans l’article. Rappelons que Images du travail, travail des images est une revue entièrement, numérique, gratuite et ouverte. L’auteur devra à ce titre s’assurer de la disposition des droits d’utilisation et de diffusion.

Les articles d’un format maximum de 50.000 signes sont attendus à l’adresse suivante : imagesdutravail@gmail.com

au plus tard le 15 novembre 2014.

Pour plus de renseignements, consulter les consignes aux auteurs et la bibliographie : http://itti.hypotheses.org/19

Coordonnateurs

  • Sophie Brouquet,
  • Charles Gadéa,
  • Jean-Paul Géhin. 

Comité de rédaction

  • Émilie Aunis, sociologue, Poitiers
  • René Baratta, ergonome, réalisateur, Paris
  • Stéphane Bikialo, chercheur en littérature, Poitiers
  • Anne Cavarroc, sociologue, Poitiers
  • Pascal Césaro, chercheur en cinéma, réalisateur, Aix en Provence
  • Marie Chenet, géographe, Paris
  • Sylvaine Conord, anthropologue, Nanterre
  • Laurence Ellena, sociologue, Poitiers
  • Magalie Flores-Lonjou, juriste, La Rochelle
  • Ginette Francequin, psychologue, Paris
  • Nicolas Hatzfeld, historien, Evry
  • Aurélie Jeantet, sociologue, Paris
  • Anne Jollet, historienne, Poitiers
  • Jean-Marc Leveratto, sociologue du cinéma, Metz
  • Sylvain Maresca, sociologue, Nantes
  • Michaël Meyer, ethnologue, Lausanne
  • Nadine Michau, sociologue, Tours
  • Anne Monjaret, ethnologue, Paris
  • Thierry Pillon, sociologue, Rouen
  • Martin Thibault, sociologue, Limoges

Dates

  • samedi 15 novembre 2014

Mots-clés

  • image, profession, métier, iconographie

URLS de référence

Source de l'information

  • Laurence Ellena
    courriel : lellena [at] univ-poitiers [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Que disent les images des métiers ? Éléments d’iconographie des groupes professionnels », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 17 septembre 2014, https://doi.org/10.58079/qui

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