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Whistleblowing and human rights

Les lanceurs d'alerte et les droits de l'homme

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Published on Thursday, October 23, 2014

Abstract

Le lanceur ou « donneur » d'alerte, ou, en langue anglaise, whistleblower est défini par l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe (Résolution 1729 (2010), §1) comme « toute personne soucieuse qui tire la sonnette d’alarme afin de faire cesser des agissements pouvant représenter un risque pour autrui ». En ce qu'il est susceptible de porter au regard des pouvoirs publics et de l'opinion des violations graves des droits de l’homme, qui affectent ou menacent la vie, la santé, la liberté, le lanceur d'alerte apparaît comme un acteur de premier plan du respect des droits fondamentaux.

Announcement

Argumentaire

Le lanceur ou « donneur » d'alerte, ou, en langue anglaise, whistleblower est défini par l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe (Résolution 1729 (2010), §1) comme « toute personne soucieuse qui tire la sonnette d’alarme afin de faire cesser des agissements pouvant représenter un risque pour autrui ». En ce qu'il est susceptible de porter au regard des pouvoirs publics et de l'opinion des violations graves des droits de l’homme, qui affectent ou menacent la vie, la santé, la liberté, le lanceur d'alerte apparaît comme un acteur de premier plan du respect des droits fondamentaux.

Ayant fait l'objet d'un premier encadrement juridique aux Etats-Unis dès 1863 avec le « False Claims Act » puis popularisé par l'avocat et militant consumériste Ralph Nader en 1972, le « lanceur d'alerte » émerge depuis quelques dizaines d'années comme une figure juridique globale, comme l’ont récemment démontré les affaires « Manning » et « Snowden ». Comme le rapporte Daniel Banisar dans une étude réalisée pour l'ONG Transparency international, près de trente Etats ont, à ce jour, adopté une législation protectrice des lanceurs d'alerte.

Au Royaume-Uni, le « Public Interest Disclosure Act » protège depuis 1998 les « whistleblowers » du licenciement et des pressions. Aux États-Unis, un ensemble complexe de lois adoptées entre 1912 (« Lloyd-La Follette Act ») et 2002 (« Sarbanes-Oxley Act ») les protège. Plusieurs autres pays bénéficient de législations protégeant les lanceurs d’alerte : la Nouvelle-Zélande, l'Australie ou encore de l'Afrique du Sud.

En France, il a fallu attendre l'année 2013 pour qu'un véritable statut du lanceur d'alerte se fasse jour. L'adoption, depuis 2007, de cinq lois portant sur cette thématique semble avoir permis des avancées considérables en matière de « droit d’alerte », comblant une part du retard que le droit français accusait. Malgré ces progrès, le droit français actuel reste toutefois marqué par une approche parcellaire et partielle du phénomène.

En outre, très peu de travaux juridiques en langue française sont consacrés à cette notion. Depuis les années 1990, ce sont essentiellement des sociologues ou des scientifiques ainsi que des mouvements associatifs ou politiques qui ont revendiqué la mise en place d'une législation pour protéger les lanceurs d'alerte. Dans le cadre de notre recherche nous nous proposons d'élargir la notion juridique de lanceur d'alerte.

En règle générale, en raison de l'influence, des travaux sociologiques sur les sciences et les risques, le lanceur d'alerte est défini en référence au « danger pour l’homme ou son environnement ». De manière plus étroite encore, le lanceur d'alerte est souvent exclusivement associé à la dénonciation de « faits de corruption » et hypothèses de « conflits d’intérêt ».

Nous souhaitons pour notre part orienter l’étude sous l’angle des droits de l’homme et de la mutation des modes de protection de ces droits.

En effet, la complexité croissante du fonctionnement des marchés et l'émergence de technologies difficilement compréhensibles pour le profane placent en partie le pouvoir hors du champ du contrôle démocratique, et donc hors de la portée des droits de l'homme. Dès lors, leur garantie  ne doit plus être pensée uniquement vis-à-vis des pouvoirs publics mais aussi vis-à-vis des personnes privées, et notamment des entreprises. En permettant de libérer des informations qui seraient restées secrètes et ne pouvaient être révélées que par des « insiders », notamment dans les entreprises, le lanceur d'alerte permet potentiellement de favoriser l'effectivité des droits de l'homme.

Cette liaison entre droits de l’homme et protection des lanceurs d’alerte est double. D’une part, en ce qu'il est susceptible  de dénoncer des violations graves des droits de l’homme, affectant ou menaçant la vie, la santé, la liberté, le lanceur d'alerte participe de l'effectivité des droits de l'homme. D’autre part, en tant qu'il possède lui-même des droits fondamentaux et en premier lieu le droit à la liberté d'expression, mais aussi de résistance à l’oppression, le lanceur d'alerte est également titulaires de droits fondamentaux, dont il faut lui assurer la jouissance effective.

L’examen de la protection des personnes ne peut au surplus se passer de l’étude de la protection des processus eux-mêmes, en ce qu’ils viennent au secours de la quête de reconnaissance du lanceur d’alerte. Il s'agit alors de garantir au lanceur d'alerte des garanties procédurales de nature à lui permettre de faire valoir ses prétentions de manière équitable.

Ce questionnement se double d’une interrogation sur la conciliation du droit d’alerter avec d’autres droits fondamentaux. Comment concilier deux exigences démocratiques contradictoires, la protection des tiers et du débat public contre les assertions diffamatoires, et la nécessité de libérer la parole des lanceurs d’alerte ? Peut-on dépasser cette tension ?

Afin de mener d’approfondir cette réflexion, il nous semble nécessaire, dans le cadre de notre projet de recherche, d’approfondir de développer les thématiques indicatives suivantes :

Thématique 1  : Le « droit d’alerter » : un droit de l’homme ?

La proximité entre la notion de lanceur d'alerte et les droits de l'homme pose en premier lieu la question de la qualification juridique de la notion d'« alerte ». En tant qu'elle porte en elle une « logique d'insubordination », la notion d'alerte apparaît liée aux droits de l'homme dans leur acception politique. Qu'en est-il sur le plan juridique ? Il s'agit alors d'examiner la possibilité de concevoir l'alerte comme un « droit » d'alerter au-delà de toute épistémologie jusnaturaliste.

L’alerte éthique constitue-t-elle un droit ou une obligation ? Est-ce un droit subjectif en tant que tel ou le corollaire d’un droit ou d’une liberté fondamentale et si c’est le cas duquel ? S'agit-il du droit à la liberté d’expression ? D'un éventuel droit de résistance à l’oppression ? Ou s'agirait-il d'un « nouveau » droit, né dans le cadre des usages sociaux du droit, en réaction aux progrès exponentiel des libertés économiques et des techniques ? Dans ce cadre, quels seraient les titulaires du « droit à » alerter ? Surtout, quels en seraient les bénéficiaires principaux ? S'agit-il du public, titulaire du « droit à » être informé, ou des autorités ? Dans toutes ces hypothèses, comment peut-on concilier l’alerte éthique avec d’autres impératifs tels que le respect du devoir hiérarchique et la protection des divers secrets professionnels ? Plus largement, quel niveau de transparence est-il nécessaire d'atteindre pour qu'un « droit de l'homme » à alerter puisse prospérer dans une démocratie ?

Thématique 2 : De quelle manière le droit français appréhende-t-il la notion de lanceur d’alerte et protège-t-il les personnes et les processus d’alerte ?

Classée par Transparency International parmi les Etats n’accordant qu’une protection « partielle » aux lanceurs d’alerte, la France entretient avec « ses » lanceurs d’alerte une relation ambiguë et conflictuelle. Pourtant, les impératifs internationaux, doublés de l’ « urgence émotionnelle » liée aux affaires sanitaires et aux affaires de corruption et de conflits d’intérêt ont conduit, progressivement, à l’émergence du statut légal du lanceur d’alerte.

Quel bilan provisoire peut-on tirer de cette évolution de l’état du droit ? Les textes épars en matière de protection des lanceurs d’alerte tracent-il les contours d’un véritable « statut » pour ceux-ci ? Quelles sont les personnes protégées par la législation ? Quelle est l’étendue des faits susceptibles de déclencher un « droit d’alerte », et en quoi ces faits correspondent-ils à des hypothèses de violations des droits humains ? Les canaux de recueil et de traitement de l’alerte (journalistes, autorités juridictionnelles, autorités administratives indépendantes, etc.) sont-ils efficaces, sinon pertinents ? Comment les juges et les autorités administratives appréhendent-elles la notion de « lanceur d’alerte » ? Quelle place occupe l’éthique et le « droit mou » au sein de ces dispositifs ? Et, enfin, est-il possible d’évaluer l’effectivité, sinon l’efficacité de l’état actuel du droit en la matière ?

Thématique 3: Quels enseignements tirer des expériences étrangères en matière de protection des lanceurs d’alerte ?

A l’inverse de la France, d’autres pays, notamment les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais également la Suède ou la Roumanie, ont mis en place depuis fort longtemps une législation protectrice des lanceurs d’alerte. La comparaison semble dès lors particulièrement pertinente pour tenter de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans le cadre du lancement d'alerte.

Comment les législations étrangères appréhendent-elles la notion de « lanceur d’alerte » ? Comment, dans ce cadre, les droits de l'homme sont-ils mobilisés en faveur des lanceurs d'alerte ? S'agit-il, dans ces systèmes, d'alerter principalement le public, ou les autorités ? Tend-on vers une reconnaissance universelle du « lanceur d’alerte », ou existe-t-il à tout le moins des facteurs identifiables de « circulation des normes » en la matière ? Quel est le niveau de protection accordé à ces personnes dans les législations étudiées, et quels débats (doctrinaux, politiques) cette notion suscite-t-elle ?

Thématique 4 : Quelles sont les perspectives s’agissant de l’évolution de la protection des lanceurs d’alerte en France ?

En tant que notion « neuve » dans le champ des études juridiques, la notion de « lanceur d’alerte » est soumise à une évolution permanente, jamais démentie par l’actualité. Quelles sont les pistes de réforme envisagées par les pouvoirs publics en la matière ? Quels facteurs (jurisprudence, projets européens…) sont de nature à faire évoluer le droit français ? Quelles seraient les évolutions envisageables, sinon souhaitables, en matière de protection des lanceurs d’alerte ? Faut-il instaurer une autorité spécifique de protection des lanceurs d’alerte et de l’alerte en elle-même ? Quel est le rôle de la société civile et des médias ? Faut-il, enfin, envisager de consacrer un « droit de l'homme » à alerter le public ?

Ces thématiques indicatives feront l’objet de tables rondes encadrées chacune par un enseignant-chercheur confirmé.

Bibliographie indicative 

  • Daniel Banisar, « Whistleblowing: International Standards and Developments », in «Corruption and Transparency . Debating the frontiersbetween State, Market and Democracy», Sandoval (Ed.), World Bank-Institute for Social Research, UNAM, Washington DC, 2011.
  • Anna Billard, Marc Duranton, Jean-Philippe Foegle et Tristan Martin-Teodorczyk, « Le « milieu du gué » de la protection législative des lanceurs d’alerte », La Revue des droits de l’homme/ Actualités Droits-Libertés, 20 mai 2014.
  • Elletta Sangrey Callahan, Terry Morehead Dworkin, and David Lewis, « Whistleblowing: Australian, UK, and US Approaches to Disclosure in the Public Interest. » Va. J. Int'l L. 44, 2003.
  •  Marie Dupisson-Guihéneuf, Le droit d'alerter. Étude sur la protection de l'intégrité physique des personnes, thèse université de Nantes, 2013.
  •  Christine Noiville, Marie-Angèle Hermitte, « Quelques pistes pour un statut juridique du chercheur lanceur d'alerte », Natures Sciences Sociétés, 2006/3 vol. 14, pp. 269 -277.
  •  Terry Morehead Dworkin, « SOX and Whistleblowing», Michigan Law Review, 2007, p. 1757-1780;
  •  Jean-Philippe Foegle et Serge Slama, « Refus de transmission d’une QPC sur la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, 14 mars 2014
  •  Olivier Leclerc, « La protection du salarié lanceur d’alerte », in Emmanuel Dockès (Ed.), Au coeur des combats juridiques, LGDJ, 2007.
  •  Nicole Marie Meyer, «L’alerte éthique dans le monde et en France», 11èmes Journées droit de la Santé et du Médicament – LEEM 30 et 31.01.2014.
  •  Nicole Marie Mayer, « L’alerte éthique ou whistleblowing en France », Rapport 2012.
  •  Robert J. McCarthy, « Blowing in the Wind: Answers for Federal Whistleblowers  », William and Mary policy review, 184.                                                     
  •  Stephen Pringault, « L’obligation de réserve des agents publics face au devoir de dénonciation d’infractions pénales. Une inadaptation du droit français à la problématique du whistleblowing », Droit administratif 2012, étude 8.
  • Transparency international, « Whistleblowing in Europe: legal protections for whistleblowers in the EU », par Mark Worth, 2013.
  • Wim Vandekerckhove, David Lewis (ed.), « Whistleblowing and democratic values. » International Whistleblowing Research Network, 2011.

Modalités de soumission

Le colloque aura lieu le Vendredi 10 avril 2015 à Paris (Sorbonne). Il se tiendra en langues française et anglaise, avec traduction simultanée.

A cette fin, un appel à contribution est lancé, particulièrement à destination des jeunes chercheurs.

Les propositions de contribution, rédigées en français ou en anglais, d’une longueur de deux pages maximum (6 à 7 000 signes) doivent être envoyées, accompagnées d’un CV et d’une liste de publications significatives, par email à l’adresse suivante : serge.slama@u-paris10.fr

avant le 30 novembre 2014.

Le résultat de la sélection sera communiqué normalement le 20 décembre 2014.

Les travaux se dérouleront sur une journée à la Sorbonne (amphithéâtre Liard). En fonction des propositions reçues, les contributions d’un maximum de 20 minutes seront réparties dans plusieurs tables rondes thématiques.

Les actes du colloque devraient faire l’objet d’une publication dans le courant de l’année 2016 à la Documentation française, collection « colloques de la CNCDH ».

Organisation du colloque

  • Serge Slama, Maître de conférences en droit public à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, CREDOF-CTAD UMR7074
  • Jean-Philippe Foegle, Doctorant en droit public à l’Université Paris Ouest-Nanterre, CREDOF-CTAD, allocataire de recherche, Conseil Régional Ile-de-France

Comité scientifique

  • Catherine Teitgen-Colly, Professeure de droit public à l’Ecole de droit de la Sorbonne –Université Paris 1, membre de la CNCDH
  • Nicole Marie Meyer, Expert près Transparency International (Secrétariat International), Chargée de mission pour Transparency International France
  • Rafael Encinas de Munagorri, Professeur à l'université de Nantes, Directeur du Réseau Droit, sciences et techniques (RDST), GDR-CNRS 3178.
  • David Lewis, Professeur de droit du travail, Middlesex university London
  • Christine Noiville, Directrice de recherche au CNRS (DR1, section 36) ; Présidente du Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies ; Directrice du centre de recherche « Droit, sciences et techniques » (CRDST), UMR 8103, Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne

Subjects

Places

  • Sorbonne, amphithéâtre Liard
    Paris, France (75)

Date(s)

  • Sunday, November 30, 2014

Keywords

  • Lanceur d'alerte, droits de l'homme, éthique, désobéissance civile, résistance, ooppression, conflits d'intérêt

Contact(s)

  • Serge Slama
    courriel : serge [dot] slama [at] u-paris10 [dot] fr

Information source

  • Serge Slama
    courriel : serge [dot] slama [at] u-paris10 [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Whistleblowing and human rights », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, October 23, 2014, https://doi.org/10.58079/r1q

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