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Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

La préméditation

Premeditation

Du siècle des Lumières à nos jours, approches croisées

From the enlightenment to the present day, comparative approaches

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Publié le vendredi 31 octobre 2014

Résumé

Selon un traité élémentaire de droit criminel publié en 1936, il existe des moments successifs dans l’infraction. Il importe donc de tenir compte de trois étapes : la phase psychologique, la phase préparatoire qui peut être plus ou moins longue et qui correspond tout à la préméditation, et, enfin, la troisième et dernière phase, celle de l’exécution. Selon cette fois un lexicographe de la même période, la préméditation c’est tout simplement une « décision prise d’avance » et l’auteur de l’article ajoute qu’elle « est une circonstance aggravante du meurtre ». La notion de préméditation amène à interroger les émotions qui ont partie prenante dans le geste criminel. A la colère éruptive et spontanée - la « chaude cole » du Moyen Âge - s’opposent des sentiments (plus durables) que sont la haine et le désir de vengeance et/ou des dispositions mauvaises qui telle la malice ou la duplicité, sont censés faire le lit de la préméditation. En posant la question de la préméditation, c’est donc bien l’individu plus que son crime que l’on examine et que l’on scrute, suggérant également ou induisant un partage entre professionnels du crime, récidivistes ou pas et criminels d’occasion, d’opportunité cédant au moment.

Annonce

Argumentaire

Selon un Traité élémentaire de droit criminel  publié en 1936, il  existe des moments successifs dans l’infraction. Il importe donc de tenir compte de trois étapes : la phase psychologique, la phase préparatoire qui peut être plus ou moins longue et qui correspond tout à la préméditation, et, enfin, la troisième et dernière phase, celle de l’exécution. Selon cette fois un lexicographe de la même période, la préméditation c’est tout simplement une « décision prise d’avance » et l’auteur de l’article ajoute qu’elle « est une circonstance aggravante du meurtre ». La notion de préméditation amène à interroger les émotions qui ont partie prenante dans le geste criminel. A la colère éruptive et spontanée - la « chaude cole » du Moyen Age - s’opposent des sentiments (plus durables) que sont la haine et le désir de vengeance et /ou des dispositions mauvaises qui telle la malice ou la duplicité, sont censés faire le lit de la préméditation. En posant la question de la préméditation, c’est donc bien l’individu plus que son crime que l’on examine et que l’on scrute, suggérant également ou induisant un partage entre professionnels du crime, récidivistes ou pas et criminels d’occasion, d’opportunité cédant au moment.

On le voit, du point de vue du règlement judiciaire la préméditation entretient un rapport étroit  avec les craintes, la peur,  le quelque chose qui s’est ourdi clandestinement : car à la préméditation peut s’associer le coup bas, le complot criminel (le vilain » cas du moyen-âge) engendrant les bruits les plus étranges, les anxiétés les plus folles.

En 1898, l’avocat Henri Legrand consacre sa thèse à la Préméditation. Cet ouvrage assez bref entend proposer une réflexion sur une notion « consacrée par la conscience publique », mais qui est à cette date ardemment discutée dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur le Code Pénal et la peine de mort. L’auteur note qu’aucun ouvrage n’a été publié sur la question en France et que la nécessaire modernisation du Code impose de réfléchir à cette notion et à sa pertinence. Faisant remarquer que la Grande Bretagne et les Etats-Unis ne tiennent pas compte de la préméditation dans l’évaluation des crimes, que le Pérou et le Mexique s’ils l’admettent n’en font pas une circonstance aggravant les pénalités, il met en évidence la dimension culturelle de cette notion et de ses usages judiciaires.

115 ans plus tard il appartient aux historiens de rouvrir le dossier pour interroger les théories, les pratiques et les représentations qui depuis l’époque moderne s’organisent autour ou à partir de la préméditation.

« Mûr et sérieux examen des raisons qui doivent nous porter à faire ou à ne pas faire quelque chose.. » pour Cicéron, acte commis « sciemment et à dessein », pour Furetière en 1690, la préméditation entre en nom propre dans le Code de 1791. Dans cette codification judiciaire comme dans les textes ultérieurs de 1810 et de 1993, la préméditation a une double nature : « circonstance à la fois aggravante du meurtre et constitutive de l’assassinat », elle est réservée aux Assises, donc aux crimes, mais ne concerne pas que les atteintes contre les personnes : le vol est souvent prémédité particulièrement lorsqu’il s’agit de vol du maître par le serviteur et de tous les cambriolages longuement préparés.

Axes thématiques

I. Généalogie : aux sources de la préméditation          

La préméditation est au cœur des pensées qui depuis Platon, en passant par le droit romain, la théologie d’Augustin à St Thomas et Guillaume d’Ockham, le droit naturel, l’humanitarisme pénal, le rétributivisme, l’utilitarisme et la philosophie morale de Kant, tissent les liens entre la faute, la responsabilité, la volonté, le libre arbitre et la peine. Posant la question de la liberté du sujet, l’acte prémédité et réfléchi s’impose à la fin du XIXe s comme un des objets de la discussion entre les deux grands courants qui dominent les théories pénales : celui qui relève d’une approche morale (Kant) et classique du droit et prend au sérieux la notion de volonté, de libre arbitre et de responsabilité et qui a dominé la pensée juridique pendant tout le siècle ; celui qui, à l’instar du positivisme, s’intéresse surtout à la dangerosité du criminel et à la sécurité de la société.

C’est pourquoi la préméditation interroge le champ d’exercice du droit pénal et souligne les difficultés induites par la reconnaissance d’unefrontière entre le for externe et le for interne. Kant voit dans le caractère prémédité un élément essentiel de la définition pénale du crime alors même qu’il fait de la séparation du for externe et du for interne le critère de distinction des sphères du droit et de la morale. Par le truchement de la préméditation, c’est donc la question du rapport que le droit pénal entretient avec la morale, au gré de la sécularisation progressive d’une société qui se débarrasse de l’instance divine faisant agir des mortels, qui se trouve posée.

Entretenant également des rapports avec les conceptions successives de la déraison - la possession, la ou les monomanies, la folie complète, la responsabilité atténuée, l’anormalité, les troubles de l’humeur et l’idiotie morale et toutes les psychopathologies du XXe siècle -, la préméditation entre aussi dans le champ du questionnement médical.   

II. Lire la préméditation

La préméditation suppose l’intention. Pour la qualifier ou pour l’attester, il importe de mettre en place des grilles de lecture. Le criminel d’habitude, écrivent observateurs sociaux, criminologues et magistrats se sont accoutumés très tôt à mentir, à enfreindre toutes une série de règles et sont naturellement portés vers le geste prémédité. Cette conception est largement partagée à la Belle Époque. Par la suite, surtout à partir de 1945, la notion de « témibilité » ou celle de « labilité » permet d’expliquer, pour un temps, la préméditation. Pour Étienne De Greff, présenté comme le fondateur de la criminologie belge, auteur notamment de Notre destinée et nos instincts (1946) et surtout d’une célèbre Introduction à la criminologie (1948), il existe des signes avant-coureurs. Dans 70 % des cas, écrit-il, les criminels avertissent leurs proches ou leur entourage. Mais ces signes ne sont pas compris ou mal interprétés. Du Moyen-Âge à nos jours, la lecture de la préméditation se confond souvent avec l’intention. De la sorte, c’est bien une lecture du passage à l’acte qui est souvent proposée. Certains crimes semblent ne jamais devoir être spontanée, toujours ils ont été muris ou longuement préparés, en particulier le crime d’incendie ou la circonstance de « guet-apens ». Une complainte de 1852 s’n fait par exemple l’écho. Ce sont donc bien les lectures de la préméditation qu’il importe de saisir, indépendamment du support (traité savant, article populaire, chanson, bande dessinée…) sur la longue durée.

III – Figures et personnages

Dans les représentations et les imaginaires du crime, la préméditation est à la fois centrale et jamais mise en valeur comme catégorie pénale aggravante. Elle est comme le socle muet sur lequel s’érigent les figures du réel et les physionomies de la fiction des grands criminels et des grands crimes.

Hamlet, Hauteclaire Stassin du Bonheur dans le crime de Barbey, Le Comte de Monte Christo, Fantomas, Lafcadio, Dexter autant de figures littéraires d’assassins dissimulés, dépourvus de brutalité et qui réussissent dans la voie criminelle qu’ils se sont choisis en proportion même de l’habileté avec laquelle ils ont préparé et conçu  c’est-à-dire prémédité, leurs crimes.

A l’inverse, les assassins réels que sont Gilles de Rais, Pierre Rivière, Marie Lafarge, Lacenaire, Troppmann, Vacher, Henriette Caillaux, Landru, Violette Nozière, Marcel Petiot, Issei Sagawa, Francis Heaulmes, Michel Fourniret, ne sont si bien connus que parce qu’ils n’ont su échapper à la justice là où leurs comparses de fiction réussissaient.

Ces personnages ne sont que des exemples des études de cas qui peuvent être menées dans le cadre d’une interrogation sur la préméditation.

IV -  Gestes et effets

Après l’enquête judiciaire, les procès, s’ils doivent déboucher sur une solution simple, sont souvent le moment et le lieu de traiter de la préméditation dans sa complexité. Elle nécessite de tenir compte des circonstances. Quelques affaires jugées s’attardent longuement sur les contextes qui permettent de comprendre le passage à l’acte. Il s’agit aussi de traiter d’une notion qui n’est ni juridique, ni psychiatrique : celle de l’entrainement et de s’interroger sur les intentions de départ, mais aussi sur les gestes commis. En 1840, par exemple, l’Académie de médecine traite d’une accusation d’homicide avec préméditation et examine successivement la strangulation volontaire, la pendaison, les infanticides, les blessures. Certaines audiences des juridictions répressives sont aussi l’occasion d’examiner la préméditation déguisée, à l’instar de tel duel relaté par L’Observateur des tribunaux en 1837. À d’autres occasion l’intention criminelle apparaît incontestable, il s’agit par exemple de s’introduire nuitamment dans une maison habitée, mais le déroulement des événements ne suit pas le plan initial et le cambriolage s’accompagne d’un meurtre.

Mais la préméditation pose aussi la question de la récidive et de l’individualisation de la peine. Certains auteurs se sont demandés s’il était possible d’apporter la preuve de la préméditation. Les armes utilisées, la temporalité du crime peuvent être des indices, mais, pour les magistrats, seul l’aveu pourrait attester sans ambigüité de l’intention criminelle.Les organisateurs prennent en charge les nuitées, les repas et la publication des actes sous la forme d’un véritable livre.

Modalités pratiques d'envoi des propositions

Les propositions de communication (1500 signes pour le résumé et 400 signes pour la notice biographique) sont à adresser au plus tard

le 31 janvier 2015

à Anne-Claude Ambroise-Rendu (acambre@orange.fr ), Frédéric Chauvaud (frederic.chauvaud@univ-poitiers.fr ou chauvaud.frederic@wanadoo.fr) et à Catherine Mâle (catherine.male@univ-poitiers.fr)

La première journée aura lieu le 10 avril à Limoges et le 15 octobre à Poitiers.

Comité scientifique

  • Pascal Bastien,
  • Jean-Claude Farcy (CNRS),
  • Benoît Garnot,
  • Dominique Kalifa,
  • Jean-Paul Jean,
  • Jean-Clément Martin,
  • David Niget,
  • Michel Porret,
  • Myriam Tsikounas

Catégories

Lieux

  • 11 rue de Montyon, 24 A 78, FLSH - 39 rue Camille Guérin
    Limoges, France (87036)

Dates

  • samedi 31 janvier 2015

Mots-clés

  • justice, crime, droit, définition pénale, préméditation, intention, imaginaire, représentation, récidive, individualisation de la peine

Contacts

  • Frédéric Chauvaud
    courriel : frederic [dot] chauvaud [at] univ-poitiers [dot] fr
  • Anne-Claude Ambroise-Rendu
    courriel : acambre [at] orange [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Anne-Claude Ambroise-Rendu
    courriel : acambre [at] orange [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La préméditation », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 31 octobre 2014, https://doi.org/10.58079/r6j

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