AccueilCe que guérir veut dire

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Ce que guérir veut dire

The sense of healing

Expériences, significations, politiques et technologies de la guérison

Experiences, meaning, policies and technologies of healing

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Publié le mardi 02 décembre 2014

Résumé

Le colloque 2015 de l’AMADES, en collaboration avec le Centre Norbert Elias, se déroulera cette année à Marseille, Ottawa et Dakar du 27 au 29 mai 2015. À travers cet évènement, nous proposons aux anthropologues - et plus largement aux chercheurs en sciences sociales et aux professionnels de santé - de discuter des enjeux de la guérison dans ses dimensions théoriques, sociales, culturelles, cliniques et historiques.

Annonce

Argumentaire

La fin de la maladie est investie de manière différente selon les acteurs sociaux de la santé, comme en témoignent ses qualificatifs en médecine (guérison, rémission, rétablissement, réhabilitation, convalescence) mais aussi en santé publique et en épidémiologie (éradication, élimination). Déterminée par de nombreux facteurs et institutions (biologiques, sociaux, politiques, symboliques, etc.), cet état que nous nommerons provisoirement guérison est anticipé, désiré et négocié tant par les malades que par les cliniciens et les chercheurs. De nombreux travaux en sciences sociales ont abordé cette notion ou l’ont employée. Cependant, force est de constater que les contours de la guérison demeurent flous. Celle-ci est loin de se limiter à un état positif auquel accède le malade lorsqu’il recouvre la santé : Canguilhem interrogeait déjà cette normalité et soulignait « que la guérison ne se détermine pas par des interventions d’ordre uniquement physique ou physiologique ». Guérir peut, en outre, constituer une expérience reconnue socialement. Si un grand nombre de travaux se sont attachés à questionner les différentes formes de la guérison (principalement en Europe), ils n’ont pas développé d’approche systématique ayant pour ambition théorique d’envisager la guérison comme état (être guéri) et comme processus.

Le colloque 2015 de l’AMADES propose aux anthropologues - et plus largement aux chercheurs en sciences sociales - et aux professionnels de santé de réfléchir aux différentes questions soulevées par la guérison dans ses dimensions théoriques, sociales, culturelles, cliniques et historiques. L’objectif est de proposer un véritable dialogue entre chercheurs en sciences sociales et professionnels de santé. Les propositions de ces derniers sont donc vivement encouragées.

Les communications seront ordonnées selon les axes thématiques suivants : Ethnographies du guérir, Cohérences et dissonances autour de la guérison, Epistémologies de la guérison en biomédecine, Politiques et normes de la guérison et de l’éradication, La guérison comme métaphore.

1. Ethnographies du guérir

La variété des expressions de la guérison est importante, selon les contextes culturels qui la façonnent, dans le champ de la biomédecine et du religieux, des ethnomédecines, des sciences et techniques, du traitement du corps et des personnes – entre centres anti-cancéreux, assemblées de fidèles, programmes de santé publique et laboratoires. Dans certains cas l’avant et l’après sont clairement distingués et établis, et le rituel renforce la césure. Dans d’autres cas, (par exemple du fait de diagnostics probabilistes) l’information est nuancée à tel point que toute mention de guérison peut être bannie de la communication entre soignant.e.s et patient.e.s.

L’ethnographie permet d’accéder à la palette des productions et des expressions de la guérison, et aux conceptions de la guérison sous-jacentes, car la guérison peut être définie en référence à la maladie et en référence à la thérapie. Elle engage aussi des définitions de la santé, de la norme ou de la déviance, selon des cadres conceptuels propres à des contextes culturels et sociaux.

Dans certaines situations, les guérisons ne s’expriment pas, et ne sont manifestées que par la reprise des activités sociales (reprise de rôles et statuts sociaux). Expression et production de la guérison ne sont pas toujours dissociées : l’intrication entre biologique et social rend le discours performateur. La guérison peut aussi être exprimée, produite et manifestée, par des objets qui ne sont pas à proprement parler des objets thérapeutiques : des supports de dévotion (comme les ex voto), des évènements (manifestations de remerciements de la part du patient aux équipes soignantes à la fin d’une hospitalisation), des échanges de biens (paiement de la thérapie) ou de savoirs (témoignage de l’ancien malade) qui signalent la sortie d’une inscription sociale définie par la maladie. Suivant cet axe, on documentera et analysera, de manière monographique ou comparée, la diversité des formes de la guérison.

2. Cohérences et dissonances autour de la guérison

Cet axe propose d’interroger la notion de guérison comme une construction sociale qui implique divers acteurs et un cadre temporel. La guérison est en effet un processus (qu’elle soit soudaine ou progressive) inscrit dans des temporalités - évolution des maladies, temps et âges de la vie des malades -, articulées dans des biographies singulières, des évènements et évolutions épidémiologiques et sanitaires.

Or, à l’instar de la maladie et de la santé dont elle constitue une facette, la guérison est construite, établie par une multitude d’acteurs (malades/ex-malades, soignants ou thérapeutes, entourage/communauté, institutions sanitaires et juridiques, institutions religieuses, etc.). Cette élaboration plurielle, cohérente ou dissonante, est manifeste notamment dans la diversité des signes de la guérison recherchés par les différents acteurs et/ou institutions délivrant les « cures » ou « thérapeutiques ». Quels sont les effets sociaux de ces congruences ou différences, notamment quand les décalages relèvent du rapport entre l’individu et le collectif, quand ils sont temporels, lorsqu’ils sont issus de la confrontation entre des modèles sanitaires transnationaux et des acceptions locales de la guérison, de rencontres entre discours (religieux, médical, juridique etc.) ?

Suivant cet axe, on pourra explorer comment diverses institutions définissent les guérisons « non consensuelles » ou celles qu’elles ne reconnaissent pas (à partir de quels critères, par quels processus, sur la base de quels rapports sociaux). On examinera aussi comment les définitions de chaque institution sont influencées par d’autres visions de la guérison, et le sens de ces interactions, ainsi que les effets des rapports de légitimité.

3. Epistémologies de la guérison en biomédecine

Etymologiquement, le terme médecine a recouvert plusieurs sens allant de la conservation de la santé, à l’art de la guérison des maladies, en passant par la « science des choses bonnes pour la santé ». Le terme guérison, d’origine profane, est également utilisé par les professionnels de la biomédecine qui s’en emparent différemment selon les corps de métiers (chirurgie, médecine générale, oncologie, palliative, gérontologie, etc.). On peut dès lors s’interroger de manière ontologique (au-delà des spécialités) sur ce que guérir signifie pour la médecine (clinique et/ou biomédecine), ainsi que sur l’existence d’une définition médicale (clinique et/ou biomédicale) de la guérison et ses évolutions. L’étendue du champ lexical de la guérison (recovery, rémission, réadaptation fonctionnelle, réhabilitation, etc.) témoigne des différents niveaux de définition de la « fin/sortie de la maladie » et de leur enchâssement social, culturel, politique, etc., qui restent à élucider.

La biomédecine a connu, ces dernières années, d’importants progrès (en oncologie, stimulation cérébrale profonde, etc.) qui, en modifiant les critères et les modes d’appréciation et de mesure de la guérison, ont fait évoluer sa définition. Ces évolutions, en interaction avec l’avancée des techniques, ont eu des répercussions sur les pratiques de « fin du soin ». Or, ces progrès ont été vécus par les patient.e.s dont chaque trajectoire thérapeutique s’articule à la dimension collective. Le retour à la « vie normale » en société ne coïncide donc pas toujours avec la guérison biologique ni même avec le ressenti du patient (traitements incomplets ou invalidants, séquelles, etc.). D’autre part, les avancées techniques et les possibilités de consommation médicale, associées à une (sur-)médicalisation du social, entretiennent la recherche d’une guérison définie par des critères et des seuils de plus en plus exigeants, qui peut relever d’une forme de « santé augmentée ».

Suivant cet axe, on s’intéressa aux évolutions des multiples définitions de la guérison en médecine, ainsi qu’aux critères et modalités d’évaluation émiques et étiques de l’efficacité d’un traitement ou d’une prise en charge qui leur sont associés, et à leurs effets.

4. Politiques et normes de la guérison et de l’éradication

Si l'on suit Canguilhem dans le constat que la guérison est une reconquête d'un état de stabilité des normes physiologiques et qu'aucune guérison n'est un retour à l'innocence physiologique, qu'en est-il de ce processus du point de vue de l'expérience intime et sociale de la personne malade, et des politiques qui encadrent la guérison ? D’autre part, quels sont les enjeux à déclarer la fin d’une épidémie (ou d’une flambée épidémique) au niveau d’une collectivité ou d’un territoire, et que révèlent les tensions à cet égard ?

Les politiques publiques qui visent l’éradication de certaines pathologies à l’échelle d’une population, ainsi que l’histoire sociale de l’élimination de pathologies dans des territoires plus ou moins étendus (variole, rougeole, etc.), articulent de manière particulière la guérison individuelle et la prévention collective, au travers de programmes impliquant la définition de droits et devoirs pour les populations. Ces politiques concernent notamment la prévention tertiaire qui inscrit la guérison individuelle dans une gestion microsociale, concernant en particulier  l’ex-malade et ses contacts dont les rôles et les relations peuvent être recomposés.  On explorera de manière plus générale les effets micro-sociaux de politiques définies à l’échelle macro-sociale, les effets d’interprétations multiples de la guérison émique ou étique, et les figures du rapport entre la personne et diverses formes du collectif, à partir de la guérison clinique out en santé publique.

5. La guérison comme métaphore

Plus généralement, quel imaginaire de la guérison en tant qu’état (de « guéri ») a été mobilisé dans l’histoire ou l’est dans différents contextes culturels et sociaux ? Quelles sont les figures du guéri ? En quoi et comment la guérison « fonctionne-t-elle » comme métaphore ? Quand la guérison prend-elle valeur de rédemption ? Lorsque la fin d’une épidémie ou d’une maladie chronique est attendue ou même vécue, quelles perceptions s’installent, et quelles formes d’amnésie s’instaurent vis-à-vis de la maladie ? La population rurale ouest-africaine refusera-t-elle dans dix ans d’acheter des antipaludéens parce qu’elle aura oublié les crises de neuro-paludisme de plus en plus rares, comme la population française refuse de plus en plus fréquemment les vaccinations parce qu’elle a oublié les souffrances provoquées par la méningite ou même la rougeole ? Sur ce thème, la participation d’historiens de la médecine pourrait élargir l’intérêt du colloque.

Les évolutions sociétales ont transformé les manières de catégoriser certains comportements ou situations : le tabagisme, l’obésité, la ménopause, les facteurs de risques ou les prédispositions génétiques sont médicalisés et appréhendés dans certains cas comme des pathologies. Le développement des maladies chroniques a modifié le rapport à la maladie et à la santé : on parle désormais d’un continuum de la santé à la maladie ou encore de « vivre avec » (un cancer, le VIH, etc.), qui semble ne plus laisser de place à la notion de guérison. Toutefois, les différents acteurs (malades, soignant.e.s et société au sens large) n’ont pas les mêmes représentations de ces affections et de ce continuum. Eclairer la guérison « par ses marges » peut être une perspective heuristique. Suivant cet axe, on examinera l’ensemble des significations de la guérison, et les lieux de son éviction des représentations sociales.

Les propositions de communications s’appuyant sur des données empiriques issues de recherches sur des pathologies spécifiques (VIH, Hépatites, cancers, addictions, troubles en santé mentale, maladies infectieuses, etc.) et/ou sur de nouveaux traitements sont encouragées.

Session spéciale productions photographiques et/ou filmiques

Le colloque accueillera également des productions photographiques et filmiques. Veuillez envoyer vos propositions en format Jpeg et/ou par We-Transfer accompagnées d'un texte explicitant votre propos/démarche. 

Modalités de participation 

Les communications attendues pourront suivre les axes proposés ou s’inscrire plus largement dans le champ de la guérison.

Les propositions de communication (environ 300 mots) uniquement en français pour Marseille et Dakar, ou en anglais pour Ottawa, devront parvenir à l’adresse suivante : guerir.sciencesconf.org

au plus tard le 20 décembre 2014.

Le colloque se tiendra parallèlement dans trois villes : à Marseille et Ottawa simultanément du 27 au 29 mai 2015 ; à Dakar à une date du printemps qui sera précisée sur le site rapidement. Il est donc demandé aux auteurs d’indiquer clairement, dans leur proposition, la ville dans laquelle ils souhaiteraient présenter leur communication.

Secrétariat du colloque

Toutes les informations, précisions et mises à jour concernant la programmation du colloque seront diffusées sur le site guerir.sciencesconf.org  que nous vous invitons à consulter régulièrement.

Coordination scientifique

Marseille, Centre Norbert Elias UMR 582 (EHESS/CNRS)

  • Judith Hermann-Mesfen,
  • Sandrine Musso,
  • Stéphanie Mulot,
  • Pascal Cathebra 

Université Cheikh Anta Diop

  • Alice Desclaux (IRD)

L’Ecole d’études sociologiques et anthropologiques/School of Sociological and Anthropological Studies, Faculté des sciences sociales, Université d’Ottawa.

  • Louise Chartrand et Julie Laplante

Comité scientifique commun aux 3 sites

  • Thémis Apostolidis,
  • Pascal Cathebras,
  • Louise Chartrand (Ottawa),
  • Alice Desclaux (Dakar),
  • Sylvie Fainzang,
  • Sylvain Faye (Dakar),
  • Judith Hermann-Mesfen,
  • Yannick Jaffré,
  • Pierre Le Coz,
  • Julie Laplante (Ottawa),
  • Céline Lefève,
  • Aline Mercan,
  • Philippe Msellati,
  • Stéphanie Mulot,
  • Sandrine Musso,
  • Anne-Marie Moulin,
  • Baptiste Moutaud,
  • Vinh-Kim Nguyen,
  • Claire Julian Reynier,
  • Christelle Rabier,
  • Valérie Rousselon,
  • Olivier Schmitz,
  • Bruno Spire,
  • Joseph Tonda (Dakar),
  • Karine  Vanthuyne (Ottawa).

Comité d’organisation

  • Coralie Caudullo,
  • Fanny Chabrol,
  • Louise Chartrand,
  • Mathilde Couderc,
  • Alice Desclaux,
  • Martin Duracinsky,
  • Cyril Farnarier,
  • Fabienne Hejoaka,
  • Judith Hermann-Mesfen,
  • Julie Laplante,
  • Stéphanie Mulot,
  • Sandrine Musso,
  • Ashley Ouvrier,
  • Jean-Baptiste Papa (CNE),
  • Sophie Servais,
  • Maëlle de Seze,
  • Clément Tarantini,
  • Marion Thierry-Mieg.

Lieux

  • Marseille, France (13)
  • Ottawa, Canada
  • Dakar, République du Sénégal

Dates

  • samedi 20 décembre 2014

Fichiers attachés

Mots-clés

  • santé, guérison, politique, technologie, ethnographie

Contacts

  • AMADES
    courriel : asso [dot] amades [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Cyril Farnarier
    courriel : cyril [dot] farnarier [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Ce que guérir veut dire », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 02 décembre 2014, https://doi.org/10.58079/rfr

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