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Santé, médecine, maladie et handicap

Health, medicine, illness and disability

VIe Congrès de l’AFS « La sociologie, une science contre nature ? » – RT 19

VIth AFS conference "Sociology, a science against nature?" – RT 19

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Publié le lundi 08 décembre 2014

Résumé

Le présent appel à communication s’inscrit dans une double ambition. La première relève d’un niveau épistémologique et vise à saisir les spécificités de l’approche sociologique de la santé, de la maladie et du handicap par rapport aux sciences de la nature : quels sont le régime de scientificité et les modes d’intelligibilité de notre discipline ? Dans quelle mesure le vieux binôme nature / culture continue-t-il à nourrir la pensée sociologique et sa vocation critique et réflexive ? Mais ce niveau analytique incite aussi à interroger la prégnance de schèmes naturalisants à l’image de la biologisation des comportements de santé, la réification des formes organisationnelles de l’univers socio-sanitaire ou l’essentialisation des rapports sociaux qui opèrent au sein de la santé. Et c’est la seconde ambition de cet appel que de se demander dans quelle mesure la sociologie de la santé est-elle capable de questionner les multiples formes de naturalisation auxquelles les sciences humaines et sociales sont confrontées ?

Annonce

Argumentaire 

Les sessions du congrès organisées par le RT 19 sont ouvertes à toute proposition portant sur le champ de la santé, de la médecine et des soins, de la maladie et du handicap et engageant différentes approches méthodologiques et perspectives théoriques. Les ouvertures à l’international et les démarches faisant appel à plusieurs disciplines sont les bienvenues. Pour le congrès de 2015, le RT 19 souhaite privilégier les propositions se rapportant aux 8 axes présentés ci-dessous directement inspirés du thème général du congrès.

Ainsi le présent AAC s’inscrit dans une double ambition. La première relève d’un niveau épistémologique et vise à saisir les spécificités de l’approche sociologique de la santé, de la maladie et du handicap par rapport aux sciences de la nature : quels sont le régime de scientificité et les modes d’intelligibilité de notre discipline ? Dans quelle mesure le vieux binôme nature/culture continue-t-il à nourrir la pensée sociologique et sa vocation critique et réflexive ? Mais ce niveau analytique incite aussi à interroger la prégnance de schèmes naturalisants à l’image de la biologisation des comportements de santé, la réification des formes organisationnelles de l’univers socio-sanitaire ou l’essentialisation des rapports sociaux qui opèrent au sein de la santé. Et c’est la seconde ambition de cet appel que de se demander dans quelle mesure la sociologie de la santé est-elle capable de questionner les multiples formes de naturalisation auxquelles les sciences humaines et sociales sont confrontées ? Quels sont les outils dont elle dispose pour comprendre et expliquer le monde social, assis sur des inégalités de santé supposées indiscutables parce que soi-disant naturelles ? Mais au-delà de ces questionnements nous pouvons nous demander si la politique scientifique de la sociologie de la santé est toujours portée par la déconstruction et/ou le « constructivisme » ou si nous assistons à une nouvelle ère de configuration de savoirs. Toute cette dynamique de (re-, dé-)naturalisation dépasse les interrogations de spécialistes et s’institue dans un mouvement qui appelle à une mise en perspective interdisciplinaire.

Notons qu’au-delà des 5 axes thématiques proposés par le RT 19, trois sessions conjointes (axe 6, axe 7 et axe 8) sont organisées avec le RT 1 (Savoirs, travail et professions), le RT 4 (Éducation et Formation) et le RT 7 (Vieillesses, vieillissement et parcours de vie).

1) Les rapports entre sociologie et médecine : complémentarités et tension des épistémologies, des conceptualisations et des méthodes

Dans cet axe, il s’agira d’appréhender les savoirs sociologiques dans ce qu’ils font aux pratiques et aux savoirs médicaux et soignants, c’est-à-dire comme des forces agissantes d’un champ qu’ils contribuent à la fois à dévoiler, à critiquer, et à infléchir ; et, réciproquement, ce que les savoirs médicaux et infirmiers font aux savoirs et aux pratiques sociologiques. Les techniques d’enquête, les instruments d’observation et les concepts produits par la sociologie 2

sont autant d’outils par et avec lesquels la médecine se pense et exprime les transformations auxquelles elle aspire. En ce sens, la sociologie de la médecine, de la maladie, de la santé et du handicap est, comme la médecine, indissociablement politique et intimement mêlée à la manière dont la médecine, ses savoirs comme ses pratiques, construisent les corps, la santé et la maladie. En effet, dès lors que la sociologie se constitue en savoir empirique, elle vient se substituer à la théorie abstraite et participer, elle aussi, à dénaturaliser les savoirs et les pratiques produits sur les corps. Les sciences humaines et sociales, (bio)médicales, soignantes cherchent toutes à donner un point de vue scientifique et technique, une forme de vérité sur le corps, la maladie, la santé, la santé mentale, le handicap… Dans quelle mesure la montée de la médecine des preuves, de la biomédecine et des neurosciences ou encore le développement récent des sciences infirmières modifient-ils les contextes d’enquêtes (accès au terrain, conditions de déroulement) et les attentes de la part des professionnels de santé et des pouvoirs publics à l’égard de la sociologie ? Dans cet axe consacré ainsi aux relations entre sociologie et médecine, on cherchera à mieux cerner comment, et dans quels contextes, ces deux disciplines se nourrissent, se complètent ou s’affrontent. Dans quels lieux ? Sous quelles formes et avec quels objectifs ? Par quel soutien politique et institutionnel ? L’objectif est d’éclairer comment ces éléments contribuent à renouveler les relations entre sciences médicales/soignantes et sociologie, les savoirs, les méthodes et les pratiques des uns et des autres, et à formuler des lectures complémentaires, articulées ou conflictuelles des rapports entre corps, esprit et société.

Les propositions pourront relever des domaines de réflexion suivants :

  • celui de la concurrence et de la légitimité des savoirs sociologiques et des juridictions professionnelles. Comment se rencontrent ou se heurtent les lectures des processus de médicalisation, en sociologie et en médecine ?
  • celui des approches théoriques produites par les sciences sociales pour appréhender les conceptions et les pratiques soignantes, mais aussi la santé et la maladie (qu'en est-il par exemple de l'audibilité et de la réception des approches constructivistes dans le champ médical ?)
  • celui des approches méthodologiques, et en particulier celui de la redéfinition des contraintes éthiques qui pèsent sur le processus de production de la recherche sociologique (terrains dit « éthiquement sensibles », comité d’éthique, questionnement déontologique à l’égard des chercheurs et soignés…)
  • celui des collaborations, des circulations des savoirs et des pratiques, entre sciences médicales et soignantes et sciences humaines et sociales (lieux de diffusion comme de formations, enjeux de valorisation des connaissances scientifiques…)
  • celui de l’appropriation de la démarche sociologique par des professionnels de santé posant la question du renouvellement de sa nature : a-t-on affaire à une sociologie dans la médecine ou à une sociologie de la médecine ?
  • celui, enfin, et de façon centrale, des effets du renouvellement des offres de financement de la recherche en sciences humaines et sociales en termes de construction de ses objets et de ses problématiques.

2) Naturalisation et biologisation des états de santé

Dans le champ de la santé et de la santé mentale, les approches naturalistes/naturalisantes sont renouvelées depuis une quinzaine d'années par l'essor des neurosciences qui produisent des données empiriques et des hypothèses sur le fonctionnement du cerveau. Le travail de dévoilement, de mise en transparence de la vie psychique ne s'inscrit pas simplement dans la progression des connaissances scientifiques et (bio)médicales : il induit une relecture intégrale des interactions corps-esprit-société. C'est notamment dans ce cadre qu'une lecture biologisée des affects et des émotions se décline dans le discours commun et politique, reposant les termes du débat autour des processus de psychologisation et/ou de biomédicalisation des mondes vécus des individus et de la vie sociale. Cet axe se propose ainsi de réfléchir à des traductions et des implications de la lecture naturalisante comme lecture explicative et normative des états et des conduites individuelles. Plus particulièrement, il vise à interroger les critères qu'elle produit de la bonne et de la mauvaise santé, à la fois physique, mentale et sociale. Les propositions pourront relever des domaines de réflexion suivants :

  • celui des interactions entre la requalification d'une série de troubles dans le champ de la santé mentale et du handicap, et la demande de déstigmatisation/ de reconnaissance du statut de victime ;
  • celui du renouvellement des offres et des pratiques thérapeutiques légitimées par la référence aux neurosciences, avec la redéfinition du rapport qu'il suppose entre médicaments et thérapies psychologiques ;
  • celui des négociations, des arrangements entre les différentes lectures de la maladie et de la santé, tiraillées entre psychologie, biologie, neurosciences et prise en compte de l'environnement social : négociations que l'on pourra identifier tant dans les rhétoriques professionnelles que dans les discours profanes ;
  • celui, enfin, des politiques publiques en faveur de la santé/santé mentale et de leurs modalités d'intégration des approches neuroscientifiques dans les recommandations de prise en charge.

3) Le pluralisme médical

Dans une logique de cumul thérapeutique, de plus en plus de soignants et de soignés confrontés à un même problème de santé recourent à des systèmes médicaux distincts et convoquent des registres thérapeutiques parallèles (peu ou prou complémentaires) pour y faire face. Ces registres interrogent les approches naturalistes de la santé et mettent à mal la lecture biologisée du corps malade. 4

La satisfaction relative des parcours de soins, jugés tantôt inefficaces tantôt inadéquats, ainsi que les appartenances à des univers socioculturels multiples sont souvent à l’origine de telles pratiques de soins hybrides donnant à voir des parcours thérapeutiques plus ou moins incohérents et imprévisibles, qui valorisent une dynamique d’ajustement et de bricolage soumise à l'évolution de la maladie. En leur sein, le patient advient comme un usager, voire un acteur informé et autonome de ce système, capable de gérer son capital santé et de développer une distance critique face aux protocoles de prise en charge qui lui sont proposés, s’écartant du statut de l'objet-malade soumis à l’autorité médicale. Par ailleurs, ces pratiques participent de la quête de sens d'une trajectoire ébranlée par l’avènement de la maladie et répondent à un besoin de prise en charge globale. Ces approches holistes échappent alors à la profession médicale qui voit ainsi émerger des professionnels incarnant parfois des figures modernes du sorcier mêlant médecine et spiritualité. L’impossible partenariat entre ces divers professionnels se cristallise tant dans l’opposition entre « médecine de la preuve » et « médecine de la croyance » qui s’affranchit de toute démonstration et contrôle, que dans les tensions entre savoirs « experts » et « profanes ».

La multiplication des acteurs, des lieux et des pratiques du soin qui en découle met en relief les rapports de dominance qui sous-tendent les relations de soins, et qui se tissent entre les interlocuteurs parallèles qui interviennent dans l’élaboration de la carrière de malades. Les interactions soignants/soignés adviennent alors comme le lieu d'interférences pragmatiques et symboliques entre plusieurs visions étiologiques de la maladie. Le degré de convergence de ces représentations et des pratiques qui vont de pair, dicte la légitimité des choix des traitements et des rôles qui seront finalement adoptés par le patient, simultanément ou successivement. Le soin se déploie alors dans un contexte de pluralisation des acteurs, des cadres et des pratiques qui définit la pluralité de formes d'exercice des interactions soignants/soignés et la place que les uns et les autres occupent en leur sein. Loin d’une réduction du corps malade à sa matérialité biologique, ce dernier devient un lieu de culture. Mais ce constat permet-il de penser l’altérité ? Méconnaître la réalité symbolique du corps, négliger la voie culturelle pour traiter la maladie, n’est-ce pas rejeter le corps souffrant dans l’état de nature ?

Les propositions de communications attendues pourront porter sur cet aspect et/ou sur une des interrogations suivantes :

  • le pluralisme médical favorise-t-il le dialogue des médecines ou concourt-il à la mise en concurrence de pratiques de soins interrogeant de la sorte leur légitimité et leurs limites ?
  • si ces recours parallèles relativisent le monopole d’une approche dominante, peut-on avancer qu’ils interrogent une hiérarchie dans laquelle la pratique biomédicale tient le premier rang comme interventionnisme jugé prioritaire d’où découlent des soins nécessaires et obligatoires ?
  • dans quelle mesure le pluralisme médical appelle-t-il à la redéfinition de la place du malade au sein du système de santé ? Quelle contrepartie notamment en termes de responsabilités, collectives et individuelles, implique-t-il ?

4) Les inégalités sociales et territoriales de santé

Les inégalités sociales de santé approchées notamment par les taux de mortalité et de morbidité qui varient significativement selon les régions, les classes sociales, le genre, l’âge, etc. s’aggravent dans le monde, y compris dans les pays les plus riches. Elles font toutefois l’objet d’une plus grande attention et leur réduction est présentée comme un objectif politique. Il n’en reste pas moins que s’il est un domaine où persistent des schèmes naturalisants, c’est bien celui des inégalités sociales de santé où par exemple l’usage conjoint des termes disparité et inégalité, ou égalité et équité, participe d’un certain flou sémantique entre ce qui serait inéluctable et ce qui pourrait être corrigé. En dépit d’une multiplication de travaux scientifiques, les représentations selon lesquelles existeraient des inégalités « naturelles », prétendument indépassables voire indiscutables parce que d’ordre biologique ou géographique, persistent (genre, âge, culture, etc.). Il s’agira de questionner les effets de l’opposition nature/culture sur la façon d’aborder les inégalités de santé dans le domaine très large des soins (préventifs, curatifs voire palliatifs) et du handicap.

Les propositions pourraient donc s’interroger sur :

  • comment est construit et traité l’objet « inégalités de santé » dans différents domaines (épidémiologie, politiques publiques, monde médical, environnement, etc.) ;
  • plus particulièrement comment les notions de culture et d’interculturalité peuvent être déconstruites en matière d’inégalités sociales de santé ;
  • quelle peut être la contribution spécifique de la sociologie tant au plan conceptuel qu’au plan méthodologique (pour dépasser des corrélations parfois fallacieuses [l’illusion écologique par exemple] ou pour établir des causalités probantes) ;
  • comment l’organisation des professions établies et des institutions, la « vision du monde » qu’elles produisent, participent peu ou prou à la reproduction ou à la naturalisation des inégalités de santé ;
  • est-ce que les dispositifs de « démocratie sanitaire » participent ou non au débat sur les inégalités de santé et avec quels effets ;
  • comment la diffusion de modèles explicatifs comme la biologisation des comportements interroge l’approche sociologique ;
  • plus largement, on pourra se demander si la promotion de l’interdisciplinarité entre SHS et sciences de la nature contribue ou non à un mouvement de re-naturalisation ou à la diffusion de conceptions susceptibles de modifier l’abord des inégalités sociales de santé.

5) La relation de soin à l’épreuve du droit et de l’éthique du consentement

Depuis la fin du 20ème siècle, en France, différentes réformes législatives ont fait évoluer le cadre juridique de la relation de soin et de protection, promouvant la participation des patients et usagers, mais aussi des collectifs, tant dans le champ de la santé que dans celui du handicap. Les droits subjectifs reconnus aux personnes en 2002 se fondent sur une conception 6

du malade selon laquelle celui qui est le plus concerné est aussi le plus à même de définir son intérêt.

Plusieurs dispositions insistent sur le droit à l'information, sur le libre choix de leur vie en établissement ou à domicile ainsi que sur leur consentement. L'arrêt Hédreul (5 février 1997), en consacrant le "renversement de la charge de la preuve", engage ainsi les professionnels de santé dans ce processus. Les droits des malades, des patients hospitalisés ou des résidents en institutions sont renforcés. Ils peuvent établir des directives anticipées afin que leur volonté soit respectée lorsque leur état les rend incapables de s’exprimer (Loi dite « Léonetti » du 22 avril 2005), ou désigner une personne de confiance chargée de les représenter en cas d’altération de leur volition (Loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé). De la même manière, la loi du 11 février 2005 adosse les plans de compensation des conséquences du handicap au projet de vie des usagers ; la loi du 5 mars 2007 sur la protection des majeurs promeut l’autonomie des personnes faisant l’objet de mesures civiles.

Ces évolutions juridiques, encouragées par des normes européennes et internationales (Charte Européenne des droits du patient (1984), Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (1996), convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (2006)) ont été influencées par l’émergence de réflexions et d’instances éthiques dans le champ de la santé et du handicap.

Les contributions s’intéresseront aux usages sociaux de ces évolutions juridiques au croisement des différents acteurs, professionnels de la santé ou non. Le droit n’étant pas assimilable aux relations vécues, on prêtera attention aux effets des catégories juridiques sur les représentations et aux conditions de possibilité de l’application du droit :

  • comment - s'ils le sont - les outils proposés par le droit sont-ils utilisés, voire travaillés ? Participent-ils à une plus grande formalisation de la relation de soi, à une transformation de la place de la parole et des écrits dans l’alliance thérapeutique ?
  • comment peuvent-ils constituer des ressources pour ces acteurs afin de légitimer leurs actions ? On pense au patient et usager, aux patients et usagers en tant que collectif, mais également aux professionnels de la santé qui peuvent trouver à accroitre leur autonomie au détriment d'autres groupes, professionnels ou non. Inversement, observe-t-on des processus de résistance ?

Les propositions pourront également questionner la manière dont ces problématiques se sont imposées dans l'espace public.

6) Les groupes professionnels spécialistes du travail sur les corps

(session conjointe avec le RT 1 _ Savoirs, travail et professions)

Pour nombre de professionnels, le corps constitue un objet de travail. Comme « matière première » le corps peut se présenter sous des formes et dans des états différents (vivant ou 7

mort, humain ou animal, « sain » ou malade, sexué, biologiquement jeune ou vieux, socialement de genre féminin ou masculin, valide ou non, etc.) et peut être abordé dans son intégralité ou en partie.

Les interventions prodiguées sur les corps sont élaborées et justifiées en fonction de finalités diverses d’ordre thérapeutique, hygiénique, éducatif, esthétique, symbolique, magique, etc. Cette diversité d’activités possibles s’inscrit dans un ordre social régit par des règles plus ou moins formelles : n’importe qui ne fait pas n’importe quoi sur n’importe quel corps.

On s’interrogera ici sur les logiques sociohistoriques qui sous-tendent les définitions du corps et les découpages de l’objet de travail (corps entier ou parties du corps) ainsi que la division sociale, technique et morale du travail entre les groupes professionnels : comment les spécialistes des soins sur les corps se sont-ils partagés les tâches et les destinataires de leurs services ? Quelles rhétoriques ont-ils construites pour légitimer leur expertise ? Se sont-ils définis comme des experts de la nature, du biologique, de l’essence des corps ? Ou ont-ils fait valoir des savoirs dé-naturalisants qui objectivent l’influence de facteurs sociaux, culturels et économiques sur la construction des corps ? Comment les émotions suscitées notamment par les sens au contact du corps sont-elles impensées, pensées, appropriées, incorporées et gérées ?

Seront bienvenues, les communications fondées sur l’analyse empirique de groupes professionnels notamment spécialisés dans les domaines de la santé, du soin, et du handicap mais aussi de l’agroalimentaire, de l’esthétique ou encore du funéraire, qui participent à la fabrication, la réparation, l’adaptation ou la transformation des corps.

7) La médicalisation de l’échec et de la réussite scolaire : acteurs, processus, conséquences

(session conjointe avec le RT 4 _ Éducation et Formation)

Depuis les années 1960, de travaux sociologiques se sont attachés à montrer que les inégalités de réussite, couramment associées à des différences de « dons », sont en réalité des inégalités sociales masquées, légitimées à et par l’école qui contribue à « convertir les privilèges en mérites ». Parallèlement à cette entreprise scientifique de dénaturalisation des inégalités à l’école, on assiste depuis quelques années à une forme de « re-naturalisation » des difficultés scolaires, à travers l’apparition de pathologies scolaires, telles que la dyslexie, la dyspraxie, ou encore la précocité intellectuelle. Pourtant, des travaux récents contribuent à montrer que ces pathologies demeurent socialement déterminées et que leur nombre croissant correspond moins à leur incidence/prévalence qu’à un étiquetage médical ou psychologique plus fréquent.

Par ailleurs, si le suivi proposé actuellement à cette population étiquetée comme « dys », « surdoués » etc. (à l’image de la rééducation orthophonique obtenue sur prescription médicale, remboursée par la Sécurité Sociale et soumise au secret médical), prône l’idée d’un accompagnement individualisé, les protocoles de prise en charge demeurent largement standardisés essentiellement inspirés de tests psychométriques. Ces derniers permettent de situer l’individu par rapport à une norme biologique statistiquement établie. 8

L’accent mis sur les troubles définis selon des critères biomédicaux, constitue un indicateur pertinent de la biomédicalisation des difficultés scolaires mais aussi du processus de pathologisation de l’échec scolaire. Loin de l’appréhension des difficultés selon des catégories pédagogiques, l’invention de l’« enfance anormale » émerge alors comme indice de la prégnance de la norme biologique. Dans ce sens, la médicalisation des difficultés scolaires, situées à la frontière de la santé et de l’éducation, constitue un exemple saisissant du processus de naturalisation d’une réalité socioculturelle inégalitaire en référence à des approches cognitivistes et neurologiques. Qu’en est-il de la production sociale de cette norme biologique, historiquement et socialement située, ainsi que des différentes modalités de son élaboration progressive ?

A partir de ces réflexions, l’appel invite les propositions de communications à se positionner par rapport aux questionnements suivants :

comment s’opère la traduction d’une classification nosographique (DSM IV7 et CIM – 10) en une politique de santé ?

dans quelle mesure la notion foucaldienne de biopolitique permet-elle d’identifier les acteurs par l’intermédiaire desquels s’exerce le pouvoir biomédical, d’explorer les modalités d’exercice de ce pouvoir, d’examiner les modalités pratiques de régulation/normalisation des conduites scolaires, de s’interroger sur les normes à l’aune desquelles la conformité des individus est appréciée ? Il ne s’agit pas ici seulement d’étudier la genèse de ces catégories politiques et socio-sanitaires (dyslexie, dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, précocité intellectuelle…) qui opèrent au sein de l’univers scolaire mais aussi d’examiner le processus d’identification des individus en difficulté ainsi que les protocoles de leur prise en charge.

  • quels sont les acteurs (et les professions médicales et paramédicales) qui entrent en jeu dans le processus de repérage et les pratiques diagnostiques, la prise en charge et la rationalisation du contrôle exercé sur des individus étiquetés comme « dys », « surdoués » etc. ?
  • qu’en est-il de l’essor de nouveaux métiers (conseiller d’orientation, psychologue, orthophoniste) qui opèrent au sein de ce processus non seulement dans et à côté de l’institution scolaire mais aussi à l’extérieur ? Et comment ces nouveaux métiers appellent-ils à la redéfinition des rôles des acteurs qui oeuvrent au sein de ce mouvement de médicalisation des parcours scolaires ?
  • comment les notions de médicalisation/pathologisation sont-elles mobilisées au sein de ce processus ?
  • quelles sont les conséquences politiques et sociales de ces évolutions ? Quels sont les résistances/conflits (interprofessionnels mais pas seulement) qui les animent ?

8) Ages et maladies chroniques

(session conjointe avec le RT 7 _ Vieillesses, vieillissement et parcours de vie)

L’incidence et la prévalence des maladies chroniques augmentent avec l’avancée en âge. Le vieillissement démographique des sociétés occidentales contribue à constituer les maladies chroniques – diabète, hypertension, cancer, maladies neuro-dégénératives… – en enjeux de santé publique de premier plan. Or, si l’épidémiologie et la gériatrie se sont saisies depuis longtemps de cette question des relations entre âge – élevé – et maladie chronique, principalement sous l’angle des comorbidités, de la durée et de la qualité de vie des patients âgés, la sociologie du vieillissement s’est jusqu’à présent peu intéressée aux pathologies chroniques, et la sociologie de la santé et de la maladie a peu pris en compte la dimension de l’âge dans ses analyses des maladies chroniques.

L’ambition de cette session conjointe est bien de penser ensemble chronicité et âge dans la construction sociale, non seulement, des maladies chroniques mais, aussi, dans le modelage des expériences individuelles de ces maladies au fil de l’avancée en âge. Très souvent, la centration sur la temporalité propre de la maladie chronique tend à l’abstraire des cadres temporels plus larges structurant les biographies. Les propositions pourraient ainsi contribuer à mettre en évidence les différences selon l’âge chronologique, biologique et subjectif dans l’expérience, la gestion et la construction sociale de différentes maladies chroniques, mais également des manières communes de composer avec la santé et/ou la maladie selon la position dans le cycle de vie. Elles pourraient s’attacher à montrer les effets de l’âge ou de cette position dans les manières de négocier la vie quotidienne avec la maladie ou de gérer le capital-santé et, dans la construction de « carrières de malades » ou de « trajectoires de maladie », dans les prises en charge professionnelles comme dans les dispositifs institutionnels. L’avancée en âge peut aussi être intégrée comme horizon qui modèle le rapport entretenu à la maladie prise comme une expérience non-linéaire, c'est-à-dire qui ne suit pas le modèle « symptômes, diagnostic, traitement, guérison/décès » et qui implique un véritable apprentissage afin de « faire avec » une évolution incertaine, imprévisible et parfois irréversible. Autour de cet argumentaire général, le questionnement est multiple :

  • qu’en est-il des relations entre l’âge pris dans ses multiples dimensions et les maladies chroniques ? Quelles sont les valeurs, les normes et les représentations sociales qui les traversent ?
  • dans quelle mesure la comparaison de différentes maladies chroniques à un même âge de la vie ou d’une même maladie chronique à différents âges permet-il de progresser dans l’analyse tant de la chronicité que des attentes implicites, des normes et des valeurs qui construisent socialement les âges ?
  • comment l’âge intervient-il dans l’histoire de la maladie chronique des personnes singulières (comme facteur de risque d’exposition, face à la maladie diagnostiquée, ou encore dans la gestion des interactions soignants/soignés) ?
  • pour la majorité des maladies chroniques, la survie est inversement proportionnelle à l'âge au diagnostic. Dans une perspective intersectorielle et au sein de la trajectoire d’une même maladie chronique, comment les disparités liées à l’âge croisent d’autres disparités (genrées, générationnelles etc.) ?

Modalités de soumission

La date limite d’envoi des propositions de communication est le 5 janvier 2015.

Le format des propositions est de 2 500 à 3 000 signes (espaces compris) et présente l’objet de la recherche, la problématique, la méthodologie et les résultats.

Il convient d’indiquer en tête de page : les prénom et nom, fonction et appartenance institutionnelle des auteurs (mentionner s’il s’agit d’une recherche de thèse en cours) ainsi que l’adresse électronique à utiliser pour les échanges. Les auteurs sont invités à signaler, le cas échéant, l’intitulé de la session à laquelle ils se réfèrent.

Nous vous remercions de bien vouloir nommer votre fichier de la façon suivante : nom.prenom.axen°.doc

Les propositions seront sélectionnées en fonction de leur qualité scientifique, de l’originalité du matériau empirique mobilisé et du statut des intervenants (conformément à la politique de l’AFS les propositions des jeunes chercheurs (doctorants et post-doctorants) seront favorisées)

Les auteurs seront informés des résultats de la sélection fin janvier 2015. Au moment de leur inscription ils seront amenés à mettre en ligne leur synopsis sur le site du réseau.

La durée souhaitée des communications est de 10-15 minutes. Comme lors des précédentes éditions, le RT 19 envisage d’organiser ses séances selon le format de type « table ronde » (exposés courts de 10’-15’, puis discussion initiée par un « discutant »).

À la suite du congrès, le bureau se réserve la possibilité de solliciter un certain nombre d’intervenants qui seront invités à concourir à la production d’un numéro spécial dans une revue scientifique.

Le congrès aura lieu du 29 juin au 3 juillet 2015, à l'université Versailles-Saint-Quentin.

Comité d'évaluation

Les membres du bureau du RT 19 :

  • Nadia Garnoussi, (Maître de Conférences, Lille 3, CeRIES)
  • Lynda Sifer-Rivière, (Post-doctorante, Cermes3) 
  • Yannick Le Hénaff, (Maître de Conférences, Université de Rouen) 
  • David Saint-Martin, (Dr en sociologie, Chercheur associé au Centre Emile Durkheim) 
  • Florent Schepens, (Maître de Conférences, Université de Bourgogne centre Georges-Chevrier_CNRS) 
  • Emmanuelle Zolesio, (Maître de Conférences, Université Blaise Pascal Clermont- Auvergne, ESPé, ACTé)
  • Benoît Eyraud, (Maître de Conférences, Université de Lyon 2, Centre Max Weber)

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • lundi 05 janvier 2015

Mots-clés

  • santé sociologie corps

Contacts

  • Anastasia Meidani
    courriel : ameidani [at] univ-tlse2 [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Anita Meidani
    courriel : ameidani [at] univ-tlse2 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Santé, médecine, maladie et handicap », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 08 décembre 2014, https://doi.org/10.58079/rhc

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