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Raconter les sexualités depuis la marge

Relating sexualities from the fringes

3e journée d'étude de l'atelier Efigies Aix-Marseille

3rd study day of the Effigies workshop, Aix-Marseille

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Publié le vendredi 19 décembre 2014

Résumé

L’atelier Efigies Aix-Marseille organise une journée d’étude interdisciplinaire pour interroger la notion de marge dans les études sur les sexualités. Cette journée sera l'occasion de penser les pratiques minoritaires comme révélatrices de normes autres. Mais aussi, et peut-être surtout, comme des lieux essentiels pour saisir les logiques qui président à la recomposition des valeurs dominantes. Le croisement des questions de sexualités et de marges fait en effet émerger quatre questions principales : en quoi la marge met-elle à l’épreuve les concepts issus de la littérature scientifique pour penser les sexualités ? Quels « habitus scientifiques » se construit-on quand on pense sur la marge, depuis la marge, ou depuis la marge sur une autre marge ? Quels imaginaires des marges activons-nous ou matérialisons-nous au travers de la place laissée à la sexualité sur nos terrains de recherche comme dans nos vies quotidiennes ? Quelles intersections acceptons-nous entre ces deux espaces ?

Annonce

L'atelier Efigies Aix-Marseille a le plaisir de lancer un appel à communication pour la Journée d'Études interdisciplinaire "Raconter les sexualités depuis la marge", qui aura lieu le 22 mai 2015, à la Vieille-Charité de Marseille (avec le soutien du centre Norbert Elias)

Argument

Pour Michel Foucault, la sexualité recouvre « l’ensemble des effets produits dans les corps, les comportements, les rapports sociaux par un certain dispositif relevant d’une technologie politique complexe ». Il ajoute cependant que ce dispositif ne fonctionne pas de façon symétrique : « Il faut donc revenir à des reformulations depuis longtemps décriées ; il faut dire qu’il y a une sexualité bourgeoise, qu’il y a des sexualités de classe »[1].  La sexualité est ainsi un objet de recherche qui englobe des pratiques, des représentations, des discours, des identités ainsi que des enjeux de classe donnant à voir la composition et la recomposition des normes majoritaires. Mais les discours normatifs sur la sexualité sont également réemployés par/dans les marges qu’ils produisent, marges qui recomposent à leur tour les normes et valeurs des groupes majoritaires.

L’intellectuelle Bell Hooks s’est intéressée à la notion de marge et à la manière dont il est possible de conceptualiser l’espace de cette marge. Elle rappelle que c’est sa propre expérience, aussi bien dans l’université qu’en-dehors de celle-ci, qui lui a permis de développer cette pensée « aux marges ». Féministe afro-américaine, elle interpelle, dans les années 1980, le mouvement féministe majoritairement blanc et l’invite à se repenser comme un possible vecteur d’analyse de toutes les oppressions. Pour elle, la marge offre un espace nécessaire à ce projet, sous condition de ne pas comprendre la marge seulement comme un espace de répression, mais également comme un espace de résistance. Aussi évoque t-elle le silence que la pratique scientifique impose – volontairement ou malgré elle – à ces espaces. Elle insiste sur ce dialogue biaisé :

« Réduit.es au silence. Nous craignons celles/ceux qui parlent de nous sans nous parler et sans parler avec nous. Nous savons ce que c’est qu’être réduit.es au silence. Nous savons aussi que ces forces qui nous font taire parce qu’elles ne veulent pas nous parler divergent des forces qui nous disent parle, raconte moi ton histoire. Mais ne parle pas depuis la voix de la résistance. Parle seulement depuis cet espace dans les marges qui est le signe de la  privation, de la blessure, et du désir inassouvi. Dis seulement ta douleur »[2].

Le croisement de ces lectures sur les sexualités et les marges fait émerger, selon nous, quatre questions principales : en quoi la marge met-elle à l’épreuve les concepts issus de la littérature scientifique pour penser les sexualités ? Quels « habitus scientifiques » (Bourdieu, 1992)[3] se construit-on quand on pense sur la marge, depuis la marge, ou depuis la marge sur une autre marge ? Quels imaginaires des marges activons-nous ou matérialisons-nous au travers de la place laissée à la sexualité sur nos terrains de recherche comme dans nos vies quotidiennes ? Quelles intersections acceptons-nous entre ces deux espaces ?

Afin d’interroger la notion de marge dans les études sur les sexualités, l’atelier Efigies Aix-Marseille organise une journée d’étude interdisciplinaire dans laquelle nous proposons de penser les pratiques minoritaires comme révélatrices de normes autres. Mais aussi, et peut-être surtout, comme des lieux essentiels pour saisir les logiques qui président à la recomposition des valeurs dominantes.

Axes thématiques

Nous souhaitons réunir des communications autour des thèmes suivants :

Positionnements

En basculant de la marge comme objet à la marge comme lieu d’énonciation, on s’interrogera sur ce  que signifie parler, raconter depuis la  marge. Comment se joue le positionnement des acteurs (chercheur.e, s inclus) les uns vis-à-vis des autres ? Comment inclure la corporéité du chercheur.e.[4] (Haraway, 2007) dans l’étude des sexualités ? Quelle description des processus d’exotisation des sexualités la marge nous permet-elle ? On pourra également faire travailler la tension entre une marge comme lieu d’oppression, comme lieu de résistance ou encore une marge comme lieu de qualification de la norme. Enfin, est-il possible d’étudier les marges indépendamment de leur relation aux centres, émancipées de celles-ci, sans risquer de nier les rapports de pouvoir à l’œuvre ?

Espaces

La sexualité est localisable mais également bien plus que cela : à la fois créatrice d’espaces, elle les détourne également. Elle organise l’espace, du corps au vaste monde, et produit tout autant des lieux, que des territoires et des mobilités. En quoi la visibilité et l’invisibilité de la sexualité relèvent-elles d’un questionnement géographique ? Les marges et leur nécessaire hétérogénéité nous invitent à travailler sur les jeux d’échelle (Revel, 1996).[5] Il s’agit de saisir les sexualités simultanément dans leurs dimensions particulières et dans leurs dynamiques globales. L’articulation des niveaux micro à macro questionne une vision structurale de la sexualité et interroge les phénomènes de territorialisation et déterritorialisation des sexualités pour repenser leurs définitions politiques à la lumière des approches transnationales.

Pratiques langagières

Les manières de nommer et de dire interrogent les lexiques de la sexualité et révèlent leurs dimensions socialement et historiquement situées. Il s’agit de penser des qualifications et contre-qualifications – médicales, juridiques, intimes, savantes, numériques, etc. – au travers du travail de négociation et des processus de circulation de sens qui y sont liées. La question de la traduction se pose : peut-on traduire d’une langue à une autre les systèmes de catégorisation des sexualités ? Quelles définitions s’imposent et comment celles issues des marges perturbent les catégories majoritaires ? Traduire, est-ce assigner l’autre aux catégories du chercheur ou lui permettre de s’inventer ? Renoncer à la traduction est-il un moyen de rendre à l’autre sa singularité ou au contraire, l’expression d’une logique majoritaire qui s’impose par la spécification des autres ?

Silences

Une réflexion sur les sexualités implique de s’interroger sur l'inexistant, l'illicite et l'informulable. Cette tripartition des « silences » dessine une rhétorique du tabou, qui se décline en trois dimensions : affirmer que ce n'est pas permis, empêcher que ce soit dit et nier que cela existe.[6] Cet axe invite à se pencher sur tout ce qui ne se dit pas ou ne se voit pas, ce qui reste caché, dissimulé dans les interstices de la sexualité normée et normalisée. On s’interrogera sur les conditions de production de ces silences (tabou, censure) tout autant que sur la façon dont ils se manifestent.

Nous sommes également intéressé-es par des interventions proposant une critique explicite du cadre esquissé ici, à partir d’autres approches théoriques.

Références

[1] Foucault, Michel, 1976, Histoire de la sexualité, tome 1 « La volonté de savoir », Paris, Gallimard, p. 168.

[2] Bell Hooks, « Marginality as site of resistance », In Fergusen, Russel (dir.), Out There : Marginalization And Contemporary Culture, Boston, MIT Press, 1992, p. 341-343.  Selon notre traduction. « Silenced. We fear those who speak about us who do not speak to us and with us. We know what it is like to be silenced. We know that the forces that silence us because they never want us to speak differ from the forces that say speak, tell me your story. Only do not speak in the voice of resistance. Only speak from that space in the margin that is a sign of deprivation, a wound, and unfulfilled longing. Only speak your pain ».

[3] Bourdieu, Pierre, 1992, Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Paris, Le seuil.

[4] Haraway, Donna, 2007, Manifeste Cyborg et autres essais, Paris, Exils, Essais.

[5] Revel, Jaques, 1996, « Introduction », In REVEL, Jaques, (dir.), Jeux d’échelles, Paris, Gallimard, Le Seuil.

[6] Foucault, Michel. op. cit., p.111.

Modalités de soumission

Les propositions d'intervention (une à deux pages dans lesquelles seront explicités le contenu de l'intervention, l'objet empirique, la méthode d'enquête ainsi que quelques repères théoriques) sont à envoyer à efigies.aixmarseille@gmail.com

avant le 15 janvier 2015.

Les retours sur les contributions seront communiqués fin février 2015.

Comité scientifique

  • Perrine Lachenal (doctorante en anthropologie, IDEMEC, AMU)
  • Marien Gouyon (doctorant en anthropologie sociale, LAS, EHESS)
  • Julie Abbou (docteure en linguistique, LPL, AMU)
  • Manon Vialle (doctorante en sociologie, Centre Norbert Elias, EHESS)
  • Fleur Beauvieux (doctorante en histoire, Centre Norbert Elias, EHESS)
  • Léa Linconstant (doctorante en anthropologie, IDEMEC, AMU)
  • Anne-Sophie Giraud (doctorante en anthropologie, Centre Norbert Elias, EHESS)
  • Marie Romero (doctorante en sociologie, Centre Norbert Elias, EHESS)

 


Dates

  • jeudi 15 janvier 2015

Mots-clés

  • Sexualité, marge, minoritaire, majoritaire, corps, pratique, identité, discours

Contacts

  • Atelier Efigies Aix-Marseille
    courriel : efigies [dot] aixmarseille [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Julie Abbou
    courriel : ju [dot] abbou [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Raconter les sexualités depuis la marge », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 19 décembre 2014, https://doi.org/10.58079/rmc

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