AccueilL’objet de l’exposition : le regard ethnographique

Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

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Publié le vendredi 13 février 2015

Résumé

Après le « tournant ethnographique » des années 1990 – évoqué par la notion d’« artiste en ethnographe » théorisée par Hal Foster – les pratiques curatoriales et artistiques plus récentes attestent d’un intérêt grandissant pour l’ethnographie, considérée du point de vue de ses objets et de ses institutions. Une multiplicité d’expositions a récemment posé des questions complexes qui touchent au rapport, souvent controversé, entre art contemporain et musée ethnographique, au problème de la restitution d’objets et d’artefacts pillés en contexte colonial, ou au statut des objets qui se trouvent dans ces musées. Les cultures matérielle et visuelle, qui constituent encore le cœur de ce que l’on montre pour témoigner d’une société, se rencontrent principalement au sein de cet exercice de médiation qu’est l’exposition. Or, celle-ci est par essence l’espace-temps d’une interprétation, d’une démonstration, voire d’une manipulation qui, à chaque fois qu’elle se renouvelle, est en mesure de modifier le sens de ce qu’elle présente.

Annonce

Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre du séminaire « L’objet de l’exposition », qui réunit les étudiants de l’option « Médiation culturelle et Pratiques de l’exposition » du master en histoire de l’art de l’université de Tours et du master art de l’École nationale supérieure d’art de Bourges. Elle bénéficie du soutien de l’école nationale supérieure d’art de Bourges et du laboratoire InTRu (EA 6301). « L’objet de l’exposition » porte une réflexion sur l’exposition comprise en tant qu’objet d’étude à part entière. Chaque année, le séminaire se propose d’aborder ce vaste champ de recherche à travers le choix d’une thématique particulière, reprise lors d’une journée d’étude qui clôture le cycle. Cette année, c’est « le regard ethnographique » qui est étudié.

Argumentaire

Après le « tournant ethnographique » des années 1990 – évoqué par la notion d’« artiste en ethnographe » théorisée par Hal Foster – les pratiques curatoriales et artistiques plus récentes attestent d’un intérêt grandissant pour l’ethnographie, considérée du point de vue de ses objets et de ses institutions. Une multiplicité d’expositions a récemment posé des questions complexes qui touchent au rapport, souvent controversé, entre art contemporain et musée ethnographique, au problème de la restitution d’objets et d’artefacts pillés en contexte colonial, ou au statut des objets qui se trouvent dans ces musées. Les musées d’ethnographie, eux-mêmes, semblent de plus en plus trouver dans l’intervention d’artistes au sein de leur collection une solution à leur besoin de rénover et d’interroger leurs pratiques. A ce titre, le travail que mène Clémentine Deliss au Weltkukturen Museum de Francfort est exemplaire.

Les cultures matérielle et visuelle, qui constituent encore le cœur de ce que l’on montre pour témoigner d’une société, se rencontrent principalement au sein de cet exercice de médiation qu’est l’exposition. Or, celle-ci est par essence l’espace-temps d’une interprétation, d’une démonstration, voire d’une manipulation qui, à chaque fois qu’elle se renouvelle, est en mesure de modifier le sens de ce qu’elle présente. Se pencher sur ce phénomène permet de comprendre que les objets qui y prennent place n’ont pas un seul visage, qu’ils n’existent pas dans une réalité établie une fois pour toutes, mais que le regard que l’on porte sur eux et, par extension, le sens et le statut qu’on leur confère, peuvent changer. C’est ce que le musée d’ethnographie de Neuchâtel a entrepris de rendre visible depuis le début des années 1980. En cela, l’exposition n’est pas exempte des relations de domination qui ont accompagné le développement de l’ethnographie et la collecte de ses objets d’étude : elle est, elle aussi, vecteur d’un façonnement de la perception de l’altérité – peut-être même l’un des plus efficaces. C’est sans doute ce qui en a fait l’un des outils privilégiés de la propagande coloniale. Ainsi, l’histoire de l’exposition – comme celle de l’ethnographie, dont elle sert le discours – est hantée par les questions de la « race », du genre et de l’ethnicité, dont les stratégies rhétoriques méritent encore d’être examinées dans ce cadre précis de la mise en vue.

Cet héritage ne peut être occulté : au contraire, puisqu’elle est l’espace où s’actualise constamment le regard, l’exposition se prête à la remise en cause d’anciens récits et à la création de nouveaux. Elle peut devenir un lieu d’enquête, de réflexion et de critique au sujet de la tradition ethnographique. Ainsi, comme le proposait La Triennale en 2012[1], en référence à la notion de « zone de contact » définie par Mary Louise Pratt, l’exposition permet l’analyse de ces « espaces sociaux où les cultures se rencontrent, se heurtent et se confrontent, souvent dans des contextes de relations de pouvoir hautement asymétriques, comme le colonialisme, l’esclavage ou leurs conséquences telles qu’elles sont vécues dans de nombreuses parties du monde aujourd’hui. »[2]. En s’inspirant du raisonnement de James Clifford[3], l’exposition peut elle-même incarner une nouvelle zone de contact, c’est-à-dire un espace qui défie l’ordre et le classement institués dans une perspective ethnocentrique et qui inscrit les objets dans une distance historique indépassable. Pour Mary Louise Pratt, « une approche dite de « contact » privilégie la façon dont les sujets se constituent dans et par leurs relations entre eux. »[4] Il s’agirait donc de réintroduire une relation vivante et subjective au matériel ethnographique pour potentiellement développer une condition « post-ethnographique » comme le revendique Clémentine Deliss. L’exemple récent de l’exposition « Foreign Exchange (or the stories you wouldn’t tell a stranger) » au Weltkulturen Museum de Francfort[5], montre que l’introduction de l’art contemporain et de l’artiste dans le musée ethnographique est l’une des solutions prisées par les institutions : s’agit-il d’un nouveau paradigme ?

Cette journée d’étude sera l’occasion de revenir sur ces différentes questions, en laissant place à tous les points de vue à même d’éclairer les implications des pratiques ethnographiques dans le champ de l’exposition et ainsi favoriser une approche pluridisciplinaire et diachronique de cet objet d’étude. Suivant les réflexions menées dans le séminaire, plusieurs axes privilégiés permettent d’orienter les contributions à venir, sans toutefois exclure d’autres sujets qui concerneraient le thème abordé lors de cette journée :

  • Polysémie de l’objet au fil de ses mises en exposition : dans quelle mesure le contexte d’exposition agit sur la signification de l’objet ?
  • Nouvelles pratiques curatoriales de l’ethnographie : quelles contre-stratégies adopter pour interroger l’inscription des objets dans des rapports de forces historiques ?
  • Pratiques artistiques contemporaines : comment les artistes interrogent dans leur propre pratique, les stratégies de monstration des institutions ethnographiques ?
  • Le « modèle » ethnographique dans les expositions d’art contemporain : comment interpréter l’intersection du champ de l’art contemporain avec celui de l’ethnographie dans le cadre des expositions d’art ?

[1] Voir Okwui Enwezor, « Intense proximité : de la disparition des distances » et Mélanie Bouteloup, « Sous tensions », dans Okwui Enwezor (éd.), Intense Proximité : une anthologie du proche et du lointain, cat. d’expo. (Paris, Palais de Tokyo), Paris, Centre national des arts plastiques, Editions Artlys, 2012, p. 18-46 et p. 37-45.

[2] Mary Luise Pratt, « Arts of the Contact Zone », Profession 1991, New York, MLA, 1991, p. 34.

[3] James Clifford, « Les musées comme zones de contact », Dédale, n° 5-6, printemps 1997, p. 246-267 ; traduction du septième chapitre de Routes: Travel and Translation in the Late Twentieth Century, Cambridge, Londres, Harvard University Press, 1997.

[4] Mary Louise Pratt, Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, Londres New York, Routledge, 2008 [2nde edition], p. 8 : “A “contact” perspective emphasizes how subjects get constituted in and by their relations to each other.”

[5] L’exposition a lieu du 15 janvier 2014 au 4 janvier 2015. Commissariat : Clémentine Deliss, Yvette Mutumba.

Conditions de soumission

Les propositions (titre et résumé de 3000 signes maximum), accompagnées d'une brève présentation des recherches de l'auteur (préciser l’institution ou l’organisme de rattachement s’il y a), doivent être envoyées à frederic.herbin@univ-tours.fr et g.zapperi@gmail.com

Date limite pour le dépôt des propositions : 9  mars 2015

Les réponses seront données la dernière semaine du mois de mars.

Date : mardi 12 mai 2015

Les frais de déplacement seront pris en charge par les structures organisatrices.

École Nationale Supérieure d'Art de Bourges : http://www.ensa-bourges.fr

Département d’histoire de l’art – Université François-Rabelais de Tours

InTRu - Université François-Rabelais de Tours : http://www.intru.univ-tours.fr

Organisation et comité de sélection

  • Frédéric Herbin (InTRu - Université François-Rabelais de Tours)
  • Giovanna Zapperi (École Nationale Supérieure d’Art de Bourges)
  • Étudiants de l’option « Médiation culturelle et Pratiques de l’exposition » de l’Université de Tours : Charlotte Bornes, Sarah Hatziraptis, Chloé Quétard 
  • Étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges : Benjamin Bloch, Jennifer Carlos, Sybil Coovi-Handemagnon, Camille Nivollet, Josefa Ntjam, Miao-hua Tai.

Lieux

  • Université François Rabelais
    Tours, France (37)

Dates

  • lundi 09 mars 2015

Mots-clés

  • exposition, ethnographie, musée, art contemporain

Contacts

  • Frédéric Herbin
    courriel : frederic [dot] herbin [at] univ-tours [dot] fr
  • Giovanna Zapperi
    courriel : giovanna [dot] zapperi [at] ensa-bourges [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Frédéric Herbin
    courriel : frederic [dot] herbin [at] univ-tours [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’objet de l’exposition : le regard ethnographique », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 13 février 2015, https://doi.org/10.58079/rz2

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