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Alimentation et cancers

Food and cancers

La fabrique d’une nouvelle question de société ?

The manufacture of a new issue for society?

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Publié le mercredi 18 mars 2015

Résumé

À travers les liens établis actuellement entre alimentation et cancers, ce numéro questionne la construction sociale et politique d’une nouvelle question de santé qui se structure notamment au travers d’un champ scientifique en pleine expansion, de normes et d’idéologie de santé publique et de nouveaux comportements alimentaires. Les conséquences sociales, économiques, culturelles et individuelles semblent multiples et l’hypothèse que les contributeurs de ce numéro pourraient aider à interroger est savoir si nous assistons à la fabrique d’une nouvelle question de société.

Annonce

Argumentaire

À travers les liens établis actuellement entre alimentation et cancers, ce numéro questionne la construction sociale et politique d’une nouvelle question de santé qui se structure notamment au travers d’un champ scientifique en pleine expansion, de normes et d’idéologie de santé publique et de nouveaux comportements alimentaires. Les conséquences sociales, économiques, culturelles et individuelles semblent multiples et l’hypothèse que les contributeurs de ce numéro pourraient aider à interroger est savoir si nous assistons à la fabrique d’une nouvelle question de société.

Depuis une trentaine d’années, l’étude des liens entre alimentation, nutrition et cancer est au centre de très nombreuses enquêtes épidémiologiques, nutritionnelles et médicales (voir notamment Thé et Hubert, 1988 ; WCRF et AICR, 2007) et mobilise au niveau international et national des réseaux scientifiques actuellement très actifs (voir notamment en France le Réseau National Alimentation Cancer Recherche - NACRe). Elle concerne tant l’impact multiple des cancers et des traitements anti-cancéreux sur les comportements alimentaires que le rôle de la nourriture par rapport au développement de la maladie. Ces dernières favorisent par ailleurs des groupes et des conférences de consensus à l’échelle internationale contribuant à une politique de santé publique à la fois globalisée et propre à chaque pays (pour la France, cf. notamment INCa, 2009). La considération des liens entre alimentation et cancers constitue alors non seulement une question médicale ou de santé publique qui est en train de se construire, mais aussi une véritable question de société aux nombreuses ramifications dans les pratiques sociales concernant autant les personnes atteintes de cancer que l’ensemble de la population.

C’est pourquoi l’influence de l’alimentation (au sens large, comprenant également les boissons, les compléments alimentaires et les préparations à base de plantes, etc.) sur les cancers est, de ce point de vue, construite scientifiquement autant comme facteur de risque que comme agent de protection (Hubert, 1991), voire de guérison. Ainsi, d’une façon plus large, le rapport entre alimentation et cancers renvoie à une vision ambivalente de la nourriture perçue tantôt comme nocive, tantôt comme bénéfique. Il rappelle de fait l’opposition anthropologique classique entre l’aliment conçu comme un poison ou comme un remède, ou celle de sain/malsain (Vigarello 1999) retrouvée tout autant dans les représentations et pratiques profanes que dans des conceptions non conventionnelles (Cohen et Legrand, 2011). Alors que le cancer peut être considéré comme l’une des principales maladies de civilisation, les conceptions de la prévention du cancer par l’alimentation tendent à résoudre non seulement le désordre des cellules non contrôlées du corps mais aussi ceux de la société et des pratiques alimentaires jugées non conformes. D’une question médicale ou de santé publique, l’alimentation devient un levier de transformation des habitudes alimentaires. De ce fait, les liens entre alimentation et cancers soulèvent autant des problématiques relevant de l’épidémiologie et des sciences médicales, que des sciences humaines et sociales, ce que nous souhaitons mettre en évidence dans ce numéro.

Dans quelles mesures les connaissances scientifiques et l’influence ambivalente de l’alimentation imprègnent tant les pratiques alimentaires des patients et de leur entourage que les prises en charge et les conseils nutritionnels délivrés par les équipes médicales et paramédicales, et plus globalement les habitudes alimentaires de l’ensemble de la société ? Nous proposons ici de considérer les liens entre alimentation et cancers au centre d’une fabrique d’une nouvelle question de société et nous invitons dans ce numéro les auteurs à réfléchir sur les thèmes suivants.

1-L’alimentation comme facteur de risques et de prévention : construction scientifique, socio-culturelle et politique

Cet axe interroge les façons dont les connaissances scientifiques se sont construites avec le temps et comment elles ont influencé la santé publique et les conceptions savantes de l’alimentation. Des approches historiques ou socio-historiques pourraient être proposées pour comprendre cette émergence. Par ailleurs, une compréhension des processus en cours pourraient s’appuyer sur la compréhension du ou des rôles des principaux acteurs (scientifiques, biologistes, médecins, épidémiologistes, nutritionnistes, cancérologues, etc.), des contextes et des institutions qui ont participé à la construction de ce problème de santé publique. Des analyses en termes de construction d’un champ scientifique thématique pourraient être proposées, permettant d’identifier éventuellement les « arènes » de discussions, d’échanges et de controverses, comme cela a été fait notamment pour l’obésité (Poulain, 2009). De la même façon, les processus de mise à l’agenda des politiques publiques et de santé publique pourraient être interrogés.

Ainsi pourront être abordées notamment les thématiques suivantes :

-Construction des connaissances scientifiques et modalités d’influence sur la santé publique (entre science et politique) : approches historique et socio-historique

-Construction d’une pensée profane et/ou experte et influence sur les pratiques et l’action associatives, communautaires, politiques

-Construction de conceptions non conventionnelles en parallèle, à la marge, en complément, voire en réaction aux conceptions conventionnelles.

2-Expériences du cancer et alimentation

Pour les personnes atteintes avant, pendant ou après le cancer, l’alimentation est un sujet incontournable des « temps du cancer » (Ménoret, 1999). En effet, l’expérience du cancer et des traitements implique souvent des changements voire des difficultés alimentaires pour les personnes malades (Locher et al., 2009 ; Hoarau et al., 2012 ; Fontas et al., 2014 ; Lorcy, 2014), d’autant plus soulignés pour les patients âgés. Selon les pays et les centres de soins, une prise en charge conventionnelle peut alors être proposée afin de limiter les risques de dénutrition et d’infection pour les soignés et pour mieux les aider dans leur quotidien. Cependant, cette prise en charge nutritionnelle en cancérologie peut faire l’objet de dysfonctionnements, ne répondant pas toujours aux attentes et besoins des malades (Bell et al., 2009). Elle peut favoriser dès lors le recours à des pratiques non conventionnelles pouvant se référer à des autorités alternatives (Cohen et Legrand, 2011). L’objectif ici est de faire le lien entre les connaissances scientifiques, la santé publique et l’expérience du cancer faite par les patients, leurs proches et les soignants.

Différents aspects pourront être abordés :

-L’impact des préconisations de santé publique, des connaissances scientifiques et de leur vulgarisation sur les comportements alimentaires des patients et de leurs proches

-Le vécu des patients : difficultés et changements alimentaires, altérations sensorielles, gestion du quotidien (approvisionnement alimentaire, préparation des repas, vie sociale, etc.)

-Prise en charge conventionnelle et non conventionnelle des difficultés et/ou des changements alimentaires induits par le cancer et/ou les effets secondaires des traitements anti-cancéreux, rapport entre la prise en charge proposée et les recommandations faites en santé publique

-Les proches aidants : gestion d’une maladie chronique et impact sur leur quotidien et leurs pratiques alimentaires.

3-Le cancer comme producteur de réforme(s) alimentaire(s) ?

Nous considérons ici et de façon plus large les façons dont la société et ses diverses composantes se sont emparées des connaissances ou des représentations des liens entre alimentation et cancer (Bell, 2010). Le cancer étant devenu l’une des principales causes de morbidité et en tenant compte de la prépondérance de la médicalisation et la sanitarisation des sociétés contemporaines et d’une économie morale (Fassin, 2009 ; Fassin et Eideliman, 2012) – tournées vers la recherche de la santé ou de la légitimation des questions sociales à travers elle – nous proposons d’interroger la lutte contre le cancer par l’alimentation comme une véritable « réforme alimentaire » en construction.

Ainsi, quel est l’impact des connaissances scientifiques, des politiques publiques sur la prévention des cancers dans l’alimentation générale ? Comment les individus se réapproprient-ils cette réforme impulsée par les organismes de santé publique et les pouvoirs publics ? Des articles pourraient aider à comprendre les processus en cours à partir de questionnements qui intégreraient largement la question du cancer, et ceci à partir de quelques domaines à explorer :

-Définitions et modalités d’appropriation de la « réforme alimentaire » (selon les unités territoriales et les pays)

-Vecteurs de réforme alimentaire : circuits de production, de distribution et de consommation dont stratégies de publicité et de marketing, influencés par « la volonté » de réforme alimentaire dominante

-Production d’une nouvelle culture alimentaire : évolutions des pratiques et des cultures alimentaires, construction d’une morale alimentaire, mobilisation des valeurs centrées sur la santé

-Limites de la réforme alimentaire encouragée : divergences des messages de réformes alimentaires, effets pervers, rôle des valeurs et des représentations alimentaires non liées à la santé, accessibilité des produits, production d’inégalités sociales, etc.

Sur la base de ces trois thèmes, nous invitons les éventuels contributeurs à faire connaître leurs travaux pouvant concerner différents contextes socio-culturels, dans diverses régions du monde. Vous pourrez proposer votre contribution en anglais, français ou espagnol.

Modalités de soumission

Les propositions d’articles devront être envoyées sous la forme d’un résumé de 12 lignes maximum accompagné de 10 mots-clés maximum

avant le 15 avril 2015 au plus tard.

Elles devront présenter le titre de l’article, la question de recherche, le terrain étudié, la méthodologie adoptée et les principaux résultats obtenus. Elles devront également inclure les nom, prénom, statut, rattachement institutionnel et e-mail de l’auteur voire des coauteurs.

Langues des contributions : Anglais, Français et Espagnol

Merci d’envoyer votre proposition aux adresses suivantes :

  • patrice.cohen@univ-rouen.fr
  • h.hoarau@free.fr
  • armelle.lorcy@hotmail.fr

Les réponses seront données aux auteurs à partir du 15 mai 2015.

Les articles complets devront être envoyés avant le 15 octobre 2015.

Comité scientifique

  • Armelle Lorcy (coordinatrice du numéro)
  • Chantal Crenn
  • Charles-Edouard de Suremain,
  • Cohen Patrice (coordinateur du numéro)
  • Esther Katz,
  • Hélène Hoarau (coordinatrice du numéro)
  • Isabelle Techoueyres (coéditrice du journal),
  • Matthieu de Labarre (coéditeur du journal),
  • Priscilla Ferguson,
  • Raúl Matta, 

Dates

  • mercredi 15 avril 2015

Mots-clés

  • alimentation, cancer

Contacts

  • Patrice Cohen
    courriel : patrice [dot] cohen [at] univ-rouen [dot] fr
  • Hélène Hoarau
    courriel : h [dot] hoarau [at] free [dot] fr
  • Armelle Lorcy
    courriel : armelle [dot] lorcy [at] hotmail [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • François Feliu
    courriel : francois [dot] feliu [at] cnrs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Alimentation et cancers », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 18 mars 2015, https://doi.org/10.58079/s4a

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