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L’aménagement et l’urbanisme à l’épreuve des cadres théoriques

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Publié le vendredi 20 mars 2015

Résumé

Ce colloque part du constat d'un « manque d'évidence » (Pinson, 2004) des cadres théoriques propres à la recherche française en urbanisme et en aménagement. Il est l’occasion de rassembler ses acteurs pour identifier et mettre en discussion les cadres théoriques existants, questionner leur rapport au champ disciplinaire et poser les problèmes pratiques et épistémologiques engendrés par le lien entre la recherche scientifique et l’action opérationnelle. Il s’agit ainsi d’identifier les outils conceptuels et analytiques, voire les prises de position politiques, qui fondent l’aménagement et l’urbanisme aujourd’hui.

Annonce

Argumentaire

L’urbanisme et l’aménagement sont généralement présentés comme ayant pour objet l’organisation des activités humaines dans l’espace. Ils ont en commun une « épistémologie trouble » (Devisme, 2010). Constitués à plusieurs dizaines d’années d’intervalle, le premier dès la fin du XIXème siècle et le second au milieu du XXème, ils sont définis tantôt comme « sciences », tantôt comme « pratiques », tantôt comme « techniques ». Au même titre que d’autres champs disciplinaires, ils ont pour particularité d’articuler la connaissance d’un objet avec des pratiques opérationnelles.

Si ce positionnement intermédiaire a permis à l’urbanisme et à l’aménagement de s’affirmer dans le monde universitaire comme dans le monde professionnel, le fait d’avoir laissé en suspens la question des cadres théoriques se révèle aussi être une fragilité à plusieurs égards. En tant que « constructions intellectuelles prenant la forme de systèmes de concepts et servant à expliquer des phénomènes réels » (Dépelteau, 2010), les cadres théoriques ont d’abord une vertu heuristique. Ils sont en conséquence des outils indispensables à la recherche scientifique. De plus, ils permettent au chercheur d’adopter une posture réflexive, notamment face à l’action publique à laquelle l’aménagement et l’urbanisme sont intrinsèquement liés. Leur absence pourrait participer d’une dépolitisation de la recherche comme de la pratique de l’urbanisme, la première devenant appliquée et informative et la seconde se bornant à appliquer un éventail de solutions techniques (Borzakian, 2014). Ce faisant, les cadres théoriques contribuent à organiser le dialogue entre chercheurs, mais aussi avec les praticiens, et à clarifier les positions analytiques, politiques et méthodologiques de chacun. Supports à la transmission du savoir disciplinaire, ces cadres constituent aussi des enjeux forts de la construction des enseignements en urbanisme et aménagement. Ils participent, enfin, de l’affichage et de la structuration disciplinaire. Cette forme d’institutionnalisation permet d’asseoir la légitimité scientifique des travaux et des chercheurs qui s'y rattachent (Leclerc, 1989).

Une réflexion collective sur le sujet apparaît d’autant plus nécessaire aujourd’hui que le paysage dans lequel s'inscrivent l’aménagement et l'urbanisme a évolué. Du point de vue de la recherche, la question urbaine a été posée par de nombreuses autres disciplines, tandis que les recherches en urbanisme et en aménagement ont continué à se construire autour d’emprunts théoriques d’origines disciplinaires variées, voire interdisciplinaires, sans toutefois que ces recours ne soient nécessairement questionnés. Parallèlement, plusieurs générations d’universitaires se définissant comme urbanistes ou aménageurs ont été formées, non plus dans des disciplines voisines, mais au sein de formations spécifiques. De plus, l’ouverture à la recherche anglophone interroge l'histoire de la structuration de l'urbanisme et de l'aménagement en France, dans la mesure où urban studies, urban planning et urban design se sont construits comme des champs disciplinaires à part entière, peut-être plus différenciés, identifiables et structurés que dans la recherche française (Collet, Simay, 2013).

Dans ce contexte, de nouveaux objets sont apparus au gré de changements sociétaux : genre et sexualités, environnement ou encore justice spatiale sont autant de préoccupations dont se sont emparés les chercheurs en urbanisme et en aménagement, et qui contribuent à déplacer les frontières des champs disciplinaires. De nouveaux terrains, à des échelles micro aussi bien que macro, ont également fait l’objet d’enquêtes, tant en Europe que dans les « Suds ». Ils mettent à l’épreuve les cadres d’analyse d’un champ disciplinaire né dans des contextes nationaux, au sein de pays occidentaux.

Enfin, le paysage politique et socio-économique dans lequel sont apparues ces disciplines a connu des bouleversements qui n’ont pas été sans conséquence sur l’action et la recherche en urbanisme et en aménagement : les modalités de l'intervention publique sur les territoires ont été transformées par les mutations des structures sociales et du fonctionnement de l’économie, ainsi que par la progressive décentralisation. Dans le même ordre d’idées, de nouveaux paradigmes, tels que la participation, ou le passage du plan au projet bouleversent encore la pratique de l’urbanisme et ne manquent pas d’interroger la recherche.

Cette situation invite à une mise en discussion des rapports entre le champ disciplinaire et ses théories. De ce constat découlent les trois axes de réflexion et de questionnement proposés aux participants du colloque. Les propositions de communication pourront s’inscrire dans plusieurs de ces axes, qui sont ouverts aux comparaisons avec des postures scientifiques issues de la recherche extra-francophone ainsi que de disciplines autres que l’aménagement et l’urbanisme. Les jeunes chercheurs et les praticiens, au même titre que les chercheurs confirmés, sont invités à proposer des textes.

Axe 1. État des lieux : quelles théories pour l’urbanisme et l’aménagement ?

Le premier objectif de ce colloque est d'aller au-delà du « manque d'évidence » (Pinson, 2004) des cadres théoriques en mettant à jour ceux qui ont été proposés en aménagement et en urbanisme au cours des dernières décennies. Il s’agit de les décrire, en soulignant les contributions qu’ils ont rendues possibles et les limites qu’ils ont rencontrées. Ce faisant, il est possible de s’interroger sur la relation entre l'existence de ces cadres théoriques et l’autonomie de l’aménagement et de l’urbanisme en tant que champs disciplinaires. Enfin, le rapprochement entre urbanisme et aménagement, qui semble aujourd'hui aller de soi, mérite d'être questionné.

  • Quels cadres théoriques propres à l’urbanisme et à l’aménagement peut-on identifier, en France et à l'étranger ? Comment sont-ils construits ? Comment sont-ils enseignés ? L'existence de cadres théoriques propres est-elle nécessaire pour faire discipline ?
  • La seule segmentation de l’aménagement et de l’urbanisme par objets d’étude (transport, logement, outils, grands projets, etc.) ou par échelle d’analyse – et non par courants ou cadres théoriques, contrairement à la sociologie, par exemple – constitue-t-elle une structure appropriée et suffisante de ce champ de recherche ?
  • La segmentation des disciplines est-elle une étape dans la construction d’un savoir global en sciences humaines et sociales, ou bien correspond-elle à la valorisation d’un savoir spécialiste et à l’encouragement d’une forme de singularisation ?
  • Jusqu'à quel point urbanisme et aménagement peuvent-ils se fondre dans des cadres théoriques communs ? Qu'est-ce qui distingue ces pratiques l'une de l'autre et constituent-elles des champs disciplinaires séparés ? Dans un contexte où la production de la ville concentre une grande majorité de recherches, l'aménagement constitue-t-il un domaine de recherche en crise ?

Axe 2. Importer, adapter, dialoguer : quelles pratiques de l’interdisciplinarité ?

L’urbanisme et l’aménagement se sont constitués à partir d’emprunts, d’importations, et d’adaptations de concepts et de méthodes issus d’autres disciplines. Des domaines aussi hétéroclites que la sociologie ou les sciences de l’ingénieur forment autant de possibilités de « bricolage épistémologique » (Scherrer, 2013), mais aussi théorique et méthodologique. Le deuxième objectif de ce colloque est de questionner les modalités de ce bricolage, ses apports et ses conséquences. Il s’agit aussi de mettre en discussion les contributions de l’urbanisme et de l’aménagement à ces cadres théoriques empruntés.

  • Quelles articulations originales peuvent émerger lorsque des cadres théoriques sont empruntés ou adaptés de sciences humaines et sociales connexes de l’urbanisme et de l’aménagement ? Ont-elles abouti à un dépassement des cadres initialement importés ?
  • Quels sont les rapports de l’aménagement et de l’urbanisme avec les sciences de l’ingénieur, les sciences de la nature et les sciences formelles ?
  • Quel est le statut des concepts en aménagement et en urbanisme ? A quel niveau d’abstraction une théorie de la ville et des territoires doit-elle se positionner ? Quelles sont les précautions à prendre pour que l’importation de concepts issus d’autres disciplines soit, en conséquence, possible ?
  • Quels sont les avantages et les inconvénients épistémologiques de l’approche anglophone consistant à « thématiser » le champ et décloisonner les disciplines ? Ce schéma est-il importable au contexte français ?

Axe 3. De la science et de l’action : théoriser ou agir, faut-il choisir ?

Le troisième objectif de ce colloque est de réinterroger le rapport des chercheurs aux practiciens, mais à partir d’un questionnement sur les cadres théoriques. Si le rapport étroit entre posture scientifique et pratique opérationnelle justifie pour certains l'absence de formalisation de cadres théoriques bien établis, il est possible de postuler que le « détour » théorique peut permettre d'organiser le dialogue entre chercheurs et praticiens (Devisme, 2010). « Cette tension contradictoire entre savoir pratique et savoir savant » (Scherrer, 2013) justifierait d’autant plus la formulation de principes et de référentiels communs, également parce qu’au même titre que les autres sciences humaines et sociales – mais peut-être de façon plus saillante – l’aménagement et l’urbanisme travaillent sur des objets socialement construits et en évolution permanente.

  • Est-il pertinent de mettre en place des cadres théoriques pour penser des objets comme la ville et le territoire ?
  • Étant données les conditions contemporaines de financement et de production de la connaissance, la recherche en urbanisme doit-elle dépasser le couple description-compréhension pour adopter le triptyque analyse-prescription-évaluation ?
  • La distinction entre urban studies et urban planning dans la recherche anglo-saxonne se superpose-t-elle à la distinction entre savoir savant et savoir pratique que l’on opère en France ?
  • Comment interpréter la rareté des perspectives critiques structurées en aménagement et en urbanisme, alors même que d’autres disciplines telles que la géographie, la sociologie ou la science politique montrent combien la ville peut être un puissant support de pensées alternatives ?

Bibliographie

BORZAKIAN, M., 2014, « Bureaucratisation de la recherche et confusion entre chercheur et expert », EspacesTemps.net, 09.07.2014.

COLLET, A., SIMAY, P., 2013, « Y a-t-il des « urban studies » à la française ? », Métropolitiques, 3 juillet 2013. URL : http://www.metropolitiques.eu/Y-a-t-il-des-urban-studies-a-la.html

LECLERC, M., 1989, « La notion de discipline scientifique », Politique, n. 15.

DÉPELTEAU, F., 2010. La démarche d’une recherche en sciences humaines: De la question de départ à la communication des résultats, De Boeck Supérieur.

DEVISME, L., 2010. « Le praticien réflexif et le théoricien activiste », Urbanisme, n. 372.

PINSON, D., 2004. « L’Urbanisme : une discipline indisciplinée ? », Futures, vol. 36, n. 4.

SCHERRER, F., 2013. « Le champ de la recherche en urbanisme existe-t-il ? Quelques repères pour la relève », Urbia, n. HS 1.

Conditions de soumission

Le colloque sera organisé autour de séances plénières et de sessions de communications. Les propositions de communications (en français, d’une longueur maximum de 5 000 signes espaces compris, hors bibliographie), sont attendues

pour le 1er juin 2015.

Elles devront contenir un titre, des mots-clés, ainsi que le nom de l’auteur-e, son affiliation institutionnelle, ses coordonnées complètes et préciseront le ou les axes thématiques dans lesquels elles s’inscrivent.

Les propositions seront envoyées à l’adresse : theoriesamenagementurbanisme@gmail.com

Les chercheurs dont les propositions auront été retenues seront invités à présenter leurs travaux lors du colloque (prévoir 20 minutes de présentation). Ils devront remettre le texte de leur intervention pour le 18 décembre 2015 (20 000 à 40 000 signes maximum, espaces compris, bibliographie incluse).

Calendrier

  • Dépôt des propositions de communication : 1er juin 2015
  • Sélection par le comité scientifique : 15 juillet 2015
  • Dépôt du texte de l’intervention : 18 décembre 2015
  • Date du colloque : 14-15 janvier 2016

Comité scientifique

Nadia Arab

Université Paris-Est, Lab’Urba

François Benchendikh

Sciences-Po Lille, CERAPS

Gilles Debizet

Université de Grenoble, PACTE

Laurent Devisme

ENSA Nantes, Ambiances architecturales et urbaines

Nicolas Douay

Université Paris Diderot, Géographie-Cités

Marie Morelle

Université Paris 1, PRODIG

Paola Pucci

Politecnico di Milano

Olivier Ratouis

Université Bordeaux Montaigne, ADES

Hélène Reignier

Aix-Marseille Université, LIEU

Maryvonne Prévot

Université Lille, TVES

Olivier Sykes

University of Liverpool

Marie-Hélène Zérah

IRD, Université Paris Diderot, CESSMA

Comité d’organisation

Jeunes docteurs et doctorants, nous avons souhaité organiser un colloque s’adressant à l’ensemble des chercheurs et praticiens, car nous sommes confrontés, dans nos projets scientifiques, à la nécessité de nous positionner sur le plan théorique : c’est ce que nos évaluateurs, nos directeurs de recherche, nos institutions de tutelle attendent de nous. Nous pensons que c’est aussi nécessaire pour aboutir à une recherche pertinente et claire dans son rapport à la société civile.

Sabine Bognon

Université Paris 1, Géographie-Cités

Sophie Buhnik

Université Paris 1, Géographie-Cités  

Paul Citron

Université Paris 1, Géographie-Cités 

Leïla Frouillou

Université Paris 1, Géographie-Cités 

Matthieu Gimat

Université Paris 1, Géographie-Cités 

Elisabeth Lehec

Université Paris 1, Géographie-Cités 

Marion Magnan

Université Paris 1, Géographie-Cités, IFSTTAR

Juliette Maulat

Université Paris Diderot, Géographie-Cités

Nicolas Persyn

Aix-Marseille Université, LIEU, Géographie-Cités

Lina Raad

Université Paris-Est, Géographie-Cités

Emma Thébault

Université Paris 1, Géographie-Cités

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • lundi 01 juin 2015

Mots-clés

  • théorie, urbanisme, aménagement, interdisciplinarité

Contacts

  • Matthieu Gimat
    courriel : matthieu [dot] gimat [at] popsu [dot] archi [dot] fr

Source de l'information

  • Matthieu Gimat
    courriel : matthieu [dot] gimat [at] popsu [dot] archi [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Champ libre ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 20 mars 2015, https://doi.org/10.58079/sai

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