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Les médias dans la transition démocratique tunisienne

The media in the Tunisian democratic transition

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Publié le mardi 31 mars 2015

Résumé

Dans les contextes des transitions démocratiques, le domaine des médias constitue l’un des chantiers conditionnant en large partie le passage d’un système politique à un autre, au même titre que l’adoption d’une nouvelle Constitution, la mise en place d’une justice transitionnelle, la tenue d’élections, ou encore la recomposition des élites politiques. Bon nombre de travaux consacrés aux rôles des médias dans les processus transitionnels s’attachent à analyser leur contribution à la construction démocratique. Ces rôles sont évalués à partir des fonctions normatives qu’on leur prête, de fait ou en droit, en démocratie. Il est ainsi attendu des médias qu’ils instaurent de nouveaux dispositifs de surveillance et de contrôle du gouvernement, et qu’ils contribuent de la sorte à responsabiliser les élites. Ce colloque ambitionne d’interroger les conditions et les logiques de l’évolution des médias tunisiens en contexte transitionnel. Il s’agira, dans le cadre de ce colloque, de reprendre quatre dimensions essentielles des systèmes médiatiques contemporains, qui feront l’objet de panels spécifiques, et de questionner par leur moyen la transition médiatique tunisienne.

Annonce

Argumentaire

Dans les contextes des transitions démocratiques, le domaine des médias constitue l’un des chantiers conditionnant en large partie le passage d’un système politique à un autre, au même titre que l’adoption d’une nouvelle Constitution, la mise en place d’une justice transitionnelle, la tenue d’élections, ou encore la recomposition des élites politiques. Bon nombre de travaux consacrés aux rôles des médias dans les processus transitionnels s’attachent à analyser leur contribution à la construction démocratique. Ces rôles sont évalués à partir des fonctions normatives qu’on leur prête, de fait ou en droit,  en démocratie. Il est ainsi attendu des médias qu’ils instaurent de nouveaux dispositifs de surveillance et de contrôle du gouvernement, et qu’ils contribuent de la sorte à responsabiliser les élites. Il importerait également qu’ils concourent à la tenue de débats pluralistes concernant les affaires publiques, ce qui doit permettre d’instaurer un nouveau mode de confrontation entre opinions antagonistes dans l’espace public. Les médias auraient aussi pour fonction de diffuser et de valoriser une culture civique en harmonie avec les principes démocratiques.

Ces fonctions, lorsqu’elles sont mobilisées, permettent de cibler ce qui dévoie ou compromet la transition médiatique et, ainsi, d’évaluer la contribution des médias au passage d’un système autocratique à un État de droit. Pour remplir ces fonctions, les médias devraient d’ores et déjà être engagés dans des processus de réforme dont ils sont l’objet (e.g.: réformes législatives les concernant, actions des acteurs internationaux, etc.) autant que les artisans (e.g.: restructuration en interne, nouvelles pratiques professionnelles, etc). Cependant, cette réforme se heurte à la continuité de l’héritage de l’ancien régime, sur fond de crise et d’incertitude structurelle touchant, en particulier, les légitimités et les représentations professionnelles.

Ce colloque ambitionne d’interroger les conditions et les logiques de l’évolution des médias tunisiens en contexte transitionnel. Celles-ci peuvent être analysées à partir de quatre dimensions essentielles des systèmes médiatiques contemporains, définies par Daniel C. Hallin et Paolo Mancini[1]. Il s’agit nommément 1) du degré et de la nature de l’intervention de l’État dans le secteur médiatique, 2) du “parallélisme politique”, c’est-à-dire le degré d’autonomie et d’interdépendance entre sphères politiques et cercles médiatiques, 3) de la structuration des marchés médiatiques, 4) de la (re)professionnalisation des journalistes.

Ces dimensions ont été formalisées dans l’étude de systèmes médiatiques évoluant dans un environnement politico-institutionnel stabilisé. Il s’agira, dans le cadre de ce colloque, de reprendre ces mêmes dimensions, qui feront l’objet de panels spécifiques, et de questionner par leur moyen la transition médiatique tunisienne. Aussi les participants sont-ils invités à s’inscrire dans ces panels en problématisant leur objet en terme de rupture et de continuité et, lorsque cela est possible, à envisager les conséquences des conflits entre anciennes et nouvelles légitimités sur l’évolution du secteur médiatique tunisien.

AXE 1 : Degré et nature de l’intervention de l’État tunisien dans le système médiatique 

Sous le régime Ben Ali, le secteur médiatique était soumis aux desiderata du clan au pouvoir, lequel présidait à son développement en fonction des prédations économiques de ses membres, et des grandes lignes de la propagande d’État. Avec la transition, l’État tunisien a été appelé à jouer un rôle nouveau d’arbitrage et de régulation du secteur. Ce panel a pour objectif de sonder les conditions de passage d’un système à un autre, et les logiques qui ont présidé à la reconfiguration de l’espace médiatique, dans une certaine méfiance vis-à-vis de l’acteur étatique. Tout l’enjeu réside en effet dans la définition de la juste place revenant à l’État, et du degré et de la nature de son intervention dans le système médiatique, notamment dans les domaines de sa réglementation (Code de la presse, aménagements du Code pénal), de l’encadrement de la profession (instances de régulation, structures syndicales), ou encore de la production d’information (radios et T.V nationales, presse écrite publique, et agence de presse nationale).

Quels choix politiques ont été faits en Tunisie pour clarifier les relations entre forces économiques, forces politiques et médias ? Quelles orientations ont été privilégiées dans la régulation du secteur ? Quel(s) référentiel(s) ont été retenus pour redéfinir les politiques publiques de l’État dans le secteur médiatique tunisien ? Quelles réformes ont été adoptées pour favoriser l’émergence d’un système d’information orienté vers le public, et selon quelle définition du « service public » ?

AXE 2 : « Parallélisme politique » : autonomie du secteur médiatique et relations d’interdépendance avec les sphères politiques 

En empruntant à Hallin et Mancini l’expression de “parallélisme politique”, ce panel vise à questionner l’autonomie des milieux médiatiques par rapport aux sphères politiques, ainsi que leurs relations d’interdépendance. Interroger ces relations implique d’identifier les diverses orientations prises par le journalisme tunisien et le rôle qu’il a rempli tant pour les régimes successifs que pour les contre-pouvoirs, notamment à travers une modélisation des pratiques et des idéaux journalistiques. Quelles ont été les grandes traditions journalistiques en Tunisie, de l’indépendance au mouvement révolutionnaire de 2011 ? Comment, au cours de son évolution, le système médiatique tunisien a-t-il ou non incorporé la diversité des loyautés politiques ? Quels nouveaux modèles journalistiques sont apparus suite au 14-Janvier avec l’émergence des légitimités postrévolutionnaires ?

Avec la chute de l’ancien régime, des acteurs politiques émergents ou résurgents ont pu se confronter dans l’espace public médiatique. Il s’agit, en prenant acte du réagencement de l’échiquier politique tunisien, de déterminer la nature des liens qui se tissent à présent entre ces acteurs et les médias. Quelles connections sont observables entre médias et partis politiques, et selon quelles logiques ? Quels dispositifs de distanciation des rapports entre politiques et journalistes sont apparus après la “révolution”, et avec quels effets ?

AXE 3 : La structure du marché des médias en Tunisie

Avec l’impulsion de l’effervescence contestataire et la disparition des dispositifs de contrôle des médias, de nouveaux organes de presse, des radios et des chaînes de télévision ont vu le jour. Ainsi de nouveaux acteurs ont-ils saisi l’opportunité du changement de régime pour tenter de se positionner sur le marché des médias. Certains d’entre eux ont disparu, étant dans l’incapacité de trouver leur public, ou de produire et suivre un modèle économique viable. Prenant acte de ce constat, ce panel vise à interroger les effets et les opportunités des dynamiques de la période postrévolutionnaire sur la structure du marché des médias en Tunisie. Dans quelle mesure y a-t-il lieu de parler d’une “restructuration” de ce marché ? Au moyen de quelles dispositions (politiques, législatives), et en visant quelles audiences, de nouveaux médias ont-ils vu le jour ? Comment analyser la pérennité de certains acteurs  et la disparition des autres ?

Les transitions démocratiques engagent également la rénovation du rapport entre les médias et leurs publics. Certains éléments de la connaissance de ces publics étaient en effet ignorés et proscrits par le système de censure et de propagande sous l’ancien régime. Dans le cas tunisien, dans quelle mesure peut-on attester d’une réorientation par les industries médiatiques de leurs relations aux publics ? Quels rôles joue cette réorientation dans les processus de communication politique et sociale ? Dans quelle mesure l’évolution du marché de la mesure d’audience peut-elle être associée au contexte de la transition, et en quoi cette évolution conditionne-t-elle un nouveau rapport aux publics ?

AXE 4 : Professionnalisation du journalisme tunisien

La professionnalisation, ou reprofessionnalisation, du journalisme dans un contexte transitionnel se pose de manière singulière au regard du contrôle qui s’exerçait sur le secteur sous l’ancien régime. Dans le cas tunisien, la mise sous tutelle des journalistes  a contribué à ordonner les pratiques selon des logiques avec lesquelles il importe désormais de rompre. Cette rupture est contemporaine d’une crise des représentations professionnelles, crise à travers laquelle les acteurs se confrontent en mobilisant de nouvelles normes et légitimités. Comment se traduit dans les faits cet impératif de rupture, et quels modèles du “bon” journalisme sont désormais mobilisés par les journalistes tunisiens ? Quels normes et standards professionnels sont importés en Tunisie, notamment à travers l’assistance aux médias proposée par les acteurs internationaux, et dans quelle mesure sont-ils adaptables aux réalités nationales ? Ces normes et standards font-ils l’objet d’une adaptation locale ou sont-ils purement et simplement absents des pratiques professionnelles des journalistes tunisiens ?

Avec le changement de régime et la libéralisation du secteur médiatique de nouveaux médias dits “associatifs”, citoyens” ou “alternatifs” ont vu le jour en Tunisie, notamment dans des régions où la presse était peu développée. Des stratégies de fermeture professionnelle sont-elles observables chez les tenants “autorisés” du journalisme en Tunisie vis-à-vis de ces nouveaux acteurs ?  Dans quelle mesure ces nouvelles marges sont-elles intégrées aux domaines de la profession ?

[1]Hallin D.C., Mancini P., Comparing media systems, Cambridge, Cambridge UniversityPress, 2004.

Bibliographie indicative

  • Banegas R., « Les transitions démocratiques : mobilisations collectives et fluidité politique », Culture et conflits, 12, 1993, pp. 105-140.
  • Chouikha L., « L’audiovisuel en Tunisie: une libéralisation fondue dans le moule étatique”, L’Année du Maghreb, CNRS Éditions, 2006, pp. 549-558.
  • Dobry M., « Les voies incertaines de la transitologie : choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de pathdependence », Revue française de science politique, 50e année, 4-5, 2000, pp. 585-614.
  • El Bour H. (dir.), Médias publics arabes et transitions démocratiques, Tunis, Institut de Presse et des Sciences de l’Information, Konrad-Adenauer-Stiftung, 2013.
  • Hallin D.C., Mancini P., Comparing media systems, Cambridge, Cambridge UniversityPress, 2004.
  • Harvey M. (dir.), Media Matters, Perspectives on advancinggovernance and developmentfrom the global forum for media development, Internews Europe, 2009.
  • Jakubowicz K., Sükösd M. (dir.), Finding the right place on the map: central and easterneuropean media change in a global perspective, Bristol, IntellectBooks, 2008.
  • Norris P. (dir.), Public sentinel, news media and governancereform, Washington, World Bank, 2010.
  • Randal V. (dir.), Democratization and the media, New York, Franck CassPublishers, 2005.
  • Voltmer K.,  « Comparing media systems in new democracies : East meetssouthmeetswest», Central european journal of communication, 1, 2008, pp. 23-40.
  • Voltmer K.,The media in transitionaldemocracies, Cambridge, Politypress, 2013.
  • Price M.E., Rozumilowicz B., Verhulst S.G., (dir.), Media reform : democratizing the media, democratizing the state, Londres, Routledge, 2002.

Modalités de soumission

Ce colloque à caractère interdisciplinaire, réunira des contributions issues des sciences de l’information et de la communication, des sciences politiques, de sociologie, d’histoire, d’anthropologie, des études juridiques, etc. Les auteurs sont invités à soumettre une proposition de communication en français ou en anglais (4000 caractères espace compris) aux trois adresses suivantes :

  • Enrique Klaus : enrique.klaus@irmcmaghreb.org
  • Olivier Koch : koches1@yahoo.fr
  • Clément Perarnaud: clement.perarnaud@irmcmaghreb.org

jusqu’au15 avril 2015.

La validation des propositions sera communiquée le 30 avril 2015.

Le colloque aura lieu du 28 au 30 mai 2015 à la Tunis.

Les articles seront soumis à une double évaluation par deux experts anonymes. Les actes du colloque feront l’objet d’une publication en anglais et en français.

Comité scientifique

  • Abdel Benchenna, Université Paris 13.
  • Bertrand Cabeboche, Université Stendhal Grenoble 3.
  • RiadhFerjani, Institut Supérieur des Arts Multimédias de la Manouba, Tunis.
  • Abdelkrim Hizaoui, Institut de Presse et des Sciences de l’Information de la Communication, Tunis.
  • Olfa Lamloum, International Alert.
  • Dominique Marchetti, CNRS, Centre Jacques Berque.
  • Tristan Mattelart, Université Paris 8.
  • Imed Melliti, Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, Université de Tunis El Manar.
  • KatrinVolmer, Université de Leeds.
  • Ben Wagner, Université de Pennsylvanie 1.

Organisateurs

  • Enrique Klaus, IRMC.
  • Olivier Koch, IRMC / Labsic.
  • Clément Perarnaud, IRMC

Lieux

  • Tunis, Tunisie

Dates

  • mercredi 15 avril 2015

Mots-clés

  • média, transition démocratique, Tunisie, politique, journalisme

Contacts

  • Olivier Koch
    courriel : koches1 [at] yahoo [dot] fr
  • Clément Perarnaud
    courriel : clement [dot] perarnaud [at] irmcmaghreb [dot] org
  • Enrique Klaus
    courriel : enrique [dot] klaus [at] irmcmaghreb [dot] org

URLS de référence

Source de l'information

  • hayet naccache
    courriel : hayet [dot] naccache [at] irmcmaghreb [dot] org

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les médias dans la transition démocratique tunisienne », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 31 mars 2015, https://doi.org/10.58079/sdd

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