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Gamification du travail

The game-ification of work

Modalités, effets, fonctions et limites de la translation du jeu au travail

Modes, effects, functions and limits of game translation at work

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Publié le jeudi 02 avril 2015

Résumé

Lors de ce colloque, nous souhaitons mettre à l’étude et en débat la notion de gamification en contexte professionnel. En quoi consiste la gamification du travail ? Quelles sont ses formes principales et les éléments de sa structure, puisqu’elle est censée en dupliquer une ? Qu’est‐il importé du jeu (formes, fonctions mais aussi affects) qui deviendrait opératoire pour l’organisation du travail ? La gamification se réduit‐elle à une seule « pointification » (Robertson, 2010) ou agrège‐t‐elle des principes ludiques autres que les points ou de gain aux process de travail ?

Annonce

Argumentaire

Ces toutes dernières années ont vu naître un intérêt nouveau pour les relations entre « travail et loisirs »[1] ou encore pour le transfert de procédés issus du jeu vidéo dans d’autres secteurs que celui des loisirs[2] sans oublier l’intérêt toujours croissant porté aux serious games.

Peu à peu se précise dans le champ scientifique l’intérêt pour la « ludification », que l’on définira  comme l’extension de procédés ou registres ludiques à d’autres domaines que le jeu (Picard, 2009, Bonenfant et Genvo, 2014), et la « gamification », que l’on définira, à la suite de Deterding et al., comme « l’usage d’éléments de gamedesign dans des contextes autres que de jeu » (Deterding, 2011 - traduction libre). La ligne de fracture entre ces deux concepts peut obéir à la distinction opérée en langue anglaise entre le play et le game ou encore, à la suite de Roger Caillois (1967), entre la paidia et le ludus. Seront fréquemment opposés l’attitude ou l’expérience ludique et le jeu sous ses aspects structurels. Quatre éléments sont censés structurer les procédés de gamification : un but, des règles, un système de feedback et une participation volontaire (Mc Gonigal, 2011). Les champs d’application de la gamification s’avèrent donc multiples : recherche, pédagogie, marketing, ressources humaines, sensibilisation  et sont, dans ce cadre, investis par les principes de scores, niveaux, récompenses, challenges, etc. 

A ce jour, la question de la gamification reste à considérer dans ses relations au travail, et plus particulièrement sous l’aspect des usages du jeu par le management au sein des organisations. Si la sociologie du travail a su étudier le jeu sur les lieux de travail à des fins de distraction - pour pallier  l’ennui ou la monotonie (Roy, 1960, Burawoy, 1979) -  ou de maintien des conditions propices à la vigilance au travail (Dessors, 2009), elle s’est dans une moindre mesure intéressée au sens social et organisationnel de l’importation par le management des structures de jeu vers celles de l’organisation du travail, et encore à l’heure actuelle les études demeurent isolées (Stéphane Le Lay, Duarte Rolo, 2014 et Brody, Aymeric, Roucous, Nathalie, 2013). Kapplas, cartes, légos, théâtre d’entreprise, jeux de rôles, challenges internes, compétitions sont aujourd’hui mobilisés dans l’entreprise, sans oublier les serious games qui constituent en effet une part importante des usages du jeu, comme le montrent les récentes études menées par Allal Cherif et Makhlouf (2015) sur les entreprises du CAC.  Pour autant le fort intérêt pour les serious games ne saurait occulter les nombreuses autres formes et modalités de jeu mobilisées dans les organisations de travail. Les jeux de carte traditionnels (de type solitaire) existent toujours, mais sont désormais présents sur l’écran d’ordinateur et en réseau. Le jeu est aussi une technique de communication interne : jouer pour fédérer et motiver les équipes, pour faire adhérer au projet de l’entreprise.

Si jeu et travail, comme il a souvent été souligné, ont été longtemps (et culturellement en Occident) pensés comme des activités, lieux et espaces antagoniques, il peut être judicieux dans une perspective de saisie du concept et de compréhension des mécanismes professionnels, de comprendre les éléments sélectionnés dans les principes et pratiques ludiques, et importés en milieu professionnel. Les communications pourront  dès  lors  d’analyser les processus de réinterprétation effectués du jeu au travail et du travail au jeu, et d’autant plus que l’anthropologie (Roger Bastide, 1971) mais aussi la psychologie sociale (Serge Moscovici, 1961) montrent combien quand des traits sont importés d’un univers social à l’autre (principes d’acculturation comme d’innovation ou de modifications des représentations sociales), les éléments importés s’articulent d’autant mieux que les formes sont proches ou les contenus rattachables à des contenus existant.

Questionnements :

Lors de ce colloque, nous souhaitons mettre à l’étude et en débat la notion de gamification en contexte professionnel. En quoi consiste la gamification du travail ? Quelles sont ses formes principales et les éléments de sa structure, puisqu’elle est censée en dupliquer une ? Qu’est‐il importé du jeu (formes, fonctions mais aussi affects) qui deviendrait opératoire pour l’organisation du travail ? La gamification se réduit‐elle à une seule « pointification » (Robertson, 2010) ou agrège‐t‐elle des principes ludiques autres que les points ou de gain aux process de travail ?

  1. Seront étudiés les modalités du jeu en entreprise : challenges, jeux de simulation, jeux d’équipes, etc. en croisant objets des jeux (recrutement, évaluation, actions commerciales, intercompréhension, savoir‐être etc.), formes des jeux (jeu de rôles, jeux d’interface, kappla et légos, compétitions…) et populations mobilisées pour ces jeux (qui décide, qui fait, qui joue en posant l’hypothèse que les catégories hiérarchiques et professionnelles ne sont pas invitées à jouer aux mêmes jeux).
  2. Seront également étudiées les fonctions prêtées au jeu par ceux qui en décident et l’organisent en milieu de travail mais aussi ceux qui le pratiquent : attendus en termes d’objectifs, de motivation, d'expérimentation, d'intercompréhension et d'interconnaissance, d’entraînement etc. mais aussi, pourrions-nous dire, ses fonctions « organisantes » : circulation des normes, régulation des comportements, banalisation des pratiques managériales par la dimension régulée et fictionnelle du jeu.
  3. Enfin, la question du cadre fictionnel propre au jeu (Bateson, 1977 mais aussi Henriot, 1989) sera centrale pour comprendre les dérivations du cadre de référence au cadre fictionnel et ce que ce glissement permet. En effet quel « cadre de l’expérience » (Goffman, 1991) se forme quand s’agrègent des référents ludiques au contexte professionnel ?

Ces trois axes de questionnement ne prétendent pas rendre compte de l'ensemble des questions à aborder et le comité scientifique étudiera avec bienveillance toute proposition qui ne renverrait pas immédiatement à l'un de ces trois axes.

Les études empiriques seront favorisées pour ce colloque  mais les perspectives historiques sur le jeu en entreprise seront également sollicitées.

Les disciplines retenues seront la sociologie, l’anthropologie, les sciences de la communication, les sciences de gestion, l’histoire, les sciences de l’éducation.

Notes

[1] Celsa, juin 2014

[2] Interfaces numériques 3/2014 dédié aux « Approches critiques des disséminations vidéoludiques » ; Sciences du jeu consacré à « Questionner les mises en forme ludiques du web : gamification, ludification et ludicisation »

Bibliographie indicative

  • Allal-Chérif O., Makhlouf M. (2015). "Serious Games and Their Use in HRM: A Typology of Uses in CAC40 Companies", HICSS International Conference on System Sciences, Kauai, Hawaii, USA, January 5-8.
  • Bastide, R. (1971). Anthropologie appliquée, Paris, Payot.
  • Bateson, G. (1977). Vers une écologie de l’esprit, vol.1 & 2, Seuil, Paris.
  • Bonenfant, M., Genvo, S. (2014). «Une approche située et critique du concept de gamification», Sciences du jeu [En ligne], Questionner les mises en forme ludiques du web : gamification, ludification et ludicisation, mis \E0 jour le : 24/10/2014, URL :http://www.sciencesdujeu.org/index.php?id=7277.
  • Brody, A., Roucous, N. (2013). “Le paradoxe des serious games: des jeux sans joueurs?”,
  • in Berry V. & Seurrat A. dir. à paraître.
  • Burawoy, M. (1979). Manufacturing Consent: Changes in the Labor Process Under Monopoly Capitalism, Chicago: University of Chicago Press.
  • Burawoy, M. (2008). “Le process de production comme jeu”, Tracés, 14, pp.197‐219.
  • Caillois, Roger (1967). Les jeux et les hommes, Gallimard, Paris.
  • Dessors D. ([1991] 2009). « L'intelligence pratique », Travailler, 21, 61‐68.
  • Deterding S., Dixon D., Khaled R., & Lennart N. (2011). « From Game Design Elements to Gamefulness: Defining “Gamification” », MindTrek’11, pp. 9‐15.
  • Henriot, J. (1989). Sous couleur de jouer. La métaphore ludique, José Corti, Paris.
  • Le Lay, S., Rolo, D. (2014). « Les pratiques ludiques au travail : un monde comme si ou comme ci ? », communication au colloque Travail et Loisirs, Celsa, Paris, juin 2014.
  • McGonigal Jane (2011), Reality is Broken: Why Games Make Us Better and How They Can Change the World, Penguin books, NY.
  • Moscovici, S. (1961). La psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF.
  • Picard M. (2009), « Les influences mutuelles du cinéma et du jeu vidéo », Entretien pour parolecitoyenne.org, en ligne :
  • http://parolecitoyenne.org/blogs/wp-content/uploads/2009/02/cinema-et-jeu-video-m-picard.pdf
  • Robertson, M. (2010). Can’t play, won’t play. Retrieved January 25, 2014, from http://hideandseek.net/2010/10/06/cant-play-wont-play/

Procédures de soumission

Les propositions de communication (3.000 à 5.000 signes) doivent être adressées

avant le 15 mai,

par voie électronique, à :

  • emmanuelle.savignac[at]univ-paris3.fr
  • lenelfr[at]yahoo.fr

Toute intention de communication est soumise à l’avis du Comité scientifique du colloque, en lecture double aveugle. Le rendu des évaluations aura lieu mi-juin.

Date et lieu du colloque : 20/11/2015 Paris,

Comité scientifique

  • Yanita Andonova (Université Paris 13, LabSic)
  • Gilles Brougère (Université Paris 13, Experice)
  • Marie-Anne Dujarier (Université Paris 3, CNAM-Lise)
  • Pierre Lénel (CNAM, Lise)
  • Anne Monjaret (CNRS -EHESS - IIAC-LAHIC)
  • Emmanuelle Savignac (Université Paris 3, CERLIS)
  • Aude Seurrat (Université Paris 13, LabSic)
  • Thierry Wendling (CNRS -EHESS - IIAC-LAHIC)

Comité d’organisation

  • Yanita Andonova (Université Paris 13, LabSic)
  • Pierre Lénel (CNAM, Lise)
  • Anne Monjaret (CNRS -EHESS - IIAC-LAHIC)
  • Emmanuelle Savignac (Université Paris 3, CERLIS)
  • Aude Seurrat (Université Paris 13, LabSic)

Lieux

  • Université Paris 3 Sorbonne nouvelle
    Paris, France (75)

Dates

  • vendredi 15 mai 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • gamification, management, travail, jeu, serious games

Contacts

  • Emmanuelle Savignac
    courriel : emmanuelle [dot] savignac [at] sorbonne-nouvelle [dot] fr

Source de l'information

  • Emmanuelle Savignac
    courriel : emmanuelle [dot] savignac [at] sorbonne-nouvelle [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Gamification du travail », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 02 avril 2015, https://doi.org/10.58079/sdr

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