AccueilRencontres annuelles d'ethnographie de l'EHESS

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Rencontres annuelles d'ethnographie de l'EHESS

EHESS Annual Ethnography Meeting

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Publié le lundi 20 avril 2015

Résumé

S’inspirant de l’exemple de la Chicago Ethnography Conference, qui réunit chaque année, depuis 17 ans, des doctorant.e.s des universités de la ville, l’idée des rencontres annuelles d’ethnographie de l’EHESS est née du constat de la quantité et de la diversité de travaux menés par des doctorant.e.s et des jeunes chercheur.e.s issu.e.s de différentes disciplines des sciences sociales et qui recourent à l’enquête ethnographique. Conçues pour donner une plus grande visibilité à ces recherches et pour stimuler la réflexion autour de la méthode ethnographique, les premières rencontres se sont tenues en novembre 2014. Suite au succès rencontré par ces dernières, les 14 et 15 octobre 2015 se tiendra la deuxième édition des rencontres annuelles d'ethnographie de l'EHESS à Paris.

Annonce

Critères de sélection

Nous invitons les doctorant.e.s et jeunes chercheur.e.s à proposer des communications originales qui se fondent sur une pratique ethnographique rigoureuse. Les communications s’appuyant uniquement sur l’analyse d’entretiens ou de documents ne pourront être retenues. Chaque communication durera 20 minutes et sera suivie d’une discussion par un.e chercheur.e confirmé.e ainsi que par une discussion générale avec l’auditoire.

Calendrier

  • deadline : Avant le 8 mai 2015

  • Autour du25 mai 2015 : notification aux participant.e.s des acceptations.
  • Avant le5 septembre 2015 : envoi des communications écrites aux organisateurs/trices (20 000-25 000 signes maximum).
  • 14-15 octobre 2015 : tenue de Deuxième Édition des Rencontres Annuelles d'Ethnographie de l'EHESS.

Modalités de soumission

Envoi aux organisateurs/trices de l’atelier choisi, des propositions sous la forme d’un résumé de l’argument de 3000-5000 signes comprenant un descriptif de la démarche ethnographique adoptée et des données exploitées, ainsi que cinq mots-clés. Les noms, prénoms, affiliation(s) et statuts des auteur.e.s sont également à faire figurer dans le document.

Contacts

  • Pour davantage d'information : http://rae.hypotheses.org/
  • Pour toute information d’ordre général, écrire au Comité d’organisation : rae2015ehess@gmail.com.
  • Pour toute question relative à un atelier, s’adresser directement aux organisateurs/trices concerné.e.s, dont les coordonnées figurent dans les appels à communication ci-joints.

Liste des ateliers

Les ateliers suivis d'un astérisque acceptent les communications en anglais. Voir ci-dessous ou l'appel à communication en pièce jointe pour le descriptif de chaque atelier.

  1. Comparer en ethnographie / Comparison in ethnography*
  2. Ethnographier le politique dans la ville / Ethnographies of Urban Politics
  3. Ethnographier l’action publique localisée dans un monde « globalisé » / Ethnographies of Local Public Action in a “Globalized” World
  4. En quête du temps : comment faire des rapports au temps un objet d'enquête ? / In Search of Time: How to Turn Relations to Time into an Object of Study?
  5. Ethnographier les restructurations économiques en clair-obscur : approcher le travail par ses à-côtés / The (In)Visible in Economic Downsizing: Ethnographies of Work in Chiaroscuro*
  6. Ethnométhodologie, analyse conversationnelle et ethnographie : des affinités sélectives ? / Ethnomethodology, Conversation Analysis and Ethnography: Selective Affinities?*
  7. Enquêter sur les mobilisations collectives / Investigating Social Movements Through Ethnography*
  8. Terrains « clivés » : l’ethnographe entre gouvernants et gouvernés / “Cleaved” Fieldworks: The Ethnographer Between the Governing and the Governed
  9. Ethnographie des problèmes publics : la question des troubles « récalcitrants » / Ethnography of Public Problems: On the Question of “Recalcitrant” Troubles*
  10. Les enjeux du silence. Pour une analyse critique des relations d'enquête dans la production du savoir anthropologique / Silence at stake. For a critical analysis of fieldwork relationships in the production of anthropological knowledge*
  11. Ethnographier l'invisible, dire l'indicible : les gestes et les savoir-faire dans les activités techniques / Observing the Invisible, Speaking the Unspeakable: Bodily Practices and Skills in Technical Activities*
  12. La centralité de l'image dans les pratiques ethnographiques : d'une ethnographie par l'image aux images qui font l'ethnographie / The Centrality of Images in Ethnographic Practices: from an Ethnography of Images to the Images that Create Ethnography*

Comité d’organisation

  • Daniel Cefaï (EHESS-CEMS),
  • Eloi Ficquet (EHESS-CEIFR),
  • Giulia Battaglia (Musée du Quai Branly, University of London-SOAS),
  • Lucie Bonnet (EHESS-Centre Georg Simmel),
  • Doris Buu-Sao (Sciences Po-CERI),
  • Sarah Carton de Grammont (EHESS-IIAS-LAOIS),
  • Giovanna Cavatorta (EHESS-IRIS),
  • Pauline Clech (OSC, Sciences Po),
  • Mischa Dekker (EHESS/IMM-LIER),
  • Adeline Denis (EHESS-ENS-CMH),
  • Marie Du Boucher (EHESS-CESSP-CSE),
  • Elsa Favier (EHESS-CMH-ETT),
  • Marie Ghis Malfilatre (EHESS- CEMS),
  • Maria Voichita Grecu (EHESS-CMH-ETT),
  • Linda Haapajärvi (EHESS-CMH-ERIS),
  • Mathieu Hocquelet (Freie Universität Berlin, Center for Area Studies),
  • Marion Ink (EHESS-CEMS),
  • Pauline Jarroux (EHESS-Centre Norbert Elias),
  • Yaël Kreplak (Labex CAP et EHESS-CEMS),
  • Clémence Léobal (EHESS-IRIS et Paris V-CERLIS),
  • Chloé Mondémé (GEMASS-Paris IV),
  • Chiara Pilotto (EHESS-IRIS),
  • Perrine Poupin (EHESS-CERCEC-CEMS),
  • Nicole Rodda (EHESS-GRAC et CETOBaC),
  • Céline Ségalini (LAM-IEP Bordeaux),
  • Carlotta Tavormina (IPHES-URV),
  • Delphine Thivet (EHESS-CMH-PRO/IRIS),
  • Guillermo Vargas Quisoboni (EHESS-LAS).  

Argumentaire des ateliers

1. Comparer en ethnographie*

 Atelier organisé par Linda HAAPAJÄRVI et Marion INK

Les méthodes ethnographique et comparative reposent sur des fondements disciplinaires, épistémologiques et méthodologiques à tel point différents que l’idée même d’« ethnographie comparée » laisse souvent perplexe. Traditionnellement, l’ethnographie donne la primauté à la singularité d’un cas particulier, étudié d’une manière inductive, en contact direct avec les enquêtés et sur un temps long. Les racines sociologiques de la méthode comparative assimilent la comparaison en sciences sociales plutôt à un exercice d’expérimentation ou de modélisation selon une méthode de raisonnement hypothético-déductive.

Nous inviterons les communicant(e)s à faire part de leurs expériences concrètes de la pratique de l’enquête de terrain à dimension comparative. Le mode de comparaison entrepris restera ouvert. Nous pourrons parler d’ethnographie comparée, combinatoire, multi-située, avec des comparaisons synchroniques comme diachroniques. Les recherches pourront tout autant avoir comme objet l’analyse des sites, des groupes, des interactions, des pratiques des processus sociaux, etc. Il sera essentiel d’intégrer des matériaux empiriques dans la présentation qu’il s’agisse de notes de terrains, de photos, de cartes ou d’autres supports. Les présentations nous donneront ainsi à voir la façon dont le chercheur a pratiqué la comparaison.

Nous encourageons les communicant(e)s à réfléchir sur le rapport entre la comparaison en ethnographie et la formation des arguments théoriques. Pour ce faire, il nous semble essentiel de traiter de la question des choix de terrains d’enquête. Selon quels critères les différents terrains ont-ils été sélectionnés? Qu’est-il attendu du contrôle des attributs des différents terrains et comment cela participe-t-il de la théorisation? A-t-il pour finalité, par exemple, de faciliter la montée en généralité ou la formulation des explications causales? Si la considération de ces critères révèle l’existence d’un ensemble d’hypothèses formulées a priori de l’enquête, quels en sont les répercussions sur l’approche inductive habituellement adoptée par les ethnographes? Nous pourrons ainsi discuter en quoi la comparaison a-t-elle été révélatrice et indispensable dans la démarche analytique.

De plus, l’enquête ethnographique constitue une expérience sociale singulière du chercheur puisqu’elle implique un rapport subjectif au terrain et aux enquêtés, inscrit dans une écologie limitée dans le temps et l’espace. La comparaison dramatise d’autant plus ces questionnements quelle nécessite la mobilité du chercheur. En effet, cela l’amène à aborder ses terrains à des moments différents pour chacun d’entre eux, et à différentes étapes de conceptualisation de l’objet. Comment évaluer alors les influences de cette expérience située sur la pratique empirico-analytique?

Dans cette perspective, il sera également possible de proposer une communication à plusieurs auteur(e)s. Nous pourrons ouvrir la discussion sur la comparaison de plusieurs observations ethnographiques menées, simultanément ou en différé, sur un même terrain.

Les propositions sont à transmettre à : Linda HAAPAJÄRVI (linda.haapajarvi@ehess.fr) et Marion INK (marion.ink@ehess.fr)

2. Ethnographier le politique dans la ville

Atelier organisé par Lucie BONNET, Sarah CARTON DE GRAMMONT et Pauline CLECH

Support de toutes les utopies ou supposé creuset de tous les maux de la société, la ville se conçoit à l’horizon de la cité ou de la communauté politique. On entend ici ou là, dans des circulations poreuses et des réinterprétations souvent douteuses des savoirs des sciences sociales, qu’il nous faudrait moins de « ghettos » et de « quartiers de relégation », plus de « mixité »... Après les « cités-jardins » et les « villes nouvelles », voici venu le temps des « éco-quartiers », de la « ville durable »... Ces discours et les actions qu’ils entraînent (ou non) sont en eux-mêmes des rapports de pouvoir. Autrement dit, on observe toutes sortes de mises en politique(s) de l’urbain, et toutes sortes de mises en urbain du politique –apparaissant parfois aussi comme autant de formes d’euphémisation ou de « dépolitisation » du politique. Et pourtant, la ville est aussi ce qui semble si rétif à toute maîtrise politique.

Nous souhaitons adopter ici une définition large du politique, excédant les politiques urbaines à proprement parler. Le politique n’est pas exclusivement le lieu où agissent des professionnels de la politique (experts, élus), mais constitue aussi un rapport au monde où prévalent la désingularisation et la conflictualité des expériences (Duchesne, Haegel, 2004 ; Hamidi, 2006). La ville peut aussi être vue en tant que scène privilégiée du pouvoir, de la circulation de ses objets, de ses images, de sa performativité. Elle cristallise des points d’articulation ou de tension entre la « grande » scène et la « petite », par où se saisir de l’intimité du politique, de son quotidien, de son incarnation ordinaire.

C’est donc le politique dans la ville, saisi par l’ethnographie de situations très diverses, que nous souhaitons interroger dans cet atelier. En quoi une telle approche permet-elle ou non de mettre au jour du politique là où il aurait pu passer inaperçu, ou de le rendre plus intelligible ? Nous ne cherchons pas une ontologie ou une spécificité du politique « en milieu urbain », mais plutôt à cerner en quoi une approche ethnographique par le politique peut éclairer nos connaissances sur les espaces urbains – et en quoi une approche ethnographique de l’urbain peut éclairer le politique dans le contemporain. Nous proposons – de manière non exhaustive – quatre axes de réflexion.

Un premier axe consisterait à se demander comment la politique institutionnelle se saisit de la ville. Comment les politiques entendent-ils régir l’espace urbain, la façon dont il est pratiqué, habité ou évité ? Cela suppose de considérer comment ceux qui conçoivent ces politiques vont nommer ces espaces, en identifier les qualités pertinentes, en caractériser les populations, délimiter les conduites à y accueillir ou proscrire. L’ethnographie peut donner à comprendre comment se fabriquent concrètement les politiques qui vont régir la vie des citadins. En quoi l’ethnographie permet-elle d’expliciter les formes de jugement engagées, de les mettre en relation avec les appartenances sociales des acteurs impliqués, en croisant les rapports sociaux de classe, de race, de genre ou de génération ? L’ethnographie permet aussi d’analyser la mise en œuvre des politiques urbaines. Comment les acteurs en charge de la réalisation de ces politiques vont-ils composer ou se confronter à des pratiques qui se situent dans un écart parfois extrême par rapport à la manière dont leurs interventions ont été conçues ? En quoi l’approche ethnographique éclaire-t-elle les traductions, les réceptions, les tensions dont la mise en œuvre de ces politiques fait l’objet ?

À l’inverse, plutôt que d’analyser comment des « mises en politiques de l’urbain » se saisissent de lieux habités et investis d’usages différenciés, les communications pourront également s’intéresser aux formes de politisation qui s’appuient sur des formes d’ancrage et d’expérience localisées (Cefaï, Lafaye, 2001 ; Breviglieri, Trom, 2003). Comment l’appartenance à une ville, à un quartier peut-elle donner lieu à des revendications que l’on veut faire entendre publiquement ? Il peut s’agir d’étudier les dynamiques de mobilisation et de conflit autour d’espaces à protéger (zones à défendre, espaces verts, logements promis à la démolition) ou de populations marginalisées dans la ville (relogement des squats ou camps évacués).

Il peut s’agir également d’analyser en quoi la qualification de lieux et leur matérialité même peut donner « matière à politique », à travers un travail de subjectivation, de mise en récit et d’écriture de soi. Nous aimerions ouvrir la discussion à des travaux portant sur des formes moins visibles du politique dans la ville, ou ne visant pas explicitement une reconnaissance institutionnelle. Sur des formes d’émancipation qui vont s’inscrire dans des espaces urbains, que l’on pense aux étayages de la ville relationnelle (Agier, 1999), aux ressources que procurent une ancienneté de résidence ou un ancrage familial dans un territoire donné (Retiere, 2003 ; Renahy, 2010), ou à l’inverse, aux vertus de l’anonymat. Le politique se niche aussi dans les dispositifs sécuritaires, la conflictualité des rapports de voisinage, des formes de passage à la violence prenant appui sur « de la ville ». Il s’observe dans des situations marchandes, festives, culturelles, cultuelles.

Un autre axe de questionnement peut s’attacher à étudier comment sont fabriqués des espaces de/du pouvoir. Que ce soit par la production de bâtiments ou de lieux emblématiques, ou que ce soit par l’investissement populaire, éventuellement contestataire, de tels espaces. On pense ici à des formes symboliques d’occupation provisoire (meetings, manifestations, carnavals) ou plus pérenne (squats politiques, campements), ou à des formes de subversion de la matérialité urbaine (pratiques ludiques ou sportives, marquages divers – tags, graffs... – « sub-cultures urbaines » se présentant plus ou moins explicitement comme des contre-cultures...).

Les communications pourront inclure un retour méthodologique et épistémologique sur la démarche ethnographique : comment s’articulent les différentes échelles, quelles limites, biais et comment les dépasser, comment introduire le temps long dans l’analyse…

Bibliographie indicative

  • Breviglieri M., Trom D. (2003), « Troubles et tensions en milieu urbain. Les épreuves citadines et habitantes de la ville », in Cefaï, Pasquier (dir.), Les Sens du public, Paris, PUF, p. 399-416.
  • Duchesne S., Haegel F. (2004), « La politisation des discussions, au croisement des logiques de spécialisation et de conflictualisation », Revue française de science politique, 54, p. 877-909.
  • Hamidi C. (2006), « Éléments pour une approche interactionniste de la politisation », Revue française de science politique, 56 (1), p. 5-25.
  • Cefaï D., Lafaye C. (2001) « Lieux et moments d’une mobilisation collective. Le cas d’une association de quartier », in Cefaï, Trom (dir.), Les Formes de l’action collective. Mobilisation dans des arènes publiques, Paris, Éditions de l’EHESS, coll. « Raisons pratiques », p. 195-228.
  • Agier M. (1999), L’invention de la ville. Banlieues, townships, invasions et favelas, Amsterdam, Éditions des archives contemporaines.
  • Retiere J.N. (2003), « Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix, 16 (63), p. 121-143.
  • Renahy N. (2010), « Classes populaires et capital d’autochtonie. Genèse et usages d’une notion », Regards Sociologiques, 40, p. 9-26.

Les propositions sont à transmettre à : Lucie BONNET (lucie.bonnet@ehess.fr), Sarah CARTON DE GRAMMONT (sarah.carton-de-grammont@ehess.fr), Pauline CLECH (pauline.clech@sciencespo.fr).

3. Ethnographier l’action publique localisée dans un monde « globalisé »

 Atelier organisé par Pauline JARROUX et Céline SEGALINI

Les dynamiques d’intensification des échanges sociaux planétaires caractérisant les trente dernières années touchent aujourd’hui, bien qu’inégalement, toutes les sociétés dans bien des domaines de l’organisation sociale, politique, économique et culturelle (Abélès, 2012). En ce sens, tout chercheur en sciences sociales est confronté sur son terrain – le plus « local » et « isolé » soit-il – à un moment de sa recherche, aux effets de cette mondialisation, plus ou moins visibles, mais jamais totalement absents. La production de l’action publique est aujourd’hui, plus qu’alors, largement influencée par des schémas cognitifs plus larges, hérités de l’intégration des États dans des ensembles politiques supra-nationaux, de l’intervention croissante d’acteurs transnationaux dans la définition et la mise en œuvre des politiques locales contribuant ainsi à la diffusion de cadres globaux d’interprétations du monde (Muller, 2000).

Nombreux sont aujourd’hui les chercheurs qui, travaillant sur le « global », se sont penchés sur la question de l’articulation des échelles local/global, ou plus largement, sur les manières de saisir le « global » à partir du local (enquête multi-située de George Marcus, ethnographie globale de Michael Burawoy, étude des circulations de personnes, de la mobilité des objets, des idées, etc.).

À partir d’enquêtes portant sur la production de l’action publique (par des agents de l’État, des organisations gouvernementales ou non gouvernementales, des acteurs privés, etc.), nous souhaitons réinvestir l’échelle locale où elle se déploie en cherchant à voir comment l’ethnographie permet justement de penser ensemble le local et son imbrication dans des échelles plus larges, à partir des pratiques et représentations des acteurs. Il ne s’agit pas de chercher dans le local une représentation du « global », mais de voir plutôt comment les acteurs du local mobilisent ces référents, ces codes, ces pratiques définis à l’échelle extra-nationale dans leur gestion quotidienne des affaires publiques.

La pratique ethnographique, impliquant une longue immersion dans le quotidien des acteurs et fondée à comprendre leurs logiques de sens et d’action, apparaît comme une méthode d’enquête privilégiée pour saisir dans sa routine l’« expérience vécue » (Burawoy, 2000) de la globalisation au niveau local. Elle offre des possibilités de contourner la dichotomie local/global en montrant comment ces logiques extra-nationales prennent forme dans des configurations spécifiques et localisées de délivrance du bien public (Olivier de Sardan, 2011).

Dès lors de quels atouts l’ethnographe dispose-t-il pour « débusquer » dans des pratiques parfois routinisées, souvent diffuses, ces « jeux d’échelles » ? Comment peut-il rendre compte des phénomènes de réappropriation et donc de transformation de ces cadres normatifs à partir des pratiques des acteurs locaux ? À l’inverse, à quelles difficultés s’expose-t-il pour saisir, sans les réifier, ces dynamiques globales ? Enfin, qu’est-ce que l’ethnographie de l’action publique locale peut nous apprendre sur ces dispositifs « délocalisés » ?

Ce panel est ouvert à toute proposition traitant de l’action publique locale et de son inscription dans des logiques politiques supra-nationales, aux « Nords » comme aux « Suds ».

Bibliographie indicative

  • Abélès M. (2012), Anthropologie de la globalisation, Paris, Payot et Rivages.
  • Burawoy M. & al. (2000), Global ethnography: Forces, Connections and Imaginations in a Postmodern World, Berkeley/Los Angeles, University of California Press.
  • Marcus G. (2010), « L’ethnographie du/dans le système monde. Ethnographie multi-située et processus de globalisation » in Cefai D. (dir.), L’Engagement ethnographique, Paris, EHESS, p. 371-398.
  • Muller P. (2000), « L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique », Revue française de science politique, vol.50, n° 2, p. 189-208.
  • Olivier de Sardan J.-P. (2011), « Gouvernance locale. La délivrance de quatre biens publics dans trois communes nigériennes », Études et travaux du LASDEL, n° 95, p. 9.

Les propositions sont à transmettre à Pauline JARROUX (pauline.jarroux@gmail.com) et Céline SEGALINI (celine.segalini@yahoo.com)

4. En quête du temps : comment faire des rapports au temps un objet d'enquête ? 

Atelier organisé par Adeline DENIS, Marie DU BOUCHER et Elsa FAVIER

Des travaux ethnographiques font ressortir que des rapports différenciés au temps coexistent au sein d’une société. Cet appel à communication s’adresse à tout-e-s celles et ceux qui souhaitent réfléchir à la manière dont le temps organise les pratiques et interactions sociales, et à la façon dont le social structure les rapports au temps.

Nous encourageons les communicant-e-s à réfléchir :

  • aux processus par lesquels les individus incorporent des rapports au temps situés dans l'espace social. Plusieurs travaux ont déjà défriché cette question de la socialisation temporelle. Stéphane Beaud a décrit le « temps élastique » d’« étudiants de cité » confrontés à l’univers temporel de la fac (Beaud, 1997). Muriel Darmon a observé comment le temps s’apprend de manière différente en classe préparatoire selon l’origine sociale des élèves (Darmon, 2013). Des travaux récents étudient la transmission des passés familiaux en les reliant à des caractéristiques sociodémographiques (Billaud et al., 2015).
  • au fait que les usages et les représentations liés au temps s'inscrivent dans des rapports de pouvoir (Bensa, 1997). Les institutions créent des rythmes de vie qui s'imposent différemment selon les catégories d'individus et qui participent aux hiérarchies sociales. Historiens et sociologues ont mis en évidence les disciplines temporelles à l'oeuvre à l'école, au travail, à table, etc. (Aymard, Grignon et Sabban, 1993 ; Bourdieu, 1997 ; Foucault, 1975 ; Lazarsfeld et al., 1982 ; Thompson, 2004). Des travaux plus récents rendent compte des usages du temps de travail, entre ressource et contrainte (Lefebvre, 2014 ; Spire, 2008)
  • aux méthodes à partir desquelles il est possible de traiter ces questions, une des difficultés pour l’ethnographe résidant dans le fait que les rapports au temps ne se donnent pas directement à voir.

Ces pistes de réflexion ne sont pas exclusives.

Bibliographie indicative

  • Beaud S. (1997), « Le temps élastique. Étudiants des “cités” et examens universitaires », Terrain, n°29, p. 43-58.
  • Bensa A. (1997), « Images et usages du temps », Terrain, n°29, p. 5-18.
  • Billaud S., Gollac S., Oeser A. et Pagis J. (dir.) (2015), Histoires familiales. Production et transmission du passé dans la parenté contemporaine, Paris, Éditions de la rue d'Ulm.
  • Bourdieu P. (1997), Méditations pascaliennes, Paris, Le Seuil.
  • Darmon M. (2013), Classes préparatoires. La fabrique d'une jeunesse dominante, Paris, La Découverte.
  • Foucault M. (1975), Surveiller et punir, Paris, Gallimard.
  • Aymard M., Grignon C., Sabban F. (dir.) (1993), Le temps de manger. Alimentation, emplois du temps et rythmes sociaux, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme/Institut National de la Recherche Agronomique.
  • Lazarsfeld P. et al.l (1982) [1931], Les chômeurs de Marienthal, Paris, Minuit.
  • Lefebvre R. (2014), « Les élus comme entrepreneurs de temps. Les agendas des cumulants » in Demazière D. et Le Lidec P. (dir.), Les mondes du travail politique, Rennes, PUR.
  • Spire A. (2008), « Histoire et ethnographie d'un sens pratique. Le travail bureaucratique des agents du contrôle de l'immigration », in Arborio Anne-Marie & al (dir.), Observer le travail, Paris, La Découverte.
  • Thompson Edward P. (2004), Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, Paris, La Fabrique.

Les propositions sont à transmettre à Adeline DENIS (adeline.denis@sfr.fr), Marie DU BOUCHER (marie.duboucher@gmail.com) et Elsa FAVIER (elsa.favier@ens.fr) 

5. Ethnographier les restructurations économiques en clair-obscur : approcher le travail par ses à-côtés

Atelier organisé par Maria GRECU et Mathieu HOCQUELET

Cet atelier propose de mettre en discussion la pratique de l’enquête ethnographique autour des restructurations économiques, envisagées ici sous l’angle des suppressions d’emplois et des fermetures des lieux de travail aussi bien que des mutations plus discrètes et néanmoins profondes du travail et de l’emploi, intervenant dans un contexte de crise économique et de quête de compétitivité exacerbé par l’influence croissante du capitalisme financier. Depuis le début des années 2000, les restructurations ont acquis un caractère à la fois permanent et protéiforme. Ces dernières ont accédé au rang de phénomène universel, atteignant la plupart des pays, des secteurs et des catégories professionnelles. Leur banalisation (Guyonvarch’, 2008) n’a pas empêché un regain d’intérêt chez les chercheurs en sciences sociales pour les effets des mutations actuelles du travail et de l’emploi, notamment pour les formes de contestation et les expériences subjectives des restructurations (Bory & Pochic, 2014). Faisant l’objet d’une forte médiatisation ou restées discrètes, les restructurations mettent aujourd’hui en scène une variété d’acteurs, et touchent en particulier les salariés subalternes, ouvriers et employés, dont les chances de reconversion et de reclassement sont moindres.

Tout en prenant en compte les apports d’une ethnographie dans l’entreprise dans l’étude des transformations du travail et de l’emploi, cet appel s’adresse tout particulièrement aux jeunes chercheur-e-s qui analysent le travail par une ethnographie de ses « à côtés ». Il s’agira ainsi de revenir sur l’usage et les apports de ces circonvolutions autour de terrains peu accessibles car sensibles, fermés, à l’accès contrôlé (Lambelet, 2003), s’intéressant à des évènements passés ou encore à des secteurs et entreprises marqués par des configurations spécifiques rendant les mutations peu saisissables par la seule étude synchronique de l’ « atelier », en mobilisant une variété d’échelles, de points de vue et de temporalités. Une telle ethnographie des « à côtés » du travail est ici à considérer, au regard de l’histoire plurielle de l’approche ethnographique et des contributions des recherches sociologiques de longue durée sur les transformations du travail, notamment ouvrier (Beaud & Pialoux, 1999), comme une esquisse en clair-obscur des restructurations par un large spectre d’entrées. De l’observation des lieux et des activités hors travail (face à la porosité des espaces-temps professionnels (Bidet, Schoeni, 2008) et au développement du chômage) à celle des conflits et mobilisations qui émergent autour du travail et de l’emploi, en passant par l’analyse du rôle des parties prenantes (syndicats, actionnaires, associations) et de leurs activités au sein d’instances qui exercent une influence majeure sur les conditions de travail et d’emploi de la main d’œuvre (réunions paritaires, assemblées des actionnaires), les communications souligneront les apports d’une ethnographie du travail décentrée pour appréhender dans toute leur épaisseur, les rapports sociaux qui traversent aujourd’hui le travail.

Les propositions veilleront à questionner la construction de l’enquête ethnographique comme réflexion permanente sur ses modalités d’usage et, plus particulièrement, sur ses apports, ses limites, sa complémentarité avec d’autres outils (Arborio et al., 2008), l’accès aux terrain et les modes d’observation (Soulé, 2007), ou encore sur la relation d’enquête et les diverses contraintes intrinsèques à la démarche ethnographique (Fassin & Bensa, 2008). Elles s’inscriront dans une perspective critique-analytique (qui, d’une part, place la situation d’enquête et ses effets au centre de l’analyse des matériaux (Schwartz, 1993) et, d’autre part, prête attention aux relations d’interdépendance entre les enquêtés, ainsi qu’aux scènes sociales sur lesquelles ces derniers agissent et s’expriment (Weber, 1989), afin d’objectiver l’expérience d’insertion personnelle du chercheur dans le milieu étudié, les situations observées et les discours collectés.

Bibliographie indicative

  • Arborio A-M., Cohen Y., Fournier P., Hatzfeld N., Lombe C. & Muller S. (2008), Observer le travail. Histoire, ethnographie, approches combinées,Paris, La Découverte.
  • Beaud S. & Pialoux M. (1999), Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Parisn Fayard.
  • Bidet A. & Schoeni D. (2011), « Décrire les présences au travail, analyser la structuration de la vie sociale », Ethnographiques.org, n°23, décembre 2011.
  • Bory A. & Pochic S. (dir.) (2014), Dossier « Une crise sans précédent? Expériences et contestations des restructurations », Travail et Emploi, n°137 et n°138.
  • Fassin D. & Bensa A. (dir.) (2008), Les politiques de l'enquête. Epreuves ethnographiques. Paris, La Découverte.
  • Guyonvarc’h M. (2008), Une sociologie du licenciement dans les entreprises "gagnantes". Banalisation de la gestion du licenciement et déstabilisation du rapport au travail des cadres, managers et techniciens, Thèse de doctorat de sociologie, Université d’Evry-Val d’Essonne.
  • Lambelet A. (2003), « Un ethnologue en entreprise : entre séduction et révélation », Ethnographiques.org.
  • Schwartz O. (1993),« L’empirisme irréductible » (Postface), in Anderson N., Le Hobo. Sociologie du sans-abri, Paris, Armand Colin, p. 265-308.
  • Soulé B. (2007), « Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales », Recherches Qualitatives, n°27 (1), p. 127-140.
  • Weber F. (1989), Le travail à côté. Étude d’ethnographie ouvrière, Paris, INRA/ Editions de l’EHESS.

Les propositions sont à transmettre à Maria Voichiţa GRECU (maria.grecu@gmail.com) et Mathieu HOCQUELET (mathocquelet@aol.com)

6. Ethnométhodologie, analyse conversationnelle et ethnographie : des affinités sélectives ?

Atelier organisé par Yaël KREPLAK et Chloé MONDÉMÉ

Pour participer à la réflexion sur le renouveau de l’ethnographie en sciences sociales, cet atelier se propose d’examiner quelques-uns de ses enjeux tels qu’ils se formulent dans le domaine de l’ethnométhodologie et de l’analyse conversationnelle (EM/AC). Ces approches nous semblent en effet apporter une contribution majeure – quoique relativement méconnue – au renouvellement de l’enquête ethnographique, qui ne tient pas seulement à l’introduction de méthodes et d’outils d’analyse, comme l’usage de la vidéo et la pratique de la transcription, mais aussi à une conception réflexive et potentiellement critique de la démarche ethnographique, susceptible d’accompagner une interrogation sur ses fondements, transformations et limites.

La relation de l’EM/AC à l’ethnographie est en effet, depuis l’origine, caractérisée par une forme de tension qui a trait aux manières de prendre en compte, dans la description et l’analyse, éléments contextuels et connaissances d’arrière-plan. D’un point de vue interne à la discipline, cette tension entre approches plus ou moins internalistes et externalistes a pu occasionner des lignes de partage fortes : entre ethnométhodologie et analyse conversationnelle d’une part, mais aussi entre les différentes manières de pratiquer l’une et l’autre. Elle a également favorisé le développement d’un appareil notionnel, dont la discussion est au cœur de l’identification de la mentalité propre à ces approches : la compétence de membre, le principe d’adéquation unique, l’indifférence ethnométhodologique, le regard non motivé sur les données...

Dans la continuité des affinités « mutuelles », « limitées » et « additionnelles » évoquées par Maynard (2003), on aimerait donc rendre compte de dynamiques actuelles, en partant des manières qu’ont les chercheurs de combiner ethnométhodologie, analyse conversationnelle et ethnographie, et de problématiser les liens entre ces démarches. Les enjeux de l’atelier seront ainsi principalement de deux ordres.

D’une part, il s’agira de réfléchir aux spécificités de la pratique ethnométhodologique et conversationnaliste de l’ethnographie, à partir d’exemples concrets d’enquête et en s’appuyant sur la discussion précise de certains concepts au cœur de ces démarches. On attend sur ce point que les contributeurs explicitent leurs méthodes, à différents niveaux : relation au terrain, production des données et analyse.

D’autre part, on sera sensible aux propositions qui interrogent, par exemple, la nature proprement ethnographique d’opérations telles que la production de vidéos ou la transcription : il s’agira par là d’examiner en quoi les approches EM/AC peuvent apporter un éclairage sur les transformations contemporaines de l’ethnographie, en revisitant certaines de ses caractéristiques (telles que l’observation directe ou la prise de note).

Bibliographie indicative

  • Emerson R. (2003), « Le travail de terrain comme activité d’observation. Perspectives ethnométhodologiques et interactionnistes », in D. Céfaï (dir.), L’Enquête de terrain, Paris, La Découverte, 393-424.
  • Garfinkel H. (2007 [1967]), Recherches en Ethnométhodologie, Paris, PUF.
  • Heath C. et Hindmarsh J. (2002), « Analysing Interaction : Video, Ethnography and Situated Conduct », in T. May (éd.), Qualitative Research in Action, Londres, Sage, p. 99-121.
  • Maynard D. (2003), « Conversation Analysis and Ethnography : What is the Context of an Utterance », Bad News, Good News. Conversational Order in Everyday Talk and Clinical Settings, Chicago, Chicago University Press, 64-87.
  • Moerman M. (1988), Talking Culture. Ethnography and Conversation Analysis, Philadelphie, University of Pennsylvania Press.
  • Mondada L. (2012), « The Conversation Analytic Approach to Data Collection », in J. Sidnell et T. Stivers dir., Handbook of Conversation Analysis, Oxford, Blackwell – Wiley, 32-56.
  • Olszewska B., Barthélémy M. & Laugier S. (dir) (2010), Les Données de l’enquête, Amiens, PUF – CURAPP.
  • Pollner M. & Emerson R. (2002), « Ethnomethodology and Ethnography », in P. Atkinson et al. dir., Handbook of Ethnography, Londres, Sage, 118-135.
  • Sormani P. (2014), Respecifying Lab Ethnography, Aldershot, Ashgate.

Les propositions sont à transmettre à Yaël KREPLAK (yael.kreplak@gmail.com) et Chloé MONDEME (chloe.mondeme@gmail.com)

7. Enquêter sur les mobilisations collectives

Atelier organisé par Mischa DEKKER et Delphine THIVET

Comment enquêter sur les mobilisations collectives ? Cet atelier souhaite inviter des doctorant.e.s et jeunes chercheur.se.s à explorer les différents usages de la démarche ethnographique pour saisir la complexité des logiques à l’œuvre dans les mobilisations collectives. Il est en outre ouvert à des communications réfléchissant aux spécificités d’une enquête menée auprès d’acteurs militants.

L’attention des chercheur.e.s étudiant des mobilisations collectives est généralement tournée vers la « façade » des organisations, les moments de performativité militante que sont les manifestations publiques ou bien encore les militants les plus actifs, ce qui comprend le risque d’ignorer et de passer sous silence l’hétérogénéité sociale, les incertitudes de sens, ou encore les inégalités et différents rapports de pouvoir (classe, race, genre) qui sillonnent les mouvements sociaux (Burdick 1995). Au sein des mouvements qui ont émergé à partir de 2011, tels que les mouvements « Occupy », les « Indignés », « Occupy Central » à Hong Kong, les occupations de Tahrir et Gezi Square, etc., la question des rapports de pouvoir entre les militant.e.s se pose par exemple avec acuité au vu de la grande hétérogénéité des participant.e.s, laquelle entraîne des disputes pour essayer d’imposer sa définition du mouvement et de son but. Ainsi les communications attendues dans cet atelier devront-elles présenter les apports spécifiques de la démarche ethnographique pour précisément permettre de décentrer le regard et dépasser la « partie émergée de l’iceberg » (Plows 2008 ; Combes, Hmed, Mathieu, Siméant, Sommier, 2011) : comment élargir le terrain d’enquête à des dimensions moins visibles, plus fluides et plus contradictoires du processus de mobilisation collective ?

Cet atelier souhaite ouvrir également une série de réflexions portant sur les conditions de possibilité d’une enquête sur les mobilisations collectives. La présentation de situations concrètes d’observation et de participation à des mobilisations collectives pourra ainsi s’accompagner d’une tentative de rendre compte des difficultés inhérentes à la réalisation d’une enquête en terrain militant (Broqua 2009) : comment y entrer, comment s’y maintenir, mais aussi comment en sortir ? Les communications pourront par exemple revenir sur les réticences des acteurs sociaux d’être constitués en « objet » d’étude et leur refus de se soumettre à un regard possiblement critique de la part des chercheur.e.s considéré.e.s comme outsiders. Dans quelle mesure l’enquêteur/trice s’efforce-t-il/elle dès lors de « co-construire » l’objet de sa recherche avec les acteurs des mobilisations collectives (Juris 2007) ? Quelle part d’autonomie les un.e.s et les autres peuvent-ils être amené.e.s à revendiquer ou à négocier au cours de l’enquête ? Comment le/la chercheur.e peut-il/elle faire face à d’éventuelles tentatives de contrôle pour maintenir une distance critique (Bizeul 2008 ; Rootes 1990) ?

Les propositions de communication pourront enfin porter sur la manière dont le/la chercheur.e compose avec à la fois un « engagement ethnographique » et un « engagement civique et politique » (Cefaï 2010) au cours de son enquête sur des mobilisations collectives : par-delà l’impossibilité de ne pas « choisir un camp » (Becker 1967), par-delà également le risque parfois présent d’une sorte d’« endogamie » (Offerlé 2009) au sein de la sociologie des mouvements sociaux notamment, être soi-même militant.e ou tout du moins sympathisant.e de la « cause » constitue souvent l’une des conditions mêmes de la possibilité de l’enquête en ce qu’elle permet de gagner son droit d’entrée auprès des acteurs d’un mouvement social (Thorne 1979 ; Scheper-Hughes 1995). Néanmoins, on pourra réfléchir dans cet atelier aux conséquences qui peuvent découler de l’affichage par le/la chercheur.e d’une sympathie particulière envers l’un des aspects ou envers certains membres au sein du mouvement lui-même : dans quelle mesure celle-ci peut-elle être interprétée par certains acteurs comme la démonstration que l’enquêteur/l’enquêtrice a de fait choisi un « camp » spécifique à l’encontre d’un autre, conduisant ainsi par la suite à se voir interdire l’accès à une autre partie du terrain ? Une attention particulière pourrait ainsi être prêtée aux modalités par lesquelles l’enquêteur/l’enquêtrice parvient ou non à contourner des biais particuliers, à maintenir sa présence sur le terrain, mais aussi la manière dont il/elle en négocie la sortie au moment de l’écriture.

Bibliographie indicative

  • Becker H. (1967), « Whose Are We On ? », Social Problems, vol. 14, n°3, p. 239-248.
  • Bizeul D. (2008), « Les sociologues ont-ils des comptes à rendre ? », Sociétés contemporaines, n° 70, p. 95-113.
  • Broqua C. (2009), « L'ethnographie comme engagement : enquêter en terrain militant », Genèses, n° 75, p. 109-124.
  • Burdick J. (1995), « Uniting theory and practice in the ethnography of social movements : notes toward a hopeful realism », Dialectical Anthropology, vol. 20, n°3-4, p. 361-385.
  • Cefaï D. (2010), Ch. 8 « Un pragmatisme ethnographique. L’enquête coopérative et impliquée », in Cefaï D. (dir.), L’engagement ethnographique, Paris, EHESS, p. 449-472.
  • Combes H., Hmed C., Mathieu L., Siméant J., Sommier I. (2011), « Observer les mobilisations », Politix, n° 93, p. 7-27.
  • Juris J. (2007), « Practicing Militant Ethnography with the Movement for Global Resistance (MRG) in Barcelona », in Shukaitis S. & et Graeber D. (dir.), Constituent Imagination : Militant Investigation, Collective Theorization, Oakland, CA, AK Press, p. 164-176.
  • Offerlé M. (2009), Dictionnaire des mouvements sociaux, « groupes d’intérêt », Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 279-286.
  • Plows A. (2008), « Social Movements and Ethnographic Methodologies : An Analysis Using Case Study Examples», Sociology Compass, n°2, p. 1523-1538.
  • Rootes C. (1990), « Theory of Social Movements : Theory for Social Movements ? », Philosophy and Social Action, vol. 16, n°4, p. 5-17.
  • Scheper-Hughes N. (1995), « The Primacy of the Ethical : Propositions for a Militant Anthropology », Current Anthropology, vol. 36, n°3, p. 409-440.
  • Thorne B. (1979), « Political Activist As Participant Observer : Conflicts Of Commitment In A Study Of The Draft Resistance Movement Of The 1960’s », Symbolic Interaction, vol. 2, n°1, p. 73-88.

Les propositions sont à transmettre à Mischa DEKKER (m.dekker@ehess.fr) et Delphine THIVET (delphine.thivet@ehess.fr)

8. Terrains « clivés » : l’ethnographe entre gouvernants et gouvernés

Atelier organisé par Doris BUU-SAO et Clémence LEOBAL

Les « contestataires » et « l’État », les « habitants » et les « urbanistes », les « minorités ethniques » et la « société nationale »… : sur bien des terrains, les ethnographes se confrontent à des collectifs présentés comme antagonistes, notamment dans des situations impliquant gouvernants et gouvernés (projets de « développement », aménagement urbain ou rural, pacification des relations de travail …). Leur observation permet cependant à l’ethnographe, qui fait à sa manière le « pont » entre les groupes en présence (Gluckman 2008), de saisir la complexité des logiques sociales à l’œuvre par-delà les clivages institués.

D’une part, si les individus peuvent se définir momentanément par le rôle endossé lors d’une interaction (le « leader », le « cadre d’entreprise », la « fonctionnaire », l’« habitante »…), ils évoluent dans une diversité de « scènes sociales ». Différents rôles, normes et significations contribuent à leur formation en tant que personnes complexes dont l’unité n’est jamais acquise (Weber 2001). D’autre part, les modes de gouvernement qui nous intéressent dépassent les définitions institutionnelles du pouvoir étatique : ce sont bien souvent des acteurs privés, tels que les entreprises ou les ONG, qui sont amenés à exercer un pouvoir effectif sur les populations, participant d’un gouvernement indirect dans le cadre de la privatisation de l’Etat (Hibou 1999). Les interactions entre gouvernants et gouvernés sont donc loin de se dérouler de manière dichotomique, ni les uns ni les autres ne constituant des groupes monolithiques.

Il importe ainsi de saisir la pluralité des rôles endossés par les acteurs et la complexité des logiques à l’œuvre, au-delà des catégories binaires parfois si prégnantes dans les discours des acteurs. Comment surmonter les obstacles que ces apparents clivages opposent à l’entreprise ethnographique ? Nous sommes en effet souvent sommé-e-s de prendre parti alors même que nous entendons dépasser les frontières instituées pour appréhender la complexité du social. Comment la performance de ces clivages par les acteurs du terrain influe-t-elle sur notre pratique de l'ethnographie ? Comment contourner les logiques d’« enclicage » à l’œuvre sur le terrain (Naepels 1998), en particulier dans ces situations où l’ethnographe est rapidement assigné-e à un « camp » ? Quels problèmes éthiques sont soulevés lorsque l'ethnographe circule entre ces groupes, au prix parfois de transgressions bien réelles (sentiment de « trahison », confidentialité des données...) ?

Déconstruire l’apparente unité de ces collectifs et des personnes qui s’y rattachent ne doit cependant pas nous empêcher de prendre au sérieux l’existence, en discours et en pratique, de ces antagonismes. La construction de catégories apparemment opposées, telles que « l’Etat » et la « société », est elle-même le produit de pratiques et d’interactions concrètes (Mitchell 1999). Il en va ainsi des réunions entre administrateurs et bénéficiaires de certains programmes, dont l’efficacité rituelle permet de performer et faire advenir cette fiction qu’est la « communauté » (De L’Estoile 2015). Plus encore, ces frontières instituées exercent des effets concrets. Elles orientent les pratiques de l’habitat, du travail, de la vie quotidienne comme de l’action protestataire, structurant les champs d’actions possibles (Foucault 1982). Si elles participent de la consolidation d’un ordre politique, ces frontières peuvent aussi ouvrir de nouveaux horizons de critique.

Cet atelier est ouvert à toute proposition qui, depuis une expérience d’enquête où gouvernants et gouvernés sont amenés à interagir, interroge ces questions de naturalisation des clivages, tant pour les déconstruire que pour saisir leurs effets sur la réalité observée et sur la pratique ethnographique.

Bibliographie indicative

  • De l’Estoile B. (2015), « La réunion comme outil et rituel de gouvernement. Conflits interpersonnels et administration de la réforme agraire au Brésil », Genèses, vol. 1, n° 98, p. 7-27.
  • Foucault M. (1982), « Le sujet et le pouvoir », Dits et écrits, Paris, Gallimard, vol. 4, p. 222-243.
  • Gluckman M. (2008 [1940]), « Analysis of a social situation in modern Zululand », Genèses, traduit par Tholoniat Y. et de l’Estoile B., vol. 72, n° 3, p. 119-155.
  • Hibou B. (1999) dir., La privatisation des Etats, Paris, Karthala, 398 p.
  • Mitchell T. (1999), « Society, economy, and the state effect » in Steinmetz G. (dir.), State / Culture. State-Formation after the Cultural Turn, New York, Cornell University Press, p. 76-97.
  • Naepels M. (1998), « Une étrange étrangeté. Remarques sur la situation ethnographique », L’Homme, vol. 38, n° 148, p. 185-199.
  • Weber F. (2001), « Settings, interactions and things. A plea for multi-integrative ethnography », Ethnography, vol. 2, p. 475-499.

Les propositions sont à transmettre à Doris BUU-SAO (doris.buusao@sciencespo.fr) et Clémence LEOBAL (clemence.leobal@gmail.com)

9. Ethnographie des problèmes publics : la question des troubles « récalcitrants »*

Atelier organisé par Perrine POUPIN et Marie GHIS MALFILATRE

Nous voudrions dans cet atelier mettre au débat des questions qui se posent lorsqu’on adopte une approche ethnographique des « problèmes publics » (Gusfield J., 2009). Des travaux ont, dans une perspective pragmatiste inaugurée par John Dewey, montré comment à partir de situations qualifiées de problématiques, des personnes en état de trouble s’engagent collectivement dans une dynamique d’enquête et de “publicisation” visant à “normaliser” la situation. Le trouble comme mode d’entrée se trouve par exemple au cœur d’études actuelles sur la ville (Breviglieri M. et Trom D., 2006 ; Bidet A., Boutet M., Chave F. et al., 2015).

  • Sur certains terrains, le chercheur est confronté à une expérience sociale repérée comme globalement problématique par un ensemble de protagonistes, quotidiennement confrontés à des tensions et des inquiétudes, sans moyen d’y remédier (comme on peut le lire dans des études en milieu populaire, en contexte autoritaire et sur des travailleurs atteints de maladies professionnelles non reconnues comme telles (Thébaud-Mony A., 2006 ; Henri E., 2007). Nous sommes intéressées par des recherches qui se soucient des dynamiques dans lesquelles apparaissent des blocages, lesquels entravent la publicisation du problème et l’expérience créative. On retrouve ce souci chez Joan Stavo-Debauge (2012) qui remet en question la valorisation des troubles et des chocs à faire émerger des enquêtes. Nous distinguons déjà deux types d’obstacles. Les premiers empêchent le passage du choc à la réflexivité et au désir d’enquête sur les responsabilités. Les seconds, spécificités des mouvements ou incapacitation (par impuissance ou déni, répression et invisibilisation de la part des acteurs dont les intérêts sont mis en cause), bloquent, contiennent ou neutralisent dans l’enquête la dynamique de problématisation et de publicisation. Un certain nombre de ces obstacles ont été bien décrits dans l’étude de dispositifs participatifs (Carrel M., 2013; Talpin J., 2006) ou dans l’étude des collusions entre industriels et chercheurs autour d’enjeux de santé publique (Thébaud-Mony A., 2014).
  • Sur fond d’échec du processus de publicisation, le chercheur observe d’autres configurations en matière d’art de vivre et d’action collective autour des troubles (solidarités, discours cachés, arts de résistance). Quelle est la nature de cette épreuve du trouble à la limite du dicible, de l’informe, de l’enfoui et du perceptible ? Comment saisir l’affectivité et le ressenti ainsi que la composition des partitions individuelles et collectives où une bonne partie se joue dans les petits mouvements et les vacillements ? Comment rentrer et sortir indemnes (le chercheur et ses enquêtés) de ces zones sensibles, ces souffrances qui souvent sans la mise en cohérence du chercheur, tendraient à mener au silence et à l’oubli ?
  • Certains thèmes atteignent une reconnaissance large, sans pour autant être inscrits sur l’agenda des autorités ou sans être réellement traités dans les arènes politiques institutionnalisées. La manière dont les problèmes publics sont appréhendés au sein de ces arènes, comme le Parlement (Barthe Y. et Borraz O., 2011), a été peu étudiée. Ces thèmes et leurs campagnes semblent émerger et disparaître dans un jeu de dissipation continu. Le critère qui évalue le processus de publicisation selon sa capacité à aboutir à des lois et à s'en remettre à des gouvernants dans un État de droit n’est-il pas insuffisant ? Comment décrire les mobilisations, liées par exemple à de grands aménagements urbains, à la corruption, aux pollutions industrielles (Jobin P., 2006), et notamment dans des pays périphériques (Brésil, Russie, etc.), où apparaissent d’autres manières d’organiser la chose publique, en dehors des dispositifs classiques que nous connaissons ?

Bibliographie indicative

  • Barthe Y. et Borraz O. (2011), « Les controverses sociotechniques au prisme du Parlement », Quaderni, 75, p. 63-71.
  • Bidet A., Boutet M., Chave F., Gayet-Viaud C. et Le Méner E. (2015), « Publicité, sollicitation, intervention. Pistes pour une étude pragmatiste de l’expérience citoyenne », SociologieS (http://sociologies.revues.org/4941).
  • Breviglieri M. et Trom D. (2006), « Analytique du trouble urbain et perception de la ville. Une approche pragmatique des problèmes publics », in Bajolet É., Mattei M.-F. & Rennes J.-M. (dir.), Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, MSH « Villes et Territoires », p. 50-57.
  • Carrel M. (2013), Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, Lyon, ENS ÉDITIONS.
  • Gusfield J. (2009), La culture des problèmes publics. L’alcool au volant : la production d’un ordre symbolique, Paris, Economica [traduction de Daniel Cefaï].
  • Henry E. (2007), Amiante : un scandale improbable. Sociologie d’un problème public, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
  • Jobin P. (2006), Maladies industrielles et renouveau syndical au Japon, Paris, EHESS.
  • Stavo-Debauge J. (2012), « Des “ événements ” difficiles à encaisser. Un pragmatisme pessimiste », in Cefaï D. et Terzi C., L’expérience des problèmes publics (Raisons pratiques), Paris, Éditions de l’EHESS, p. 191-223.
  • Talpin J. (2006), « Jouer les bons citoyens Les effets contrastés de l’engagement au sein de dispositifs participatifs », Politix, 75/3, p. 11-31.
  • Thébaud-Mony A. (2006), « Histoires professionnelles et cancer », Actes de la recherche en sciences sociales, 163, p. 18-31.
  • Thébaud-Mony A. (2014), Science asservie. Santé publique : collusions mortifères entre industriels et chercheurs,Paris, La Découverte.

Les propositions sont à transmettre à Perrine POUPIN (perrine123456@yahoo.fr) et Marie GHIS MALFILATRE (ma.ghismalfilatre@yahoo.fr)

10. Les enjeux du silence. Pour une analyse critique des relations d'enquête dans la production du savoir anthropologique

Atelier organisé par Giovanna CAVATORTA et Chiara PILOTTO

Rendre compte de comment les données ont été recueillies sur le terrain est un des enjeux clés pour l’ethnographie en tant que pratique gnoséologique. Cela implique s’engager dans l’analyse critique de la relation d’enquête en tant que condition même à la base du savoir gagné par l’ethnographe.

Dans la marque de cet effort de questionnement, cet atelier se propose d’être comme occasion pour promouvoir une discussion sur un aspect parfois caché, difficile à enregistrer et cerner, mais qui est une partie constitutive de la production du savoir anthropologique: le silence. Le silence ne renvoie pas qu’aux moments « vides » de la vie quotidienne, ni seulement à des situations de conflit et de violence, où il serait le symptôme de traumatismes ou l’effet imposé d’un contexte politique: complexes et significatives, les formes de silence circulent dans tous les terrains et sont produites par tous les acteurs impliqués. Nous avons donc choisi de fixer notre attention sur comment, dans la pratique ethnographique, on produit et on gère les silences, à la fois les nôtres et ceux de nos « interlocuteurs et interlocutrices ».

Notre propos est de considérer le silence comme un objet dense, qui est à la fois un fait saisissant et révélateur de dynamiques sociales et, en tant que pratique agie dans la relation d’enquête, peut aussi constituer une situation limite et un défi pour le/a chercheur-euse.

Dans ce cadre plusieurs questions théoriques et méthodologiques surgissent. Comment saisir le travail silencieux des normes, des valeurs, des jugements politiques qui définissent ce qui doit ou ne doit pas être caché, montré, dit? Avec quelle posture s’approcher à ce qu’on ne peut pas, ou on n’arrive pas à dire? Comment enquêter sur les silences et les réticences issus des tensions, des processus de marginalisation et de tabouisation? Comment éclaircir les opaques et muets rapports de pouvoir qui structurent les relations sur le terrain, dans lesquelles l'ethnologue n'occupe nécessairement pas la place privilégié? Et encore comment gérer les silences par lesquels nos « interlocuteur/trices » réagissent à notre présence sur le terrain ? En quoi nous informent-ils sur la relation d’enquête en tant que relation de savoir/pouvoir ? Comment le silence participe de la construction de l’objet de recherche et de sa problématique, tout en conditionnant les pratiques ethnographiques elles-mêmes?

Quelle relation éthique est possible entre les différents acteurs qui composent le terrain, tout en considérant les silences de l’ethnographe par rapport au but et à la circulation de son propre travail et les silences de ses « interlocuteurs/trices » par rapport à ce qu’ils veulent soustraire à l’enquête?

Nous accueillerons des contributions qui cherchent à répondre à ces questions et qui, plus généralement, abordent la complexité du silence en tant que fait à la fois social et ethnographique.

Bibliographie indicative

  • Achino-Loeb M.-L. (2006), Silence. The Currency of Power, Londres, Berghahn Books.
  • Das V. (2007), Life and Words. Violence and the descent into the ordinary, Berkeley, University of California Press.
  • Le Breton D. (1997), Du silence : essai, Paris, Métailié.
  • Makaremi C. (2008), « Engaging with Silence. Interview with Vincent Crapazano », in Kalaora L., Makaremi C. & J. Baron (dir.), « Penser l’engagement », Altérités Vol. 5, No. 2, Octobre 2008.
  • McLean A. & Leibing A. (2007), The Shadow Side of Fieldwork : Exploring the Blurred Borders between Ethnography and Life, Oxford, Blackweel Publishing.
  • Róisín R.-F. & Gill R. (2010), Secrecy and Silence in the Research Process. Feminist Reflections, New York, Routledge.
  • Taussig M. (1999), Defacement : Public Secrecy and the Labor of the Negative, Stanford, Stanford University Press.

Les propositions sont à transmettre à Giovanna CAVATORTA (giovannacavatorta@gmail.com) et Chiara PILOTTO (chiarescu@gmail.com)

11. Ethnographier l'invisible, dire l'indicible : les gestes et les savoir-faire dans les activités techniques

Atelier organisé par Nicole RODDA et Carlotta TAVORMINA

Invisibles et indicibles par le langage commun, gestes et savoir-faire techniques constituent un défi pour la discipline anthropologique. « Comment identifier, décrire pour le reproduire, un objet qui [...] se dérobe à l’investigation comme à l’explication? » (Chevallier, 1991) fait encore débat tant dans la littérature francophone (Descola, 2006 ; Julien, 2006 ; AFEA, 2011) qu’anglo-saxonne (Ingold, 2011 ; Marchand, 2010 ; Farnell, 2011). Dans les textes, les descriptions non pas des chaînes opératoires mais des tours de main - les coups d'un menuisier, le jeu de doigts d'un pianiste jouant une sonate - sont souvent absentes ou très générales. Toutefois, ce sont ces actes minutieux qui constituent l'actualisation des savoir-faire sous-jacents à l'expertise (Bril & Roux, 2002) : pouvoir saisir les gestes et les modalités de mobilisation des sens est indispensable pour accéder aux savoirs, à leur acquisition, transmission et valeur culturelle.

Dans cet atelier, nous souhaitons discuter des apports et des limites des outils ethnographiques classiques dans le domaine de la gestuelle et notamment de l’utilisation de l’œil humain comme instrument d’acquisition de données, mais surtout des innovations méthodologiques qui permettraient de dépasser les impasses. En partant du constat maussien que les techniques du corps sont des montages « physio-psycho-sociologiques » (Mauss, 1936), nous sommes particulièrement intéressées aux solutions pluridisciplinaires, intégrant méthodes de recueil qualitatives et quantitatives, observations et instruments de mesures, sciences humaines et sciences dures. Ces outils sont-ils intégrables dans un terrain ethnographique? Comment? Peut-on encore qualifier ces démarches d'ethnographiques? Quelle est leur réception dans la discipline ethno-anthropologique?

Cet atelier accueillera des communications ayant trait aux savoir-faire techniques au sens large : tels que ceux de l’artisanat, du sport, de la musique, etc., mais aussi des activités quotidiennes. Il est ouvert à des propositions faisant référence au monde animal, toutefois présentées toujours dans une perspective comparative avec l’humain.

Nous invitons doctorant.e.s et jeunes chercheur.se.s à examiner la question méthodologique posée par l’atelier explicitant les aspects concrets de leurs recherches de terrain (choix et combinaison des outils d’enregistrement, contexte de leur mise en œuvre sur le terrain,…) ainsi que du cheminement ayant mené à la restitution des données (supports choisis, modalités de traitement des éléments de variabilité issus des observations « individuelles », choix des éléments inclus et exclus de la description). Enfin, en référence à la volonté, propre à cet atelier, de promouvoir une discussion sur les approches pluridisciplinaires, seront appréciées les propositions incluant une réflexion sur l’articulation des méthodologies issues d‘horizons disciplinaires différents et des données de nature variée (observations qualitatives, mesures instrumentées, entretiens).

Bibliographie indicative

  • Bril B. & Roux V. (dir.) (2002), Le geste technique. Réflexions méthodologiques et anthropologiques, Ramonville Saint-Agne, Editions Erès, p. 29-48.
  • Chevallier D. (1991), « Des savoirs efficaces », Terrain, n°16, p. 5-11.
  • Descola P. (2006), « Introduction », Dire le savoir-faire. Gestes, techniques, objets - Cahiers
  • d’anthropologie sociale, n°1, p. 9-12.
  • Farnell B. & Wood R. (2011), « Performing precision and the limits of observation » in Ingold T. (dir.), Redrawing Anthropology. Materials, Movements, Lines, Ashgate, Farnham, p. 91-113.
  • Ingold T. (2011), Redrawing Anthropology: Materials, Movements, Lines, Ashgate, Farnham.
  • Julien M.-P. et al. (2006), « Le corps : matière à décrire. », Ecrire le corps - Corps, n°1, p. 53-60.
  • Marchand, T.H.J. (2010), « Making Knowledge: explorations of the indissoluble relation between mind, body and environment», Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 16, n°1, p. S1-S21.
  • Mauss M. (1936), « Les techniques du corps », Journal de Psychologie, XXXII, n°3-4.

Les propositions sont à transmettre à Nicole RODDA (nicole.rodda@ehess.fr) et Carlotta TAVORMINA (ctavormina@hotmail.com)

12. La centralité de l'image dans les pratiques ethnographiques : d'une ethnographie par l'image aux images qui font l'ethnographie

Atelier organisé par Giulia BATTAGLIA et Guillermo VARGAS QUISOBONI

Cet atelier vise à explorer les différents sens et modalités des images dans la pratique de l'ethnographie. La discussion ne sera pas circonscrite à la discipline de l’anthropologie, afin d'explorer dans un horizon plus large le potentiel et les limites que les images offrent ou imposent à une pratique contemporaine de l'ethnographie.

Pendant longtemps, l'anthropologie s'est enfermée dans une discussion interne portant sur les principaux anthropologues-réalisateurs, sur leurs rapports à la technologie et les événements historiques marquants au cours desquels ces personnalités ont forgé les styles du cinéma ethnographique. Cette préoccupation a suscité la création d'une sous-discipline doublement « fermée », l'anthropologie visuelle, à la fois déconnectée d'une pratique générale de l'anthropologie (cf. Banks and Morphy, 1997 ; Wright, 1998), et des disciplines auxquelles elle est rattachée par le biais de l'image, telles que l'art, la culture visuelle et la sociologie. Nous croyons que cette tradition « fermée » de faire et de penser l’anthropologie visuelle a fini par restreindre la portée et la gamme des images qui peuvent préoccuper l'ethnographe, et qu'il est par conséquent nécessaire de repenser à ce que les images suscitent au sein et au delà de la discipline.

Afin de remettre en question cette tradition de l'anthropologie visuelle, nous souhaitons évoquer les débats récents sur les rapports intimes entre la production des images et la pratique de l'ethnographie (cf. Schneider 2008 ; Basu 2008 ; Wright and Schneider 2010 ; Banks and Ruby 2011 ; Grasseni 2004, ; Ramey 2011 ; Schneider and Pasqualino 2014). On aimerait ainsi interroger la façon dont l'ethnographie a été progressivement employée comme une « méthodologie » dans le travail de l'image, en dehors et parfois même à l'encontre d'une pratique de terrain plus académique.

Plus largement, on souhaite mener une réflexion sur la place des images dans les sujets d'étude qui ont depuis toujours attiré le regard des ethnologues sur le terrain, et notamment sur l'existence, dans les mythes et les rituels, de quelque chose qui peut être rapproché de l'image à un niveau cognitif. On s'intéresse également aux images qui apparaissent à l'issue du travail de terrain, dans les interventions orales et dans les écrits des anthropologues, non seulement comme de simples illustrations, mais aussi comme de véritables témoins de la pratique ethnographique.

Nous cherchons des propositions qui concernent directement ou indirectement les questions suivantes : En quelle mesure cette omniprésence des images, pendant et après le terrain, révèle-t-elle une véritable vocation de la discipline, à la lisière entre les sciences sociales et les arts ? Qu'est-ce que les images offrent ou imposent à la pratique de l'ethnographie ? Et inversement, qu'est-ce que l'ethnographie peut apporter à la création des images ? Finalement, en quelle mesure pourrait-on dire que faire de l'ethnographie serait aujourd'hui (ou depuis toujours) la même chose que faire des images ?

Bibliographie indicative

  • Banks, M. et Morphy, H. (1997). Rethinking Visual Anthropology. New Haven : Yale University Press.
  • Banks, M. et Ruby, J. (2011). Made to Be Seen : Perspectives on the History of Visual Anthropology. Chicago : the University of Chicago Press.
  • Basu, P. (2008). « Reframing Ethnographic Film ». In T. Austin & W. de Jong (eds.) Rethinking Documentary. Maidenhead : Open University Press.
  • Fausto, C. et Severi, C. (2014). L'image rituelle. Paris : L'Herne.
  • Grasseni, C. (2004). « Skilled Vision. An Apprenticeship in Breeding Aesthetics ». Social Anthropology 12 (1) : 41-55.
  • Ramey, K. (2011). « Productive Dissonance and Sensuous Image-Making ». In Banks, M. and Ruby J. (eds.) Made to be Seen : Perspective on the History of Visual Anthropology. Chicago : University of Chicago Press.
  • Schneider, A. (2008), « Three Modes of Experimentation with Art and Ethnography ». Journal of the Royal Anthropological Institute (N.S.) 14 : 171-194.
  • Schneider, A. et Pasqualino, C. (2014). Experimental Film and Anthropology. London : Bloomsbury Publishing.
  • Wright, C. (1998). « The Third Subject: Perspectives on Visual Anthropology ». Anthropology Today 14 (4) : 16-22.
  • Wright, C. et Schneider, A. (2010). Between Art and Anthropology : Contemporary Ethnographic Practice.New York : Berg Publishers.

Les propositions sont à transmettre à Guillermo VARGAS QUISOBONI (vargas@ehess.fr) et Giulia BATTAGLIA (giu_bat@hotmail.com)

Lieux

  • EHESS
    Paris, France (75)

Dates

  • vendredi 08 mai 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • réflexivité, sciences sociales, interdisciplinarité

Contacts

  • RAE EHESS
    courriel : rae2015ehess [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • RAE EHESS
    courriel : rae2015ehess [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Rencontres annuelles d'ethnographie de l'EHESS », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 20 avril 2015, https://doi.org/10.58079/sfz

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