AccueilÀ table ! Les médias et l'alimentation au prisme du genre

AccueilÀ table ! Les médias et l'alimentation au prisme du genre

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Publié le vendredi 24 avril 2015

Résumé

Aliments et boissons occupent donc une place considérable au sein des médias que ce soit leur préparation et/ou leur consommation – faisant de l’ampleur de ce phénomène social un matériau de choix pour l’analyse scientifique. Ce constat s'étend à tous les médias, notamment internet, et toutes les formes de représentation, y compris la fiction ou la publicité. Du traditionnel modèle du père de famille bread winner aux publicités pour alcools destinées aux hommes en passant par la promotion de régimes adressée aux femmes, peu d’aspects de la nourriture ne sauraient se prêter à une analyse au prisme du genre. Quelles normes de genre sur l’alimentation les médias véhiculent-ils alors ? Les représentations de la cuisine et de l’alimentation évoluent-elles d’une période à l’autre, d’un pays à l’autre ? S’accompagnent-elles d’une redéfinition de la masculinité et de la féminité, ou des rapports de genre ?

Annonce

Argumentaire

Les messages de prévention incitant à consommer cinq fruits et légumes par jour, à boire de l’alcool avec modération, ou encore à ne pas abuser du sucre et du gras, saturent les médias. Dans le même temps, la télévision n’a jamais autant regorgé de programmes centrés sur la cuisine ou l’alimentation : concours, (Qui est le meilleur pâtissier ?), télé-réalité (Cauchemar en cuisine) ou fictions (Chefs). Paradoxalement, si manger sainement relève presque d’une injonction, les représentations laissent néanmoins une large place à la junk food, aux aliments gras, sucrés, salés. Seul un message de prévention, placé en bas de l’écran vient réitérer les injonctions alimentaires.

Aliments et boissons occupent donc une place considérable au sein des médias que ce soit leur préparation et/ou leur consommation – faisant de l’ampleur de ce phénomène social un matériau de choix pour l’analyse scientifique. Ce constat s'étend à tous les médias, notamment internet, et toutes les formes de représentation, y compris la fiction ou la publicité. Du traditionnel modèle du père de famille « bread winner »  aux publicités pour alcools destinées aux hommes en passant par la promotion de régimes adressée aux femmes, peu d’aspects de la nourriture ne sauraient se prêter à une analyse au prisme du genre.

Quelles normes de genre sur l’alimentation, les médias véhiculent-ils alors ? Les représentations de la cuisine et de l’alimentation évoluent-elles d’une période à l’autre, d’un pays à l’autre ? S’accompagnent-elles d’une redéfinition de la masculinité et de la féminité, ou des rapports de genre ?

Cette journée d’étude propose ainsi de conjuguer les 3 dimensions : du genre, des médias, et de l’alimentation. Le développement croissant des fat studies, des food studies, augure de perspectives nombreuses et variées, d’autant plus si l’on adopte une approche intersectionnelle des pratiques sociales.

Axe 1 : Troubles dans les comportements alimentaires : quelle(s) mise(s) en représentation médiatique(s) ?

On s’intéressera ici à la mise en représentation, dans les médias, des « excès » alimentaires. Anorexie, boulimie et autres troubles de l’alimentation seront ainsi, dans cet axe, examinés au prisme du genre. Ces rapports particuliers entretenus avec la nourriture sont-ils par exemple présentés comme étant davantage féminins (ou masculins) – invisibilisant ainsi d’une certaine manière l’existence de ces mêmes « troubles » chez des individus du « sexe » opposé ?

Les médias sont-ils par ailleurs susceptibles de participer – plus ou moins explicitement – à une socialisation alimentaire différentielle selon le genre ? Existe-t-il en effet une stigmatisation différenciée de l’ingestion excessive de nourriture, pouvant, à terme, conduire à un « surpoids » ? Au contraire, sans que ne soit nécessairement prônée la « maigreur », est-il possible de distinguer une valorisation inégale des comportements alimentaires restrictifs ? L’exigence de minceur est-elle la même pour toutes les femmes, quelle que soit leur origine ethnique (Bordo ; Wood) ?

On s’intéressera encore aux effets potentiels des médias – et notamment de la publicité – sur les pratiques alimentaires. L’obligation de faire figurer un bandeau de prévention dans chaque publicité relative à l’alimentation[1] (spots télévisés, affiches, etc.), met en lumière l’influence néfaste bien souvent attribuée aux contenus médiatiques. Est-il alors possible de prendre la mesure de l’impact de la publicité sur les « mauvais » comportements alimentaires des individus ? Inversement, peut-on appréhender et/ou évaluer le pouvoir des messages de prévention sur l’adoption de conduites « raisonnées » et/ou « raisonnables » ? Ces questions devront être posées en interrogeant une éventuelle réception genrée.

Il conviendra également de s’interroger – avec un regard plus diachronique – sur l’évolution des mises en représentation de tous ces « excès » alimentaires. Est-il en effet possible de mettre en lumière des transformations quant à la façon de traiter médiatiquement ces troubles de l’alimentation ? Le regard porté, par les médias, sur ces derniers s’est-t-il métamorphosé sous l’effet notamment de l’évolution de nos conceptions du corps et/ou de la santé ? 

On pourra enfin s’interroger sur la façon dont est médiatiquement représenté, dans nos sociétés dites d’abondance (Fischler), un phénomène tel que la famine. Les corps de femmes sont-ils davantage « montrés » que ceux des hommes ? Ces mises en représentation viennent-elles alors souligner l’incapacité de ces femmes à allaiter leurs enfants ?

Axe 2 : Les symboliques alimentaires / L’ingestion métaphorique ou symbolique

De la pomme empoisonnée à la citrouille qui se transforme en carrosse (Salvat), les aliments peuvent être dotés de propriétés magiques qui peuvent avoir des conséquences positives ou néfastes. Ne dit-on pas, par exemple, qu’Ève a croqué le fruit défendu ? Quelles places ces éléments jouent-ils dans notre imagination ? Pour quelles raisons, certains fruits et légumes sont-ils associés au mal, au péché ? Et du coup à certaines figures maléfiques telles que la sorcière ? Quels effets ces aliments produisent-ils sur celle/celui qui les ingurgite ?

Mais aux aliments sont également associées des propriétés sexuelles et/ou sexualisantes. Les individus sont invités à favoriser tel aliment, et à proscrire tel autre afin d’être en « bonne santé », d’avoir une « bonne » libido et de concevoir de « bons » enfants dotant ces mêmes aliments d’attributs symboliques. Certains mets sont donc bien connus pour leurs propriétés aphrodisiaques censées « pimenter » tant les papilles que la vie sexuelle.

Les aliments censés doper l’activité sexuelle sont-ils les mêmes selon notre sexe ? Quels sont les arguments mobilisés pour légitimer l’impact des aliments sur notre sexualité ? L’ingestion de certains mets permet-elle de « choisir » le sexe de son enfant ? 

Mais les aliments eux-mêmes peuvent être agencés de différentes manières afin de former une image ludique par exemple. Les aliments ainsi disposés peuvent être alors associés à la fun food (Brougère) et ces derniers doivent alors divertir/amuser afin d’être ingérés. Pour quelles raisons les aliments doivent-ils changer de forme pour plaire ? Quels formes/couleurs ces derniers prennent-ils ? Ou plus généralement, dans quelles circonstances l’aliment doit-il devenir autre pour stimuler/réveiller l’appétit ? Si, comme nous l’avons déjà dit, l’alimentation peut être surveillée, pour des raisons esthétiques, on observe également que l’alimentation doit être esthétique. Quelles sont les normes esthétiques véhiculées par et dans l’alimentation ?

Par ailleurs, la biotechnologie n’a pas épargné l’alimentation et l’alicament, contraction entre « aliment » et « médicament » ou l’aliment « fonctionnel » permettrait peut-être à terme, de prévenir les différentes maladies voire de guérir l’individu. Si des raisons de santé sont convoquées, des normes de genre et de race sont également sous-jacentes visant à termes à faire disparaître les corps disgracieux et/ou malades. Ces innovations/arrangement culinaires doivent aboutir à une « bonne » alimentation qui permettrait alors d’accéder à un épanouissement personnel et spirituel. Comment ces symboles alimentaires permettent-il de construire nos identités ? Quelles sont les propriétés données aux aliments ? Quels autres symboliques associées au genre (par exemple  nationalistes)  touchent l’alimentation ?

Axe 3 : Ne pas avaler

Cet axe propose d'interroger « la médiatisation du culinaire » à travers les interdits dont l'alimentation est frappée, et inversement les normes genrées qui lui sont associées.

L'interdit alimentaire peut être religieux (Douglas), et il frappe plus souvent les femmes. L’interdiction peut également être sociale, dans l'Antiquité, par exemple, les romaines n'avaient pas le droit de consommer du vin (Testart). C'est tout particulièrement pendant les  menstruations, que l'accès à certains aliments leur était prohibé.

Le revers de l'interdit est en effet la norme sexuée. Des prescriptions différenciées faites aux femmes et aux hommes sont encore en vigueur. Ainsi certaines activités sont réservées aux hommes, tels qu’ouvrir les bouteilles de vin, découper la viande à table (Testart), faire un barbecue, ou préparer en public le gibier abattu par eux (Clio, n°14, 2001). Les boissons sont également sexuellement clivées, l'alcool reste par exemple présenté comme « une boisson d'homme », surtout s'il est fort, et les publicités sont conçues pour un public masculin (Messer & Montez de Oca), malgré l'évolution des pratiques. Tout comme l'alcool, la viande polarise les comportements genrés, comme si un aliment tendait à avoir un sexe. Les « mauvaises » pratiques varient également selon les catégories sociales et ethniques, ce qui complexifie leur lecture en termes de genre.

Historiquement, la préparation des repas est toujours dévolue aux femmes malgré le fait que ces dernières ont désormais souvent un emploi (Hoggart, Naulin). Le repas conjugal et/ou familial continue donc de leur incomber en majorité, ce qui peut avoir une traduction dans la manière dont les médias, notamment la publicité, s’adressent aux unes et aux autres. À l'opposé, lorsque les hommes cuisinent, ils sont alors « chefs » (la série télé du même nom), et exercent leur profession ou s’inscrivent dans une démarche compétitive (de l'émission Master chef au Festin chinois, réalisé par le spécialiste des films de combats Tsui Hark). De nouveaux comportements, comme les bento boys japonais qui préparent eux-mêmes leur déjeuner, changent-ils la présentation et la perception des rôles de genre et des frontières entre masculinité et féminité (Holden, Shu Min Yuen) ? L’alimentation et sa préparation se prête-t-elle à des performances de genre ?

Interdits et normes sociales tissent autour de l'alimentation et de la boisson un puissant carcan, néanmoins en constante évolution et recomposition, et subit de fréquentes transgressions.

[1]    Cette obligation a été mise place dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Elle concerne également les publicités de boissons.

Modalité de soumission

L'appel est ouvert à toutes les disciplines des sciences humaines et sociales, sans exclusivité. Les communications qui revisiteront, à travers le thème de la journée, un corpus déjà étudié avec une autre approche, sont bienvenues, y compris de non spécialistes du genre, des médias ou de l'alimentation. Les communications de jeunes chercheur-e-s, et de non-titulaires, sont particulièrement encouragées.

Les propositions de communication seront envoyées à l’adresse suivante : genreetmedias.efigies@gmail.com

avant le 3 mai 2015.

D’une longueur maximale de 3000 signes, elles devront comporter un titre, un résumé de la communication et quelques indications bibliographiques.

Merci de préciser vos nom, prénom et rattachement institutionnel.

Comité scientifique et d’organisation

  • Mathieu Arbogast, doctorant en sociologie, EHESS & Paris Ouest Nanterre
  • Doriane Montmasson, doctorante en Sciences de l’éducation, Université Paris 5
  • Marie-Sherley Valzema, doctorante en Sciences de l'Information et de la Communication, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • dimanche 03 mai 2015

Mots-clés

  • alimentation, médias, régimes, toubles de l'alimentation, symbolique, ingestion

Contacts

  • Médias Genre
    courriel : genreetmedias [dot] efigies [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Médias Genre
    courriel : genreetmedias [dot] efigies [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« À table ! Les médias et l'alimentation au prisme du genre », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 24 avril 2015, https://doi.org/10.58079/si7

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