AccueilÉthique et pratiques dans le champ de l'intervention sociale : nouveaux enjeux, nouveaux contextes

AccueilÉthique et pratiques dans le champ de l'intervention sociale : nouveaux enjeux, nouveaux contextes

Éthique et pratiques dans le champ de l'intervention sociale : nouveaux enjeux, nouveaux contextes

Ethics and practices in the field of social intervention: new issues, new contexts

*  *  *

Publié le mercredi 24 juin 2015

Résumé

Ce dossier se donne pour objectif d'analyser les enjeux éthiques liés aux transformations sociales et technologiques qui marquent actuellement le champ de l'intervention sociale, mais aussi d'identifier les postures à partir desquelles ils sont traités, et de dégager des perspectives pour l'action. Ce dossier contribuera ainsi à établir un portrait des enjeux actuels et des perspectives à partir desquelles ils sont abordés, en vue d'alimenter les pratiques, la formation et la recherche en intervention sociale. Ainsi, autant les réflexions de nature plus théorique ayant des implications pratiques, que les expériences de terrain ouvrant sur des questions éthiques seront considérées lors de l’évaluation des manuscrits.

Annonce

Argumentaire

De nouveaux enjeux éthiques?

De tout temps, les transformations sociales, technologiques, culturelles et économiques des sociétés ont fait émerger des interrogations, parfois même de vives inquiétudes, sur le plan de l’éthique. Le contexte social actuel, marqué entre autres par de nouvelles technologies, l’accroissement des inégalités, la reconfiguration de la pyramide des âges, les mouvements migratoires de masse, la reconfiguration des relations interpersonnelles et des rapports sociaux (Le Bart, 2008), conduit à la mise en perspective de questions éthiques nouvelles. Ces questions, qui traversent toutes les couches de la société, se posent avec une acuité renouvelée dans des contextes divers. Le champ de l'intervention sociale, comme d’autres secteurs de l’activité humaine, se voit également interpellé par ces enjeux, face auxquels il n’est pas simple de se positionner.

Comme le souligne de Terssac (2012), les transformations sociales viennent interroger les modes de régulation, en vue d’« assurer l’équilibre du système social ». Actuellement, le domaine du droit est particulièrement sollicité pour résoudre les conflits, notamment de valeurs et de normes, qui émergent de ces nouvelles réalités. Cependant, étant donné la complexité des choix que ces transformations impliquent, le droit ne saurait à lui seul répondre entièrement aux questions soulevées. En outre, la découverte de solutions à ces problèmes éthiques nouveaux, de même que le temps qu’exige leur appropriation, fait que les intervenant.e.s sociaux doivent agir dans un contexte d’incertitude, parfois peu balisé sur le plan normatif. Le rôle de première ligne qu’elles et ils sont ainsi appelés à jouer, dans leurs pratiques, comporte nombre de défis. En effet, en tant que lieu de « production du social » (Barel, 1982) parmi d’autres, le champ de l’intervention sociale peut apporter, sur le plan pratique, des éléments de réponse à des problèmes éthiques qui commencent à peine à faire l’objet de débats sociétaux.

Plusieurs des enjeux actuels ne sont pas complètement nouveaux, comme l’illustre par exemple le phénomène des inégalités sociales croissantes (OXFAM, 2015). Toutefois, leurs implications spécifiques, ou encore la signification particulière qu’ils prennent, dans un contexte donné, incitent à renouveler la réflexion. Certaines questions comportent par ailleurs des dimensions inédites : l’usage des technologies dans les pratiques (intervention en ligne, utilisation professionnelle des médias sociaux, nouveaux outils de réadaptation, etc.), les transformations de l'individu (vie virtuelle par avatar, transhumanisme, etc.), des relations interpersonnelles (polyamour, violences en ligne, etc.) et de la famille (familles recomposées, adoption internationale, etc.), les évolutions médicales (chirurgies de réassignation sexuelle, procréation médicalement assistée, soins de fin de vie, etc.), pour ne donner que quelques exemples, sont autant de sujets pouvant soulever des enjeux éthiques dans le cadre de l’intervention sociale. Plus largement, les évolutions sur le plan des valeurs, comme par exemple l'émergence de l'« extimité » (Tisseron, 2011) dans l’univers public du web, ainsi que le contexte des sociétés multiculturelles (accommodements raisonnables, etc.), viennent questionner les repères collectifs. Dans le même temps, l'individualisme hypermoderne (Bobineau, 2011) renouvelle les articulations entre l’individuel et le collectif : comment, dans ce contexte, habiter un monde pluriel, mais commun (Latour et Ewald, 2005)? Ceci n’est pas sans incidence sur les pratiques des intervenant.e.s et sur leurs rapports avec les destinataires des interventions. Comme l'analyse Dahlia Namian (2011), les intervenant.e.s sont amenés à s'ajuster à un idéal social de reconnaissance de la singularité des personnes, qui se constitue comme exigence éthique. Au niveau de l'action collective, les pratiques sociales se voient transformées tant par le contexte d'individualisme (Ion, 2012) que par les technologies de l'information et de la communication (Jochems et Rivard, 2008). Dans cette perspective, quels sont les défis et les opportunités liés à ces enjeux, sur le plan de l'éthique de l'intervention? 

Quotidienneté de l'éthique et diversité des éthiques

L'éthique, en tant que « visée de la vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes » (Ricoeur, 1990), est une dimension transversale aux pratiques : en ce sens, elle s'articule aux aspects cliniques, méthodologiques, théoriques et politiques de l'intervention, et correspond à des enjeux quotidiens, souvent subtils, mais devenant évidents lorsqu'un dilemme éthique est rencontré. Par exemple, les enjeux éthiques liés au fait de ne pouvoir voir le visage ni entendre la voix de l'autre, dans le cadre d'une intervention en ligne, peuvent rester peu visibles (Laugier, 2009) jusqu'à ce qu'une situation particulière (telle qu'un doute sur la sincérité ou l'identité d'une personne) révèle leurs implications sur le plan clinique. Le fait de modérer ou pas la page Facebook d'un organisme communautaire peut également soulever des questionnements à l'intersection du politique et de l'éthique. Dans cette perspective, la dimension éthique est présente dans le quotidien de l'intervention, car cette dernière amène régulièrement à questionner le rapport à l'autre et les repères moraux pouvant guider l'action (Gonin et Jouthe, 2013). En effet, la recherche de « bonnes » solutions aux problèmes sociaux rencontrés, ou d'une « bonne posture » dans l'intervention, mobilise inévitablement des normes (valeurs, déontologie professionnelle, habitudes...) dont la pertinence n'est jamais définitivement établie. Se pose ainsi la question des points de repère mobilisés face aux enjeux actuels : à quels principes ou balises se réfèrent les acteurs concernés? Comment peut-on comprendre les usages et les implications de ces repères? Plus globalement, quelles sont les orientations éthiques privilégiées et les débats qui se développent à leur sujet?

Dans le contexte d'une « fin des grands récits », selon l'expression de Lyotard (1979), on assiste à une diversification des cadres de référence et des propositions morales à partir desquels les transformations actuelles sont problématisées. Ainsi, les perspectives éthiques foisonnent : éthique minimale (Ogien, 2007), éthique de la justice (Rawls, 1971), éthique du care (Tronto, 2010), éthique de la vertu (MacIntyre, 2013), etc. Par ailleurs, certaines visions du monde restent dominantes, mais sont davantage contestées au sein de sociétés se voulant pluralistes. Ceci conduit à ce que les conflits de valeurs se doublent d'un questionnement sur la légitimité des points de repères mobilisés. Au-delà des options morales qui sont prises dans l'intervention, les modalités selon lesquelles des choix individuels ou collectifs sont opérés renvoient également à des enjeux éthiques. Comment mener un processus décisionnel permettant la prise en compte des différents acteurs concernés (Farmer et al., 2013), malgré les différentiels de pouvoir existants? Ces questions soulèvent des enjeux démocratiques concernant les modes de résolution des conflits d'intérêts ou de valeurs. Se pose ainsi la question des processus à partir desquels les nouveaux enjeux éthiques soulevés précédemment peuvent être collectivement pris en charge, sans que l'issue des délibérations ne soit le reflet de rapports sociaux inégalitaires, ou encore d'options politiques non débattues.

Ce dossier se donne donc pour objectif d'analyser les enjeux éthiques liés aux transformations sociales et technologiques qui marquent actuellement le champ de l'intervention sociale, mais aussi d'identifier les postures à partir desquelles ils sont traités, et de dégager des perspectives pour l'action. Ce dossier contribuera ainsi à établir un portrait des enjeux actuels et des perspectives à partir desquelles ils sont abordés, en vue d'alimenter les pratiques, la formation et la recherche en intervention sociale. Ce numéro thématique entend donc faire une place de choix aux contributions ayant une portée éthique novatrice dans le champ de l’intervention sociale. Ainsi, autant les réflexions de nature plus théorique ayant des implications pratiques, que les expériences de terrain ouvrant sur des questions éthiques seront considérées lors de l’évaluation des manuscrits. Les textes proposés pourraient par exemple traiter des questions suivantes :

  • En quoi le champ du travail social est-il traversé par de nouveaux enjeux éthiques? Quels sont les défis et les opportunités liés aux développements technologiques, sur le plan de l'éthique de l'intervention? Quels sont les enjeux des transformations des relations interpersonnelles, des normativités et des rapports sociaux, pour l'intervention auprès des individus, des familles, des groupes ou des communautés?
  • Quelles sont les questions éthiques soulevées par les nouveaux problèmes sociaux (cyberdépendance, par exemple) et par les potentialités technologiques ou médicales qui influencent les pratiques du champ social (confidentialité des dossiers, par exemple)? Sous quels angles ces questions sont-elles abordées par les différents acteurs concernés, et quelles en sont les sources et les implications sur le plan des pratiques?
  • Face aux enjeux éthiques actuellement rencontrés dans le champ de l'intervention sociale, s'agit-il de trouver de nouveaux repères? Est-il utile de faire appel à de nouveaux modes de délibération, voire à de nouveaux dispositifs pour prendre en compte ces enjeux? Quelles perspectives d'action peuvent être identifiées pour les pratiques et la formation des intervenant.e.s sociaux, au regard des questionnements soulevés précédemment?

Modalités pratiques d'envoi des propositions 

Un résumé de l’article devra d’abord être transmis aux responsables de dossier d’ici

le 15 août 2015.

Les articles seront attendus avant le 1er novembre 2015

au secrétariat de la revue (nps@uqam.ca).

Nous vous invitons à consulter le Guide de présentation des articles sur notre site web afin de prendre connaissance des normes de présentation, notamment pour la longueur des articles (35 000 caractères espaces compris) et les règles bibliographiques. https://nps.uqam.ca/contribution/guide-de-presentation.html

Pour toutes questions relatives à cet appel, veuillez communiquer avec les responsables du dossier.

Responsables du dossier

  • Audrey Gonin, Professeure, École de travail social, Université du Québec à Montréal
(514) 987-3000, poste 1563
gonin.audrey@uqam.ca
  • Yanick Farmer, Professeur, Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal
(514) 987-3000, poste 5086
farmer.yanick@uqam.ca
  • Sylvie Jochems, Professeure, École de travail social, Université du Québec à Montréal
(514) 987-3000, poste 3702
jochems.sylvie@uqam.ca

Bibliographie

  • Barel, Y. (1982). Les enjeux du travail social. Revue interuniversitaire de sciences et pratiques sociales, 3, 19-35.
  • Bobineau, O. (2011). La troisième modernité, ou « l'individualisme confinitaire ». SociologieS [En ligne], http://sociologies.revues.org/3536.
  • De Terssac, G. (2012). La théorie de la régulation sociale : repères introductifs. Interventions économiques [En ligne], http://interventionseconomiques.revues.org/1476.
  • Farmer, Y., Bouthillier, M-E et Roigt, D. (2013). La prise de décision en éthique clinique : perspectives micro, méso et macro. Montréal : Presses de l’Université du Québec.
  • Gonin, A. et Jouthe, E. (2013). Éthique et travail social : enjeux, concepts et aspects méthodologiques. Dans E. Harper et H. Dorvil (Dir.), Le travail social : théories, méthodologies et pratiques (p. 69-88). Québec : PUQ.
  • Ion, J. (2012). S'engager dans une société d'individus. Paris : Armand Colin.
  • Jochems, S. et Rivard, M. (2008). TIC et citoyenneté : de nouvelles pratiques sociales dans la société de l'information, Nouvelles Pratiques Sociales, 21(1), 19-37.
  • Latour, B. et Ewald, F. (2005). Un monde pluriel mais commun. Paris : L'Aube.
  • Laugier, S. (2009). L'éthique comme politique de l'ordinaire, Multitudes, 37-38(2), 80-88.
  • Le Bart, C. (2008). L'individualisation. Paris : Presses de Sciences Po.
  • Lyotard, J.-F. (1979). La condition postmoderne. Paris : Éditions de Minuit.
  • MacIntyre, A. (2013). Après la vertu. Paris : Presses Universitaires de France.
  • Namian, D. (2011). Psychologisation ou singularisation? L’intervention sociale au temps de l’accompagnement. Reflets : revue d'intervention sociale et communautaire, 17(1), 58-89.
  • Ogien, R. (2007). L'éthique aujourd'hui. Maximalistes et minimalistes. Paris : Gallimard.
  • OXFAM (2015, janvier). Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout. Rapport thématique, en ligne : http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/file_attachments/ib-wealth-having-all-wanting-more190115-fr.pdf
  • Rawls, J. (1971). Théorie de la justice. Paris : Le Seuil.
  • Tisseron, S. (2011). Intimité et extimité. Paris : Le Seuil. [En ligne] : http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=COMMU_088_0083
  • Touraine, A. (1997). Pourrons-nous vivre ensemble? Égaux et différents. Paris : Fayard.

Dates

  • samedi 15 août 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • enjeux éthiques, intervention sociale, nouvelles technologies, normativités et rapports sociaux, transformations sociales

Contacts

  • Revue Nouvelles pratiques sociales
    courriel : nps [at] uqam [dot] ca

Source de l'information

  • Revue Revue Nouvelles pratiques sociales
    courriel : nps [at] uqam [dot] ca

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Éthique et pratiques dans le champ de l'intervention sociale : nouveaux enjeux, nouveaux contextes », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 24 juin 2015, https://doi.org/10.58079/sxr

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search