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Géographie politique des temps urbains

The political geography of urban time

L'Espace politique, n°30 (3-2016)

L'Espace politique, issue 30 (3-2016)

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Publié le vendredi 04 septembre 2015

Résumé

L’objet de ce numéro est d’interroger les rapports entre espace urbain et phénomènes politiques sous un angle original, celui du temps. Cet appel repose sur le postulat que l’espace et le temps sont politiques, l’articulation entre temps, espace et politique restant trop peu explorée.

Annonce

Argumentaire

L’objet de ce numéro est d’interroger les rapports entre espace urbain et phénomènes politiques sous un angle original, celui du temps. Cet appel repose sur le postulat que l’espace et le temps sont politiques, l’articulation entre temps, espace et politique restant trop peu explorée. En effet, loin d'être une donnée neutre et homogène, existant « en soi », le temps - tout comme l’espace sur lequel se penchent d’abord les géographes - est une production sociale. Sans existence autonome et absolue, le temps est une catégorie d’analyse trop souvent réifiée par les géographes, considéré comme extérieur à la société, même si certains ont déjà milité pour sortir du « fardeau épistémologique du temps blanc » (Lévy, 1998, p. 18). Tout comme l’espace ne peut être réduit à un support élémentaire d’enregistrement des phénomènes et de marquage topographique, le temps ne se ramène pas à un simple marquage chronologique qui s’imposerait de façon évidente à tous (Lussault, 1998). Il existe au contraire une diversité de conceptions et de représentations du temps, qui peuvent entrer la concurrence. En tant que construction collective, la maîtrise du temps nécessite la coordination de différents acteurs, pouvant donner lieu à des luttes autour de la définition des rythmes, des durées et des synchronisations (Lefebvre, 1992). Le temps et ses emplois sont des enjeux de pouvoir.

Ce numéro est centré sur le temps envisagé dans ses dimensions politiques. Le temps repose en effet sur des institutions politiques qui le régulent et en déterminent une conception dominante, considérée comme légitime.

L'objectif de ce numéro est de spatialiser cette réflexion sur la dimension politique du temps. Ce type de démarche reste jusque-là marginal : les chercheurs qui s’intéressent au temps portent rarement attention à l’espace. Par ailleurs, le contexte actuel d’accélération (Rosa, 2010) modifie les relations entre les individus temporellement, mais aussi spatialement. Des thèses opposées sur le statut et l’importance de l’espace face aux mutations temporelles s’affrontent. Pour certains, l’avantage passerait à l’espace (Soja, 1989), tandis que pour d’autres, l’espace disparaitrait sous l’effet de la vitesse (Virilio, 1977). Ces thèses sont radicales et les relations actuelles entre espace et temps sont probablement plus complexes, ce qui renforce l’intérêt pour des analyses reposant sur des enquêtes de terrain spécifiques, permettant d’associer plus finement espace, temps et politique.

Dans ce contexte, les villes paraissent productrices de temporalités spécifiques. Lieux de pouvoir, les centres urbains impulsent de nouveaux rythmes sociaux. Les mots d’ordre du capitalisme contemporain « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » qui imposent à l’homme de s’adapter à de nouveaux impératifs (Crary, 2013) se concrétisent d’abord dans la ville, lieu des sphères économique et politique. De nouveaux rythmes transforment les rapports des individus et des groupes à l'espace. En France, par exemple, les nuits urbaines se trouvent de plus en plus animées (Gwiazdzinski, 2005), l’ouverture des commerces et services le dimanche suscite de vifs débats. Loin d’être uniforme, l’espace urbain reste pourtant différencié, avec desspécialisations temporelles selon les lieux et les périodes.

Concentrant une pluralité de temps individuels et sociaux, la ville est l’espace par excellence de la polychronie. Celle-ci peut faire l’objet de luttes et conflits : l’un des cas emblématiques est celui des quartiers animés durant la nuit présentant des relations conflictuelles entre riverains, noctambules, cafetiers et restaurateurs, etc. La diversification des temps sociaux entraîne, par ailleurs, des difficultés pour certaines populations à coordonner leurs emplois du temps. De là naît l’idée d’un droit au temps, qui met l’accent sur certaines injustices existantes, et qui s’affirme progressivement au niveau scientifique et institutionnel (Mallet, 2014).

En outre, jusque-là, la recherche urbaine a privilégié les analyses temporelles des villes du Nord et des métropoles. Aussi, dans un souci de rééquilibrage des biais affectant les objets d’étude de la recherche, des contributions sont attendues aussi bien sur des petites villes que sur des grandes métropoles internationales, sur les villes du Sud comme sur les villes du Nord. En effet, il existe peu de travaux sur ces thématiques dans les villes du Sud. Dans la littérature portant sur ces villes, la question des temporalités n’apparaît souvent qu’en creux, au travers des pratiques habitantes. Or, dans le cadre théorique du tournant post-colonial des études urbaines, nous nous proposons d’interroger le rôle des acteurs de la vie urbaine dans la construction et dans le vécu des temps des citadins du Sud comme du Nord, en insistant sur les « vies citadines » (Dorier-Apprill et Gervais-Lambony, 2007) dans leur diversité. Dans cette optique, comment les temps urbains sont-ils gérés par les différents pouvoirs dans les villes du Sud ? Les problématiques sont-elles différentes de celles observables dans le Nord, en raison par exemple de la forte proportion de citadins pauvres, ou encore de la faiblesse prononcée des pouvoirs municipaux ?

Les propositions pourront s’ancrer dans une ou plusieurs des trois perspectives suivantes :

1/Les formes de domination temporelle et leurs effets sur les spatialités

En quoi les schémas temporels qui tendent à s’imposer (accélération, ville en continu, etc.) modifient-ils la géographie urbaine, dans ses centralités, ses périphéries, ses spécialisations ? Générent-ils des inégalités, des ségrégations et des injustices spatiales ? Quelles sont les résistances à ces modèles dominants ? Les mouvements collectifs (slow par exemple) sont-ils anecdotiques et marginaux ? En quoi l’idée d’un « droit au temps », qui pourra être discutée comme relevant ou non d’une forme de droit à la ville, est-elle pertinente pour l’analyse ? Si oui, est-il envisageable de l’étendre aux villes du Sud, là où ces considérations peuvent sembler de prime abord décalées par rapport aux besoins concrets des citadins (eau, électricité, transports, etc.) ?

2/Le rôle direct des politiques publiques dans la gestion et les processus de régulation des temps urbains

En quoi les politiques urbaines prennent-elles en compte l’hétérogénéité temporelle des espaces urbains et de leurs usages dans leurs actions ? S’il existe des luttes et conflits autour du temps, de quelles manières les politiques publiques tentent-elles de réguler ces conflits ? Quels sont les outils utilisés ? Quelles sont les nouvelles formes de politiques urbaines et d’aménagement des temps urbains ? Les politiques publiques ne font-elles qu’accompagner ou peuvent-elles inverser des tendances spontanées relatives au temps ?

3/ La production des espaces urbains et ses conséquences temporelles

De quelles façons les politiques urbaines, d’abord centrées sur l’aménagement de l’espace, créent-elles des temps collectifs et des temporalités individuelles différenciées ? En quoi la morphologie d’une ville et la localisation de ses fonctions dans l’espace, peuvent-elles avoir des répercussions sur les temps des habitants ? En quoi l’étalement urbain, la spécialisation spatiale des fonctions, les transports urbains génèrent-ils des inégalités temporelles ?

Conditions de soumission

Les articles sont attendus pour le 15 décembre 2015

Ils comprendront 60 000 signes maximum, tout compris, en respectant les normes de mise en forme de la revue.

Les articles sont à adresser à Catherine Fournet-Guérin (catherine.fournet@univ-reims.fr) et Sandra Mallet (sandra.mallet@univ-reims.fr).

Responsables scientifiques

  • Catherine Fournet-Guérin, Maître de conférences HDR, Université de Reims Champagne-Ardenne, EA2076 Habiter
  • Sandra Mallet, Maître de conférences, Université de Reims Champagne-Ardenne, EA2076 Habiter

Bibliographie

  • CRARY, J. (2013), 24/7, Late capitalism and the end of sleep, Verso.
  • DORIER-APPRILL E. et GERVAIS-LAMBONY P., 2007, Vies citadines, Paris, Belin.
  • GWIAZDZINSKI, L. (2005), La nuit, dernière frontière, Paris, Editions de l’Aube.
  • LEFEBVRE, H. (1992), Eléments de rythmanalyse : introduction à la connaissance des rythmes, Paris, Syllepse.
  • LEVY, J. (1998), « Espace et temps : une fausse symétrie », EspacesTemps, n°68-70, pp. 16-30.
  • LUSSAULT, M. (1998), « Renouveler le dialogue », EspacesTemps, n°68-70, pp. 31-44.
  • MALLET, S. (2014), «Les rythmes urbains de la néolibéralisation», justice spatiale | spatial justice, n°6, juin 2014. En ligne : http://www.jssj.org/article/les-rythmes-urbains-de-la-neoliberalisation/
  • ROSA, H. (2010), Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010.
  • SOJA, E. (1989), Postmodern Geographies. The Reassertion of Space in Critical Social Theory, Verso, Radical thinkers, réed. 2011.
  • VIRILIO, P. (1977), Vitesse et politique. Essai de dromologie, Paris, Éditions Galilée, 1977.

Dates

  • mardi 15 décembre 2015

Mots-clés

  • temps, espace urbain, géographie politique

Contacts

  • Sandra Mallet
    courriel : sandra [dot] mallet [at] univ-reims [dot] fr
  • Catherine Fournet-Guérin
    courriel : cfournetguerin [at] orange [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Sandra Mallet
    courriel : sandra [dot] mallet [at] univ-reims [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Géographie politique des temps urbains », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 04 septembre 2015, https://doi.org/10.58079/t3w

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