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L’horizon de la création : globalité et globalisation entre utopie et dystopie

The horizon of creation - gloablity and globalisation between utopia and dystopia

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Publié le jeudi 10 décembre 2015

Résumé

Le colloque se propose d’interroger les liens de plus en plus étroits entre l’économique, le politique et le culturel, à l’échelle du monde. Plus précisément, il entend se demander comment l’articulation problématique entre la globalisation et la globalité se traduit dans la création artistique. L’œuvre se fait-elle le reflet d’une dystopie, d’une standardisation réductrice ou d’une utopie, d’une hybridation produisant un enrichissement potentiellement infini ? Comment parvient-elle à rendre compte d’une ambivalence, d’un jeu de tension entre des forces centripètes (que l’on pourrait associer au concept de « globalité ») et des forces centrifuges (que l’on pourrait associer au concept de « globalisation ») ?

Annonce

Argumentaire

Comme le montrent des discours qui l’assimilent à une Coca-colonisation (Wagnleitner), à une Disneyfication (Bryman) ou à une McDonaldisation (Ritzer), la globalisation est certainement porteuse d’un horizon dystopique : elle suscite la crainte d’une uniformisation généralisée imposée par le modèle anglo-saxon dominant. Toutefois, comme l’affirme Glissant, cette dystopie paraît indissociablement liée à un potentiel utopique qui repose sur la globalité, c’est-à-dire sur le métissage réussi d’éléments culturels divers.

Bien sûr, le processus de globalité n’est pas neuf, et sans doute même a-t-il toujours existé. Cependant, il ne s’est jamais posé avec autant de constance et autant d’ampleur qu’à l’époque actuelle. Nous vivons en effet un moment de mutation « globale », où tous les aspects de l’humanité sont mis en branle : la culture, évidemment, mais aussi l’économie et la politique. La culture est le réceptacle des mouvements de fonds qui agitent la société ; par leurs créations, les artistes les mettent en évidence, critiquent, dévoilent, et enfin ébauchent ce que cette société pourrait devenir, en fonction de différents scénarios, pour le meilleur ou pour le pire.

De cette façon, aujourd’hui, l’horizon des artistes déborde largement du cadre de leur technique et des genres. Les romanciers « du monde » écrivent des histoires qui disent ce monde bouleversé et bouleversant, sans se soucier de « faire un roman ». Leur horizon n’est plus borné par la feuille de papier, laquelle existe de moins en moins ; il se joue sur les lueurs du cinéma, de l’Internet, de la musique, du spectacle vivant. Cette insaisissabilité ne touche pas qu’au genre ; elle est aussi politique (comme l’opéra, genre « global » par excellence, privilégiait au XVIIIe siècle les sujets mythologiques ou antiques pour pouvoir critiquer plus efficacement les pouvoirs contemporains), dans sa critique des dérives totalitaires et des déclins démocratiques, et économique, dans la double contrainte d’un financement parfois énorme (que l’on pense au budget nécessaire pour un film ou un jeu vidéo) et d’une audience toujours plus large.

Le présent colloque se propose justement d’interroger ces liens de plus en plus étroits (et surtout « évidents ») entre l’économique, le politique et le culturel, à l’échelle du monde. Plus précisément, il entend se demander comment l’articulation problématique entre la globalisation et la globalité se traduit dans la création artistique. L’œuvre se fait-elle le reflet d’une dystopie, d’une standardisation réductrice ou d’une utopie, d’une hybridation produisant un enrichissement potentiellement infini ? Comment parvient-elle à rendre compte d’une ambivalence, d’un jeu de tension entre des forces centripètes (que l’on pourrait associer au concept de « globalité ») et des forces centrifuges (que l’on pourrait associer au concept de « globalisation ») ?

Axes thématiques 

Ces questions peuvent être envisagées à travers quatre axes, qui sont bien entendu susceptibles de se croiser :

1. La croisée des arts : comment les artistes contemporains mêlent différentes approches et pratiques artistiques dans leurs créations, quel que soit leur domaine de prédilection. Tous les arts sont ici concernés : la littérature, les arts plastiques, la musique, le spectacle vivant, le cinéma, les nouveaux médias…

2. L’inter- et transculturalité : le monde est-il source d’inspiration pour les artistes contemporains ? Quels sont les flux qui se jouent à ce niveau, les points de résistance, les lignes de force ? L’« interculturalité », ici, est-elle vraiment ouverte, ou se réduit-elle à la déclinaison de quelques archétypes semblables à ceux que l’on trouvait chez des écrivains cosmopolites du début du XXe siècle, comme Paul Morand ? Et n’y a-t-il pas, parallèlement à cette ouverture sur le monde, des poches de repli identitaire ?

3. Les modèles socio-économiques : l’ouverture au monde se joue aussi du point de vue de la diffusion. Signifie-t-elle toujours une augmentation significative des coûts de production culturelle, dans l’espoir d’une croissance des gains proportionnelle ? Les modèles économiques favorisent-ils la diversité créative ou contribuent-ils à l’uniformisation de la création, en fonction d’archétypes universels ?

4. Les dimensions politiques : on retrouve ici le même jeu de tensions entre ouverture et fermeture. Les artistes trouvent-ils, dans cet effacement des frontières, une source de liberté et de dénonciation face à des enjeux planétaires (qu’ils touchent à la démocratie ou à l’écologie), une possibilité également de faire entendre leur voix à l’intérieur d’un régime autoritaire et à l’extérieur (comme c’est le cas pour des artistes dissidents) ? Ou faut-il redouter que les déplacements géostratégiques des sources de financements — lesquelles se situent de plus en plus entre les mains de gouvernements ou de sociétés privées moins impliqués dans la défense de valeurs démocratiques que dans la recherche de bénéfices ou de propagande nationaliste ou religieuse — contribuent de manière significative, en corrélation étroite avec les aspects financiers, à la standardisation ? Par ailleurs, ne doit-on pas redouter, du côté des artistes, des phénomènes d’autocensure, laquelle pourrait paraître nécessaire pour toucher un public international sans heurter les différentes sensibilités culturelles ? Autrement dit, globalité et globalisation s’opposent-elles également à ce niveau, en terme d’incorrection ou de correction politique ? 

Au final, ce qui est en jeu dans cette réflexion n’est rien d’autre qu’une définition de la culture, et ramène au débat qui opposait, au XIXe siècle, les tenants du Volksgeist aux héritiers des Lumières : existe-t-il une culture universelle ou seulement des cultures spécifiques inaccessibles à ceux qui n’y sont pas nés ? Quels sont les rapports de la création contemporaine avec la question épineuse des identités et du relativisme culturels ?

Modalités pratiques d'envoi des propositions

Les communications pourront être présentées en anglais ou en français. 

Les propositions de communication (15 lignes max.), en anglais ou en français, doivent être envoyées, avec un bref curriculum vitae de l’intervenant,

avant le 1er mai 2016,

à l’attention de Vincent Engel, à l’adresse mail : vincent.engel@uclouvain.be.

Dates du colloque

27 et 28 octobre 2016

Comité scientifique

Elles seront évaluées par un comité scientifique composé de:

  • Durante Erica (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)
  • Engel Vincent (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)
  • Maeder Costantino (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)
  • Maufort Marc (ULB - Bruxelles, Belgique)
  • Reichardt Dagmar (RUG - Groningen, Pays-Bas)
  • Rihoux Benoît (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)

Argument

As arguments that describe it as a Coca-colonization (Wagnleitner), a Disneyization (Bryman), or a McDonaldization (Ritzer) show, globalization undoubtedly conveys the idea of a dystopian future: it evokes fear of a mass standardization imposed by the dominant Anglo-Saxon model. Yet, as Glissant asserts, this dystopia seems inextricably linked to a utopian potential that rests upon globality, i.e. upon the successful blending of various cultural elements.

To be sure, the process of globality is not new, and has perhaps always existed. However, never has it gained more magnitude and more clout than today. We are indeed experiencing a period of ‘global’ mutation, in which all aspects of humanity are set in motion: culture, naturally, but the economy and politics as well. Culture is the focal point of the groundswell that is rattling society; artists highlight these societal movements through their creations, they criticize, expose and sketch out what our society could become, through varying scenarios, for better or for worse.

This brings contemporary artists to go far beyond the limits of their techniques and genres. Novelists ‘of the world’ write stories about this troubled and troubling world, no longer concerned about ‘writing a novel’. Their horizon is not bounded by paper anymore, which is slowly fading away; it now expands towards the movie industry, the Internet, music, or live entertainment. This elusiveness affects the genre, but is not limited to it; it affects the political as well (consider opera, the quintessential ‘global’ genre, which favored mythological and classic topics in the 18th century so as to deliver a more powerful criticism of the ruling class), through its criticism of totalitarian tendencies and democratic decline, and it affects the economic, through the dual constraint of sometimes substantial funding (as for the budget required to launch a movie or a video game) and an ever-growing audience.

This conference seeks to explore these increasingly close-knit (and noticeable) connections between the economic, the political and the cultural at the global level. Specifically, it aims to investigate how the artistic creation embodies the difficult juncture between globalization and globality. Is the artwork reflecting a dystopia, a demeaning regularization, or is it the image of a utopia, a hybridization that could lead to boundless improvement? How can it relay the ambivalence between centripetal forces (linked to the concept of ‘globality’) and centrifugal forces (linked to the concept of ‘globalization’)?

Main themes 

Four different axes, potentially intersecting, allow us to consider these questions:

1. Crossroads of the arts: how contemporary artists blend several artistic techniques and approaches in their artwork, regardless of their own area of expertise. This encompasses all fields: literature, fine arts, music, live performances, cinema, new media, etc.

2. Inter- and trans-culturality: do contemporary artists draw inspiration from the world? What are the flows in play at that scale, the points of obstruction, and the key strands of action? Is inter-culturality in this situation really open-ended, or is it limited to a collection of paradigms like the ones found in the works of early 20th century cosmopolitan writers, such as Paul Morand? And are we not, in parallel to this openness towards the world, facing instances of identitarian closure?

3. Socio-economic models: this opening to the world also relies on dissemination. Does this necessarily entail a substantial increase of the costs of cultural production, based on the expectation of proportionally increasing returns? Do economic models foster creative diversity or, on the contrary, do they encourage a creative standardization that relies on universal ideals?

4. Political dimensions: this axis embodies similar tensions between openness and closure. Do blurring borders provide artists with a certain freedom and leeway to criticize as they face worldwide stakes (whether they relate to democracy or the environment), an opportunity to be heard within and outside authoritarian regimes (as for dissident artists)? Or should we fear that geostrategic flows of funding – which increasingly belong to governments or private companies that care more about rent-seeking or nationalistic and/or religious propaganda than about protecting democratic values – contribute to this standardization in significant ways, in correlation with their financial aspects? Furthermore, should we be worried about the risk of self-censorship on the part of artists, which could be borne out of a perceived necessity to reach a more international audience without upsetting various cultural sensitivities? In other words, are globality and globalization also in conflict on this axis, in terms of political correctness or incorrectness?

In conclusion, what is really at stake in this reflection is nothing short of a definition of the concept of culture, which brings us back to the 19th century debate that pitted the proponents of the Volksgeist to the heirs of the Enlightenment: is there one universal culture, or are there only independent cultures unintelligible to those who were not born into it? How does the contemporary creation relate to the thorny issue of cultural identities and relativism?

Submission guidelines

Papers can be presented either in English or in French.

Paper proposals (max. 15 lines), either in English or in French, must be sent with the applicant’s short resume

before May 1st, 2016,

and addressed to Vincent Engel with the following e-mail address: vincent.engel@uclouvain.be.

Date

2016 October, 26-27

Scientific committee

Paper proposals will be examinated by a scientific committee including:

  • Durante Erica (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)
  • Engel Vincent (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)
  • Maeder Costantino (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)
  • Maufort Marc (ULB - Bruxelles, Belgique)
  • Reichardt Dagmar (RUG - Groningen, Pays-Bas)
  • Rihoux Benoît (UCL - Louvain-la-Neuve, Belgique)

Lieux

  • Faculté de Philosophie, Arts et Lettres - Place Blaise Pascal, 1
    Louvain-la-Neuve, Belgique (1348)

Dates

  • dimanche 01 mai 2016

Mots-clés

  • globalisation, utopie, industrie culturelle

Contacts

  • Vincent Engel
    courriel : vincent [dot] engel [at] uclouvain [dot] be

Source de l'information

  • Vincent Engel
    courriel : vincent [dot] engel [at] uclouvain [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’horizon de la création : globalité et globalisation entre utopie et dystopie », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 10 décembre 2015, https://doi.org/10.58079/u07

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