AccueilÉtangs, marais et deltas en Provence

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Étangs, marais et deltas en Provence

Lakes, swamps and deltas in Provence - occupation, exploitation and the management of marshland from Antiquity to the present day

Occupation, exploitation et gestion des milieux palustres de l’Antiquité à nos jours

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Publié le lundi 01 février 2016

Résumé

Le soixantième congrès de la Fédération historique de Provence, qui se déroulera à Saint-Tropez les 4 et 5 novembre 2016, abordera les relations complexes que les sociétés humaines ont entretenu avec les étangs, les marais et les deltas en Provence de l’Antiquité à nos jours. Bien que souvent perçus comme répulsifs, les milieux palustres ont longtemps été essentiels à la vie de beaucoup de communautés provençales du fait des ressources naturelles disponibles. Si ces liens ont déjà fait l’objet de travaux, des interrogations persistent au sujet de la dynamique de ces espaces, particulièrement pour l’arrière-pays.

Annonce

Argumentaire

Le 60e congrès de la Fédération historique de Provence, qui se déroulera dans le Var (à Saint-Tropez) les 4 et 5 novembre 2016, abordera les relations complexes que les sociétés humaines tant urbaines que rurales ont entretenu avec les étangs, les marais et les deltas en Provence de l’Antiquité à nos jours.

Bien que souvent perçues comme répulsives, les zones humides lato sensu ont longtemps été essentielles à la vie de beaucoup de communautés provençales du fait des ressources naturelles disponibles. Si ces liens ont déjà fait l’objet de travaux, des interrogations persistent au sujet de la dynamique de ces espaces, particulièrement pour l’arrière-pays. Certes, la Provence n’a jamais connu de vastes entreprises de creusement d’étangs, comme dans la Dombes au Moyen Âge, mais les enjeux techniques, agricoles ou sanitaires entourant les milieux humides ont été tout aussi prégnants. Cependant, quiconque se pencherait sur l’historiographie des milieux humides en Provence constaterait rapidement une omniprésence des travaux académiques historiques, mais aussi archéologiques, consacrés au vaste delta du Rhône et à ses marges, en particulier la Camargue. De Fernand Braudel au géographe Pierre George en passant par Emmanuel Le Roy Ladurie ou les Anglais Horden et Purcell[1], mais aussi plus récemment avec les environnementalistes Pichard et Roucaute et leur remarquable « Histoire hydroclimatique du Rhône d’Orange à la mer »[2], nombreux ont été les historiens à orienter leurs études sur ces espaces, et pour les autres à ne retenir des zones humides en Provence que cette vaste étendue marécageuse bordée par de sèches collines... De la même manière l’embouchure du Rhône a été un site de choix pour les (géo) archéologues et les géomorphologues qui ont su en faire ressortir de multiples pans de l’histoire antique et médiévalemais aussi hydro-sédimentaire et écologique au cours des dernières décennies. Il est très facile de comprendre la fascination qu’a pu exercer le grand fleuve méditerranéen sur beaucoup d’auteurs à toutes les époques ; la puissance des éléments naturels impliqués a non seulement dessiné des paysages caractéristiques mais aussi permis la genèse puis la construction d’une histoire rurale aux spécificités sociales, agricoles mais aussi architecturales uniques.

Même si d’autres espaces ont aussi fait l’objet d’études poussées tels que les étangs de Saint-Blaise à l’ouest de l’Étang de Berre (Le Pourra, L’Estomac, Engrenier, etc.) ou bien le marais des Baux près d’Arles, cette tendance forte et constante axée sur cette région occidentale a pu conduire à négliger, voire à occulter, l’histoire et les dynamiques des nombreux autres espaces palustres littoraux et continentaux d’une Provence encore trop souvent perçue comme une terre aride.

Il faut admettre que l’anthropisation progressive des vallées, les travaux contemporains de drainage et la forte progression de l’urbanisation au XXe siècle n’ont laissé subsister que de minces vestiges de ces milieux humides qui ne permettent qu’une perception biaisée d’une réalité historique dans laquelle beaucoup de plaines provençales, de « terres basses », ont longtemps été caractérisées par leur aquosité. C’est par exemple le cas du terroir marseillais mais également de la partie plus orientale de la Provence et de son littoral.

En effet, des rives marécageuses de la calanque du Lacydon antique aux zones humides du delta du fleuve côtier Huveaune, aujourd’hui densément peuplé et urbanisé, ces milieux ont été pendant des siècles au centre de la vie et des diverses activités des communautés humaines, interfaces à la fois productives et répulsives entre les mondes aquatiques, les espaces forestiers, agricoles et urbains. Dans ce secteur, la basse vallée de l’Huveaune et les marais de la plaine de Saint-Giniez sont restés sous les eaux une grande partie du Moyen Âge avant l’aménagement et la mise en culture de la zone par les moines de Saint-Victor de Marseille puis l’implantation au XIIIe siècle de l'abbaye de Notre Dame de l'Huveaune par les prémontrés. Plus à l’est, les embouchures de nombreuses petites rivières et les marais de vallée fluviale ont aussi été des foyers de peuplement souvent très anciens principalement du fait des ressources naturelles disponibles et de la facilité d’accès à la mer ; le cas le plus emblématique est sûrement celui de la basse vallée de la rivière Argens, ancienne ria colmatée, et de la côte de Fréjus avec les Étangs de Villepey.

D’un point de vue économique et technique, après les nombreux travaux de la période Antique, les ordres religieux furent parmi les premiers et les plus actifs dans la mise en valeur des étangs et des marais principalement le long du littoral. Dès leur installation au Xe siècle les Bénédictins de Montmajour entameront le drainage des abords de leur abbaye ainsi que des paluns de Saint-Chamas et de Miramas. Dans le massif de la Sainte-Victoire, sur le plateau du Cengle, ce sont les Templiers qui réalisèrent le drainage d'un petit poljé pour permettre les activités agricoles d’une ferme (bien que la présence de villae à proximité laissent penser que cette dépression a sûrement été utilisée à partir de l’Antiquité). Les moines de Saint-Victor exploitèrent, entre autres, les zones marécageuses de la région est de l’Étang de Berre et ce dès le XIIe siècle, secteur ou fut créer, six siècles plus tard, la saline « industrielle » du Lion à proximité de Vitrolles. Cette vaste lagune suscitera d’ailleurs à maintes reprises l’intérêt de nombreux dirigeants politiques et militaires. L’empereur Napoléon songera à faire de cette mer intérieure un grand port militaire. Mais, ce sont sûrement les questions de drainage, d’asséchement et d’assainissement qui ont le plus préoccupé les sociétés riveraines.

A partir du milieu du XVe siècle, les syndics de la commune d’Aubagne, avec l’aide de Charles de Castillon, entreprendront le drainage et la bonification du secteur des « paluns » grâce à l’aménagement original d’embutspour l’évacuation verticale des eaux. A la même période, Palamède de Forbin entame le dessèchement des marais contigus de Gémenos et le Seigneur de Cuges celui poljé local (de 1472 à 1476) qui va alors gagner en salubrité et offrira de nouvelles terres exploitables. Plus au sud, le long du cours supérieur de la vallée de l’Huveaune, entre les villes d’Aubagne et de Marseille, l’arrière-pays Marseillais fut occupé par de nombreuses prairies humides bien irriguées et exploitées pour l’élevage mais dont le caractère marécageux limita longtemps le peuplement et l’installation permanente des cultivateurs (le plan cadastral du début du XIXe siècle montre encore des champs inhabités). Dans le Var, les marais de la région de Besse ont aussi été concernés au XVe siècle par de telles entreprises, les fortes nuisances étant dénoncées par leur « assécheur ».

Sous l’influence des physiocrates, des thèses aéristes puis du courant de pensée hygiéniste, cette question de l’asséchement s’amplifiera fortement aux 18e et 19e siècles. Par exemple, sur le Haut Argens, la destruction d’un barrage de travertin dans la commune varoise de Bras permis d’assécher la zone humide du « Pré de la Cadette »; de nouveaux aménagements furent réalisés dans la plaine de Cuges et à Gémenos, et le drainage de la plaine de Saint-Maximin repris en 1864 (dans ces deux derniers cas l’évacuation des eaux permit l'extension des vignobles). Des terres seront gagnées sur les zones rivulaires de la Durance à partir des grands travaux d'endiguement en 1843. Les secteurs nord et est de l’Étang de Berre firent aussi l’objet de bon nombre de projets destinés à les priver de leur eaux comme celui de l’Étang de Bolmon au cours de la décennie 1870, pour la création d’un port de commerce et d’un canal d’irrigation, mais qui ne vit jamais le jour et celui plus conséquent touchant l’Étang de Vaïne dont la planification s’est poursuivie sans succès jusque dans la seconde moitié du XXe siècle. Beaucoup de ces questions de drainage, liées à la mise en culture et à l’optimisation de la productivité agricole, sont au centre du célèbre ouvrage de référence intitulé « Les irrigations dans le département des Bouches-du-Rhône » publié en 1876 par Jean-Augustin Barral.

 Les marais littoraux prendront quant à eux une dimension économique inédite lorsqu’ils seront convertis en marais salants ; à l’aube du XIXe siècle leur selpermettra de sceller le destin industriel de l’Étang de Berre grâce aux soudières. De la même manière, plus à l’ouest, à Hyères, ce rôle économique des étangs littoraux ne cessa de croitre. Si la saliculture dans le secteur des « Vieux Salins » remonte à l'Antiquité, l'exploitation du site ne s'est pourtant véritablement développée qu'à partir du Xe siècle et la zone adjacente des Pesquiers sur la presqu’île de Giens, d’abord composée d’étangs dédiés à la pêche, fut elle aussi aménagée en salins en 1848, puis exploitée depuis la fin du XIXe siècle par la Compagnie des Salins du Midi.

Après la Seconde Guerre Mondiale, ce sont également eux qui connaîtront les transformations les plus importantes dues à la forte progression de l’urbanisation littorale dans le Sud-est de la France. Et, pour ceux qui subsistent, s'ouvre alors une nouvelle page de leur histoire, où bien souvent mémoire du sel et des activités passées et lieu de conservation pour la flore et l'avifaune des milieux saumâtres vont se conjuguer. Loin d’être « périphériques », les milieux humides sont des éléments importants pour l’écriture d’une histoire environnementale de la Provence. Il apparaît donc intéressant de faire le point sur la dynamique des recherches actuelles entreprises sur ces espaces en intégrant aux travaux des historiens, les données de l’archéologie, de l’ethnologie et de la sociologie afin de pouvoir mieux comprendre les relations que les sociétés provençales ont entretenues avec eux.

Les contributions pourront aborder des aspects démographiques, agricoles, techniques, socio-économiques, sanitaires voire juridiques et porteront, entre autres, sur les grands thèmes suivants :

  1. L’évolution de l’occupation anthropique et les dynamiques de peuplement au fil des siècles.
  2. L'exploitation des ressources naturelles offertes, végétales ou animales, pour l’alimentation mais également la construction, la médecine et l’artisanat (e.g. l’exploitation du roseau notamment pour la fabrication d’instruments de musique).
  3. L’évolution des usages avec la mise en valeur agricole, la création et la gestion de salines ou le développement de la riziculture en insistant sur le rôle respectif des différents groupes sociaux impliqués à chaque époque (e.g. rôle des ordres monastiques durant la période Médiévale puis influence des acteurs publiques et privés). L’asséchement étant considéré par beaucoup d’historiens de la Méditerranée français mais aussi anglo-saxons comme un des usages les plus extrêmes qu’une société puisse faire d’un milieu naturel humide.L'application des chartes, règlements et législations locales ou nationales (e.g. le décret national de dessèchement des étangs du 14 frimaire de l’an II de la période révolutionnaire). Et, pour le XXe siècle, les caractéristiques et l’efficacité des mesures conservatoires misent en place pour la protection des zones humides.
  4. Les conditions de vie et les aspects sanitaires, en particulier en lien avec les problèmes d’impaludation et leur gestion.
  5. Les techniques et les projets de drainages mais aussi d’irrigation destinés à la submersion temporaire de certains espaces comme la plaine de la Crau dans un but agricole. Une attention particulière sera portée aux approches décrivant l’origine, la diffusion et la circulation des techniques utilisées dans un contexte méditerranéen et européen.
  6. Les perceptions des populations locales vis-à-vis de ces milieux en relation avec des croyances ou des mythes ainsi que celles des érudits et savants provençaux, médecins, pharmaciens, naturalistes ou géographes au moment, par exemple, de la diffusion progressive des thèses aéristes et hygiénistes.
  7. Les impacts de l’industrialisation, de l’urbanisation, des activités touristiques et de la pression foncière sur la dynamique spatiale des marais littoraux et fluviaux et les conséquences de l’aménagement de zones résidentielles, de ports commerces ou de marinas. 

Les communications proposées pourront être théoriques et générales ou prendre la forme d’études de cas. Si les travaux concernant la Camargue, le delta du Rhône ou les rives de l’Étang de Berre seront bien évidement considérées, les propositions faisant référence aux petites dépressions humides de l’hinterland, aux zones rivulaires de la plaine alluviale de la Basse Durance ainsi qu’aux espaces palustres côtiers de la Provence orientale seront particulièrement bienvenues. Si les périodes antique, médiévale, moderne et contemporaine seront privilégiées les approches actuelles voire prospectives pourront également être considérées, les dynamiques qui régissent l’évolution des rapports entre société et environnement ne pouvant s’appréhender que dans la longue durée.

Notes

[1] Peregrine Horden & Nicholas Purcell, 2000. The Corrupting Sea: A Study of Mediterranean History. Wiley-Blackwell.

[2] Georges Pichard & Émeline Roucaute, 2014. Sept siècles d’histoire hydroclimatique du Rhône d’Orange à la mer (1300-2000). Climat, crues, inondationsRevue Méditerranée, HS, PUP.

Modalités de soumission

Les propositions de communication doivent parvenir à la Fédération historique de Provence par courriel conjointement à MM. Nicolas MAUGHAN nicolas.maughan@gmail.comet Gilbert BUTI buti@mmsh.univ-aix.fr

avant le 30 avril 2016.

Elles se présenteront sous la forme d’un résumé de 1500 signes environ (espaces compris). Elles seront soumises à un comité scientifique qui se réunira avant la fin du mois de mai et qui informera aussitôt les auteurs de ses décisions. Les études les plus solides et les plus originales seront retenues. Par ailleurs, la publication des textes, après communication au congrès, dans Provence Historique (http://provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/) sera soumise au comité de lecture de la revue.

Les frais de déplacement et d’hébergement des communicants seront pris en charge par le comité d’organisation du congrès dans la limite du budget disponible.

Comité scientifique

  •  Frédérique BERTONCELLO, archéologue, chargée de recherche (Université de Nice, UMR-CNRS CEPAM) 
  • Sylvain BURRI, archéologue, chargé de Recherche (Aix-Marseille Université, MMSH, UMR-CNRS LA3M)  
  • Gilbert BUTI, historien, professeur émérite (Aix-Marseille Université, MMSH, UMR-CNRS TELEMME)
  • Noël COULET, historien, professeur émérite (Aix-Marseille Université, MMSH, UMR-CNRS TELEMME)
  • Daniel FAGET, historien, maître de conférences/HDR (Aix-Marseille Université, MMSH, UMR-CNRS TELEMME)
  • Philippe LEVEAU, archéologue, professeur émérite (Aix-Marseille Université, MMSH, Centre Camille Jullian)
  • Nicolas MAUGHAN,historien/géographe,post-doc (Aix-Marseille Université, UMR-CNRS I2M)
  • Christophe MORHANGE, géomorphologue, professeur (Aix-Marseille Université, IUF, UMR-CNRS CEREGE) 
  • Georges PICHARD, historien, chercheur associé (Aix-Marseille Université, UMR-CNRS CEREGE)
  • Émeline ROUCAUTE, historienne, chercheuse (Direction de la Climatologie, Météo-France) 

Lieux

  • Salle Jean Despas - Marie, Place des Lices
    Saint-Tropez, France (83990)

Dates

  • samedi 30 avril 2016

Mots-clés

  • Provence, environnement, marais, étangs, delta

Contacts

  • Nicolas Maughan
    courriel : nicolas [dot] maughan [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Nicolas Maughan
    courriel : nicolas [dot] maughan [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Étangs, marais et deltas en Provence », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 01 février 2016, https://doi.org/10.58079/ua1

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