AccueilPratiques, usages et parcours militants dans les comités d'entreprise : 70 ans d'existence et maintenant ?

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Pratiques, usages et parcours militants dans les comités d'entreprise : 70 ans d'existence et maintenant ?

Militant practices and careers in works' councils: 70 years of existence. What about now?

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Publié le jeudi 31 mars 2016

Résumé

La célébration des soixante-dix ans des comités d’entreprise fournit une bonne occasion de s’interroger sur la place qu’occupent aujourd’hui ces institutions dans les pratiques et dans les stratégies syndicales. Alors qu’ils constituent un point d’ancrage important dans la vie des équipes syndicales dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les comités d’entreprise demeurent relativement peu explorés comme univers de pratiques par la recherche scientifique. Ce colloque, pluridisciplinaire, cherchera à valoriser des travaux empiriques récents qui interrogent à nouveaux frais l'histoire de cette institution, mais aussi les usages des comité d'entreprises et les profils des salariés qui s'investissent en leur sein.

Annonce

Argumentaire

La célébration des 70 ans des Comités d’entreprise fournit une bonne occasion de s’interroger sur la place qu’occupent aujourd’hui ces institutions dans les pratiques et dans les stratégies syndicales. Alors qu’ils constituent un point d’ancrage important dans la vie des équipes syndicales dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les Comités d’entreprise demeurent relativement peu explorés comme univers de pratiques par la recherche scientifique. Leur histoire a fait l’objet d’un certain nombre d’investigations afin de repérer les continuités, mais aussi les ruptures et les évolutions[1]. Quelques grandes enquêtes empiriques ont été menées dans les années 1980 et 1990[2], afin de questionner les ressorts de cette représentation dans l’entreprise, mais aussi la place prise par ces institutions dans les activités syndicales[3]. Des travaux plus récents se sont intéressés aux usages de l’expertise et à leur incorporation dans les savoirs militants[4], en particulier dans des contextes de restructuration[5]. D’autres recherches ont permis, en lien avec certaines organisations syndicales, d’établir plus précisément le profil des élus et de revenir sur leurs trajectoires[6]. Enfin, de rares publications proposent une mise en perspective plus globale sur la place des CE dans le système de représentation professionnelle ainsi que sur l’usage des compétences économiques et des activités sociales et culturelles[7].

Cette production scientifique demeure cependant relativement faible si on la compare, pour la période récente, au regain d’attention dont a fait l’objet depuis les années 2000 une autre IRP, le CHSCT, dans un contexte de débats scientifiques et intellectuels importants sur la santé au travail et sur les risques psychosociaux.

En effet, force est de constater qu’il y a finalement peu de travaux relatifs aux activités plus ordinaires et plus routinières des élus au sein des CE : sur les différentes commissions, dont celle sur les aides sociales ou bien sûr les activités culturelles, entendues au sens large. Ces dernières renvoient pourtant à un rôle historique des CE en termes d’éducation populaire, de promotion du sport et des loisirs, et ce dans une conception qui engageait l’idée d’une certaine autonomie des salariés en tant que communauté de travail[8]. De plus, certains CE ont pu jouer un rôle important dans leur espace environnant, contribuant à l’installation et à l’animation d’équipements culturels. L’éclatement des sites de production ainsi que l’externalisation massive des emplois d’exécution vers la sous-traitance soulèvent aujourd’hui des enjeux cruciaux en termes de solidarité entre entreprises de tailles différentes, entre catégories socio-professionnelles et entre salariés stables et précaires. Sur un autre plan, les élus des CE se retrouvent souvent démunis face à l’emprise des industries culturelles et au rapport marchand à la culture qu’elles entretiennent. Ils peinent à faire exister des pratiques de loisir et artistiques qui reposent sur des dimensions collectives et renvoient à des formes d’éducation populaire.

Enfin, la réforme de la représentativité avec la loi de 2008 a fait des élections aux CE une épreuve maintenant décisive pour les équipes syndicales, contribuant à brouiller un peu plus la répartition des tâches entre délégués syndicaux et élus CE. Les campagnes électorales représentent de ce point de vue des séquences intéressantes, mais peu connues, avec la valorisation d’arguments très différents selon les équipes (bilan des ASC et vision du périmètre de celle-ci). De même, le fait que nombre de CE soit gérés de façon plurielle, avec des équilibres entre organisations syndicales, mériterait d’être étudié pour lui-même.

L’objectif de ce colloque est de rassembler des travaux de chercheurs de différentes disciplines (droit, histoire, géographie, science politique, sociologie…) afin de questionner, dans leur ensemble, ces différentes dimensions. Qu’il s’agisse de monographies sur une entreprise ou d’autres types d’approches, l’idée est que les communications renvoient à une dimension empirique forte. Le colloque sera également l’occasion de présenter les résultats d’une étude universitaire menée depuis 2014 en Rhône-Alpes sur les activités culturelles des CE, en association avec le comité régional CGT, et de confronter les résultats obtenus à d’autres enquêtes empiriques.

Les propositions de communication pourront s’inscrire dans les trois axes suivants :

1)    La « fabrique » des Comités d’entreprise

Il s’agira dans ce premier axe d’explorer à nouveaux frais les grandes étapes qui ont marqué l’histoire des CE, depuis leur moment de constitution (et les façons de se construire par rapport à l’héritage d’une forme de paternalisme dans certaines entreprises) jusqu’au renforcement de leurs attributions et de leur compétences sur les questions de formation, de participation, et bien sûr avec les lois Auroux. A quel point cette histoire, le rôle et les attributions des CE en France sont-ils singuliers ? Peut-on établir des comparaisons avec des institutions proches dans d’autres pays ? Mais la « fabrique » du CE pose aussi la question du maintien de celui-ci (ou d’une association gérant son héritage) après la fermeture de l’entreprise et de son rôle dans la construction d’une dimension mémorielle. Il pourrait être intéressant ici d’explorer les archives laissées par certains CE, que celles-ci aient été déposées dans des institutions comme les Archives nationales du monde du travail, dans les fonds d’archives syndicaux ou soient gérées par des associations.

2)    Les usages des Comités d’entreprise

Les CE disposent d’un rôle consultatif sur les activités économiques et professionnelles et gèrent directement les activités sociales et culturelles. Le poids de ces différents domaines d’intervention, leur articulation, méritent en eux-mêmes d’être questionnés tant leur prise en charge donne lieu à des arbitrages en termes d’heures et d’investissement du côté des élus. Ce deuxième axe vise à questionner les usages des différentes ressources, à commencer par l’expertise économique, dont disposent les CE notamment lors de phases de restructuration. Mais l’objectif sera également de comprendre ce qui se joue dans les priorités qu’établissent les élus dans la gestion des différents domaines attribués au CE, la façon dont ils investissent les commissions obligatoires et facultatives, ainsi que les activités sociales et culturelles dans leur ensemble. Peut-on repérer des séquences très différenciées – en temps de crise, en temps ordinaire – dans la vie des CE ou bien assiste-t-on aujourd’hui à une concentration du travail des élus sur certaines activités, à une hiérarchisation permanente des tâches ? Cette approche en termes d’usages peut également être élargie pour appréhender l’inscription des CE dans leur espace environnement. Il pourrait ainsi être intéressant de revenir sur les relations entretenues, en particulier dans des villes ouvrières, avec les municipalités mais aussi avec des associations, sur les initiatives communes qui ont pu être construites et sur les problèmes posés par la disparition de gros CE, comme conséquences des restructurations industrielles. Ces usages sociaux élargis des CE permettront également de questionner la pertinence des périmètres d’action, à l’heure où une large partie des salariés ne vivent plus dans la commune où ils travaillent.

3)    Les militants des Comités d’entreprise

Quel sens revêt un mandat au CE dans un parcours militant ? Quels sont les apprentissages, mais aussi les formes de socialisation, qui lui sont liés ? Comment les organisations syndicales pensent-elles aujourd’hui la formation de ces élus, mais aussi la façon dont ces derniers investissent leur rôle ? Un mandat CE conduit-il à une forme de professionnalisation ? Quels sont les liens avec la section ou le syndicat dans l’entreprise ? Une attention particulière sera portée sur la façon dont les élus CE pensent leurs rapports aux experts, mais aussi à la manière dont ils combinent les différents rôles qui leur incombent et les différents activités liées au CE. Peut-on repérer des spécialisations dans certains domaines et parler par exemple de militants de la culture en entreprise ?

Références

[1] Jean-Pierre Le Crom, Syndicats, nous voilà ! Vichy et le corporatisme, Paris, Editions de l’Atelier, 1995 ; Jean-Pierre Le Crom, L’introuvable démocratie salariale. Le droit de la représentation du personnel dans l’entreprise (1890-2002), Paris, Syllepse, 2003.

[2] Christian Dufour, Marie-Françoise Mouriaux, « Comités d’entreprise, quarante ans après », Les dossiers de l’IRES, n°4, 1986 ; IRES-DARES, Enquête sur les comités d’entreprise, leurs activités et leurs élus, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Ed. de l’Atelier, 1998.

[3] Christian Dufour, Adelheid Hege, « Comités d’entreprise et syndicats, quelles relations ? » La Revue de l’IRES, n°59, 2008 ; Christian Dufour, Adelheid Hege, L’Europe syndicale au quotidien, la représentation des salariés dans les entreprises en France, Allemagne, Grande-Bretagne et Italie, Bruxelles-Genève, PIE Peter Lang, 2002.

[4] Cristofalo Paula, « L’institutionnalisation d’une fonction d’expertise et de conseil auprès des élus du personnel », Cahiers internationaux de sociologie, vol. CXXVI, 2009, p. 81-98 ; Di Ruzza Renato (dir), Caveng Rémy, Francescon Jean-Marie, Franciosi Colette, Jean Rémy, Le Bris Roland, Orban Édouard, Panorama des savoirs militants. Enquête épistémologique auprès des représentants du personnel, rapport de recherche pour la DARES, décembre 2009. ; Bagorski René, Ethuin Nathalie, Gantois Maïlys, Giraud Baptiste, Lusson Julien, Merlin Jean-Robin, Construction, développement et usages des savoirs et savoir-faire des élus des CE et CHSCT dans l’exercice de leur mandat. Approches monographiques dans deux bassins d’emploi : la région parisienne et l’agglomération lyonnaise, Rapport final du cabinet Émergences, réalisé pour le ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, avril 2010.

[5] Claude Didry, Anette Jobert, L’entreprise en restructuration. Dynamiques institutionnelles et mobilisations collectives, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

[6] Cécille Guillaume, Brigitte Mouret, « Les élus des Comités d’entreprise : de l’institutionnalisation à la professionnalisation ? », La Revue de l’IRES, n°44, 1, 2004, p. 34 à 65.

[7] Marie-Noëlle Auberger, dir, Les comités d’entreprise, un nouvel âge ?, Paris, La Documentation Française, 2012 ; Michel Vakaloulis, Le comité d’entreprise de demain, Paris, Editions de l’Atelier, 2015.

[8] Bernard Miège, Les Comités d’entreprise, les loisirs et l’action culturelle, Paris, Cujas, 1974 ; Jean-Michel Leterrier, La culture au travail, essai de politique culturelle, Paris, Editions sociales, 1993 ; Sylvain Pattieu, Tourisme et travail, de l’éducation populaire au secteur marchand (1945-1985), Paris, Presses de Sciences-Po, 2009.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (3000 signes maximum) précisant bien les sources utilisées, les appartenances disciplinaires et le statut des auteurs,

sont à envoyer pour le 2 mai 2016

à :sophie.beroud@univ-lyon2.fr et Francois.DUCHENE@entpe.fr

Les réponses seront données par le comité scientifique fin mai 2016. Le texte définitif des communications (40 000 signes maximum) sera attendu pour le 15 septembre 2016.

Des propositions conjointes entre chercheurs et militants syndicaux sont tout à fait envisageables et feront l’objet d’une attention particulière.

Comité scientifique

  • Sophie Béroud, maître de conférences en science politique, Université Lyon 2, Triangle.
  • Paula Cristofalo, maître de conférences en sociologie, Ecole des Hautes Etudes en Santé publique.
  • Anne Dalmasso, professeure d’histoire contemporaine, Université de Grenoble Alpes, LARHRA
  • Claude Didry, sociologue, directeur de recherche au CNRS, directeur de l’IDHES
  • François Duchêne, géographe, chargé de recherche, ENTPE, RIVES-EVS
  • Christian Dufour, sociologue, chercheur au CRIMT.
  • Caroline Frau, maître de conférences en science politique, Université Lyon 2, Triangle
  • Georges Gay, professeur en urbanisme, Université de Saint-Etienne, EVS
  • Carole Giraudet, docteur en droit, directrice adjointe de l’Institut de Formation syndicale de Lyon 2.
  • Cécile Guillaume, maître de conférences en sociologie, Université Lille 1, CLERSE.
  • Rémy Jean, sociologue, professeur associé à l’Université d’Aix-Marseille.
  • Jean-Pierre Le Crom, historien du droit, directeur de recherche au CNRS, MSH, Université de Nantes.
  • Jean-Michel Leterrier, docteur en esthétique, chercheur indépendant.
  • Cécile Nicod, maître de conférence en droit, directrice de l’Institut de Formation syndicale de Lyon 2.
  • Karel Yon, chargé de recherche en sociologie, CERAPS-Lille 2.
  • Vincent Veschambre, professeur de géographie, directeur du RIZE.

Lieux

  • Lyon, France (69)

Dates

  • lundi 02 mai 2016

Mots-clés

  • comité d'entreprise, syndicat, relation professionnelle, activité culturelle

Contacts

  • Sophie Béroud
    courriel : sophie [dot] beroud [at] univ-lyon2 [dot] fr

Source de l'information

  • Sophie Béroud
    courriel : sophie [dot] beroud [at] univ-lyon2 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Pratiques, usages et parcours militants dans les comités d'entreprise : 70 ans d'existence et maintenant ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 31 mars 2016, https://doi.org/10.58079/uqx

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