AccueilDu vivant au social : les semences en question

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Du vivant au social : les semences en question

From the living to the social - seed issues

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Publié le mardi 26 avril 2016

Résumé

Le présent colloque prend le parti de questionner l’enjeu de la biodiversité cultivée plutôt que celui du productivisme agricole sans nier la nécessité de travaux scientifiques au sujet de la production agricole et de la qualité des semences. Il vise à interroger, du point de vue des sciences humaines, la production de connaissances profanes et scientifiques et leur rencontre, ainsi que les modes de gestion face au verrouillage du régime.

Annonce

Jeudi 6 octobre 2016 Louvain-la-Neuve (Belgique)

Argumentaire

L’amélioration végétale a fait l’objet d’activités expérimentales depuis des siècles. Paysans, aristocrates, moines, chamans et autre prêtres s’y sont attelés. Ce n’est que plus tard que cette activité a été reprise par des premiers scientifiques. La sortie de la Deuxième Guerre marque, pour une large part du système agricole mondial, le passage de l’agriculture domestique à la modernisation agricole aux visées productivistes inscrite dans des pratiques fordistes (Bonneuil and Thomas 2009). Les semences deviennent ainsi un bien marchand, un produit dont les paramètres sont prédéfinis et circonscrits. Dès le 19e siècle, afin de cerner et définir les variables d’une semence, les sélectionneurs et scientifiques développent la notion de « variété ». Pour y parvenir, au sein de leur laboratoire, ils analysent, classent, sélectionnent ce que produisent leurs champs expérimentaux. Ils créent des banques de graines. Toutefois, cette approche ex situ fait souvent fi des connaissances paysannes au sujet des semences.

Deux mécanismes produisent le verrouillage du système semencier (Hecquet 2015) : l’autorisation préalable à la mise sur le marché par l’inscription au Catalogue officiel qui définit quel produit peut ou ne peut pas circuler; et le droit de propriété intellectuel par le Certificat d’Obtention Végétal (COV). Tous deux s’appuient sur une définition de la variété au travers de sa normalisation via les caractéristiques de « Distinction Homogénéité Stabilité - DHS ». Dans ce cadre réglementaire, l’élaboration des hybrides F1 amplifie la dépendance des agriculteurs aux semenciers. De fait, la seconde génération d’hybrides exprime la diversité génétique de leurs parents et grands-parents, rendant les productions hétérogènes et peu attirantes commercialement (Kloppenburg 1988).

Depuis les années 90’, une dynamiques critique le système semencier sans pour autant le renverser (Bonneuil C. , Demeulenaere E. et al. 2006). Elle repose sur une demande de requalification de la qualité, des terroirs et de l’environnement (Allaire 2004) (variété population, adaptabilité à l’agriculture bio…). Les défenseurs de cette mouvance critiquent la mise en place de la notion de variété comme objet « fixiste » par l’utilisation des critères DHS et revendiquent une approche d’accompagnement du vivant où les semences constituent un patrimoine évolutif de l’humanité. Ils cherchent ainsi à se distinguer de la standardisation, de la centralisation et de la normalisation. Ces paysans s’engagent dans une démarche de réappropriation de savoir-faire et des modes de circulation de leurs semences (Demeulenaere 2014). Parallèlement, dans d’autres parties du globe, l’héritage de pratiques semencières perdure malgré une pression à l’homogénéisation du système semencier. Ils font figure de résistance et inspirent les mouvements occidents. Cela passe entre autres par l’élaboration de projets en sélection participative (Ceccarelli 2006), impliquant des paysans mais aussi des scientifiques voire des restaurateurs et des consommateurs. La sélection participative des variétés population malgré les limites rencontrées (Hocdé, Sogoba et al. 2008), constitue un exemple pertinent pour aborder la co-construction de connaissances et l’innovation de nos pratiques de recherche (Nazarea 2005). Ces pratiques participent à l’élargissement d’une approche exclusivement matérielle à une approche qui prend en compte leur dimension vivante et dynamique. Cette perspective transdisciplinaire réactivedes savoir-faire, des variétés (Demeulenaere and Bonneuil 2010) et élargit les tenants et aboutissants de la recherche.

Le présent colloque prend le parti de questionner l’enjeu de la biodiversité cultivée plutôt que celui du productivisme agricole sans nier la nécessité de travaux scientifiques au sujet de la production agricole et de la qualité des semences. Il vise à interroger, du point de vue des sciences humaines, la production de connaissances profanes et scientifiques et leur rencontre, ainsi que les modes de gestion face au verrouillage du régime. De ces questions découle une autre interrogation : la place octroyée par les sciences humaines aux rapports au vivant qui déplacent les frontières et les normes de connaissances. Pour traiter ces questions, trois axes, ayant comme porte d’entrée les semences, seront ainsi privilégiées dans le cadre du colloque:

  1. Les connaissances écologiques traditionnelles et scientifiques
  2. Les gestions d’un patrimoine
  3. Le rapport au vivant

Le dispositif de travail vise à entrer dans chaque axe par la présentation d’un chercheur/chercheuse invité-e et de deux présentations sélectionnées par le comité scientifique. Chaque session se clôture par un temps de discussion initiée par un discutant. A la fin des trois sessions, un échange conclusif est planifié en vue d’articuler l’ensemble du travail de la journée. Les papiers originaux et novateurs en la matière feront l’objet d’une publication. Au niveau linguistique, le français et l’anglais forment nos langues de travail.

AXE 1 : Les connaissances écologiques traditionnelles et scientifiques

Invité: Virginia D. Nazarea (University of Georgia) : « Re-animating the seed: from technology to enchantment of conservation »

Discutant: À définir

Les semences offrent la potentialité d’interroger les interactions entre connaissances profanes et connaissances scientifiques (Agrawal, 1995). Plus particulièrement, les traditional ecological knowledge (TEK) transmis oralement de génération en génération sont une source d’inspiration pour les paysans, pour l’agroécologie mais aussi pour les promoteurs d’une agriculture industrielle. L’ancrage pratique de ces connaissances écologiques démontre des capacités de résilience importantes pour affronter des problèmes environnementaux sévères (changements climatiques, lutte intégrée, acidification ou salinisation des terres…) (Altieri and Nicholls 2013). L’incroyable diversité évolutive et adaptative de l’agriculture coutumière alimente en patrimoine génétique les semenciers du monde (Nabhan 2009). Mais si la petite paysannerie, et parallèlement les savoirs et savoir-faire semenciers, sont à certains égards aujourd’hui revalorisés et/ou recherchés, ils sont aussi en proie à une désertion des jeunes générations happées par d’autres horizons professionnels (Deléage 2012).  

AXE 2 : Les gestions d’un patrimoine

Invité : Frédéric Thomas (CNRS-UMR-IRD) : « Les commons constituent-ils une réponse à la crise du domaine public en génétique végétale ? »

Discutant : À définir

L’enjeu de la visibilité de la biodiversité par le référencement des variétés nous amène à questionner les modes de gestion des semences. Les défenseurs de la biodiversité cultivée revendiquent les semences comme appartenant à un patrimoine commun de l’humanité. Comment s’articule la gestion de ressources génétiques entre domaine public, biens collectifs et biens privés ? Il s’agit de comprendre qui est «maître» des variétés et via quel dispositif. Selon Thomas (2013) face à la dilution du domaine public, la société civile élabore une stratégie de réanimation des droits collectifs sur les communs agricoles. L’accès et l’usage de ceux-ci se gèrent par une communauté semi-fermée. A contrario, certains cas revendiquent l’usage du domaine public comme seul et unique espace permettant l’accès à tous à ce patrimoine commun. Cette posture interroge la nécessité ou non de dispositions de protection par l’attachement des variétés paysannes à une communauté.

Axe 3 : Le rapport au vivant

Invité : Elise Demeulenaere  (CNRS-MNHL) : « A Political Ontology of Seeds »

Discutant : A définir

Tant la construction de connaissances que le mode de gestion des semences renvoie à la question du rapport au vivant(Demeulenaere 2013). Dans le cadre de la biodiversité cultivée, les plantes disposent d’un espace d’existence qui dépasse celui limité à l’unique critère de rendement. Des praticiens défendent des approches qu’ils énoncent comme respectueuses des principes du vivant, voire même s’inspirant du vivant comme modèle (Chapelle and Decoust 2015). À titre d’illustration, la Stérilisaiton Mâle Cytoplasmique (CMS en anglais), acceptée au regard de la charte de l’Agriculture Biologique, est dénoncée par certains producteurs bio (Dondeyne 2013). Les études de terrains interrogent les modes de rapport au vivant non humain (Descola 2005) qualifiés par certains praticiens de « sacré » (Hurand and Larrère 2014). Ce sujet à la fois fragile et sensible, questionne la validé scientifique. Comment ces conceptions et discours peuvent trouver une place dans nos analyses sans disqualifier ni les acteurs de terrain, ni le travail scientifique ?

Conclusions et nouvelles perspectives par les professeurs Pierre-Joseph Laurent (UCL) et Pierre M. Stassart (ULG).

Bibliographie

Agrawal A., 1995, “Dismantling the divide between indigenous and scientific knowledge”, Development and Change, Vol.26: 413-439.

Allaire, G. (2004). "Coopération, qualification professionnelle et régimes de responsabilité (Innovation institutionnelle et crise professionnelle en agriculture)." Economies et Sociétésn°23.

Altieri, M. and C. Nicholls (2013). "The adaptation and mitigation potential of traditional agriculture in a changing climate." Climatic Change: 1-13.

Bonneuil, C. and F. Thomas (2009). Gènes, pouvoirs et profits. Recherche publique et régimes de prodcution des savoirs de Mendel aux OGM. Lausanne.

Bonneuil C. , et al. (2006). "Innover autrement? La recherche face à l'avènement d'un nouveau régime de production et de régulation des savoirs en génétique végétale." Dossier de l'environnement de l'INRAN°30: 29-51.

Ceccarelli, S. (2006). Decentralized - Participatory Plant Breeding: Lessons from the South - Perspectives in the North. Proceedings of the ECO-PB Workshop : “Participatory Plant Breeding : Relevance for Organic Agriculture ?”. E. C. f. O. P. Breeding. La Besse - France, Desclaux D. and Hédont M.: 8-15.

Chapelle, G. and M. Decoust (2015). Le vivant comme modèle, Albin Michel.

Deléage, E. (2012). "Les paysans dans la modernité." Revue Française de Socio-Économie1 9: 117-131.

Demeulenaere, E. (2013). "Les semences entre critique et expérience : les ressorts pratiques d’une contestation paysanne." Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement94(4): 421-441.

Demeulenaere, E. (2014). "A Political Ontology of Seeds." Journal of Global and Historial Anthropology69: 45-61.

Demeulenaere, E. and C. Bonneuil (2010). Cultiver la biodiversité : Semences et identité paysanne. Les mondes agricoles en politique. De la fin des paysans au retour de la question agricole. L. P. d. S. Po. Paris: 73-92.

Dondeyne, C. (2013). "Artificiel ou naturel? La filière de légumes bio confrontée à un procédé de sélection en Bretagne." Revue d'Etudes en Agriculture et Environnement: 65-92.

Hecquet, C. (2015). Comment faire circuler les semences? Enjeux et perspectives pour les alternatives. 2ème Congrès International du Développement Durable. Louvain-la-Neuve.

Hocdé, H., et al. (2008). "Tables rondes paysans-chercheurs : simples échanges ou vrai débats?" Cahiers Agricultures17, n°2: 222 - 230.

Hurand, B. and C. Larrère (2014). Y a-t-il du sacré dans la nature?, Publication de la Sorbonne.

Kloppenburg, J. (1988). First Seed The Political Economy of Plant Biotechnology. Madison, Universty of Wisconsin Press.

Nabhan, G. (2009). Where Our Food Comes From: Retracing Nikolay Vavilov's Quest to End Famine. Washington D.C, Island Press.

Nazarea, V. (2005). Heirloom Seeds and Their Keepers: Marginality and Memory in the Conservation of Biological Diversity, The University of Arizona Press.

Thomas, F. (2013). Droits de propriété intellectuelle et « Communs agricoles ». Comment repenser l’articulation entre biens privés, biens collectifs et domaine public ? I.-M. UMR PATRIMOINES LOCAUX.

Modalités et calendrier

Les propositions de communication, en français ou en anglais, doivent être envoyées

avant le 1 juin 2016

à Corentin Hecquet corentin.hecquet@ulg.ac.be et Julie Hermesse julie.hermesse@uclouvian.be .

  1. Elles doivent impérativement mentionner :
  2. Le titre de la communication ;
  3. Un résumé de 300 à 600 mots maximum
  4. Le nom et le prénom de l’auteur ou des co-auteurs ;
  5. Leur statut ;
  6. Leur discipline ;
  7. Leur institution ;
  8. Leur contact électronique.

Le comité scientifique sélectionnera les propositions et contactera tous les auteurs de propositions le 24 juin 2016 au plus tard. Le colloque se tiendra à Louvain-la-Neuve (à proximité de Bruxelles) le 6 octobre 2016.

Membres du comité Scientifique

  • Pierre-Joseph Laurent (LAAP-UCL) ;
  • Pierre M. Stassart (SEED - ULG) ;
  • François Mélard (SEED - ULG) ;
  • Andreia Lemaître (DVLP-UCL) ;
  • Tom Dedewardere (CPDR-UCL) ;
  • Thomas Thornton (University of Oxford) ;
  • Philippe Baret (ELI-UCL) ;
  • Dirk Reheul (U Gent) ;
  • Bernard Feltz (ISP-UCL) ;
  • Charlotte Luyckx (ISP-UCL) ;
  • Isabelle Goldringer (INRA Lemoulon) ;
  • Laura Rival (University of Oxford) ;
  • An Ansoms (DVLP – UCL)

Membres du comité organisateur

  • Julie Hermesse (FNRS-UCL) ;
  • Corentin Hecquet (SEED - ULG) ;
  • Pierre Stassart (SEED - ULG) ;
  • Pierre-Joseph Laurent (LAAP-UCL) ;
  • An Ansoms (DVLP-UCL) ;
  • Andreia Lemaître (DVLP-UCL)

Pré-programme

8h30 - 9h : accueil / yoga (arriver au plus tard à 8h40)

9h-9h30 : ouverture

Axe 1 : Les connaissances écologiques traditionnelles et scientifiques

  • 9h30 – 10h : Virginia D. Nazarea (University of Georgia)
  • 10h-10h20 : présentation 1
  • 10h20 – 10h40 : présentation 2
  • 10h40 - 11h : pause
  • 11h - 11h45 : discussion 1

Axe 2 : Les gestions d’un patrimoine

  • 11h45 -12h15 : Frédéric Thomas (CNRS-UMR-IRD)
  • 12h15-13h15 : dîner (+sieste pour ceux qui le désire ou yoga)
  • 13h15-13h35 : présentation 1
  • 13h35 – 13h55 : présentation 2
  • 13h55 – 14h40: discussion 2
  • 14h40-15h10: pause

Axe 3 : Le rapport au vivant

  • 15h10-15h40 : Elise Demeulenaere  (CNRS-MNHL)
  • 15h40-16h : présentation 1
  • 16h-16h20 : présentation 2
  • 16h20 -16h50 : pause
  • 16h50-17h35 : discussion 3
  • 17h35 - 18h35 : Conclusion/ discussion de mise en perspective

Lieux

  • Louvain-la-Neuve, Belgique (1348)

Dates

  • mercredi 01 juin 2016

Mots-clés

  • semence, patrimoine, connaissance, écologie, savoir, profane, traditionnel

Contacts

  • Corentin Hecquet
    courriel : corentin [dot] hecquet [at] ulg [dot] ac [dot] be
  • Julie Hermesse
    courriel : julie [dot] hermesse [at] uclouvain [dot] be

Source de l'information

  • Julie Hermesse
    courriel : julie [dot] hermesse [at] uclouvain [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Du vivant au social : les semences en question », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 26 avril 2016, https://doi.org/10.58079/uxn

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