Argumentaire
Ce colloque vise à explorer de façon interdisciplinaire (musique, littérature et arts visuels) la réalité de la migration artistique à Paris sous la Troisième République. Les artistes – les étrangers autant que les Français – y cherchent une consécration internationale. Cependant, si Paris est l’une des principales villes (voire la ville) pour plonger dans un milieu cosmopolite et ainsi atteindre un prestige international, elle est également un lieu de tensions nationalistes et xénophobes. Musiciens, écrivains et peintres étrangers ont subi ces tensions politiques. Mais c’est justement cette réalité cosmopolite qui a suscité une effervescence de débats esthétiques sans lesquels Paris n’aurait probablement pas atteint son statut de capitale internationale de la vie artistique.
Les questions de la formation interculturelle des imaginaires nationaux et de la place occupée par les étrangers dans la tradition artistique d’un territoire sont de grande actualité, ainsi que celles de la migration de jeunes talents et de la « mondialisation » des produits artistiques par rapport à leur ancrage dans une tradition nationale. Une profondeur diachronique – donnée par l’histoire de la culture – nous paraît indispensable pour insérer dans la longue durée les phénomènes d’actualité et en évaluer les enjeux. Un contexte comme celui de Paris dans les années 1870-1940, où de nombreuses communautés d’artistes migrants cherchent une place dans la culture dite « française » (que d’autres artistes étrangers avaient par ailleurs contribué à alimenter dans le passé), est un terrain particulièrement fertile pour étudier de façon interdisciplinaire les rapports entre nationalité, milieu et style.
Musiciens, écrivains et peintres ont partagé les espaces que Paris leur offrait en se mélangeant entre eux beaucoup plus que ce que ne le laisse souvent entendre leur discipline d’études respectives (musicologie, histoire de la littérature et histoire de l’art). Les lieux physiques (logements, cafés, institutions, etc.) et les lieux du discours (presse, radio, etc.) étaient des réseaux favorisant des connexions qui dépassaient les limites disciplinaires. Conséquemment, l’analyse de la presse culturelle, par exemple, gagne à faire l’objet d’une étude globale comparant les réactions des critiques d’art français vis-à-vis des étrangers à celles des critiques musicaux. Ou encore, sur le plan de l’analyse des œuvres, il est éclairant d’étudier comment le fait d’être à Paris a influencé les différents artistes étrangers quant aux choix des sujets et à la technique utilisée. Ce colloque souhaite ainsi donner la possibilité à des chercheur(e)s issu(e)s de différents domaines de comparer leurs études de cas, et de formuler des réflexions qui dépassent leur champ de spécialisation en vue d’une compréhension plus générale des enjeux liés à l’immigration artistique à Paris sous la Troisième Républiqe.
Plusieurs jeunes artistes installés à Paris entre 1870 et 1940 ont quitté leur pays pour des raisons politiques, d’autres pour des choix de carrière ou pour enrichir leur formation. Tous ont vu leur identité nationale accentuée par opposition aux artistes français. En quoi l’expérience de migrant a-t-elle intensifié le sentiment d’identité nationale, et comment a-t-elle pu influencer la production artistique? Quelle place réservait-on aux étrangers dans l’art « français »? Quels étaient les rapports entre le discours promouvant le nationalisme artistique et la technique des œuvres? Quels étaient les mécanismes de redéfinition identitaire qui s’opéraient chez les artistes migrants? Dans quelle mesure l’œuvre d’un artiste étranger à Paris est-elle liée à la localisation physique de son créateur? Existaient-ils, à la fin du xixe siècle et au début du xxe, des genres ou des styles « internationaux » spécifiquement parisiens? Comment s’articulait la dialectique entre la promotion internationale de Paris et les craintes d’internationalisation stylistique?
Les communications concerneront principalement la musique, les arts visuels et la littérature; des interventions sur le théâtre et le cinéma seront aussi les bienvenues. Le caractère interdisciplinaire du colloque pourra se traduire, d’une part, par des communications en soi interdisciplinaires, et, d’autre part, par la réunion au sein des séances d’études de cas consacrés à un domaine artistique spécifique.
Axes thématiques
La liste suivante propose un choix non exclusif de thèmes qui pourront être abordés dans les communications :
Les protagonistes :
- études monographiques d’artistes étrangers ayant résidé à Paris dans la période considérée;
- les milieux de la sociabilité artistique cosmopolite (cafés, ateliers, librairies, etc.);
- les trajectoires de carrière et les stratégies des jeunes artistes étrangers pour s’affirmer dans la capitale française;
- le rôle des artistes étrangers dans les institutions parisiennes;
- les institutions artistiques étrangères et internationales à Paris;
- le choix de Paris comme lieu de résidence pour les artistes.
Le discours :
- le discours des Français (critiques, gestionnaires culturels, artistes, etc.) sur les artistes étrangers œuvrant à Paris;
- la promotion de Paris comme centre international de la vie artistique;
- le débat politique, syndical et législatif concernant la présence des artistes étrangers;
- les rapports entre nationalisme, internationalisme, xénophobie et jugement esthétique;
- le caractère international de la vie artistique parisienne vu par les étrangers résidant dans la capitale (revues des communautés culturelles, chroniques écrites pour des revues étrangères, correspondance des artistes, etc.) ou ailleurs.
Les œuvres :
- le concept d’« écriture migrante » appliqué à la littérature, aux arts visuels et à la musique;
- les « styles nationaux » et leur redéfinition dans un contexte cosmopolite;
- Paris comme sujet des œuvres;
- l’émergence de genres internationaux typiquement parisiens;
- les interactions techniques entre le folklore des pays d’origine et les tendances stylistiques internationales.
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Les propositions de panels regroupant plusieurs communications autour d’un sujet spécifique sont les bienvenues.
Les langues du colloque seront le français et l’anglais.
Merci de nous faire parvenir vos propositions de communication (max. 3 000 caractères / 450 mots)
au plus tard le 31 août 2016
en remplissant le formulaire en ligne disponible à l’adresse suivante :
https://docs.google.com/forms/d/1sFMY1pcl1WZZIGHGRjsrAKIlHF93PqpqG3XINd_LHdE/viewform
Comité d’organisation
- Steven HUEBNER (James McGill Professor, Schulich School of Music, McGill University)
- Federico LAZZARO (stagiaire postdoctoral, OICRM/McGill University)
Conférenciers invités
- Ihor JUNYK (Trent University)
- Pascal ORY (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Comité scientifique
Musique :
- Michel DUCHESNEAU (Université de Montréal)
- Annegret FAUSER (University of North Carolina at Chapel Hill)
Arts visuels :
- Mary HUNTER (McGill University)
- Kate KANGASLAHTI (KU Leuven)
Littérature :
- Guillaume BRIDET (Université de Bourgogne)
- Timothée PICARD (Université de Rennes)
Coordination
- Federico LAZZARO
- Christine PARÉ (coordinatrice OICRM, site Université de Montréal)
- Judy-Ann DESROSIERS (coordinatrice d’équipe, OICRM)
Partenaires
Trio Fibonacci, Institute for the Public Life of Arts and Ideas (IPLAI), Projet « Musique et nation dans l’entre-deux-guerres » (Université d’Evry-Val d'Essonne; SLAMRASM et l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines; Centre d’Histoire culturelle des sociétés contemporaines [CHCSC]), Musée des beaux-arts de Montréal
Argument
This conference seeks to explore the phenomenon of artistic migration to Paris during the Third Republic from an interdisciplinary perspective (music, literature, and the visual arts). Artists—foreigners as well as French—sought international recognition. Yet, although Paris was one of the principal cities (even the city) for those looking to plunge into a cosmopolitan milieu and thus attain international prestige, it was also a site of national and xenophobic tensions that were keenly felt by foreign musicians, writers, and painters. Even so, it was precisely this cosmopolitan reality that sparked the flourishing aesthetic debates without which Paris would perhaps not have achieved its status as the international capital of artistic life.
Currently, there is great interest surrounding the intercultural structure of imagined communities and the space occupied by foreigners in a region’s artistic tradition, as well as questions relating to the migration of young talent and the “globalization” of artistic products with regard to their integration in a national tradition. Detailed examination through the lens of cultural history produces the necessary historical context for such phenomena, factors that still exist today. The context of Paris from the 1870s to the 1940s, in which many communities of migrant artists searched for space in a culture regarded as “French” (and that had otherwise benefitted from the contributions of other foreign artists in the past), is a field particularly fertile for interdisciplinary study of the relationships among nationality, milieu, and style.
Musicians, writers, and painters shared spaces in Paris, intermingling much more than the respective disciplines of study (musicology, literary history, and art history) often make apparent. Networking sites, such as those supplied by physical venues (housing, cafés, institutions, etc.) and media (the press, radio, etc.), facilitated connections that went beyond disciplinary boundaries. For example, an analysis of the cultural press would stand to benefit from broader study that compares art critics’ reactions with those of music critics regarding the question of French versus foreign art. Exploring the ways in which the different foreign artists’ choice of subject or technique was influenced by their physical location in Paris is also instructive for an analysis of the works themselves. This conference thus seeks to offer researchers from different fields the opportunity to compare their case studies and to formulate ideas that transcend their field of specialization, with the goal of producing a comprehensive understanding of the issues related to artistic migration to Paris during the Third Republic.
Several young artists who settled in Paris between 1870 and 1940 had left their country for political reasons, others for career opportunities or to enrich their education. All of them found their national identity accentuated in opposition to that of French artists. In what ways did the migrant experience intensify feelings of national identity, and how might it have influenced artistic production? What place were foreigners given in “French” art? What were the relationships between the discourse promoting artistic nationalism and creative practice? What were the mechanisms at work in migrant artists’ redefinition of their identity? In what measure is the work of a foreign artist in Paris connected to the creator’s physical location? At the end of the nineteenth and the beginning of the twentieth century, were there “international” genres or styles that were especially Parisian? What was the relationship between the international promotion of Paris and the fears surrounding stylistic internationalization?
Presentations will focus principally on music, the visual arts, and literature; papers on theatre and cinema are also welcome. The interdisciplinary character of the conference will find expression, on the one hand, by presentations that are themselves interdisciplinary and, on the other, through the assemblage of case studies devoted to specific artistic fields within the sessions.
Main themes
The following list presents a non-exhaustive selection of themes that might be taken up in papers:
The protagonists:
-
detailed studies about foreign artists living in Paris during the period under question;
-
the venues of cosmopolitan artistic interaction (cafes, studios, libraries, etc.);
-
career trajectories and the strategies of young foreign artists to establish themselves in the French capital;
-
the role of foreign artists in Parisian institutions;
-
foreign and international artistic institutions in Paris;
-
the choice of Paris as a place of residence for artists.
Discourse:
-
the discourse of the French (critics, cultural administrators, artists, etc.) about foreign artists working in Paris;
-
the promotion of Paris as an international center of artistic life;
-
political, trade union, and legislative debates concerning the presence of foreign artists;
-
the connections between nationalism, internationalism, xenophobia, and aesthetic evaluation;
-
the international character of Parisian artistic life as perceived by foreigners living in the capital or elsewhere (culled from the journals put forth by cultural communities, columns written for foreign journals, artists’ correspondence, etc.);
The works:
-
applying the concept of “migrant writing” to literature, the visual arts, and music;
-
“national styles” and their redefinition in a cosmopolitan context;
-
Paris as the subject of works;
-
the emergence of international genres that are typically Parisian;
-
the technical relationships between folklore from the countries of origin and international stylistic tendencies.
Submission guidelines
We also welcome panel proposals that bring together several papers around a specific topic.
Presentations can be given in French or in English.
Please send your proposals (3,000 characters / 450 words) by filling the online form
by August 31, 2016:
https://docs.google.com/forms/d/1sFMY1pcl1WZZIGHGRjsrAKIlHF93PqpqG3XINd_LHdE/viewform
Conference organizers
- Steven HUEBNER (James McGill Professor, Schulich School of Music, McGill University)
- Federico LAZZARO (Post-Doctoral Fellow, OICRM/McGill University)
Keynote speakers
- Ihor JUNYK (Trent University)
- Pascal ORY (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Scientific committee
- Music:
- Michel DUCHESNEAU (Université de Montréal)
- Annegret FAUSER (University of North Carolina at Chapel Hill)
- Visual arts:
- Mary HUNTER (McGill University)
- Kate KANGASLAHTI (KU Leuven)
- Literature:
- Guillaume BRIDET (Université de Bourgogne)
- Timothée PICARD (Université de Rennes)
Coordination
- Federico LAZZARO
- Christine PARÉ (OICRM coordinator, Université de Montréal)
- Judy-Ann DESROSIERS (team coordinator, OICRM)
Partnerships
Trio Fibonacci, Institute for the Public Life of Arts and Ideas (IPLAI), Project « Musique et nation dans l’entre-deux-guerres » (Université d’Evry-Val d'Essonne; SLAMRASM and Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines; Centre d’Histoire culturelle des sociétés contemporaines [CHCSC]), The Montréal Museum of Fine Arts