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Abandon d’enfants et parents abandonneurs (XIXe-XXIe siècle)

Child abandonment and parents who abandon their children (19th-21st centuries)

Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière »

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Publié le vendredi 27 mai 2016

Résumé

La Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » (RHEI) consacre son prochain numéro à l’abandon d’enfants du XIXe siècle à nos jours. Sans exclure du champ d’investigation ni le sort des enfants abandonnés ni les structures qui les prennent en charge, cet appel entend susciter des propositions centrées sur les parents abandonneurs et leurs trajectoires sociales, en amont et en aval de la séparation, ainsi que sur leurs rapports avec les institutions d’assistance à l’enfance.

The Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » (RHEI) will devote its next issue to child abandonment from the 19th century to the present day. Without excluding any line of enquiry related to abandoned children and the structures that support them, the journal editors are particularly interested in receiving proposals focusing on parents who abandon their children, their social trajectories before and after separation, and their relationships with childcare institutions.

Annonce

La Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » (RHEI) consacre son prochain numéro à l’abandon d’enfants du XIXe siècle à nos jours. Sans exclure du champ d’investigation ni le sort des enfants abandonnés ni les structures qui les prennent en charge, cet appel entend susciter des propositions centrées sur les parents abandonneurs et leurs trajectoires sociales, en amont et en aval de la séparation, ainsi que sur leurs rapports avec les institutions d’assistance à l’enfance.

Argumentaire

L’histoire de l’abandon a donné lieu depuis une trentaine d’années à de nombreux travaux. Adoptant une perspective démographique et institutionnelle, beaucoup d’entre eux se sont attachés à quantifier le phénomène et à en expliquer les fluctuations, à étudier la mise en place et le fonctionnement des structures d’accueil et d’éducation, et à mesurer la mortalité des enfants recueillis. D’autres se sont intéressés aux conditions de vie et aux destins individuels des enfants, de leur abandon jusqu’à leur vie d’adulte.

Centrée sur les abandonnés, cette historiographie a eu généralement tendance à ne s’intéresser que subsidiairement à ceux qui abandonnent, et ce n’est que récemment qu’historiens et sociologues ont entrepris de retracer les itinéraires sociaux qui conduisent des parents à se séparer de leurs enfants, puis, parfois, à tenter de les retrouver. Chemin faisant, cette jeune branche historiographique interroge à nouveaux frais certains sujets qui pouvaient sembler rebattus, comme les causes de l’abandon, et ouvre des pistes particulièrement fécondes, notamment sur les rapports entre les parents et les institutions qui recueillent leurs enfants, ou sur la condition des mères sans mari. Ce sont ces nouveaux fronts de la recherche dont ce numéro de la RHEI voudrait faire l’état des lieux.

L’appel à contribution concerne l’ensemble de la période contemporaine et toutes les aires géographiques. Les propositions portant sur les mondes extra-européens ou sur la seconde moitié du XXe siècle, des angles relativement aveugles de l’histoire de l’abandon, seront particulièrement bienvenues.

Les articles pourraient s’inspirer des éléments de réflexion suivants :

1/ Les définitions de l’abandon

Bien que sa définition juridique soit très variable, l’abandon est généralement compris comme un acte par lequel un parent exprime, de façon explicite ou tacite, son renoncement à exercer vis-à-vis de son enfant ses devoirs de protection, d’entretien et d’éducation, devoirs qui sont dès lors assumés par un tiers. L’abandonné se distingue donc théoriquement du « mineur en danger » retiré à sa famille par voie judiciaire ou administrative comme de l’orphelin : il est l’objet d’un délaissement volontaire de la part de ses père et mère. Pouvoirs publics et institutions d’accueil, qui cherchent traditionnellement à distinguer parmi les « sans famille » les enfants du malheur des enfants du vice, n’ont d’ailleurs de cesse de définir des nomenclatures et d’y classer les mineurs assistés selon leurs origines sociales et familiales, les causes de la séparation d’avec leurs parents, ou encore suivant que les liens avec ces derniers sont ou non maintenus. Il ne faut pourtant pas s’y tromper : les catégories de l’enfance délaissée qu’ils construisent présentent en réalité des frontières souvent mouvantes, incertaines ou poreuses, de sorte que la définition même de l’abandon comme la spécificité de l’abandonné méritent d’être questionnées.

2/ L’acte d’abandon

Exposition sur la voie publique, dépôt au tour, placement en vue d’adoption, accouchement sous X, déclaration judiciaire : les modalités de l’abandon varient, certaines légales et encadrées, d’autres sauvages ou hors-la-loi, révélant à la fois les préoccupations des pouvoirs publics et les stratégies individuelles des parents.

La temporalité de l’abandon constitue elle aussi un objet de recherche et de réflexion. Séparation, abandon et accueil de l’abandonné sont souvent concomitants, mais à partir de la fin du XIXe siècle, le développement de l’État social et la multiplication des dispositifs d’assistance à l’enfance dans les pays industrialisés ont pour conséquence de dilater le temps de l’abandon, qui dans certains cas n’intervient plus qu’au terme d’une longue période de prise en charge (placements temporaires en institution ou en famille d’accueil, mise en nourrice subventionnée, allocation de secours, séjour avec la mère dans une maison maternelle, etc.), voire après l’expiration d’un délai de rétractation au cours duquel la mère peut éventuellement continuer à voir régulièrement son enfant.

3/ Les causes de l’abandon

Derrière l’apparente permanence des deux grands ressorts du délaissement d'enfants – la pauvreté et la régulation de la taille des familles d’une part, la dissimulation des naissances hors-mariage et la stigmatisation des mères célibataires d’autre part –, il semble intéressant de scruter les évolutions et les variations, même ténues, des motifs de l’abandon selon les lieux et les époques. En outre, il apparait nécessaire de se montrer attentif au poids de l’événement, guerre ou crise économique notamment. Dans le cas français, par exemple, des études récentes consacrées à l’Indochine coloniale ou aux occupations allemandes lors des deux conflits mondiaux ont montré que l’interdit racial pouvait redoubler la réprobation sociale de l’illégitimité et vouer à l’abandon aussi bien l’enfant métis que l’enfant de l’ennemi.

4/ La politique de l’abandon et ses acteurs

L’attitude des pouvoirs publics face à l’abandon se lit à la fois dans la législation qui encadre l’abandon, dans les dispositifs d’accueil et les projets éducatifs qui sont mis en place, et dans les mesures de prophylaxie destinées à endiguer le phénomène. Si beaucoup de ces sujets ont déjà été abordés par les sciences sociales, l’histoire des politiques de prévention de l’abandon, et en particulier des familles qui en bénéficient, reste à faire.

Parmi les acteurs de ces politiques, il semble particulièrement fécond, à la suite de travaux pionniers sur quelques groupes professionnels de la protection de l’enfance, d’enquêter sur les personnels qui, dans les hospices, les maternités ou d’autres institutions, côtoient les parents au moment de l’abandon mais aussi avant ou après celui-ci. En France, par exemple, le rôle des sages-femmes qui accompagnent les mères désireuses d’accoucher dans le secret commence à faire l’objet de recherches universitaires.

5/ Abandon et genre

Les parents qui abandonnent sont dans leur grande majorité des mères seules. Abandonneuse emblématique puisqu’elle subit en même temps la pauvreté et l’opprobre, la mère célibataire a longtemps incarné la transgression de la morale sexuelle et de l’ordre matrimonial ; pourtant, soucieuse de cacher sa « faute » à ses parents ou sommée par ceux-ci de réparer le déshonneur que son inconduite inflige à la famille, l’abandon qu’elle accomplit semble souvent témoigner de sa soumission à la norme et de son puissant désir de conformité sociale. Délaissée par le père de l’enfant, contrainte par le sien, elle témoigne en outre de ce que, par leur absence ou leur omniprésence, les hommes, même s’ils n’accomplissent qu’une part infime des abandons, sont des acteurs essentiels du délaissement d’enfants.

Filles-mères d’hier, familles monoparentales ou mères adolescentes d’aujourd’hui, toutes identifiées comme populations « à risques », témoignent de ce que le célibat maternel, en même temps qu’il évoque une sexualité féminine dérangeante, constitue à la fois un modèle familial inquiétant et une catégorie souvent prioritaire de l’intervention publique. L’étude de leurs rapports avec les institutions qui recueillent leurs enfants ou qui tentent de les dissuader de s’en séparer en leur proposant aide et assistance, invite à s’interroger, à la lumière des gender studies qui ont démontré le rôle des politiques sociales dans la construction des identités sexuées : les mesures d’assistance dont elles sont l’objet ne contribuent-elles pas à maintenir les mères célibataires dans une identité d’infirmes sociales et de femmes fautives ?

6/ Parents et enfants après l’abandon

Si bien des aspects de la vie des enfants après l’abandon ont été étudiés, l’expérience des familles d’accueil auxquelles ils sont provisoirement confiés reste en revanche relativement mal connue, contrairement à celle des familles adoptives, qui, au moins pour le second XXe siècle, ont été davantage observées. Quant aux parents abandonneurs, ils sont souvent difficiles à suivre après l’abandon. Ils réapparaissent cependant parfois dans la vie de l’enfant, et incidemment dans les archives des institutions d’assistance à l’enfance, lorsqu’ils essaient de le récupérer, après plusieurs mois ou plusieurs années de séparation. Il arrive aussi que l’abandonné lui-même, devenu adulte, entreprenne de les retrouver, parfois avec succès grâce notamment à une législation qui, dans plusieurs pays d’Europe, se montre depuis une quinzaine d’années de plus en plus sensible à l’idée que chacun aurait le droit de connaitre ses origines et son histoire personnelles.

Modalités de soumission et d’évaluation

Les propositions d’article (en français ou en anglais) devront être accompagnées des informations suivantes :

  • Nom et prénom
  • Université ou institution de rattachement
  • Fonction
  • Court CV
  • Titre de l’article
  • Résumé de l’article (250 à 500 mots) précisant le contenu, la méthodologie et les sources

Les propositions d’article doivent être envoyées à riviere.antoine21@gmail.com et cardi.coline@gmail.com

avant le 4 juillet 2016.

Les propositions seront examinées par les responsables scientifiques du numéro. Les articles retenus feront ensuite l’objet d’une double évaluation par des spécialistes du sujet.

La revue paraîtra en novembre 2017.

Responsables scientifiques

  • Le comité de rédaction de la RHEI
  • Coline Cardi, sociologue, MCF à l’Université Paris 8, et Antoine Rivière, historien, MCF à l’Université Paris 8 (co-directeurs du numéro)

Argument

The history of child abandonment has inspired significant scholarly work over the past thirty years. Much of this work has adopted a demographic and institutional perspective that attempts to quantify the phenomenon and explain fluctuations in its occurrence. Considerable attention has also been devoted to the establishment and operation of reception and educational structures and the measurement of child mortality. Other scholars have focused on the lives and fates of individual children, from the moment of abandonment to adulthood.

This historiography has tended to deal only in a cursory manner with the parents doing the abandoning. Historians and sociologists have only recently attempted to identify the social considerations that lead parents to part with their children and then, in some cases, to try to find them again. This relatively new line of enquiry has led scholars to take a second look at the causes of abandonment, to examine the relationship between parents and the institutions that receive their children, and to consider the particular situation of single mothers. The RHEI would like to explore these new research frontiers in this issue.

The journal welcomes proposals covering any part of the late modern period and any geographical area. Proposals focusing on the non-European world and/or the second half of the 20th century, relative blind spots in the history of abandonment, would be particularly welcome.

Articles might consider the following themes:

1/ Definitions of abandonment

Although its legal definition varies widely, abandonment is generally understood as the act by which a parent renounces, explicitly or tacitly, his duties of child protection, maintenance and education, thus requiring those duties to be assumed by a third party. An abandoned child can be differentiated theoretically from a ‘child at risk’, who is taken from his family by judicial or administrative means. An abandoned child is considered to be an orphan as a result of voluntary surrender by his parents. States and receiving institutions, which traditionally sought to distinguish between children of misfortune and children of vice, have tried incessantly to define nomenclatures and classify assisted minors according to their social and family background, the causes of separation from their parents, and whether family ties are maintained. These categories erect shifting, uncertain and porous boundaries that highlight the need to question both the definition of abandonment and the particularity of each child.

2/ The act of abandonment

The methods of abandonment vary: leaving children in public places or on the premises of charitable organizations, placing them for adoption, giving birth anonymously or legally surrendering children to the State. Certain methods follow legal channels while others are clandestine and extra-legal, revealing both State concerns and the individual strategies of parents.

The temporality of abandonment is another subject for research and reflection. Separation, abandonment and the reception of abandoned children are often concomitant, but, since the late 19th century, the development of the social welfare State and the proliferation of child welfare programs in industrialized countries have had the effect of prolonging the time of abandonment. In some cases it is only officially declared after a long period of State or charitable intervention through temporary placements in institutions or in foster care, subsidized wet nurses, emergency allowances, stays with the mother in a maternity home, or after the expiry of a period during which the mother has the right to withdraw her decision to surrender her child and may theoretically continue to see him on a regular basis.

3 / The causes of abandonment

Beyond the apparent immutability of the two major causes of child abandonment – poverty and the regulation of family size on the one hand, concealment of births out of wedlock and stigmatization of single mothers on the other hand – it is worth examining the temporal and spatial evolutions and variations, even tenuous, in parental motives for abandoning their children. It is also important to consider the impact of major events, in particular wars and economic crises. In the French case, recent studies on colonial Indochina and the German occupation during the two world wars have shown that discrimination can amplify the stigma of illegitimacy and force the abandonment of mixed-race children or children of the enemy.

4/ The politics of abandonment and its various actors

The attitude of the State towards child abandonment is revealed in the relevant legislation, reception arrangements and educational projects and in the measures devised to curb the phenomenon. While many of these topics have already been addressed by the social sciences, the history of prevention policies and of the families who benefit from them remains to be written.

In the spirit of the pioneering studies on certain professional child protection groups, fruitful research could be done on the personnel in orphanages, maternity homes or other institutions who work with parents before, during and after abandonment. The role of midwives in assisting mothers who wish to give birth secretly is another topic that is beginning to attract scholarly attention.

5/ Abandonment and gender

The vast majority of parents who finally abandon their children are single mothers. Subject to both poverty and disgrace, the single mother has long embodied the transgression of sexual morality and marital order. Yet, by trying to hide her ‘mistake’ from her parents or by acquiescing to their demand that she abandon her child in order to rectify the dishonour that her ‘misconduct’ has brought upon the family, she seems to demonstrate submission to societal norms and the powerful desire for social conformity. Abandoned by the father of the child, constrained by her own father, the single mother also shows that men, by their absence or their omnipresence, are essential actors in child abandonment.

Unwed mothers of yesterday or teenage mothers of today, all identified as ‘at risk’ populations, show that single motherhood evokes a disturbing female sexuality and a worrying family model that is often a priority category for public intervention. The relationship between mothers and the institutions that receive their children, or that offer aid and assistance to try to dissuade women from surrendering their children, must be considered in light of gender studies that have demonstrated the role of social policies in the construction of sexual identity: do assistance programs in fact perpetuate the representation of single mothers as weak and transgressive women?

 6/ Parents and children after abandonment

While many aspects of the lived experiences of children following abandonment have been studied, the experiences of the foster families who are temporarily entrusted with their care remain relatively unknown. Adoptive families have received more attention, at least for the second half of the 20th century. Parents who abandon their children are often difficult to trace after the abandonment. They sometimes reappear in the life of the child, and thus in the archives of child welfare institutions, when they try to recover their children after months or years of separation. Once they reach adulthood, certain abandoned children also try to find their birth parents, a process increasingly facilitated by legislation. The passage of such legislation in many European countries over the past 15 years demonstrates a growing sensitivity to the idea that everyone has the right to know his background and personal history.

Submission guidelines

Paper proposals (250 to 500 words) accompanied by a short CV must be sent to the organizers, Coline Cardi (cardi.coline@gmail.com) and Antoine Rivière (riviere.antoine21@gmail.com)

by July 4, 2016.

Scientific Committee

  • Editorial board of the RHEI
  • Antoine Rivière, historian, Université Paris 8, and Coline Cardi, sociologist, Université Paris 8

Dates

  • lundi 04 juillet 2016

Fichiers attachés

Mots-clés

  • abandon, enfant, famille, parent, genre, mère célibataire, assistance publique, protection sociale

Contacts

  • Antoine Rivière
    courriel : colloqueenfantssansfamille [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Antoine Rivière
    courriel : colloqueenfantssansfamille [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Abandon d’enfants et parents abandonneurs (XIXe-XXIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 27 mai 2016, https://doi.org/10.58079/v6y

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