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Le chercheur-voyageur

The researcher-traveller

Déplacement(s), mouvements des savoirs et constructions épistémologiques

Displacement(s), the movement of knowledge and epistemological constructions

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Publié le vendredi 17 juin 2016

Résumé

Ce colloque qui se déroulera les vendredi 7 et samedi 8 octobre 2016 à l’université Nice Sophia Antipolis, invite les doctorants et jeunes docteurs en sciences humaines et sociales, lettres et arts à une réflexion sur la notion de déplacement reliant questionnements théoriques, méthodologiques et pratiques. Ce colloque a pour ambition de faire dialoguer des disciplines variées, d’interroger les frontières ainsi que les croisements méthodologiques, épistémologiques et praxiques. Les dynamiques d’exploration, de déplacement, de trajectoire et de voyage dans lesquelles le chercheur, depuis son positionnement et son implication, s’engage pour aller vers la construction d’un récitscientifique, seront ici abordées dans une perspective transdisciplinaire.

Annonce

Argumentaire

La posture du chercheur en Sciences Humaines et Sociales, Lettres, et Arts est comparable à celle du voyageur qui se déplace en terre inconnue. Le chercheur devra mettre à l’épreuve de son objet et de son terrain d’étude, ses idées, ses opinions, ses représentations, ses hypothèses de travail ainsi que les découvertes de ses prédécesseurs. La démarche de réflexivité du chercheur est un processus central dans l’analyse critique de la construction des savoirs et des épistémés. La notion de réflexivité, utilisée par Pierre Bourdieu, Anthony Giddens Donald Schön, Jean-Claude Kaufmann, Hans-Georg Gadamer ou encore Paul Ricœur, pour ne citer qu’eux, est au carrefour des Sciences Humaines et Sociales. La réflexivité mise en pratique au travers du positionnement et repositionnement du chercheur, de la déconstruction de son sujet de recherche, des déplacements et des allers-retours entre théorie et pratique, nous oriente vers une approche nécessairement transdisciplinaire. Ce colloque aura pour ambition d’ouvrir un dialogue interdisciplinaire autour de la notion de déplacement dans sa triple dimension, épistémologique, méthodologique et praxique. Que la réflexion soit issue d’une expérience de terrain, ou d’un travail à partir de corpus de textes et d’images, nous tenterons de mettre à jour les modalités et les enjeux des déplacement(s) dans la fabrication de la connaissance.

Axes thématiques 

1) Déplacement(s) à l’épreuve des principes épistémologiques

Il s’agira d’abord d’interroger la façon dont la notion de déplacement questionne nos épistémologies.

La construction des savoirs et des épistémés n’est pas un processus clos et indéfini d’accumulation des connaissances. Le repérage des seuils épistémologiques, l’analyse des mutations, des déplacements, des transformations dans le champ de la validité et de l'opérativité des concepts constituent un véritable enjeu dans l’élaboration des savoirs.

En cherchant à définir les conditions de possibilité et d’émergence des savoirs, nous nous centrerons plus particulièrement sur les enjeux de déplacements, de transformations temporelles et sociétales.

La construction des savoirs passe par un travail de transposition et de traduction au sein duquel les processus de formation et de déformation se trouvent dans une tension dialectique. La notion de traduction apporte un éclairage central pour penser la dynamique mouvante au cœur du processus de construction des savoirs. Nous penserons la traduction au travers d’un double cadre conceptuel :

- La traduction vue comme une série d’interactions permettant la mise en réseau d’acteurs, de connaissances, de productions, etc…telle que l’approche de la sociologie de la traduction l’a met en exergue, notamment avec les travaux de références de Michel Callon et Bruno Latour.

- La traduction vue comme « création d’un commensurable » pour réaliser « l’hospitalité langagière », laquelle suppose de faire le deuil d’une traduction parfaite telle qu’on la retrouve dans la pensée herméneutique de Paul Ricœur.

Les concepts voyagent également : ils se déplacent dans le temps et dans l’espace, subissent des transformations au gré des langues, des cultures et des champs disciplinaires qui en font usage. Aussi, nous souhaitons interroger les trajectoires prises par les concepts qui migrent géographiquement, temporellement ou entre champs disciplinaires et qui permettent de traiter les relations interpersonnelles comme des interactions entre les individus et leur environnement. Nous questionnerons les moyens par lesquels le chercheur appréhende la complexité sémantique des termes et leurs fonctions conceptuelles d’un champ disciplinaire à un autre. 

2) Le recueil des données à la lumière des déplacements du chercheur 

Comme les travaux de Kevin Lynch sur l'imagibilité l'ont démontré, les déplacements physiques font partie des conditions de possibilités de la connaissance. Qu’il s’agisse de constituer un corpus en se déplaçant vers des centres d’archives, ou de mener une enquête de terrain vers un lieu proche ou lointain, le déplacement est donc un contexte de la construction de la connaissance.

Avec le concept d'imagibilité, la notion de terrain implique conjointement la notion de déplacement intellectuel et culturel pour le chercheur qui se trouve engagé dans une dynamique de recherche. La confrontation des hypothèses de travail aux données recueillies sur le terrain implique d’emblée cette notion de déplacement. Que ce soit dans le cadre d’une recherche action, d’une recherche-intervention, d’une observation participante, etc… l’immersion du chercheur dans son terrain d’étude implique un mouvement de centrage et de décentrage permanent qui s’opère notamment par le déplacement produit entre le recueil de récits comme méthode d’investigation à la mise en récit scientifique.

Le chercheur en voyage peut se déplacer au plus près d’une population, abordant, voire partageant le quotidien, le familier, l’intimité d’individus ou d’un groupe donné tout en se confrontant à l’expérience de l’étranger et de l’inconnu. Proche et lointaine à la fois, l’expérience vécue sur le terrain interroge la posture du chercheur depuis ses implications théorico-pratiques. Ce mouvement vers l’altérité engage le chercheur à accepter une part d’incertain et d’inattendu ainsi qu’une disposition à se décentrer de ses postulats pour éviter le risque de se situer dans un « faux » déplacement.

Comme l'a montré Erving Goffman dans ses travaux sur les rites d'interaction et sur les formes de mise en scène de la vie quotidienne, l’interaction qui se crée avec un terrain demande aux individus, et ici au chercheur, de se déprendre de ses propres représentations linguistiques, culturelles et iconographiques pour élaborer sa recherche dans une logique de construction-déconstruction-reconstruction  Le chercheur se doit alors d’opérer une transposition et une traduction des pratiques discursives aux contours divers qu’il étudie pour élaborer un récit scientifique. 

3) Déplacements du chercheur et nouvelles formes de ses objets de recherche

Le chercheur doit aujourd’hui faire face à la démultiplication des terrains de recherches. Effectivement, avec la démocratisation des nouvelles technologies, celui-ci se voit également confronté aux terrains numériques.

Un certain nombre de travaux, tels que ceux menés par Fanny Georges sur les mondes numériques, permettent de témoigner du renouvellement croissant de nos problématiques liées aux mutations des terrains de recherche. Il s’agit alors d’interroger les pratiques nées ou impactées par ces nouveaux territoires, mais également de questionner leurs causes ainsi que leurs conséquences sur les pratiques rattachées aux mondes dits « physiques ».

Aussi, le chercheur de part et d’autre de son déplacement aux frontières des territoires physiques et numériques se doit alors de réinterroger les nouvelles modalités d’interactions.   Dans la continuité des travaux d'Erving Goffman, il s'agit ici d'aborder ces dernières comme le médium permettant au chercheur de procéder à une configuration spécifique des savoirs et d’appréhension du monde.

Ainsi, les nouvelles technologies et les mobilités numériques (téléphone, mail, webcam, visio-conférences, etc.) constituent autant de nouveaux outils qui trouvent progressivement leur place dans le champ de la recherche. Dès lors, au même titre que celles-ci ont impacté les pratiques à l'échelle de populations, elles interrogent désormais les fondements méthodologiques sur lesquels s’appuie le chercheur pour mener une recherche qualitative.

Ces nouveaux objets de recherche ne sont donc pas le fait de disciplines isolées, mais concernent l’ensemble du spectre disciplinaire des Sciences Humaines et Sociales. Celles-ci se doivent alors de traiter à la fois séparément, mais aussi et surtout conjointement de ces sujets afin d’ouvrir leurs champs à la création de savoirs singuliers.

La spatialité dans les mondes numériques constitue un objet de recherche trop peu abordé dans les recherches, souvent limitées à l’étude des mondes physiques. Toutefois, à l'image des travaux de Samuel Rufat et d'Hovig Ter Minassian portant sur l'espace dans les jeux vidéo, un nombre croissant de travaux porte désormais sur les nouvelles formes de mobilité. Le chercheur doit aujourd’hui faire face à leur impact et concentrer son attention sur les nouvelles modalités de recueil et d’analyse des données. C'est ainsi que la notion de continuum physico-numérique, développée par Marie-Joseph Bertini, permet ici de rendre compréhensible le fait que les déplacements inédits du chercheur dans des territoires hybrides viennent ajouter une plus-value aux méthodes de recueil de données « classiques ». C'est bien le déplacement du chercheur, de part et d'autre de ce continuum, qui se doit d’être interrogé. 

Bibliographie 

  • BERTINI M.-J., « La prise de parole, clef de voûte d’un monde en réseaux », Etudes, no 4, 2000,  p.483-489.
  • BERTINI M.-J., citée dans la conférence de S. PROULX, « Internet, ses dangers et ses espoirs », Storify, https://storify.com/, publié le 01 décembre 2014, consulté le 27 février 2015. Url : https://storify.com/TristanPerrier2/story.
  • BOURDIEU P. & WACQUANT L., Pour une anthropologie réflexive, Réponses, Paris, Seuil, 1992.
  • BOURDIEU P.,  Science de la science et réflexivité, Paris, Editions Raisons d’agir, 2001.
  • CALLON M., Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc, L’Année sociologique, 1986.
  • CALLON M. (dir.) La Science et ses réseaux. Genèse et circulation des faits scientifiques, Paris, La Découverte, Unesco, Strasbourg, Conseil de l'Europe, « Textes à l'appui. Anthropologie des sciences et des techniques », 1989.
  • GADAMER H.G. (1960), Gesammelte Werke, Hermeneutik I., Wahrheit und Methode, Tübingen, Edition J.C.B. Mohr, trad. fr. Vérité et méthode, les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Éditions du Seuil, 1996.
  • GEORGES F., « Représentation de soi et identité numérique. Une approche sémiotique et quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0 », Réseaux, n°154, 2009, p. 165-193.
  • GIDDENS A., Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • GOFFMAN E., La mise en scène de la vie quotidienne. 1. La présentation de soi, Paris, Editions de minuit, 1973.
  • GOFFMAN E., La mise en scène de la vie quotidienne. 2. Les relations en public, Paris, Editions de minuit, 1973.
  • GOFFMAN E., Les rites d'interaction, Paris, Editions de minuit, 1974.
  • HALL E., Au-delà de la culture, Paris, Editions du Seuil, 1979.
  • HALL E., La dimension cachée, Paris, Editions du Seuil, 1971.
  • KAUFMANN J.-C., Ego : pour une sociologie de l’individu. Paris, Nathan, 2001.
  • LATOUR B., La science en action : Introduction à la sociologie des sciences, Paris, Gallimard, 1995.
  • LYNCH K., L'image de la cité, Dunod, Paris, 1999.
  • RICOEUR P., Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004.
  • RUFAT S. & MINASSIAN T. H., « Comment trouver son chemin dans les jeux vidéo ? », L’Espace géographique, n°40, 2011, p. 245-262.
  • SCHÖN D.A. (1983), The Reflexive Practitioner. How Professionals Think in Action, États-Unis, Basic Book Inc., trad. fr. Le praticien réflexif, Montréal, Les Éditions logiques, 1985. 

Modalité de soumission

Nous invitons particulièrement les doctorants et jeunes docteurs en Sciences Humaines et Sociales, Lettres et Arts, à venir exposer leur réflexion sur ce thème. Chaque communiquant exposera de quelle façon cette notion de déplacement s’avère être pertinente pour penser sa recherche. Celui-ci veillera à utiliser une terminologie et des concepts accessibles à un public pluridisciplinaire.

La durée des communications sera de 20 minutes, suivies de 10 minutes de discussion.

Les propositions de communication sont attendues pour le lundi 11juillet 2016, délai de rigueur, et devront être simultanément adressées à Charlotte Gibelin, Anne-Laurence Halford et Mélina Panagos. Les doctorants et jeunes docteurs désireux de participer au colloque devront fournir un argumentaire d’un minimum de 2000 signes et d’un maximum de 5000 signes, accompagné d’une brève bibliographie et d’un C.V.

Les évaluations des écrits seront effectuées en double aveugle et les réponses vous seront communiquées au plus tard le vendredi 22 juillet 2016.

Calendrier

  • Date limite du retour des propositions : Lundi 11 juillet 2016

  • Date limite pour retour aux candidats : Vendredi 22 juillet 2016 

Comité scientifique

  • Marie-Joseph BERTINI, Professeur des Universités, Sciences de l'Information et de la communication, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Jacques CABASSUT, Professeur des Universités, Psychopathologie clinique, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Jessica CHOUKROUN-SCHENOWITZ, Maître de conférences en Psychopathologie clinique, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Toufik FTAÏTA, Maître de conférences en Ethnologie et Anthropologie, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Odile GANNIER, Professeure des Universités, Littérature Comparée, CTEL, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Mohammed HAM, Professeur des Universités, Psychopathologie clinique, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Marc MARTI, Directeur du Laboratoire Interdisciplinaire Récits Cultures et Sociétés Université Nice Sophia Antipolis.
  • Sandra PEREZ, Maître de conférences en Géographie, UMR ESPACE, Université Nice Sophia Antipolis. 

Comité d’organisation

  • Charlotte GIBELIN, Doctorante en Psychologie clinique, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Anne-Laurence HALFORD, Doctorante en Psychologie clinique, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis.
  • Mélina PANAGOS, Doctorante en Science de l’Information et de la Communication, LIRCES, Université Nice Sophia Antipolis. 

Lieux

  • UFR LASH - 98 boulevard Edouard Herriot
    Nice, France (06)

Dates

  • lundi 11 juillet 2016

Fichiers attachés

Mots-clés

  • déconstruction, déplacement, mobilité, épistémologie, méthode, recueil de récits, réflexivité, transdisciplinarité, voyage

Contacts

  • Mélina Panagos
    courriel : melina [dot] panagos [at] unice [dot] fr
  • Charlotte Gibelin
    courriel : charlottegib [at] live [dot] fr
  • Anne-Laurence Halford
    courriel : annelaurencehalford [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Solen Cozic
    courriel : solen [dot] cozic [at] univ-cotedazur [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le chercheur-voyageur », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 17 juin 2016, https://doi.org/10.58079/vd5

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