AccueilRationalité généalogique et statut social au temps des Lumières

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Rationalité généalogique et statut social au temps des Lumières

Genealogical rationality and social status in the Enlightenment

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Publié le mardi 16 août 2016

Résumé

La généalogie est un puissant idiome de hiérarchisation sociale dans l'Europe d'Ancien Régime et garde son efficace bien au delà des transformations sociales portées par l'âge des Lumières. On s'interrogera dès lors sur les transformations qu'a subies, dans l’espace temporel qui va de Fénelon à Kant, cette forme particulière de connaissance qu’est la raison généalogique, ainsi que les usages qu’en faisaient les différents acteurs sociaux.

Annonce

Argumentaire

Le siècle des Lumières a été décrit à juste titre comme hostile à la culture de la lignée et du lignage de l’époque moderne. Célébrant leur époque comme étant l'âge de la modernité et du progrès, beaucoup de contemporains, y compris de nombreux nobles, ont salué la nécessité de construire des hiérarchies sociales fondées sur le mérite et la conscience citoyenne plutôt que sur la naissance et la tradition. Il s’agissait en somme de poser, de manière “moderne”, le vieux débat médiéval et renaissant opposant le mérite personnel au mérite hérité. On aurait remis alors également en cause la valeur historique des récits de famille, pratique sociale constituant un puissant ciment identitaire mais désormais décriée. Dans cette optique, il était évident que l'idée de la « grande chaîne des êtres » ou celle du sang aristocratique ne respectaient aucun principe rationnel.

Toutefois, des études récentes ont remis en question cette distinction postulée entre des cours pétries de préoccupations lignagères d’une part et des salons « égalitaires » de l’autre. Que ce soit implicitement ou de manière plus ouverte, les distinctions reposant sur la naissance jouaient en effet encore un rôle essentiel au temps des Lumières. Légendes familiales, confections d’arbres généalogiques ou, de manière plus pragmatiques, construction de la parenté et mises en scènes de la commune appartenance familiale dans diverses situations de la vie sociale, continuent d’être des outils mobilisés par les acteurs sociaux, qu’ils soient nobles ou non. Cette persistance du référent généalogique est également manifeste dans d’autres domaines. Ainsi, si la question de l’innéisme quitte en partie la pensée politique, elle gagne largement celle des naturalistes. Opposées à l'assignation européenne des Américains à un milieu naturel, les élites créoles des colonies tenaient par exemple à illustrer et à expliciter les liens généalogiques qu’elles entretenaient avec leur mère-patrie grâce à un ensemble de comportements et de tactiques. Les discussions scientifiques riches et contradictoires sur la distinction entre l'humain et l'animal étaient quant à elles très influencées par l'héritage d'innombrables publications sur la lignée, la race et le lignage. Les premières compilations de pedigrees équins sont ainsi apparues en même temps que le rassemblement de manuscrits privés ou de chroniques locales dans des compilations familiales plus vastes telles que Les Peerages et les Baronetages, les nobiliaires français ou l’Almanach de Gotha (1763). Le rôle descriptif ou performatif de ces pratiques demande sans doute à être interrogé.

Il est important enfin de constater que les historiens ont cessé d'opposer le stéréotype de la famille nucléaire égalitaire aimante à celui de la famille aristocratique étendue, froide et calculatrice. L'idée n’est pas de remplacer le paradigme de Lumières progressistes par celui d’un Ancien Régime rétrograde et résilient, mais plutôt de reposer cette question sous l’angle de la pénétration différentielle (dans le temps) de la matrice généalogique dans différentes pratiques sociales et dans les divers champs du savoir : de la philosophie politique, où elle sert à dire l’ordre des choses, cette matrice semble informer par la suite, tour à tour, le domaine des sciences de la nature, ainsi que ceux de la biologie et de l’anthropologie naissantes. Puisque l’hypothétique refus par les hommes Lumières du recours au lignage et à l’origine comme colonne vertébrale de l’ordre social ne semble pas être le critère permettant de séparer Ancien Régime et modernité, la question dès lors serait : quelles transformations a subies, dans l’espace temporel qui va de Fénelon à Kant, cette forme particulière de connaissance qu’est la raison généalogique? Quels sont les usages qu’en font les différents acteurs sociaux ?

Les thèmes abordés pourraient être les suivants :

  1. Les réseaux de sociabilité et les correspondances entre antiquaires et amateurs (académies, réseaux épistolaires, les sociétés d’antiquaires)
  2. Les perspectives philosophiques sur la généalogie
  3. Généalogies et minorités religieuses (huguenots, juifs, catholiques, non-conformistes)
  4. La publicité, la consommation et la circulation des compilations imprimées
  5. Culture visuelle du lien généalogique (arbres, tables, schémas, gravures, peintures)
  6. Parenté et culture généalogique (patriarcat, alliances, collatéralité, conflits juridiques)
  7. Relation entre généalogie et culture biographique en expansion
  8. Comment les arguments généalogiques sont-ils reliés à des débats sur l'ordre social et les identités collectives, en Europe et dans les colonies (mérite, sang, ethnie, race)
  9. Agronomie, botanique, sciences de la nature : Généalogie et philosophie naturelle

Modalités de soumission

Les propositions de communication (en anglais ou en français, durée: 20 mins) devront être envoyées

avant le 6 octobre 2017

(résumes de près de 300 mots). Nous accueillons chaleureusement des propositions de la part des doctorants et des jeunes chercheurs. Pour toute information, contacter Stéphane Jettot (stephane.jettot@history.ox.ac.uk) ou Jean-Paul Zuniga (zuniga@ehess.fr)

Date et lieu

Université d’Oxford

Jeudi 12 et Vendredi 13 Janvier 2017

Organisateurs

Les organisateurs sont aussi responsables de la sélection des propositions de communication

  • Stéphane Jettot (Maison Française d’Oxford)
  • Jean Paul Zuniga (EHESS Paris)

Lieux

  • Maison française d'Oxford
    Oxford, Grande-Bretagne

Dates

  • jeudi 06 octobre 2016

Mots-clés

  • Atlantique, colonie, colonisation, généalogie, connaissance, hiérarchisation, statut social

Contacts

  • Stéphane Jettot
    courriel : stephane [dot] jettot [at] history [dot] ox [dot] ac [dot] uk
  • Jean-Paul Zuñiga
    courriel : zuniga [at] ehess [dot] fr

Source de l'information

  • Jean-Paul Zuñiga
    courriel : zuniga [at] ehess [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Rationalité généalogique et statut social au temps des Lumières », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 16 août 2016, https://doi.org/10.58079/vke

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