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Les pratiques du low cost

Low-cost practices

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Publié le jeudi 22 septembre 2016

Résumé

La notion de low cost est difficile à définir. Elle peut désigner un processus de production ou bien le produit fini. On parle aussi de pays low cost au sens de zone géographique à bas coût de main-d’œuvre. Ces flottements sémantiques figurent parmi les raisons qui poussent à s’intéresser au low cost et à la place, semble-t-il, croissante qu’il occupe dans les pays occidentaux, notamment.

Annonce

Coordination

Corpus coordonné par Marnix Dressen et Jean-Pierre Durand

Argumentaire

La notion de low cost est difficile à définir. Elle peut désigner un processus de production ou bien le produit fini. On parle aussi de pays low cost au sens de zone géographique à bas coût de main-d’œuvre. Ces flottements sémantiques figurent parmi les raisons qui poussent à s’intéresser au low cost et à la place, semble-t-il, croissante qu’il occupe dans les pays occidentaux, notamment.

Certes, le fait que la plupart des produits (et de services) soient de qualités et de prix différenciés n’est pas nouveau. Toutefois, au-delà de la concurrence par les prix, on peut s’interroger sur l’émergence d’un nouveau modèle que l’on pourrait d’abord définir à partir de deux de ses principes essentiels imbriqués ((Voir Combe Emmanuel, Le Low cost, Paris, La Découverte, 2011.)) :

  • la simplification radicale du produit ou du service pour le réduire à sa fonctionnalité-cœur (sans luxe, sans confort ou recherche esthétique) : le déplacement point à point dans le trajet aérien ou ferroviaire (avec espace et prestations réduits ou facturés en sus), la conception-fabrication d’une automobile « basique », la mise à disposition des marchandises dans leur carton d’emballage, sur palettes, dans la grande distribution hard discount, par exemple.
  • la réduction au minimum des coûts des inputs (matériaux bon marché et réduction maximale des dépenses relatives au travail). Elle suppose le recours massif à la sous-traitance, à l’implantation des activités productives dans les pays de main d’œuvre à bas coût et à fiscalité attractive pour le capital, à l’intensification du travail et/ou au recours systématique à des statuts d’emplois dépréciés.

Le low cost a des effets directs sur cette institution centrale qu’est le travail : à la fois des effets directs pour les salariés des entreprises concernées ou par « contagion » puisqu’on peut se demander s’il ne conduit pas les firmes traditionnelles concurrentes à s’aligner sur les salaires et les conditions d’emploi et de travail des premières. En outre, le low cost tend à devenir un modèle de société largement favorisé par les technologies de type Internet : la dématérialisation croissante du commerce est un des facteurs de la réduction des prix et transforme la diffusion des produits et des services.

La « low-costisation » donne le sentiment, au premier abord, d’être un mouvement continu. Ainsi, on peut voir dans l’émergence de la grande distribution dans les années 1960 en France un mouvement de ce type si on le rapporte aux épiceries de proximité qui prévalaient jusqu’alors. Par la suite, le hard discount a fait son apparition et on peut se demander si la vente en ligne par des sites spécialisés dans les « prix cassés », n’est pas aussi une des modalités de continuation s’inscrivant dans cette logique, en particulier parce qu’elle s’appuie toujours plus sur le travail du consommateur ((Néanmoins, dans ce cas de figure, ce sont semble-t-il moins les produits (ordinateurs, réfrigérateurs, etc.) qui sont low cost que les actes de vente et d’achat de ces mêmes produits.)).

Plus largement, on peut aussi se demander si le low cost n’encourage pas les salariés et les consommateurs à une sorte de clivage identitaire : en tant que consommateurs, ils peuvent avoir intérêt à une réduction drastique des coûts, mais, en tant que salariés, cette dernière peut leur nuire gravement en réduisant leur salaire et en conséquence justifier toujours davantage le recours aux produits low cost. En s’inspirant des réflexions de Marx et de l’école de Francfort, on peut se demander si le fétichisme de la marchandise et l’invisibilisation des conditions de production dans un mode de production capitaliste, ne sont pas redoublés par la logique du low cost. Dans cette optique, le low cost radicaliserait le capitalisme classique. On pourrait même aller plus loin en se demandant si la quête méthodique du moins cher sans souci pour le producteur n’est pas porteur d’une sorte de « révolution anthropologique » au sens de Norbert Elias, c’est-à-dire d’une transformation en profondeur de nos structures mentales qui nous interdirait de penser certaines situations en transformant nos affects en profondeur. Nous serions entrés dans une société basée sur la culture du low cost pour le plus grand nombre, pour le plus grand profit des élites économiques qui se réserveraient les consommations du luxe le plus coûteux.

1 – Analyser le low cost dans différentes dimensions :

Les articles sollicités pourraient notamment envisager les domaines suivants :

Approches historique & géographique

On décrit volontiers le bas coût comme un fruit de la crise de croissance et de régulation du capitalisme industriel et un enfant du capitalisme financier, mais n’en trouve-t-on pas des traces plus anciennes ? Quelles sont les premières traces du low cost dans la modernité contemporaine ? Quelles catégories d’acteurs l’ont promu et dans quelles circonstances, avec quelles attentes ? Et s’il est plus ancien qu’on l’imagine spontanément, qu’est-ce qui distingue ses prolégomènes de ses réalités actuelles ? Dans quels espaces politiques (continents, États-nations, régions, etc.) a-t-il vu le jour ? Comment la question du low cost se posait-elle et se pose-t-elle encore à l’étranger (sa localisation, sa morphologie, son importance, etc.).

Emploi & Travail

Est-il possible de fournir un ordre de grandeur du poids et de la dynamique des activités de type low cost dans l’économie, en particulier en termes d’emplois dans l’industrie, dans les services et éventuellement dans le secteur primaire (agriculture) ? Qu’ont de spécifique ces emplois et les conditions de travail qui les caractérisent ? Ce type d’activités mobilise-t-il une main-d’œuvre typique (en terme de sexe, d’âge, d’origine nationale, de niveau de formation, etc.) par rapport aux activités ordinaires du même type ? Dans les branches, sous branches ou « professions » « low-costisées », observe-t-on des types de conflits collectifs et de négociations spécifiques ? En quoi se distinguent-elles de celles qu’on observe dans le segment primaire des emplois identifié par Doeringer et Piore (1971) ? Constate-t-on un effet de dissémination du low cost sur les emplois plus ordinaires ? Qu’en est-il de ses effets sur le travail concret et son organisation ? Cela conduit à se demander si les productions et emplois low cost tirent toutes les productions et le travail du plus grand nombre « vers le bas » ou au contraire assiste-t-on à une polarisation entre productions de bas et de haut de gamme ? Comment associer cette éventuelle polarisation avec l’émergence de productions et des producteurs de rangs intermédiaires (middle cost par exemple dans le cas du transport aérien de passagers) ?

Diversité des modèles

Quelles sont les différents types de low cost? L’ensemble des activités industrielles et de services partage-t-il des caractéristiques communes (transverses) ou, au contraire, les réalités du low cost sont-elles distinctes et spécifiques à des espaces socio-économiques déterminés (segmentation verticale) ? Les spécificités de branches l’emportent-elles sur les spécificités nationales et dans le cas contraire comment se fait l’hybridation ?

Comment définir le marché des produits concernés, leur poids dans la production économique visible et quelles sont les dynamiques à l’œuvre ? Que sait-on du chiffre d’affaires des entreprises low cost et de leur contribution aux PIB nationaux ? Dans les grandes entreprises historiques, comment évoluent les rapports entre les activités traditionnelles et la diversification low cost ? Dispose-t-on aujourd’hui de données permettant d’évaluer statistiquement les phénomènes décrits ? Quelles sont les interprétations possibles et quelles significations en tirer quant à l’évolution des systèmes productifs ? Enfin, le secteur privé est-il le seul concerné ou le secteur public est-il également touché (par exemple par la dématérialisation des relations entre les usagers, l’administration et les entreprises publiques).

2 – Les effets sociaux du low cost

Quels sont les effets sociaux du low cost ? Comment se répartissent les segments de clientèles concernés ? S’agit-il plutôt de classes d’âges juvéniles et/ou de couches populaires en difficultés ou au contraire de classes moyennes supérieures qui pâtissent peu de la polycrise que traversent nos sociétés occidentales ? Dans quelle mesure le recours au low cost concerne-t-il les activités de loisirs (hôtellerie basique sans personnel d’accueil par exemple) et dans quelle mesure touche-t-il les activités professionnelles (cadres aux frais de transport pris en charge par leur entreprise qui se déplacent dans des compagnies aériennes à bascoût) ?

À partir de la réduction des coûts de production et des bas prix pratiqués dans les services et sur certains produits industriels, le low cost ne contribue-t-il pas à un maintien ou même à une élévation du pouvoir d’achat pour les catégories sociales populaires ? Plus précisément, le low cost contribue-t-il à une amélioration du niveau de vie en rendant accessibles des biens et des services qui ne l’étaient guère auparavant pour les couches populaires en particulier (voyages à l’étranger en avion, voitures neuves, etc.). En ce sens, le low cost ne joue-t-il pas un rôle de substitution partielle à l’État keynésien affaibli et endetté ? Le low cost n’aurait-il pas alors une fonction sociale intégratrice partiellement structurée autour de la quête jamais assouvie de produits bon marché qui mériterait analyse ((Pour une analyse des effets du low cost sur la structuration sociale, voir Gaggi Massimo et Narduzzi Edoardo, La fin des classes moyennes. Ou la naissance de la société low cost, Paris, Editions Liana Levi, 2006.)) ? Est-il abusif d’attribuer au low cost une fonction qui évoquerait le « processus de civilisation » quant à une « transformation anthropologique », au sens déjà défini ci-dessus, poussant certaines catégories sociales virtuoses de l’Internet ou encore faiblement dotées en capital économique à toujours chercher le meilleur rapport qualité/prix en privilégiant le facteur prix ?

Comment les clients de produits ou de services low cost qui sont aussi des travailleurs ou des futurs travailleurs vivent-ils cette sorte de contradiction entre leur fonction d’acheteur tentés par les bas prix et leur fonction de salariés dont les conditions de travail et d’emploi sont possiblement dégradées par la production de produits d’entrée de gammes ? Dans quelle mesure est-il excessif de parler de clivage identitaire ? Au-delà, le low cost ne participe-t-il pas à une dégradation de l’environnement en accroissant la consommation de certaines ressources fossiles (par exemple l’empreinte carbone du transport aérien et d’autres possibles dans l’industrie) ; mais alors, comment situer le low cost dans un souci de réduction des inégalités sociales ?

Modalités de soumission

Cet appel à articles concerne tous les chercheurs en sciences sociales (historiens, géographes, sociologues, économistes, philosophes, anthropologues, etc.) et à tous les acteurs du low cost (cadres d’entreprises, syndicalistes, consommateurs, etc.). Les articles ne dépasseront pas 45 000 signes (espaces, notes de bas de page et bibliographie compris) et sont à adresser

avant le 1er mars 2017

à nrtravail@gmail.com en suivant les modalités et les normes de présentation précisées à la rubrique « Soumission et évaluation » du site de la NRT : nrt.revues.org

Comité de rédaction de la revue

Directeur de la rédaction

  • Jean-Pierre Durand, Université d’Evry

Comité de rédaction

  • François Aballéa, Université de Rouen
  • Bénédicte Atten, SNCF
  • Sophie Bernard, Université Paris IX
  • Paul Bouffartigue, Aix-Marseille université/CNRS, LEST (UMR 7317)
  • Jean-Philippe Bouilloud, ESCP
  • Sébastien Chauvin, Amsterdam
  • Jérôme Cihuelo
  • Valérie Cohen, Maitre de conférences en sociologie, Université de Tours
  • Olivier Cousin, Université Bordeaux II
  • Marnix Dressen, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
  • Jean-Pierre Durand, Université d’Evry
  • Gaëtan Flocco, Université d’Evry
  • Sabine Fortino, Université Paris X
  • Ginette Francequin, CNAM
  • Vincent de Gaulejac, Université Paris VII
  • Fabienne Hanique, Université Paris VII
  • Lionel Jacquot, Université de Nancy
  • Jacqueline Laufer, HEC
  • Danièle Linhart, CNRS-Université Paris X
  • Pierre Maillot, École Louis Lumière
  • Salvatore Maugeri, Université d’Orléans
  • Jean-Luc Metzger, chercheur associé au centre Pierre Naville et au CNAM-LISE
  • François Sarfati, Centre d’étude de l’emploi
  • Joyce Sebag, Université d’Evry
  • Guillaume Tiffon, Université d’Evry

Secrétaire de rédaction

  • Arnaud Chabrol

Dates

  • mercredi 01 mars 2017

Fichiers attachés

Mots-clés

  • low cost, emploi, travail

Contacts

  • Arnaud Chabrol
    courriel : nrtravail [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Arnaud Chabrol
    courriel : nrtravail [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les pratiques du low cost », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 22 septembre 2016, https://doi.org/10.58079/vr9

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