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Les frontières du « privé »

The boundaries of the "private"

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Publicado quinta, 01 de dezembro de 2016

Resumo

Ce colloque entend questionner les différents usages sociaux de la notion de « privé ». Les propositions de communication s'inscriront dans l'un des axes construits pour structurer la réflexion : le « privé » comme catégorie socio-historique, politique et juridique en construction ; le « privé » comme enjeu dans le rapport entre les individus et les institutions ; et enfin le « privé » comme question méthodologique, venant travailler les pratiques de recherche.

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Argumentaire

Les usages sociaux de la notion de « privé » sont multiples et les diverses acceptions du terme en font une catégorie qui circule facilement d'un univers de discours à l'autre. Celles et ceux qui ont à produire des connaissances sur le monde social y recourent d'autant plus facilement. De fait, sa compréhension ne présente a priori aucune difficulté. Cependant, bien que la notion semble utilisée par le plus grand nombre, l'explicitation de ses usages ne va pas de soi. Loin de renvoyer à une définition clairement édictée, le « privé » peut être employé, compris ou interprété de différentes manières en fonction des contextes et des lieux dans lesquels il est mobilisé, mais aussi selon les individus qui s'en saisissent pour le revendiquer. C'est donc pour tenter de déconstruire cette notion travaillée par de multiples usages que nous proposons à travers l’organisation de ce colloque une réflexion collective et articulée autour des différents usages du « privé » dans les sciences sociales.

Questionner « les frontières du privé » invite dans un premier temps à tenter de saisir, de manière non exhaustive, différentes acceptions que peut recouvrir cette notion. Loin d'être figée, elle réfère à autant de définitions dans le langage courant que d'usages disciplinaires variés. Le « privé », comme catégorie indigène, peut renvoyer à l'intime, au secret voire à l'indicible ; il se situerait quelque part à l'envers du « public », de ses espaces, de ses agents et de ses activités. Mais si on l'oppose aux services « publics », le « privé » s'analyse alors dans le vocable de l'économie de marché et du libéralisme ; dont les partenariats public-privé, par exemple, montrent la maigre délimitation voire même l'hybridation. Il renvoie encore aux débats ayant trait au contrôle des « données personnelles » – informatiques, médicales, professionnelles, etc. – et à leur marchandisation, qu'elle soit orchestrée par des administrations publiques ou des organismes à dominante privée. Dans un tout autre domaine, le droit positif français se structure autour de l'opposition droit public/droit privé. En opposant ainsi institutions publiques et personnes privées, la question du « privé », au regard du droit, fait référence à la « vie privée » des particuliers. Dans ce cadre, l'usage de la notion de « privé » est à considérer comme relevant de la sphère de l'intime, du personnel (mariage, divorce, contrat, adoption, etc.). Élevée au rang de « liberté individuelle », sa transgression tombe ainsi sous le joug des institutions judiciaires. À partir d'un point de vue sociologique, nous appréhenderons par conséquent le « privé » à travers ses multiples usages, pour comprendre la façon dont la catégorie est susceptible d'ordonner la réalité au sein de multiples espaces sociaux.

Les sociologues et les historien.ne.s ne sont pas en reste quand il s'agit de mobiliser la notion de « privé », en tant qu'objet d'étude ou comme catégorie d'analyse du monde social. Dans son ouvrage Le monde privé des ouvriers (1990), Schwartz étudie « la vie privée » qu'il distingue de – et par là qu'il met en tension avec – « la famille » permettant ainsi de combler tout un pan de la sociologie des classes populaires. Ariès et Duby (1985), quant à eux, travaillent la notion de « sphère privée » en opposition avec la « sphère publique » mettant en avant ce qui passe de l'une à l'autre (le travail, l'éducation, le mariage, etc.) selon les contextes sociaux et historiques. Élias avait analysé, dans le « processus de civilisation », « la formation progressive de (ces) deux sphères différentes de la vie humaine, dont l'une est intime et secrète, l'autre ouverte » (Élias, 1939, p. 417). Pour autant, on ne peut pas dire que « le privé » ait fait l'objet d'une conceptualisation forte en sociologie. C'est une « idée », une « notion », un « modèle » qui « est essentiellement polysémique, et à ce titre difficile à manier, car les changements de sens qu'il autorise peuvent très bien faire qu'une conduite classée comme publique sur un plan fonctionne " privément " sur un autre » (Schwartz, 1990, p. 30). Si par le choix du titre de ce colloque, nous n'avons pas souhaité spécifier de quel « privé » nous parlions, c'est dans l'idée de tirer parti de la polysémie du mot pour étendre la réflexion à des appropriations diverses en sciences humaines et sociales et ne pas la cantonner à une sociologie spécialisée, qu'elle soit de la famille, du travail ou d'une classe sociale. Aussi, plutôt que de définir a priori ce qui relève ou non du public/privé, nous préférons, à la manière de Schwartz, « inscrire le déplacement dans l'objet lui-même » (1990, p. 19). C'est pourquoi, nous avons formulé nos questionnements en termes de « frontières » du « privé » afin d'y inclure ces déplacements.

Les réflexions d'Abbott concernant « les choses des frontières » suggéreraient pour s'intéresser au « privé » de se pencher d'abord sur ses « frontières » afin de saisir celui-ci comme un processus ou, pour le dire autrement, comme une réalité sociale en recomposition permanente. Si les frontières sont pensées comme premières par rapport aux entités qu'elles délimitent (Abbott, 2016), et parce qu'elles sont mouvantes, c'est un mode de raisonnement historique qu'elles impliquent. Cependant celles-ci ne se déplacent pas toutes seules, mais sont déplacéessous l'action des groupes ou des agents sociaux engagés dans des luttes pour leur (re)définition ; elles sont le produit de rapports de force et invitent à penser la société comme un espace conflictuel. Enfin, prendre l'option des frontières ancre les analyses du « privé » dans une perspective relationnelle. Des pratiques, des espaces ou encore des temps associés au « privé » le sont toujours au regard d'autres qui ne peuvent se prévaloir du qualificatif ; les frontières fonctionnent ici comme « sites de différence » (Ibid., p. 125), un principe de division du monde social dont on cherchera à comprendre les logiques.

Partant de ces analyses, et en regard de nos travaux de recherche respectifs qui, de près ou de loin, se retrouvent confrontés aux enjeux de la différentiation entre espace public et espace privé, nous avons souhaité établir trois axes de réflexion. Les contributions s'inscriront dans l'un des trois axes construits pour structurer la réflexion : le « privé » comme catégorie socio-historique, politique et juridique en construction (A), le « privé » comme enjeu dans les rapports entre les individus et les institutions (B), enfin le « privé » comme question méthodologique, venant travailler les pratiques de recherche (C). Une fois soulignées les multiples précautions que l’usage du terme « privé » amène à prendre, objet de notre réflexion, nous adopterons désormais dans le texte, pour plus de fluidité, une forme sans guillemets.

Axe A : La construction socio-historique, politique et juridique de la catégorie du « privé »

La partition privé/public renvoie à des principes de différenciation sociale qui s'enracinent dans des configurations historiques et sociales particulières. Loin d'être figée, cette partition n'a de cesse de se transformer au gré des contextes largement influencés par les champs politique et économique. Il s'agira en premier lieu d'apporter des éclairages sur les déclinaisons socio-historiques des frontières du privé, sur leurs dimensions politiques et toujours contextualisées. Dans quelles configurations ces frontières ont-elles émergé et de quelles transformations sont-elles solidaires ? Comment se sont-elles institutionnalisées progressivement et de quelles appropriations politiques ont-elles fait l’objet ? Enfin, comment ces frontières se recomposent en permanence et comment se rejoue l’opposition qu’elles créent au sein d'environnements locaux et socialement situés ?

Concomitante des sociétés modernes, la sociologie classique s’est emparée très tôt d’une réflexion sur les frontières du privé et du public, en traitant des relations entre l’individuel et le collectif. Le passage d’une solidarité mécanique à une solidarité organique (Durkheim, 1893) ou encore le « processus de civilisation » (Elias, 1939) sont autant d'éclairages possibles du rapport existant entre le domestique et le politique. Retraçant l'histoire de la « vie privée », les travaux dirigés par Ariès et Duby (1985) montrent en effet que celle-ci se concrétise au XIXème siècle avec la montée en puissance de la bourgeoisie. Ainsi, avec la propension au cloisonnement des espaces propices à la retraite individuelle et à la séparation des activités – en lien avec l’avènement du travail salarié (Castel, 1999 ; Lesnard, 2009) –, l’accès à la vie privée et à l’intimité va se diffuser progressivement à toute une société. Les familles « privatisées » pourront dès lors se spécialiser dans l’affectivité et les activités de loisirs (Ariès et Duby, 1985). Les communications permettront d'actualiser les connaissances sur ces mutations : quelles sont les différentes analyses que l'on peut en faire ? Comment ces frontières émergentes se sont-elles déclinées selon les milieux sociaux ?

Les frontières entre les sphères privées et publiques – plus ténues et plus mouvantes qu’elles n’y paraissent – sont déterminées par des dimensions politiques. On peut alors explorer comment « la chose » privée a également été constituée comme « affaire publique » au cours de l'histoire (Bourdieu, 1993a) et procède de constructions politiques. L'examen de l'apparition et du développement de catégories juridiques qui renvoient à cette dimension (la notion de « vie privée », le délit d'atteinte à l'« intimité de la vie privée », le droit de la « personnalité », etc.) pourrait renseigner sur l'institutionnalisation progressive de ce principe de différenciation et de sa reconnaissance en droit. Mais il serait également pertinent d'observer les formes de luttes pour la reconnaissance du caractère « politique » et pour une part « public » des affaires privées (Bereni et Revillard, 2008). On pense notamment aux mouvements de défense des droits des enfants ou aux recherches et mobilisations féministes qui ont pu lutter pour l'atténuation de ces frontières ou leur remise en cause, arguant du fait que « le personnel est politique ». En effet, la sphère domestique a été le lieu premier et privilégié de l’assignation des femmes : en particulier, l’accès à la vie savante et politique leur a été interdit pendant longtemps (Mosconi, 1994). Il s’agira dès lors de s’interroger sur le domaine du privé en tant que siège des formes de domination et de violence les plus courantes à l'encontre des individus les plus dominés (Jaspard, 2011).

Mais la question des frontières du privé gagne à être posée dans des contextes sociaux particuliers. Les frontières d’un entre soi populaire ont ainsi longtemps constitué une protection contre la domination à partir d’une coupure eux/nous fermement établie (Hoggart, 1970 ; Schwartz, 1990) et n'ont pas seulement concerné l'espace domestique. Par exemple, des formes de privatisation s’élaborent dans l’espace de travail à travers la recréation d’îlots de sociabilité (Ariès et Duby, 1985) ou, plus radicalement, par l’invention de formes de résistance à l’oppression (Durand, 2000). Dans la deuxième partie du XIXème siècle, le mouvement d’ « informalisation » (Elias, 2010) et, en particulier, la diffusion de nouveaux artéfacts technologiques tendent à brouiller ces frontières historiquement constituées (Enserink et Chin, 2015). Ces grands traits dessinent des tendances qu’il faut encore nuancer en examinant comment varient par exemple les usages sociaux de ces technologies, selon les positions et ressources des individus et selon les configurations sociales dans lesquelles ils sont pris.

Il a donc fallu que le privé se constitue historiquement et se déploie dans des formes variées pour qu’il devienne une catégorie sociale sans cesse retravaillée et produisant des effets. Les contributions s’inscrivant dans cet axe apporteront donc des éléments d’éclairage sur les dimensions historiques, politiques, juridiques et locales qui façonnent le privé et ses frontières.

AXE B : le « privé » comme enjeu des rapports individus/institutions

Les manières de vivre des individus à l'intérieur de leur foyer n'ont pas toujours été dans le périmètre d'intervention de l’État. D’abord initié par des philanthropes ou des hygiénistes au milieu du XIXème siècle, le combat contre les « périls » sociétaux comme l’alcoolisme ou les maladies vénériennes (Lalouette, 1978, p. 324) s’est poursuivi par les institutions publiques au début du XXème siècle. L’espace privé populaire devient alors un outil éducatif aux « bonnes conduites » et des dispositifs architecturaux tendent à imposer un modèle de vie bourgeois (Eleb, 1994), dont un des objectifs est le contrôle des « classes dangereuses » (Chevalier, 1958). Cette prise en charge politique par l'État de ce qui jusqu'alors était considéré comme étant strictement privé témoigne du processus qui vise à constituer une affaire privée en un problème public. Cette intrusion de l’État dans le quotidien des ménages s'est renforcée progressivement au cours du XXème siècle, notamment pour ce qui concerne l’institution familiale qui perd une partie de ses fonctions au profit d’institutions publiques d’éducation (Ariès, 1999 [-1985], p. 71).

Il s'agira alors d'explorer les rapports de force au sein de plusieurs champs – administratif, politique, scientifique, économique, etc. – (Gilbert et Henry, 2009) qui ont rendu possible un élargissement des formes d'intervention publique (qu'elles relèvent de l'action sociale, judiciaire, médicale, scolaire ou autres) dans les affaires privées (Demailly, 2013), voire intimes. Les communications proposées pourront également venir éclairer les modalités actuelles de l'action de ces institutions sur les individus auprès de qui elles ont mandat pour agir afin de renouveler la connaissance des formes de contrôle social (Bodin, 2012).

Néanmoins, l'imposition de conduites normatives sur les individus qu'il s'agit de contrôler ne s'exerce jamais de manière fluide et limpide. En effet, ces derniers ne disposent pas tous des mêmes ressources sociales pour répondre à ces diverses injonctions institutionnelles. L'examen de ces ressources mobilisées pour mettre en forme le privé afin de répondre aux sollicitations d'agents extérieurs et des contextes de ces mobilisations, permettrait d'envisager d'une part les résistances que certains individus opposent aux institutions (Duvoux, 2009), et d'autre part les rapports ambivalents et socialement variés des individus aux institutions (Millet et Thin, 2012). De plus, si l’on peut considérer l’officiel comme une sorte de mise en scène, une théâtralité, et le privé comme un ensemble d’actes cachés produits en coulisse (Goffman, 1973), la description de la conduite des agents en public et en privé dans leurs interactions quotidiennes présente également un intérêt heuristique.

Mais la question de ce rapport n'est ni univoque ni unidirectionnelle. Le « particulier » (qu'il soit voisin.e, membre de la famille ou d'une communauté d'appartenance, usager d'une institution ou autre) peut être à l'initiative de la sollicitation d'une régulation publique de conflits ou de désordres privés - par la plainte ou la dénonciation, par exemple (Farge et Foucault, 1982). Dans ce cas, il s’agit de s’intéresser aux conditions, aux contextes et aux effets de telles requêtes et aux filtres sociaux que constitue le traitement administratif de ces demandes aboutissant ou non à une réponse favorable de la part de l'institution (Fillion, 2009).

Enfin, la compréhension fine et contextualisée de ces rapports de force à partir de travaux empiriques, permettra d'appréhender de manière un peu moins homogène, d'un côté, le travail des institutions publiques (qui reposent toujours sur des activités humaines susceptibles de révéler des variations internes dans l'exercice du mandat institutionnel) et, de l'autre, les configurations privées, qu'elles mettent en jeu la famille comme institution ou les différentes communautés locales traversées de rapports sociaux (de classe, de sexe ou de race). En adoptant ce point de vue relationnel, les contributions pourront aborder les imbrications et les tensions qui existent entre différentes dimensions – qu’elles soient institutionnelles, sociales, culturelles ou spatiales (Ben Ayed et Poupeau, 2009) – dans l’optique d’une analyse plus complexe de la « circulation » entre le privé et le public dans différents espaces sociaux (Fraisse, 1997). Dans cette logique, il serait aussi intéressant de s’interroger sur la construction des frontières entre le privé et le public tout en précisant le travail de marquage symbolique qui fixe les limites entre ces deux domaines et en détermine les droits d’entrée ou les règles de transgression (Bourdieu, 2011, p. 84).

AXE C : saisir et se saisir du « privé », une question méthodologique

S’il est vrai que « l’objectif d’une enquête est d’abord de produire du savoir » (Naepels, 1998, p. 187), le processus qui y conduit n’est pas d’emblée évident et peut être, pour lui-même, producteur de connaissance. Faire de l’ethnographie, c’est souvent s’immiscer, directement ou indirectement, physiquement et symboliquement, dans la vie privée des personnes enquêtées : s’introduire dans un espace privé et parfois y partager des moments de vie (Lareau, 2003) ; toucher du doigt les frontières brouillées entre privé et public, par exemple lorsque le lieu de travail est un espace privé (Cartier, d’Halluin, Lechien et Rousseau, 2012) ; accéder à une part de l’intimité des enquêté.e.s par l’entretien (Naepels, 1998), ou d’autres approches encore. Comment, dès lors, penser et construire l’art et la manière d’accéder efficacement au terrain et aux enquêté.e.s lorsque l’enjeu est d’en saisir les dimensions privées qu’elles soient subjectivement vécues ou objectivées comme telles ? On pourra, parmi d’autres, interroger les pratiques participantes (Avril, 2014) ou, plus radicalement, les postures indigènes (Renahy, 2010) : comme autant d’accès facilités et facilitants au privé, elles exigent, en contrepartie, une mise en question continuelle du rapport que le ou la chercheur.e entretient avec son objet. En conséquence : comment appréhende-t-il ou elle les interférences de son propre domaine privé avec l’enquête ? Quelles précautions sont à prendre et quelles limites seraient à poser ?

Le rapport des enquêté.e.s à l’intrusion dans leur sphère privée est à géométrie socialement variable. Si « plus on avance vers un savoir privé, mettant en cause l’identité ou le statut de nos interlocuteurs, plus leur réticence est susceptible de croître et la tension de grandir » (Naepels, Ibid.), il s’agit donc pour l’enquêteur.trice de construire une relation d’enquête suffisamment robuste et pérenne pour garantir la qualité du recueil des données. La position de surplomb, visant l’objectivation de l’autre, situe d’emblée la relation d’enquête comme relation sociale dissymétrique. Pour autant, elle est contrebalancée par le pouvoir qu’ont les enquêté.e.s de livrer ou non leur savoir privé à un « chercheur quémandeur » (Barley, 1994). Lorsque l’enquêteur.trice occupe une position sociale objective supérieure à l’enquêté, cette dissymétrie prend « une forme quelconque de violence symbolique » (Bourdieu, 1993b), sur laquelle il ou elle doit travailler réflexivement. Mais ce travail réflexif peut aussi s’avérer nécessaire, pour, à l’inverse, « s’imposer aux imposants » (Chamboredon, Pavis, Surdez et Willemez, 1994). Enfin, certain.e.s enquêté.e.s peuvent trouver un bénéfice symbolique à livrer du savoir privé, opportunité dont l’enquêteur.trice peut tirer avantageusement parti (Bizeul, 1999). Ainsi, divers enjeux de pouvoirs se jouent dans la relation d’enquête autour de la saisie des savoirs privés des enquêté.e.s. Comment se déclinent ces enjeux et leurs variations selon les terrains, les objets, les caractéristiques des enquêté.e.s et celles de l’enquêtrice ou de l’enquêteur ? Que révèle la livraison d’un savoir privé de l’espace de pouvoir créé par une investigation de terrain ?

Enfin, l’intrusion dans la sphère privée de l’autre interroge l’éthique de la démarche d’enquête et de sa publicisation. La collecte d’éléments obtenus par entretiens ou observations directes, l’utilisation de données personnelles produites par les institutions (CAF, dossiers scolaires, etc.) dont l’autorisation n’est souvent que celle de l’institution, questionnent sur le lieu et la manière de les rendre publiques et suscitent une série d’interrogations. Comment produire un savoir ouvert à tous à partir de données confidentielles, et quelle forme lui donner ? Comment exposer des informations privées, traitées et analysées dans la perspective de l’objectivation scientifique, lorsqu’elles sont susceptibles d’être portées à la connaissance des enquêté.e.s, des proches de l’enquête ou encore à celle des autorités ayant autorisé l’enquête ?

Bibliographie

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Comité d'organisation (doctorants du GRESCO)

  • Charlène Arguence (Université de Limoges, GRESCO)
  • Modibo Bah (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Aziza Chihi (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Ibrahima Diallo (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Sachiko Fujimaki (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Stéphanie Kellner (Université de Rouen, DYSOLA)
  • Arnaud Mège (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Clémence Michoux (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Fabienne Montmasson-Michel (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Charlotte Moquet (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Nina Moubeyi-Koumba (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Papa Omar Ndiaye (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Guillaume Teillet (Université de Poitiers, GRESCO)
  • Chantal Vallet (gestionnaire, Université de Poitiers, GRESCO)

Comité scientifique

  • Christelle Avril, MCF, EHESS, IRIS
  • Céline Bessière, MCF, Université de Paris Dauphine, IRISSO
  • Nicolas Duvoux, PU, Université Paris 8, CRESPPA-LABTOP
  • Pierre Gilbert, MCF, Université Paris 8, CRESPPA-CSU
  • Marie-Hélène Lechien, MCF, Université de Limoges, GRESCO
  • Gilles Moreau, PU, Université de Poitiers, GRESCO
  • Frédéric Neyrat, PU, Université de Rouen, DYSOLA
  • Christian Papinot, PU, Université de Poitiers, GRESCO
  • Gwenola Ricordeau, MCF, Université de Lille, CLERSÉ
  • Delphine Serre, PU, Université de Paris Descartes, CERLIS
  • Martin Thibault, MCF, Université de Limoges, GRESCO

Informations aux auteur.e.s

Si la perspective tracée est délibérément sociologique par son cadre de référence et la méthode empirique sur laquelle elle s'appuie, les propositions de communication pourront émaner de chercheurs inscrivant leur travail dans les différentes disciplines de sciences humaines : sociologie, histoire, anthropologie, géographie, sciences politiques, droit, psychologie sociale, etc. Les critères de sélection seront principalement l'adéquation aux réflexions suggérées et le fondement empirique des résultats proposés.

Une publication issue d’une sélection de communications est envisagée.

Calendrier

10 février 2017 : date limite pour l'envoi des propositions de communications.

À partir du 24 mars 2017 : envoi des réponses après évaluation par les membres du comité scientifique.

Format des propositions de communications (en .doc ou .odt)

Langue : français

  • Auteur(s)
  • Statut(s)
  • Discipline(s)
  • Établissement(s) et laboratoire(s) de rattachement
  • Adresse(s) électronique(s)
  • Numéro de téléphone
  • Titre de la communication
  • Proposition d’axe de rattachement
  • Mots clés : maximum 5
  • Résumé entre 4000 et 6000 signes espaces compris, bibliographie non comprise. Il précisera : le cadre théorique ; le problème traité ; la méthodologie et le matériau sur lesquels s’appuie la communication ; les analyses développées.
  • Bibliographie

Adresse pour toute correspondance et envoi des propositions de communication ou demande de renseignements. colloque.frontieresduprive@laposte.net

Dates et lieu du colloque

22 et 23 juin 2016, à Poitiers.

Categorias

Locais

  • MSHS Poitiers, Campus de Poitiers, bâtiment A5 - 5 rue Théodore Lefebvre
    Poitiers, França (86073)

Datas

  • sexta, 10 de fevereiro de 2017

Ficheiros anexos

Palavras-chave

  • privé, institution, individu

Contactos

  • Comité d'organisation du colloque « Les frontières du “privé” »
    courriel : colloque [dot] frontieresduprive [at] laposte [dot] net

Fonte da informação

  • Clémence Michoux
    courriel : colloque [dot] frontieresduprive [at] laposte [dot] net

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« Les frontières du « privé » », Chamada de trabalhos, Calenda, Publicado quinta, 01 de dezembro de 2016, https://doi.org/10.58079/wdg

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