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Les communs aux confins de la matérialité

The common good and materiality

Investiguer les dimensions matérielles et immatérielles des communs

Investigating the material and immaterial dimensions of the common good

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Publié le mardi 14 février 2017

Résumé

L’ambiguïté et la polysémie de la notion de « bien commun » (et, plus généralement, de « commun ») la conduisent à faire l’objet d’approches aux objectifs scientifiques et/ou politiques qui peuvent être différents, voire opposés. Pourtant, elle donne lieu à un nombre croissant de publications depuis le début des années 2000, surtout depuis l’attribution du « Nobel d’économie » à Elinor Ostrom en 2009. L’objectif de ce dossier thématique de la revue Développement durable et territoires est de recueillir des textes qui permettent de traiter spécifiquement des liens croisés entre les dimensions matérielles et immatérielles des communs, y compris de manière critique, à travers des domaines variés.

Annonce

Cadrage du dossier

L’ambiguïté et la polysémie de la notion de «bien commun» (et, plus généralement, de «commun») la conduisent à faire l’objet d’approches aux objectifs scientifiques et/ou politiques qui peuvent être différents, voire opposés (Nahrath, 2015). Pourtant, elle donne lieu à un nombre croissant de publications depuis le début des années 2000, surtout depuis l’attribution du « Nobel d’économie » à Elinor Ostrom en 2009 (Fofack et Morère, 2016). La littérature académique se trouve le plus souvent partitionnée entre, d’une part, les approches des communs comme objets matériels (systèmes d’irrigation, forêts, ressources halieutiques, coopératives, etc.) et, d’autre part, les communs immatériels, souvent dénommés communs informationnels (brevets, savoirs et connaissances, indications géographiques, open source, etc.). Aussi, ce dossier thématique de la revue Développement durable et territoires propose-t-il de creuser le lien entre les dimensions matérielles et immatérielles des communs. Autrement dit, d’affiner la compréhension de la dimension immatérielle des communs matériels et/ou de la dimension matérielle des communs immatériels. D’une manière générale, en montrant comment s’articulent l’idéel et le matériel, ce dossier vise notamment à comprendre comment les réalités matérielles agissent sur l’organisation et les dynamiques sociales (Godelier, 2010), et inversement.
En effet, l’étude des communs ne peut se réduire à la nature de «biens», fonction de caractéristiques intrinsèques, ni à un « régime de propriété » spécifique régulant leurs usages et favorisant un mode de gouvernance spécifique, ni même à des situations particulières dont la compréhension se limiterait à des théories et des analyses locales. La portée générale des communs participe de la complexité de la vie sociale en prise avec la grande variété des formes d’action collective. Ces différentes formes d’action collective relèvent, la plupart du temps, de dimensions privées, publiques et communes qui s’imbriquent, si bien qu’il est particulièrement difficile de délimiter avec précision les contours des communs (Cole et Ostrom 2012).
Pris comme systèmes (ou architectures) de ressources [common pool resources], les communs produisent des flux de ressources, supports d’activités humaines, qui débordent bien souvent à la fois l’enjeu premier d’un commun particulier, mais également le groupe de bénéficiaires directs. À travers l’exemple du jeu de l’irrigation, Aoki (2006) montre en quoi la fourniture d’eau n’est pas le seul enjeu de l’action collective autour d’un réseau d’irrigation. L'incitation à collaborer au fonctionnement d’un réseau d'irrigation est grandement liée à la crédibilité de la menace d’ostracisme social (exclusion de la communauté́ villageoise pour les autres décisions). L’appartenance au groupe, sa pérennité et son évolution, les enjeux liés aux savoirs (partagés ou non) sur les ressources et les moyens techniques et sociaux par lesquels les exploiter et les répartir (Aubriot et Riaux 2013) ou encore le rôle du capital social (en lien avec la confiance mutuelle) (Ballet 2007), sont autant de dimensions immatérielles liées à un commun, à première vue, matériel. Ces éléments exercent une influence prépondérante sur les modalités d’action collective (par exemple lorsqu’ils visent à réduire les comportements opportunistes) et peuvent constituer à leur tour des ressources mobilisables par les acteurs. 
D’une manière symétrique, Allaire (2013) détaille comment les communs immatériels, ou « communs de l’environnement culturel » selon l’expression de Frischmann (2013), sont un support pour des activités matérielles, notamment les activités productives. Comme le montre la littérature sur les labels, les indications géographiques ou encore les données [big data] par exemple, les dimensions matérielles et immatérielles des communs sont liées et questionnent les catégories de collectif, de territoire, de patrimoine ou encore de sécurité (Linck, 2012 ; Calvo-Mendieta et al., 2014). 
Les questionnements en termes de propriété et de possession inhérents à la problématique des communs relèvent également de l’articulation des dimensions matérielles et immatérielles. Ainsi, la formation d’un commun repose sur la « construction d’un système institutionnel » comme « ensemble cohérent de règles et de normes régissant les relations entre les individus impliqués dans l’usage et/ou la production d’un certain bien, et définissant les droits et obligations de ces membres, ce que l’on peut voir comme un véritable système politique spécifique » (Weinstein, 2015 : 73). Apparaît alors la dimension éminemment politique de la propriété (Douai, 2014) et plus spécifiquement des communs. À ce titre, pour certains auteurs (Parance et De Saint Victor, 2014), le passage d’un contexte historique «d’abondance et de progrès» à des «économies de pénurie», rendrait nécessaire l’élaboration d’autres modes plus inclusifs qu’exclusifs d’appropriation. 
Enfin, la catégorie de (bien ou monde) commun fait intervenir des réflexions en termes de justice et d’équité, et permet de renouveler les débats quant à la valeur intrinsèque d’objets tels que la biodiversité par exemple (Larrère et Larrère, 2015). Ces différents exemples, loin d’être exhaustifs, constituent autant de pistes permettant de questionner les liens entre les dimensions matérielles et immatérielles des communs. 
L’objectif de ce dossier thématique de la revue Développement durable et territoires est de recueillir des textes qui permettent de traiter spécifiquement des liens croisés entre les dimensions matérielles et immatérielles des communs, y compris de manière critique, à travers des domaines variés. Les contributions doivent notamment permettre de questionner: 

  1. Les implications de l’articulation des dimensions matérielles et immatérielles des communs sur les modalités d’action collective, les dynamiques sociales en matière de régulation et la territorialisation de la gouvernance des communs ;
  2. Les défis théoriques et analytiques posés par l’articulation des dimensions matérielles et immatérielles des communs, et plus généralement par l’articulation des dimensions relevant de la technique et celles relevant du social, pour la compréhension des communs ;
  3. Les dimensions matérielles et immatérielles des communs face aux exigences de soutenabilité (environnementale, sociale, économique, territoriale, etc.) du développement au Nord et/ou au Sud. Loin d’être cantonnés à des pratiques séculaires (notamment pour la régulation des ressources naturelles), les communs participent d’innovations sociales qui pourront être mises en avant.

Ce dossier ne privilégie pas d’approches disciplinaires. Sont bienvenues les contributions présentant des travaux en économie, en gestion, en sciences politiques, en géographie-aménagement, en sociologie, en droit, en anthropologie, en philosophie et éthique environnementales, ou dans toute autre discipline des sciences humaines et sociales, voire des sciences de la nature et du vivant (agronomie ou écologie par exemple). De plus, les approches interdisciplinaires sont encouragées.
Les contributions pourront s’appuyer sur une composante empirique à travers des études de cas (tant dans les pays du Nord et/ou du Sud), mais veilleront à dégager des enseignements pour une remontée en généricité. Elles devront donc reposer sur des approches et des outils analytiques et théoriques qui permettent de mieux saisir les liens entre les dimensions matérielles et immatérielles des communs, qu’il s’agisse des approches institutionnalistes, de l’économie écologique, de la sociologie de l’action organisée, de la political ecology, etc.

Procédure de soumission des contributions

Séquence

  • Les articles proposés devront être des documents originaux. Ils peuvent néanmoins avoir fait l’objet de communications lors d’un colloque ou de documents de travail, à condition d’être réadaptés au format de la revue Développement durable et territoires.
  • Les propositions d’articles (4 500 signes espaces compris, hors bibliographie) seront soumises à un avis de pertinence pour juger de leur adéquation avec le cadrage du dossier. Ces propositions devront donc être suffisamment précises (titre de l’article, question de recherche, outils théoriques, terrain étudié, principaux résultats). Elles devront inclure les noms et prénoms des auteurs, leur statut et leur rattachement institutionnel, ainsi que le courriel de l’auteur correspondant.
  • Les auteurs avisés positivement seront invités à soumettre un article complet (entre 30 000 et 55 000 signes espaces compris, bibliographie et première page incluses).
  • Chaque article, sous couvert d’anonymat, sera soumis à deux relecteurs anonymes. Cette double relecture pourra donner lieu à des demandes de corrections (mineures ou majeures), à une ré-écriture éventuelle, voire à un refus de l’article.
  • Si des modifications demandées ne sont pas effectuées et ce sans justification, ou si les auteurs ne respectent pas les normes éditoriales de la revue, le comité de coordination et le comité de direction de la revue se réservent le droit de ne pas publier le texte concerné.

Calendrier prévisionnel

  • Publication de l’appel à article : 1er février 2017
  • Date limite de réception des résumés étendus : 30 avril 2017

  • Avis du comité de coordination du dossier : 1er juin 2017
  • Date limite réception des articles : 1er novembre 2017
  • Publication prévue en 2018.

Consignes de rédaction

  • Format des résumés : 4 500 signes espaces compris max., hors bibliographie.
  • Format des articles : entre 30 000 et 55 000 signes espaces compris, bibliographie, notes et première page incluses ; voir les recommandations aux auteurs sur le site de la revue DD&T http://developpementdurable.revues.org/1269

Adresse pour l’envoi des résumés et des contributions 

communs.ddt@gmail.com 

Coordination du dossier

  • Arnaud Buchs (UMR LISST-Dynamiques rurales, Université Toulouse Jean Jaurès),
  • Catherine Baron (LEREPS, Sciences Po Toulouse),
  • Géraldine Froger (LEREPS, Université Toulouse Jean Jaurès),
  • Adrien Peneranda (LEREPS, Sciences Po Toulouse) 

Références

  • Allaire G. 2013. Les communs comme infrastructure institutionnelle de l’économie marchande. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, 14 <https://regulation.revues.org/10546>.
  • Aoki M. 2006. Fondements d’une analyse institutionnelle comparée. Albin Michel, Paris.
  • Aubriot O. et Riaux J. (dir.). 2013. Savoirs sur l'eau : techniques, pouvoirs. Autrepart, 65.
  • Ballet J. 2007. La gestion en commun des ressources naturelles : une perspective critique. Développement durable et territoires, varia (2004-2010) < https://developpementdurable.revues.org/3961>.
  • Calvo-Mendieta I., Petit O. et Vivien F-D. 2014. Patrimoine, bien commun et capital naturel : débat conceptuel et mise en perspective dans le domaine de la gestion de l’eau. Économie Appliquée, LXVII(4) : 101-124.
  • Cole D.H. et Ostrom E. (dir.). 2012. Property in Land and Other Resources. Lincoln Institute of Land Policy, Cambridge.
  • Douai A. 2014. De la dimension politique de la propriété́ et des institutions : apports et limites de l'approche d'E. Ostrom. Revue internationale de droit économique, XXVIII(3) : 301-317.
  • Fofack R. et Morère L. 2016. Les SHS à l’assaut des « communs ». Développement durable et territoires, 7(3) <http://developpementdurable.revues.org/11508>.
  • Frischmann B.M. 2012. Infrastructure. The Social Value of Shared Resources. Oxford University Press, Oxford.
  • Godelier M. 2010. L’idéel et le matériel. Pensée, économies, sociétés. Flammarion, Paris.
  • Larrère C. et Larrère R., 2015. Du bien commun au monde commun : la biodiversité. In Larrère C. et Larrère R., Penser et agir avec la nature. Une enquête philosophique. La découverte, Paris : 263-278.
  • Linck T. 2012. Economie et patrimonialisation. Les appropriations de l’immatériel. Développement durable et territoires, 3(3) < https://developpementdurable.revues.org/9506>.
  • Nahrath S. 2015. Bien commun. In Bourg D. et Papaux A. (dir.), Dictionnaire de la pensée écologique. PUF, Paris.
  • Parance B. et De Saint Victor J. (dir.), 2014. Repenser les biens communs. CNRS éditions, Paris.
  • Weinstein O. 2015. Comment se construisent les communs. In Coriat B. (dir.), Le retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire. Les liens qui libèrent, Paris : 69-86.

Dates

  • samedi 01 avril 2017

Mots-clés

  • commun, common pool resources, matériel, immatériel, connaissance, propriété, possession, gouvernance, pouvoir

Contacts

  • Arnaud Buchs
    courriel : communs [dot] ddt [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Arnaud Buchs
    courriel : communs [dot] ddt [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les communs aux confins de la matérialité », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 14 février 2017, https://doi.org/10.58079/wwu

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